+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Saint Grégoire le Grand et le titre d’ « Evêque universel »

Dossier sur la Papauté : ici

L’un des arguments favoris des ennemis de la Papauté est que Saint Grégoire le Grand (vers 540-604) dans plusieurs lettres, a refusé les titres de « pape universel » et d’ « évêque universel ». Nous allons voir ici ce qu’il en est.

Voici le plan de notre étude :

I) La vraie signification d’une telle posture

A) Saint Grégoire entend par là ne pas nier leur épiscopat aux autres Evêques

B) Le sens qu’a le terme « universel » dans ce contexte

1) Saint Grégoire affirme que saint Pierre avait un pouvoir souverain sur tous les autres apôtres…

2) …et lui refuse le titre « d’apôtre universel » !

II) L’Autorité suprême du Siège de Pierre dans l’esprit de saint Grégoire

A) Saint Grégoire se dit successeur de Pierre

B) Saint Grégoire affirme l’Autorité du Siège de Pierre

C) Saint Grégoire ne dit-il pas que saint Pierre a trois successeurs sur les sièges de Rome, Antioche et Alexandrie ?

1) Un pouvoir de droit ecclésiastique délégué par saint Pierre

2) Un argument anti-romain démenti par l’histoire

3) Un argument d’autorité pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

D) Saint Grégoire le Grand est à l’origine du titre qui ne convient qu’à ce lui qui a autorité sur toute l’Eglise : « Serviteur des serviteurs de Dieu« 

III) Saint Grégoire agissait avec la même autorité qu’un Pape moderne

IV) L’histoire du titre « d’Archevêque universel » prouve tout ce qui vient d’être dit

A) Un titre offert au Pape par le concile de Chalcédoine (451)

1) Le fait nous est connu par saint Grégoire le Grand et lui-seul

2) Une preuve que ce concile était papiste

a) Si le titre est « offert » par le concile pour « honorer » l’Evêque de Rome, n’est-ce pas une preuve que la Papauté catholique n’existait pas ?

b) Dossier sur la reconnaissance de la Papauté par ce concile

C) L’état de la question à l’époque de saint Grégoire le Grand

D) Tous les Papes depuis le concile de Chalcédoine ont refusé ce titre et tous ont agit comme des Papes catholiques : saint Grégoire le Grand les approuve

I) La vraie signification d’une telle posture

A) Saint Grégoire entend par là ne pas nier leur épiscopat aux autres Evêques

Il s’agit en réalité d’une décision prise par humilité pour ne pas détrôner ses confrères évêques de leurs fonctions. Le sujet est traité en profondeur dans cet article et dans celui-ci de la revue Echos d’Orient. On trouvera encore les réponses adéquates dans les œuvres spécialement consacrées à l’histoire de la Papauté, disponibles à la lecture en ligne ici et ici. On y trouvera aussi l’explication de l’acceptation de ce titre par son successeur Boniface III.

Dans le contexte, ces paroles ne furent que des manifestations d’humilité. Elles avaient aussi pour but de ne pas insinuer dans les esprits que son autorité suprême avait pour effet de déposséder les autres évêques de leur qualité d’évêques. Cela ne paraît absolument pas évident à la seule lecture des passages invoqué par les adversaires de la Papauté, mais comme saint Grégoire nous livre lui-même le fond de sa pensée, il n’y a rien à contester. Voici ses mots :

« Les Pères du concile de Chalcédoine, en l’honneur de saint Pierre premier apôtre, offrirent titre aux Pontifes romains ; mais aucun n’a jamais voulu remployer, afin de ne pas paraitre s’attribuer exclusivement un honneur qui appartient légitimement aux autres. » (Registre des Lettres, livre V, lettre 20 (alias livre 4, lettre 32) à Maurice Auguste)

« ce titre d’Universel a été offert par le saint concile de Chalcédoine à l’évêque du siège apostolique dont je suis le serviteur, par la grâce de Dieu. Mais aucun de mes prédécesseurs n’a voulu se servir de ce mot profane ; parce que, en effet, si un patriarche est appelé Universel, on ôte aux autres le titre de patriarche. Loin, bien loin de toute âme chrétienne la volonté d’usurper quoi que ce soit qui puisse, tant soit peu, diminuer l’honneur de ses frères ! » (Lettres, livre V, lettre 43 à Euloge, évêque d’Alexandrie, et à Anastase, évêque d’Antioche)

« Vous qui Vous proclamiez indigne nommé évêque Vous en êtes venu au point de mépriser vos frères et de chercher être seul appelé évêque. […]

N’était-ce pas, comme votre Fraternité le sait, que les prélats de ce Siège Apostolique, que je sers par la providence de Dieu, ont eu l’honneur d’être appelés universels par le vénérable concile de Chalcédoine. Mais aucun d’eux n’a jamais voulu être appelé par un tel titre, ni saisi ce nom mal avisé, de peur qu’en vertu du rang du pontificat, il n’eût pris pour lui la gloire de la singularité, il pouvait sembler l’avoir nié à tous ses frères. » (Lettre à Jean le Jeûneur, Registre des Lettres, livre V, lettre 18, PL, 77, 738 et 740)

Et écrivant à l’empereur au sujet du patriarche de Constantinople qui veut s’arroger le titre « d’Evêque universel », alors que personne ne lui a offert :

« Il est vrai qu’en l’honneur de Pierre, prince des apôtres, ce titre [d’Archevêque universel] fut offert par les Pères du concile de Chalcédoine au pontife romain. Mais aucun d’entre eux n’a jamais voulu employer ce titre, de peur que, par quelque chose qui lui est propre, les prêtres en général ne soient privés de l’honneur qui leur est dû. Comment se fait-il donc que nous ne recherchions pas la gloire de ce titre, même lorsqu’il nous est offert, et qu’un autre [Jean de Constantinople] se permette de le saisir pour lui-même alors qu’il n’est pas offert ? » (Lettre à l’empereur Maurice, Registre des Lettres, livre V, lettre 20 (alias livre 4, lettre 32), PL, 77/746)

On trouvera dans les documents auxquels nous renvoyons plus haut un exposé précis du contexte, ainsi que de l’humilité extrême de saint Grégoire en toute circonstance.

Cela correspond parfaitement à la foi catholique. Le concile Vatican I, qui définit dogmatiquement l’universalité de juridiction de l’Evêque de Rome, déclara lui-même, en citant saint Grégoire :

« Ce pouvoir du Souverain Pontife ne fait nullement obstacle au pouvoir de juridiction épiscopal ordinaire et immédiat, par lequel les évêques, établis par l’Esprit Saint [Ac 20, 28] successeurs des Ap6tres, paissent et gouvernent en vrais pasteurs chacun le troupeau à lui confié. Au contraire, ce pouvoir est affirmé, affermi et défendu par le pasteur suprême et universel comme le dit saint Grégoire le Grand : « Mon honneur est l’honneur de l’Église universelle. Mon honneur est la force solide de mes frères. Lorsqu’on rend à chacun l’honneur qui lui est dû, alors je suis honoré » [Lettre à Euloge d’Alexandrie, Registre des lettres, livre VIII, colonne 30 : PL 77, 983 C]. » (Concile Vatican I, Constitution dogmatique Pastor Aeternus, sur l’infaillibilité pontificale et la primauté du pape, Chapitre 3 – Pouvoir et nature de la primauté du Pontife romain)

On le voit : si saint Grégoire le Grand et ses prédécesseurs ont refusé ce titre non pas parce qu’ils ne se croyaient pas Papes au sens catholique du terme, mais de peur « de mépriser leurs frères et de chercher être seul appelé évêque », d’ôter « aux autres le titre de patriarche« , de « diminuer l’honneur de leurs frères« , de ne pas « paraitre s’attribuer exclusivement un honneur qui appartient légitimement aux autres« , « de peur qu’en vertu du rang du pontificat, il n’eût pris pour lui la gloire de la singularité, il pouvait sembler l’avoir nié à tous ses frères« , « de peur que, par quelque chose qui lui est propre, les prêtres en général ne soient privés de l’honneur qui leur est dû« , pour s’assurer qu’on « rende à chacun ‘honneur qui lui est dû« .

C’est un fait qui peut paraître étrange mais que nous ne pouvons que constater et non juger : saint Grégoire le Grand nous dit lui-même qu’il n’entend dans le titre « d’Evêque universel », et donc dans sa négation, rien d’autre que le fait qu’il n’y ait qu’un seul Evêque pour tout l’univers, ne laissant l’épiscopat à aucun autre pour les Eglises locales. Les propos de saint Grégoire le Grand ne signifient rien de plus, c’est ainsi.

Un autre élément de contexte est important : nous posons une question aux anti-romains : si à l’époque de saint Grégoire le Grand la Papauté avait été inexistante, pourquoi des Evêques orientaux auraient eu l’idée saugrenue de donner ce titre à l’Evêque de Rome !? Et surtout, si il était évident qu’il ne s’agissait-là que d’un titre honorifique, pourquoi saint Grégoire le Grand aurait-il eut aussi peur de ce titre dont il est évident qu’il n’avait aucune incidence, surtout après plusieurs siècles où, selon nos adversaires, il aurait été évident que la Papauté n’existait pas ?

B) Le sens qu’a le terme « universel » dans ce contexte

1) Saint Grégoire affirme que saint Pierre avait un pouvoir souverain sur tous les autres apôtres…

Sous la plume de saint Grégoire, la souveraineté de Pierre sur les autres apôtre transparait souvent :

« L’apôtre saint Pierre est le premier membre de la sainte Eglise universelle (c’est-à-dire qu’il en est le chef, dans la dépendance du Christ). Quant aux autres apôtres, saint Paul, saint André, saint Jean, que sont-ils sinon les chefs de différentes églises particulières ? » (Lettre à Jean le Jeûneur, Registre des Lettres, livre V, lettre 18, PL, 77, 740)

Etrangement, cette phrase est utilisée par les anti-romains pour contredire le Primat de saint Pierre ! En effet, il existe une variante de cette lettre, où saint Pierre n’est pas appelé « premier des apôtres », mais « premier membre de l’Eglise ». Il s’ensuivrait que, d’après quelqu’un qui m’a écrit en privé : « Ce texte ne prouve absolument rien, simplement le fait que Pierre est le premier apôtre, ou le premier membre de l’Eglise, et que pour autant, cela n’enlève en rien à l’autorité de Paul, d’André, de Jean qui ont autorité sur certains peuples, puisque tous sont membre sous un seul chef qui n’est pas Pierre, mais le Christ.»

La vérité est la suivante. Premièrement, qu’est-ce que cela change que saint Pierre soit le premier membre de l’Eglise ou des apôtres ? Le premier des apôtres n’est-il pas le premier membre de l’Eglise ? Et le premier membre de l’Eglise à l’époque des apôtres ne peut-il pas être que le premier des apôtres ?

Deuxièmement, même si on ne voit pas bien le lien de cause à effet que notre contradicteur croit voir entre son principe et la conséquence, nous allons quand même répondre à la deuxième partie de son argumentaire. En effet, lorsqu’il dit : « Ce texte ne prouve absolument rien, simplement le fait que Pierre est le premier apôtre, ou le premier membre de l’Eglise, et que pour autant, cela n’enlève en rien à l’autorité de Paul, d’André, de Jean qui ont autorité sur certains peuples, puisque tous sont membre sous un seul chef qui n’est pas Pierre, mais le Christ », il fait une lecture complétement fausse du passage et lui fait dire exactement le contraire de ce qu’il dit ! En effet, saint Grégoire commence par dire que saint Pierre est le premier des apôtres ou premier membre de l’Eglise. C’est une considération générale et universelle. Puis il souligne l’autorité d’autres apôtres sur seulement une partie de l’Eglise. Que peut signifier ce passage, sinon de mettre en évidence l’autorité universelle de Pierre, par contraste avec l’autorité locale des autres apôtres ? Bien plus, pourquoi pour faire liaison entre la primauté de Pierre et l’autorité locale des autres apôtres, saint Grégoire dirait-il « pour autant, cela n’enlève en rien à l’autorité [des autres] », sinon parce que l’affirmation de la primauté de Pierre pourrait le laisser penser, la raison en étant sa juridiction universelle ?

Que penser enfin de la dernière partie de l’argument qui dit que « tous sont membre sous un seul chef qui n’est pas Pierre, mais le Christ », puisque dans la même lettre, saint Grégoire dit de ces apôtres et de leur différentes autorités : « et cependant tous sont membres sous un seul chef » ? Il faut en penser tout simplement ce que saint Jérôme, exprimant la pensée de Pères de l’Eglise, et ainsi la foi catholique apostolique et romaine, dans une lettre flamboyante de papalisme (qu’on retrouvera dans notre article Saint Jérôme (347-420) sur « la Chaire de Pierre sur laquelle l’Eglise est bâtie ») :

« Comme l’orient, agité de ses anciennes furies, met en lambeaux la robe du Seigneur, robe sans couture et d’un seul tissu; que les renards dévastent la vigne du Christ , et que parmi tant de citernes entrouvertes qui ne sauraient garder l’eau, il est difficile de découvrir où est la fontaine scellée et le jardin fermé, j’ai cru devoir consulter la chaire de Pierre et cette foi louée par la bouche de l’Apôtre, et chercher la nourriture de mon âme, au lieu même où jadis je reçus les vêtements du Christ. La vaste étendue du liquide élément et ce long espace de terres ne m’ont pas empêché d’y aller chercher la perle précieuse. «Partant où sera le corps, là se rassembleront les aigles.» (Lc 17,37).

Pendant que des enfants pervers dissipent leur patrimoine, vous seuls conservez intact l’héritage de vos pères. Chez vous, le sol riche et fécond, rend au centuple la pure semence du Seigneur; chez nous le froment, étouffé dans les sillons, dégénère en ivraie et en chaume. Aujourd’hui dans l’Occident se lève le soleil de justice, tandis que dans l’Orient ce lucifer qui était tombé, a établi son trône au-dessus des astres. «Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre,» (Mt 5,13-14) vous êtes des vases d’or et d’argent; ici nous n’avons que des vases d’argile ou de bois qui attendent la verge de fer et les feux éternels.

Quoique votre grandeur m’effraie, votre humanité cependant me rassure. Victime, je demande au prêtre le salut; brebis, je réclame l’appui du pasteur. Loin donc l’envie calomnieuse; que la splendeur du siège romain disparaisse; je parle au successeur du pêcheur, et au disciple de la croix. Moi, qui ne veux suivre personne autre que le Christ, je communique avec votre béatitude, c’est-à-dire, avec la chaire de Pierre; je sais que l’Église est bâtie sur cette pierre. Quiconque mange l’agneau hors de cette maison est un profane. Quiconque ne se trouvera point dans cette arche de Noé périra lors du déluge.

Et comme, pour pleurer mes crimes, je me suis retiré dans cette solitude qui sépare la Syrie d’avec le pays des Barbares, et que je ne puis, vu mon grand éloignement, demander toujours de votre sainteté le saint du Seigneur, je communique ici avec les confesseurs égyptiens vos collègues, et je me cache, humble chaloupe, parmi ces vaisseaux de haut bord. Je ne connais pas Vitalis, je rejette Meletius, j’ignore ce que c’est que Paulin. Quiconque n’amasse pas avec vous dissipe, c’est-à-dire, celui qui n’appartient pas au Christ appartient à l’antichrist. » (Lettre 14, 15 ou 57, suivant les classifications, à Damase, n°1 et 2 ; PL, 22/355-356)

De plus, la lecture de tout ce qui suit dans cet article finira de convaincre les plus sceptiques que saint Grégoire croyait bel et bien en la souveraineté de saint Pierre sur les autres apôtres. A commencer par les quelques citations qui viennent immédiatement :

« Il est clair pour tous ceux qui connaissent l’Évangile qu’à la parole du Seigneur la charge de toute l’Église a été confiée à l’apôtre saint Pierre, prince de tous les apôtres ; c’est à celui-ci qu’il est dit : « Pierre, m’aimes-tu ? ; Pais mes brebis » [Jean XXI, 15-17]. C’est à lui qu’il est dit : « Voici que Satan a cherché à vous éprouver tous comme on passe le blé au crible, et moi j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas, et lorsque tu te seras converti, confirme tes frères » [Luc XXII, 28-32]. C’est à lui qu’il est dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » [Matthieu XVI, 18] ; « je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu auras lié sur terre sera lié dans les cieux, tout ce que tu auras délié sur terre sera délié dans les cieux » [Matthieu XVI, 19].

Voici qu’il a reçu les clefs du Royaume céleste, voici qu’on lui donne le pouvoir de lier et de délier, voici qu’on lui confie le soin de toute l’Église et le pouvoir suprême sur celle-ci, le Christ confie à saint Pierre la charge de toute l’Eglise et le pouvoir suprême sur celle-ci, et pourtant il ne l’appelle pas apôtre universel. » (Lettre à l’empereur Maurice, Registre des lettres, Livre V, Lettre 20 (alias Livre 4, Lettre 32), PL, 77/745 et 746)

« Qui ne sait, en effet, que la sainte Église est fermement établie sur le fondement solide du Prince des Apôtres, qui porte dans son nom même la fermeté de son âme, car c’est de sa comparaison avec la pierre qu’il reçut le nom de Pierre, quand la voie de la Vérité dit, « Je te confierai les clés du royaume des cieux« . Il lui dit encore « quand tu seras converti, affermis tes frère« . » (Lettre 40 à Euloge d’Alexandrie ou Registre des Lettres, livre VII, lettre 37)

Il va jusqu’à donner à cet apôtre le titre de souverain Patriarche (Commentaires sur les Proverbes, V). Il appelle aussi Pierre :

« le premier des Apôtres, le supérieur de Paul, le pasteur de tous, la porte de l’Eglise, le chef de la foi » (Registre des lettres, livre II, lettre 45 ; Morales sur Job, IX, 11 ; Homélies sur les Evangiles, II, 24 ; Morales, XXXVIII, Lettres, XIII, 37)

Et pourtant tout cela ne fait pas de saint Pierre « l’apôtre universel » dans l’esprit de saint Grégoire !

2) …et lui refuse le titre « d’apôtre universel » !

En gardant à l’esprit tout ce que saint Grégoire dit au sujet de saint Pierre et de sa souveraineté, lisons une phrase que nous avons déjà cité de la lettre à Maurice Auguste, avec un segment de phrase venant juste après :

« Le Christ confie à saint Pierre la charge de toute l’Eglise et le pouvoir suprême sur celle-ci, et pourtant il ne l’appelle pas apôtre universel. » (Registre des Lettres, livre V, lettre 20 (alias livre 4, lettre 32), adressée à Maurice Auguste, PL, 77/746).

C’est la preuve péremptoire et sans contredit que dans l’esprit de saint Grégoire, le titre d' »Universel » n’a pas la signification que voudraient lui donner nos adversaires, et qu’en conséquence le refus de ce titre n’a nullement pour effet la négation de la Papauté ! Si saint Pierre est le chef des apôtres sans être « l’apôtre universel », alors le Pape peut tout aussi bien être le chef des évêques sans être « l’évêque universel ». Au contraire on pourrait même dire que la conclusion papiste s’impose, sinon cette comparaison n’aurait pas de sens ! Surtout lorsqu’on sait ce qu’il dit des prérogatives de saint Pierre un peu plus loin dans la même lettre :

Et il se reconnaît successeur de saint Pierre. Raison pour laquelle sans doute, il donnait à l’Eglise Romaine les mêmes fonctions de « pasteur de tous » et « chef de la foi » qu’il donnait à saint Pierre comme nous venons de le voir (Registre des lettres, livre II, lettre 54).

II) Saint Grégoire se dit successeur de Pierre

A) Saint Grégoire se dit successeur de Pierre

En considérant que pour l’auteur, Pierre n’est pas « apôtre universel », tout en ayant ces prérogatives, alors rien ne s’oppose à ce que pour l’auteur l’Evêque de Rome ait tout pouvoir dans l’Eglise sans pour autant devoir être appelé « évêque universel » ! Aussi il se reconnaît formellement comme le successeur de Pierre, et donc comme son successeur dans toutes ses prérogatives :

« Mais nous, qui, bien qu’indigne, avons pris le gouvernement du Siège apostolique à la place de Pierre le prince des apôtres, sommes contraints par la fonction même de notre pontificat de résister à l’ennemi universel par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. » (Lettre à l’évêque Colombe, Registre des lettres, Livre II, lettre 48)

« Je vous conjure, dit-il à l’impératrice Constantine, par le Dieu tout-puissant, de ne pas permettre que votre règne soit déshonoré par l’arrogance d’un seul homme, et de ne pas me mépriser en cette cause. Il est vrai que les péchés de Grégoire le méritent, mais saint Pierre n’a point de péchés pour lui attirer un traitement pareil. » (Lettre à l’impératrice Constantine, Registre des Lettres, livre V, lettre 21)

« Mon fils le seigneur Venance, neveu du patrice Opilion, s’est adressé au bienheureux Pierre, nous demandant avec instance de le recommander à votre Charité. » (Registre des Lettres, livre III, lettre 53)

« Votre Très Douce Sainteté m’a bien souvent parlé dans ses lettres de la chaire de saint Pierre, le chef des apôtres, disant que c’est saint Pierre qui siège encore aujourd’hui dans ses successeurs, au nombre desquels je suis malgré mon indignité. » (Lettres, Livre 7, lettre 40, au patriarche Euloge d’Alexandrie, dans PL, 77/898/899)

B) Saint Grégoire affirme l’Autorité du Siège de Pierre

Dans une de ses lettres dans lesquelles il refusa ce titre, il eut ces mots magistraux :

« Votre Très Douce Sainteté m’a bien souvent parlé dans ses lettres de la chaire de saint Pierre, le chef des apôtres, disant que c’est saint Pierre qui siège encore aujourd’hui dans ses successeurs [ndlr : ce qui veut donc dire que son interlocuteur, patriarche en Orient avait déjà tenu ces propos avant lui, ce qui est plus que significatif], au nombre desquels je suis malgré mon indignité. […] Mais j’ai été particulièrement sensible à toutes ces réflexions, parce qu’elles venaient de vous, qui tout en me parlant de la chaire de saint Pierre, lui demeurez attaché. […] C’est pourquoi, bien que les apôtres se partagent leur titre, seul le siège du prince des apôtres, possédant le pouvoir suprême, l’emporte sur tous les autres en autorité, et celle-ci reste la même pour s’exercer en trois endroits différents. Car saint Pierre a ennobli le siège de Rome, parce qu’il a daigné s’y établir et y finir ses jours. C’est encore lui qui a rehaussé l’éclat du siège d’Alexandrie, en y envoyant son disciple, l’évangéliste. C’est enfin toujours saint Pierre qui a renforcé le prestige du siège d’Antioche, où il demeura quand même sept ans, avant de le quitter. » (Lettres, Livre 7, lettre 40, au patriarche Euloge d’Alexandrie, dans PL, 77/898/899)

C) Saint Grégoire ne dit-il pas que saint Pierre a trois successeurs sur les sièges de Rome, Antioche et Alexandrie ?

1) Un pouvoir de droit ecclésiastique délégué par saint Pierre

Les adversaires de la Papauté voient souvent dans le texte que nous venons de citer un argument contre la Papauté ! En effet, selon eux il s’agit d’une preuve que l’Evêque de Rome n’est pas, dans l’esprit de saint Grégoire l’unique successeur de Pierre et donc l’unique chef visible de l’Eglise. A cela nous répondons en citant d’abord un des prédécesseurs de saint Grégoire, Saint Léon le Grand (vers 395-461) :

« Comme mes prédécesseurs l’ont fait pour les vôtres, j’ai moi-même délégué à votre charité le pouvoir de représenter mon propre gouvernement, afin que vous puissiez me venir en aide dans la charge qui nous incombe en vertu de l’institution divine à veiller sur toutes les église. Vous serez ainsi présent aux églises qui sont les plus éloignées de nous, comme si vous les visitiez à notre place. […]

Cette union demande sans doute l’unanimité de sentiments dans le corps entier, mais surtout le concert entre les évêques. Quoique ceux-ci aient une même dignité, ils ne sont pas cependant tous placés au même rang, puisque parmi les apôtres eux-mêmes il y avait différence d’autorité avec ressemblance d’honneur, et que, quoiqu’ils fussent tous également choisis, un d’entre eux néanmoins jouissait de la prééminence sur tous les autres. C’est sur ce modèle qu’on a établi une distinction entre les évêques, et qu’on a très-sagement réglé que tous ne s’attribueraient pas indistinctement tout pouvoir, mais qu’il y en aurait dans chaque province qui auraient le droit d’initiative par-dessus leurs confrères, et que les évêques établis dans les villes les plus considérables, auraient aussi une juridiction plus étendue, en servant ainsi comme d’intermédiaire pour concentrer dans le siège de Pierre le gouvernement de l’Eglise universelle, et maintenir tous les membres en parfait accord avec leur chef. » (Lettre 14 à Anastase, évêque de Thessalonique, chapitres 11 et 12, PL, 54/668, 675-676)

Dans ce passage, saint Léon établit la distinction en les Archevêques et les Patriarches, à ceci près que tous ont en commun d’être à l’égard des Eveques de leurs province ou de leur patriarcat les organes et les ministres de saint Pierre. C’est pourquoi saint Grégoire le Grand rappelle avec beaucoup de tact dans la lettre déjà citée, adressée à Euloge d’Alxandrie que les deux sièges d’Alexandrie et d’Antioche ont reçu  autorité sur beaucoup d’autres dans la mesure où saint Pierre les a élevés à ce rang si prestigieux, en leur délégant son propre pouvoir. Qui plus est, lors du second concile de Lyon (1274), les Grecs ont souscrits de plain gré la profession de foi que leur envoya le Pape Grégoire X, et qui comprend le passage suivant :

« Cette même sainte Eglise romaine possède aussi la primauté et autorité souveraine et entière sur l’ensemble de l’Eglise catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l’avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, chef ou tête des apôtres, dont le pontife romain est le successeur. Et comme elle doit, avant les autres, défendre la vérité de la foi, ainsi les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies par son jugement. N’importe quel accusé peut en appeler à elle, dans les affaires qui relèvent des tribunaux d’Eglise ; et dans toutes les causes qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut recourir à son jugement. A elle sont soumises toutes les Eglises, dont les prélats lui rendent obéissance et révérence. Sa plénitude de pouvoir est si établie qu’elle admet les autres Eglises à partager sa sollicitude. Cette même Eglise romaine a honoré beaucoup d’Eglises, et surtout les Eglises patriarcales, de divers privilèges, sa prérogative étant cependant toujours sauve dans les conciles généraux comme en d’autres occasions. » (IIè concile de Lyon, 4è session du 6 juillet 1274, Lettre du Pape Grégoire X à l’empereur Michel Paléologue)

On retrouve la même idée chez le Pape saint Boniface Ier (mort en 422) :

« Demeure au bienheureux apôtre Pierre, de par la parole du Seigneur, la sollicitude reçue de lui pour l’ensemble de l’Eglise, laquelle, comme il le sait, a été fondée sur lui selon le témoignage de l’Evangile. Et jamais une position d’honneur ne peut être exempte de soucis, puisqu’il est sûr que toutes choses dépendent de sa réflexion. … Qu’il n’arrive pas aux prêtres du Seigneur que l’un d’entre eux tombe dans la faute de tenter quelque chose par une usurpation nouvelle, et qu’il devienne l’ennemi des décisions des anciens, alors qu’il sait qu’il a pour rival en particulier celui auprès de qui notre Christ a placé le souverain sacerdoce ; et quiconque se dresse pour l’outrager ne pourra être un habitant du Royaume des cieux.  « A toi, dit-il, je donnerai les clés du Royaume des cieux  » [Matthieu XVI, 19] dans lequel nul n’entrera sans la faveur du portier. Puisque le lieu l’exige, recensez s’il vous plaît les déterminations des canons, et vous trouverez quel est après l’Eglise romaine le deuxième siège, et quel est le troisième. … Jamais personne n’a levé la main avec audace contre l’éminence apostolique dont il n’est pas permis de réviser le jugement, personne ne s’est dressé contre elle s’il ne voulait pas être jugé. Les dites grandes Eglises observent les dignités par les canons : celles d’Alexandrie et d’Antioche [voir Concile de Nicée, canon 6] ; car elles ont connaissance du droit de l’Eglise. Elles observent, dis-je, les décisions des anciens, en accordant leur bonne grâce en toutes choses comme ils reçoivent cette grâce en retour : celle dont ils savent qu’ils Nous la doivent dans le Seigneur qui est notre paix. Mais puisque la chose le demande, on montrera par des documents que les Eglises des Orientaux surtout, dans les grandes affaires qui rendaient nécessaire un débat de plus grande ampleur, ont toujours consulté le Siège romain et lui ont demandé aide chaque fois que cela était nécessaire. [suivent des exemples d’appels et de requêtes dans l’affaire d’Athanase et de Pierre d’Alexandrie, de l’Eglise d’Antioche, de Nectaire de Constantinople et des Orientaux séparés au temps d’Innocent Ier] » (Lettre Manet beatum à Rufus et aux autres évêques de Macédoine, etc., 11 mars 422)

Et dans le Décret gélasien (496) :

« Après (toutes ces) Ecritures prophétiques, évangéliques et apostoliques (que nous avons mentionnées plus haut) et sur lesquelles l’Eglise catholique, par la grâce de Dieu, est fondée, nous avons estimé devoir souligner également ceci, à savoir que si c’est bien à l’Eglise catholique répandue par tout l’univers que revient l’unique chambre nuptiale du Christ, pour autant la sainte Eglise romaine n’est pas placée devant les autres Eglises par des édits de synodes, mais elle a reçu la primauté de par la parole évangélique du Seigneur et Sauveur disant : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle [Matthieu XVI, 18], et je te donnerai les clés du Royaume des cieux, et tout ce que tu auras lié sur terre sera lié aussi au ciel, et tout ce que tu auras délié sur terre sera délié aussi au ciel [Matthieu XVI, 19]. A cela s’est ajouté également la compagnie du très bienheureux Apôtre Paul, le vase d’élection : ce n’est pas à un autre moment, comme le disent sottement les hérétiques, mais au même moment, le même jour, par une mort glorieuse avec Pierre, qu’il a été couronné en combattant, dans la ville de Rome, sous l’empereur Néron : et de la même manière ils ont consacré au Christ l’Eglise romaine susdite, et par leur présence et leur triomphe vénérable ils l’ont placée avant toutes les autres villes dans le monde entier. Le premier siège de l’apôtre Pierre est donc l’Eglise romaine qui n’a ni tache, ni ride, ni rien de semblable Ep 5,27. Le deuxième siège cependant fut consacré à Alexandrie au nom du bienheureux Pierre par le disciple et évangéliste Marc… Comme troisième est tenu en honneur le siège du bienheureux apôtre Pierre à Antioche, puisqu’il y a habité avant de venir à Rome, et que là est apparu pour la première fois le nom de  » chrétiens  » pour la race nouvelle voir Ac 11,26). Et bien que personne ne puisse poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est Jésus Christ (voir 1Co 3,11), l’Eglise sainte, c’est-à-dire l’Eglise romaine, n’interdit pas que pour son édification, outre les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament que nous recevons selon la règle, soient reçus également ces autres écrits, à savoir : le saint synode de Nicée… ; (le saint synode de Constantinople… lors duquel l’hérétique Macedonius a reçu la condamnation méritée ) ; le saint synode d’Ephèse… ; le saint synode de Chalcédoine… (Mais également d’autres synodes, s’il en est, qui ont été tenus par les saints pères jusqu’à aujourd’hui et dont nous avons décrété qu’ils doivent être observés et reçus outre l’autorité de ces quatre.) » (Lettre décrétale sur les livres à recevoir ou à ne pas recevoir, aussi nommée Décret de Gélase ou Décret gélasien, III et IV, DS 350, 351 et 352)

Ce document est appelé Décret Gélasien traditionnellement daté de 496, mais dont la date doit peut-être être repoussée jusqu’en 523, année de la mort du Pape saint Hormisdas. Nous ne connaissons pas son auteur. Toutefois, on consultera avec fruits l’étude du Albert DUFOURCQ intitulée Vues nouvelles sur le décret gélasien et sur le pape Damase (Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1909, 53-11, pp. 820-825) en cliquant ici. Ce document anonyme n’a donc sans doute pas l’autorité du Pape saint Gélase, toutefois il doit quand même refléter la doctrine générale de l’époque de sa rédaction. Dans le cas contraire son auteur n’aurait jamais pu songer à l’écrire et encore moins à le mettre sous le nom de Gélase. Et quand même l’aurait-il fait, jamais il n’aurait obtenu aussi vite une autorité aussi grande, surtout en lui reconnaissant une origine papale.

2) Un argument anti-romain démenti par l’histoire

La consultation de notre article La Papauté depuis les apôtres suffira à convaincre quiconque que l’argument des anti-romains ne tient pas, car il est de fait que les Evêques d’Antioche et d’Alexandrie ont toujours été soumis aux Evêques de Rome. Ils le verront avec les exemples de soumission des Eglises d’Antioche et Alexandrie à l’Eglise de Rome. Ils le verront avec l’attitude d’autorité des Papes envers ces deux Eglises, et avec l’obéissance de ces deux Eglises à l’autorité romaine, via leurs plus illustres représentants. Tout cela se voit à travers les cas de saint Ignace d’Antioche, de la querelle des quartodécimans (où les Evêques d’Antioche et d’Alexandrie obéirent à l’Evêque de Rome), d’Origène, de saint Denys de Rome, de l’affaire Paul de Samosate, du concile de Sardique (où le représentant d’Alexandrie reconnu l’autorité du Pape), de saint Athanase, de saint Jules Ier, de saint Basile qui écrivit à saint Athanase d’Alexandrie qu’il allait en référer à Rome pour une affaire locale, alors qu’Antioche et Alexandrie étaient bien plus proches, de saint Epiphane qui rapporte une affaire interne à l’Eglise d’Alexandrie où c’est à Rome qu’on en a référé, de saint Damase, de saint Jérôme qui reconnaît à l’Evêque de Rome le pouvoir de déclarer qui est le vrai Evêque d’Antioche, du Ier concile de Constantinople qui après avoir réparti les juridictions patriarcales entre les sièges de Rome, Antioche et Alexandrie (2è canon), réclama illégitimement un second rang d’honneur pour celui de Constantinople (3è canon), preuve que les Pères de ce concile ne considéraient nullement Antioche et Alexandrie comme étant au sommet de la hiérarchie avec Rome, de saint Boniface Ier qui affirme que le siège de Rome est supérieur à ceux d’Antioche et d’Alexandrie et que ces derniers ont plusieurs fois recouru à lui, de saint Célestin Ier, du concile d’Ephèse, de saint Cyrille d’Alexandrie, de saint Sixte III, de Socrate le Scolastique et de Sozomène de Constantinople.

Par ailleurs, le 6è canon du concile de Nicée (325) ne répartit pas toutes les régions de l’Eglises entre les trois sièges que nous avons cité. Or il l’aurait fait si dans l’Eglise antique toute l’Eglise était dirigée collégialement par ces trois Evêques considérés comme égaux et devant diriger toute l’Eglise.

3) Un argument d’autorité pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

Au moment du IIIè concile de Constantinople (680-681), le Pape saint Agathon envoya deux lettres aux empereurs Constantin IV Pogonat de Constantinople, Héraclius et Tibère. La deuxième est signée des cent vingt-cinq évêques d’un concile tenu à Rome. Dans ces lettres sont exposées l’infaillibilité des Évêques de Rome, ainsi que leur universalité de juridiction. Nous avons publier les extraits concernés de ces lettres dans notre article intitulé L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?

Le 15 novembre 680, lors de la 4è session du IIIè concile de Constantinople réunissant surtout des évêques Orientaux, une lecture fut donnée de la première lettre (PL, 87/1168-1169 et MANSI, 11/239-254). Puis, lors de la 18è session, le 16 septembre 681, ce fut au tour de la seconde lettre lue en public et les Pères du concile l’approuvèrent et l’insérèrent dans les actes du concile. Leur discours prosphonétique aux empereurs est riche en informations. Ils y témoignent de l’autorité du Pape saint Sylvestre sur le Concile de Nicée :

« Arius veut diviser et séparer les personnes adorables de la sainte Trinité ; et aussitôt l’empereur Constantin et l’honorable Sylvestre s’empressent de convoquer le grand et célèbre Concile de Nicée. » (MANSI, XI, colonnes 661 A ; LABBE, VI, 1049-1050)

Ainsi que de la place de premier plan que le Pape saint Damase occupa dans la lutte contre l’hérésie de Macédonius :

« Lorsque Macédonius répandit ses erreurs sur le Saint-Esprit, Théodose et Damase se dressèrent aussitôt contre lui, et Grégoire et Nectaire [ndlr : saint Nectaire de Constantinople fut le successeur de saint Grégoire de Nazianze comme évêque de cette ville] rassemblèrent un synode dans cette ville royale. » (MANSI, XI, colonnes 661 B ; LABBE, VI, 1049-1050)

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce passage ne signifie pas qu’il présida le Ier Concile de Constantinople via ses légats, ni même qu’il y prit part via une représentation. Nous développons cela dans cet article : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/16/la-papaute-au-ier-concile-de-constantinople-381/

Un peu plus tard ils affirment la vérité de la doctrine contenue dans les lettres de Rome :

« Tous unis sous l’inspiration du Saint Esprit, tous d’accord et tous du même avis, acquiesçant tous aux lettres que Notre Très Saint Père et Souverain pontife le pape Agathon a envoyées à Votre Puissance [ndlr : les empereurs], reconnaissant la sainte décision du concile qui dépend de lui et qui rassemble cent-vingt-cinq prélats. […] C’est le souverain prince des apôtres qui a agi de concert avec nous. Nous avons eu, pour nous aider, le pape dont la conduite est conforme à la sienne et qui lui succède sur son siège, le pape qui dans ses lettres déclare le mystère de la vérité divine et sacrée. Rome, cette ville antique, nous a transmis la profession de foi que Dieu avait dictée à saint Pierre. La feuille sur laquelle fut inscrit le dogme a honoré la fin de ce jour ; sur cette feuille on voyait de l’encre, mais c’est réalité c’est saint Pierre qui parlait au travers de l’écriture du pape Agathon. » (MANSI, XI, 663-666 ; LABBE, VI, 1051-1054)

Et dans la lettre qu’ils adressèrent au Pape saint Agathon, mais qui fut reçu par le Pape saint Léon II en raison du décès de ce premier :

« Ainsi que tu le sais, bienheureux Père, aux grandes maladies il faut de grands secours ! Aussi le Christ, notre vrai Dieu, qui est puissance créatrice de toutes choses et qui les gouverne toutes, nous a donné un sage médecin dans la personne honorée par Dieu de Ta Sainteté. A la contagion de la peste hérétique, elle a opposé, avec force, les remèdes de l’orthodoxie, et elle a rendu la vigueur de la santé aux membres de l’Eglise. Aussi, après avoir lu avec joie les lettres de vraie confession que ta paternelle Béatitude a envoyés au très-pieux Empereur, nous te laissons à faire ce qui reste, à toi, évêque du premier siège de l’Eglise universelle, que nous nous abandonnons pour savoir ce que nous devons faire, puisque tu es établi sur le ferme rocher de la foi. Nous reconnaissons que tes lettres ont été divinement écrites par le grand Prince des Apôtres : c’est par elles que nous avons vaincu la secte hérétique, aux erreurs multiples, qui avait surgi dernièrement. […] Nous renvoyons à ta Béatitude ce qui a été traité sur chaque affaire et qui est relaté dans les notes et les présents écrits. […] C’est ainsi qu’illuminés par le Saint-Esprit et instruits par ta doctrine, nous avons détruit les dogmes funestes de l’impiété et aplani la voie très-droite de l’orthodoxie. Notre très-pieux et sérénissime empereur Constantin nous a sagement et divinement assistés et protégés. Ensuite l’un de nous, l’Evêque de cette ville de Constantinople, a été des premiers à donner son adhésion à l’écrit d’orthodoxie que tu as envoyé au très-pieux Empereur. […] Avec toi, nous avons enseigné clairement la splendide lumière de la foi orthodoxe. Nous prions ta paternelle Sainteté de la confirmer de nouveau par tes honorables rescrits. » (MANSI, XI, 683-688 ; LABBE, VI, 1073-1076)

Nous pouvons et devons souligner à l’attention des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes, qui liraient notre article, que cette décision conciliaire confirmant la doctrine de la Papauté est non seulement un témoignage parmi les autres de la Tradition, mais encore une sentence infaillible selon les normes théologiques de leurs propres églises. En effet, la première lettre que nous avons cité porte bien :

« Que Votre Clémence considère donc cet avertissement de Notre-Seigneur et Sauveur, l’auteur de notre foi : en promettant à saint Pierre que sa foi ne défaillirait pas, il l’engagea à confirmer ses frères. Tout le monde sait bien que les pontifes du siège apostolique, ceux qui ont précédé mon humble personne, ont réalisé cette tache sans douter de cette parole. […] Aucun autre motif plus approprié ne saurait recommander à la divine majesté votre force absolument invincible : combattez ceux qui se sont écartés de la règle de la vérité, faites connaître et proclamez partout l’intégrité de notre foi évangélique et apostolique. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169 et 1212 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivantes)

Puis :

« Saint Pierre a reçu du Rédempteur lui-même par une triple recommandation qui lui en a été faite, la charge de paître les brebis spirituelles qui composent son Eglise ; et c’est grâce à l’appui qu’il continue de lui prêter, que cette Eglise apostolique n’a jamais déviée par une erreur quelconque de la voie de la vérité ; aussi, de tout temps, toute l’Eglise catholique et les conciles généraux ont-ils fidèlement adhéré à son autorité comme à celle du prince de tous les apôtres, s’attachant à la suivre en tout, et tous les saints Père en ont embrassé et soutenu avec zèle la doctrine comme venant des apôtres […] Que votre auguste clémence veuille donc bien considérer que le maître et le Sauveur de tous, qui est l’auteur de la foi, et qui a promis que la foi de Pierre ne défaillira jamais, l’a averti d’affermir ses frères : charge dont se sont acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait, les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs ; et quoique bien inférieur à leurs mérites je veux, puisque la grâce divine m’a appelé à leur succéder, m’acquitter à leur exemple de ce même ministère. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivants)

Et dans la seconde :

« Nous croyons que Dieu fera à votre trône, qu’il a élevé lui-même, la faveur si rare, et qui est le privilège du très-petit nombre, d’être le moyen dont il se servira pour faire briller aux yeux de tous la lumière de la foi catholique et apostolique, qui, ayant pour principe la source même de la vraie lumière dont elle est comme le rayon, nous a été transmise par le ministère des princes des apôtres saint Pierre et saint Paul, et par les hommes apostoliques leurs disciples et leurs successeurs, et est parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à notre médiocrité, sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer, et Dieu veuille bénir les efforts que fait votre autorité providentielle pour la conserver toujours inaltérable ! Tel a été aussi l’objet constant de la sollicitude du siège apostolique, et de tant de pontifes auxquels nous succédons malgré notre indignité. » (Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682)

Le pape évoque « les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs » comme s’étant « acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait » à affermir leurs frères selon les paroles du Sauveur. Il est enfin question de la saine doctrine « parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à [saint Agathon], sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer ». Aussi si tous se sont acquittés de cette tache, cela signifie qu’aucun n’a failli.

Cela signifie que les propos que les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes sont obligés de lire les propos de saint Grégoire en cohérence avec ceux de saint Victor, saint Denys, saint Jules Ier, saint Damase, saint Célestin Ier, saint Sixte III et saint Léon le Grand, que nous avons mentionnés.

Aussi, après avoir lu cela, ils sont obligés, en conscience, d’accepter la doctrine de la Papauté exprimée dans ces lettres et approuvées par le concile, ainsi que l’intégralité de ce qu’ont enseigné les Papes précédents sur la Papauté, le Filioque, le célibat sacerdotal et la validité du baptême administré par un hérétique, puisque ces lettres affirment aussi la perfection de la doctrine de tous les Papes antérieurs.

D) Saint Grégoire le Grand est à l’origine du titre qui ne convient qu’à ce lui qui a autorité sur toute l’Eglise : « Serviteur des serviteurs de Dieu« 

L’un des titres que portent les Papes est « Serviteur des serviteurs de Dieu« . Cela vient de la Bible lorsque le Christ parle de lui-même dit que celui qui est le premier doit se faire esclave et même et que « le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir« , cela signifie que plus on est haut dans la hiérarchie, et personne n’est plus haut dans la hiérarchie que Jésus, plus on doit se faire humble et serviteur (Matthieu XX, 25-28) ainsi que des disputes des apôtres pour savoir qui est le plus grand et que le Christ leur répond que « Celui donc qui se fera humble comme ce petit enfant, est le plus grand dans le royaume des cieux. » » (Matthieu XVIII, 5), que « celui d’entre vous tous qui est le plus petit, c’est celui-là qui est grand. » » (Luc IX, 48), que «  »Si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier de tous, et le serviteur de tous.. » » (Marc IX, 34 ; Luc XXII, 26) et que celui qui sert est plus grand que celui qui est à table (Luc XXII, 27). Aussi nous renvoyons à notre article qui prouve que ces déclarations ne contredisent pas la primauté de saint Pierre, bien au contraire :

Si Pierre est le chef, pourquoi les Apôtres se disputent-ils pour savoir qui est le plus grand ?

Aussi on attribue à saint Grégoire le Grand d’avoir introduit le titre du Pape qu’est « Serviteur des serviteurs de Dieu ». Il est possible qu’il n’en soit pas réellement l’introducteur, mais en l’occurrence peu importe, la seule chose qui compte est qu’il s’appelait tel, ce qui implique qu’il se considérait comme le supérieur de toute l’Eglise, sinon il n’aurait pas été le serviteur de tous les serviteurs de Dieu.

Cette conception des rapports entre celui qui est constitué chef et responsable de la communauté des fidèles s’est perpétuée dans l’Eglise. Elle s’applique – et cela va de soi – à l’exercice du pouvoir hiérarchique, conformément au précepte et à l’exemple du premier des apôtres, Pierre, qui exhorte spécialement les anciens (c’est-à-dire les évêques et les prêtres) à se comporter comme des pasteurs, « non pas en faisant les seigneurs à l’égard des fidèles, mais en devenant les modèles du troupeau » (I Pierre V 3). Même lorsque ce pouvoir devra être revêtu d’autorité (II Corinthiens X, 8 ; XIII, 10), de dignité (Romains XI, 13 ; II Corinthiens III, 8), et de prestige (I Corinthiens I, 21 ; Galates I, 8 ; II Corinthiens 11, 28 ; saint Ignace d’Antioche, saint Cyprien, et la tradition successive), cette conception s’avérera toujours (les exagérations et les défauts mis à part) comme interprétant essentiellement la formule de saint Augustin : « Servir et non dominer » (Cité de Dieu, XIX, 17 ; PL, tome 41, colonne 647) ; formule qui deviendra protocolaire avec le Pape Grégoire le Grand (590-604), lequel, reprenant des expressions analogues déjà en usage (saint Augustin, Lettre 217, PL. MM, 978), s’attribuera à lui-même, en qualité de « Souverain Pontife de la très bonne ville de Rome » (Jean le Diacre, Vita S. Gregorii, II, 1 ; PL., tome 75, colonne 87), le titre resté traditionnel de « serviteur des serviteurs de Dieu » (cf. PL., tome 66, colonne 747: « Je suis le serviteur de tous les prêtres ». Cf. DACL, 15, 1, 1360 et s.).

III) Saint Grégoire agissait avec la même autorité qu’un Pape moderne

Mais allons plus loin et voyons ce que ce saint Pape a dit et fait.

Il affirmait l’autorité de l’Evêque de Rome sur les sacres épiscopaux des autres Evêques :

« Dans la mesure où il est manifeste que le Siège apostolique est, par l’ordre de Dieu, établi sur toutes les Églises, il y a, parmi nos multiples soucis, une demande spéciale pour notre attention, quand notre décision est attendue en vue de la consécration d’un évêque. […] Vous devez le faire consacrer par ses propres évêques, comme l’exige l’usage ancien, avec le consentement de notre autorité et l’aide du Seigneur, afin que, par l’observance de cette coutume, le Siège apostolique conserve le pouvoir qui lui appartient et, en même temps, ne diminue pas les droits qu’il a accordés à autrui. » (Lettre au sous-diacre Jean, Registre des lettres, Livre III, lettre 30)

Il affirmait la soumission de l’Église de Constantinople à celle de Rome :

« Car quant à ce qu’on dit de l’Église de Constantinople, qui peut douter qu’elle soit soumise au Siège Apostolique, comme le plus pieux seigneur l’empereur et notre frère l’évêque de cette ville le reconnaissent continuellement ? » (Lettre à Jean Évêque de Syracuse, Livre IX, lettre 13)

D’ailleurs, dans une de ces fameuses lettres dans lesquelles il refusa le titre « d’Evêque universel », celle à Jean le Jeûneur, patriarche de Constantinople, il lui reprocha de s’être attribué, lui, ce titre. Et il le menace d’excommunication s’il ne se rétracte pas ! Preuve du pouvoir de juridiction que saint Grégoire le Grand se reconnaissait sur tous les Evêques de l’univers, y compris les patriarches, car on ne peut excommunier celui sur qui on pas juridiction ! Dans cette lettre, il affirme même gouverner l’Eglise !

« Mais après sa mort [ndlr : mort de son prédécesseur Pélage II], quand je lui ai succédé au gouvernement de l’Église […] j’ai pris soin de m’adresser à votre Fraternité, non pas par écrit, mais de vive voix, en vous demandant de renoncer à cette prétention [ndlr : de porter le titre « d’Evêque universel »]. Et, au cas où vous refuseriez de vous amender, je lui ai interdis [ndlr : au diacre Sabianus, porteur de la lettre du Pape] de célébrer les solennités de la messe avec vous ; qu’ainsi je puisse d’abord faire appel à Votre Sainteté par un certain sentiment de d’humilité, pour que, si la situation exécrable et profane ne pouvait être corrigée par l’humilité, on puisse alors recourir aux mesures canoniques strictes [ndlr : l’excommunication] » (Lettre à Jean le Jeûneur, Registre des Lettres, livre V, lettre 18, PL, 77, 738)

Et en d’autres endroits de la même lettre, il rappelle avec force ce que le passé a montrer de l’autorité des Evêques de Rome, et qu’il n’hésitera pas à en faire usage :

« Mon prédécesseur Pélage a cassé les actes du concile que vous aviez tenu. […] J’ai été appelé, bien qu’indigne, au gouvernement de l’Eglise. […] Après avoir touché les plaies avec douceur, je saurai employer le fer. […] N’était-ce pas, comme votre Fraternité le sait, que les prélats de ce Siège Apostolique, que je sers par la providence de Dieu, ont eu l’honneur d’être appelés universels par le vénérable concile de Chalcédoine. Mais aucun d’eux n’a jamais voulu être appelé par un tel titre, ni saisi ce nom mal avisé, de peur qu’en vertu du rang du pontificat, il n’eût pris pour lui la gloire de la singularité, il pouvait sembler l’avoir nié à tous ses frères. » (Lettre à Jean le Jeûneur, Registre des Lettres, livre V, lettre 18, PL, 77, 738 et 740)

Il le rappela encore dans une autre lettre :

« Il y a huit ans, lorsque vivait encore notre prédécesseur Pelage, de sainte mémoire, notre confrère et coévêque Jean, prenant occasion d’une autre affaire, assembla un synode dans la ville de Constantinople, et s’efforça de prendre le titre d’universel ; dès que mon prédécesseur en eut connaissance, il envoya des lettres par lesquelles, en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre, il cassa les actes de ce synode. » (Lettres, livre V, lettre 43 à Euloge, évêque d’Alexandrie, et à Anastase, évêque d’Antioche)

Des anti-romains veulent écarter ce témoignage en disant qu’à cette occasion saint Grégoire n’a agit qu’en vertu d’un pouvoir d’appel qui lui aurait été confié par le droit ecclésiastique et non pas par droit divin. Mais cette interprétation est rendue impossible par le texte de la lettre elle-même : il y est écrit que Pélage II a agit « en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre« .

Il y a le cas du prêtre Jean de Chalcédoine qui en appela à Rome. Injustement accusé de professer la doctrine marcionite et condamné par les juges ecclésiastiques désignés par saint Jean le Jeûneur, le prêtre Jean de Chalcédoine en appela au Siège apostolique. Saint Grégoire le Grand examina sa cause dans un concile réuni en 595 et reconnut son innocence (MANSI, t. X, col. 475). Ses accusateurs furent sans doute obligés de se rendre à Rome avec lui, car, dans les trois lettres écrites par saint Grégoire en cette occasion, il est dit que les accusateurs interrogés avouèrent ne pas savoir en quoi consistait l’hérésie de Marcion.

Après le jugement, Grégoire écrivit au patriarche Jean :

« Comme, après un examen très minutieux fait en concile, nous n’avons pu trouver dans le prêtre Jean aucune culpabilité, et que surtout le libelle qu’il a présenté aux juges par vous délégués est en tout point d’accord avec la doctrine orthodoxe, nous avons réprouvé la sentence de ces juges, et dans notre définition nous avons déclaré Jean catholique et exempt de tout crime d’hérésie. »

En conséquence, le Pape renvoya Jean à Chalcédoine et pria le patriarche de lui témoigner la même bienveillance qu’aux autres prêtres et de le défendre en toute charité contre les tracasseries qu’on pourrait lui susciter.

Le Pape écrivit aussi à Théoctiste, parent de l’empereur Maurice, et à Maurice lui-même, de le prendre au besoin sous leur protection (MANSI, t. X, col. 1 1-13).

Après la mort de saint Jean le Jeûneur, saint Grégoire eut soin de recommander son protégé au patriarche Cyriaque (MANSI, t. X, col. 50).

Il y a aussi l’appel du prêtre Anastase du monastère de Saint-Mile appelé aussi Tamnaco, en Lycaonie. Accusé d’hérésie, il avait été examiné par des juges ecclésiastiques, puis condamné et déposé par saint Jean le Jeûneur. La lettre de saint Grégoire qui relate ce fait semble insinuer que ce prêtre, sous l’influence des mauvais traitements, avait commis quelque sérieux écart ; mais ce qui avait principalement indisposé le patriarche contre lui était la découverte faite chez lui d’un livre rempli de propositions hérétiques.

Anastase voulut rendre manifeste l’orthodoxie de sa foi en faisant appel au Saint-Siège. A son libelle, il joignit une profession de foi, où il déclare avoir toujours cru et vouloir toujours croire tout ce qu’enseignent les quatre conciles œcuméniques et condamner tout ce qu’ils condamnent. Il accepte également les décrets du concile général tenu sous Justinien au sujet des Trois Chapitres.

Saint Grégoire, après un échange de lettres avec Jean le Jeûneur, se fit envoyer le livre compromettant et y découvrit effectivement une multitude d’erreurs. Anastase avoua l’avoir lu ; mais il protesta qu’il n’en avait pas adopté la doctrine. Il condamna du reste explicitement toutes les affirmations ou même simples insinuations contraires à la doctrine catholique qui pourraient se rencontrer dans ce livre et s’engagea à ne plus le lire.

Après s’être assuré de sa sincérité et avoir examiné sa profession de foi, saint Grégoire déclara Anastase catholique et exempt de toute perversité hérétique. Il l’autorisa en conséquence à rentrer dans son monastère et à y reprendre ses anciennes fonctions. Il lui fit savoir qu’il aviserait de cette décision le patriarche Cyriaque, mais qu’il ne pouvait le faire présentement, parce que les usages de l’Eglise ne lui permettaient pas d’écrire à un nouveau patriarche avant d’en avoir reçu les lettres synodiques (MANSI, t. X, col. 45).

Quand cette formalité fut remplie, il écrivit au patriarche de ne pas prêter l’oreille à ceux qui accuseraient Anastase d’hérésie, parce qu’après avoir minutieusement examiné sa foi il l’avait trouvée catholique (Mansi, t. X, col. 51). La sentence de saint Grégoire fut si bien acceptée en Orient qu’Anastase devint, peu de temps après, archimandrite du monastère de Sainte-Marie la Neuve à Jérusalem.

Donnons encore quelques citations :

« Mais nous, qui, bien qu’indigne, avons pris le gouvernement du Siège apostolique à la place de Pierre le prince des apôtres, sommes contraints par la fonction même de notre pontificat de résister à l’ennemi universel par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. » (Lettre à l’évêque Colombe, Registre des lettres, Livre II, lettre 48)

« Vous devez toujours leur ordonner strictement d’observer toutes choses selon la directive du Siège Apostolique. » (Lettre à Léon, évêque de Catane, Registre des lettres, Livre III, Lettre 36)

« Il le fit en sachant que les fidèles devaient rendre un tel respect au Siège Apostolique que ce qui avait été réglé par son décret ne pouvait plus jamais être ébranlé par quelque usurpation illégitime. » (Lettre à Virgile, évêque d’Arles, Registre des lettres, Livre IX, lettre 111)

De la part de Grégoire, au surplus, ce n’était pas de l’habileté diplomatique, mais de l’humilité réelle. Dans ses écrits, il ne se présente que comme un pécheur, un serviteur inutile, un ministre négligent, qui ne sait ni édifier le prochain par l’exemple, ni l’exhorter au bien par la parole. Dans le gouvernement de la sainte Eglise, il rivalise d’humilité avec tous les saints. Mais en même temps, il n’ignore pas les privilèges de son Siège, où Pierre vit toujours dans ses successeurs, et, comme il les connaît, il en remplit les devoirs, il en fait respecter les prérogatives. Ainsi :

« Il écrit aux patriarches de l’Orient une épître synodique sur les devoirs des pasteurs ; il aux évêques d’Afrique de lutter avec courage contre les Donatistes ; aux évêques de l’Esclavonie, de soigner les pauvres ; il ordonne aux évêques de Sicile l’opposition aux empiétements du pouvoir séculier ; il défend aux évêques des Gaules de baptiser de force les Juifs ; il ne permet pas aux évoques d’Irlande de rebaptiser sans motif les hérétiques qui se convertissent. Il étend ou restreint, suivant les circonstances, la juridiction des évêques : « Vous n’avez point de juridiction sur les évêques de Gaule, dit-il à Augustin [ndlr : saint Augustin de Cantorbéry] ; quant aux évêques de [Grande-]Bretagne, nous vous en commettons entièrement le soin. Il évoque à son tribunal toutes les causes majeures et les juge sans appel ; il rétablit sur leur siège les évêques espagnols Janvier et Etienne, déposés par la faction du gouverneur Cumitiolus ; il absout Adrien, évêque de Thèbes, condamné par les évêques de la Béotie ; il casse l’élection du diacre Jean, nommé évêque de Naples par le clergé et le peuple ; il somme Noël, évêque de Salone, en Dalmatie, de lever l’excommunication trop légèrement lancée contre l’archidiacre Honorât. La vie de saint Grégoire Ier est remplie de traits semblables. En voilà assez pour montrer que si ce grand Pape ne voulait pas qu’on l’appelât évoque universel, c’était par esprit d’humilité et non parce qu’il méconnaissait ses droits ou qu’il n’osait en faire usage quand le besoin de l’Eglise l’exigeait. » (Abbé Benjamin-Marcellin CONSTANT, L’Histoire et l’infaillibilité des Papes, tome II, pages 74-75)

IV) L’histoire du titre « d’Archevêque universel » prouve tout ce qui vient d’être dit

A) Un titre offert au Pape par le concile de Chalcédoine (451)

1) Le fait nous est connu par saint Grégoire le Grand et lui-seul

Saint Grégoire nous apprend que :

« ce titre d’Universel a été offert par le saint concile de Chalcédoine à l’évêque du siège apostolique dont je suis le serviteur, par la grâce de Dieu. Mais aucun de mes prédécesseurs n’a voulu se servir de ce mot profane ; parce que, en effet, si un patriarche est appelé Universel, on ôte aux autres le titre de patriarche. Loin, bien loin de toute âme chrétienne la volonté d’usurper quoi que ce soit qui puisse, tant soit peu, diminuer l’honneur de ses frères ! » (Lettres, livre V, lettre 43 à Euloge, évêque d’Alexandrie, et à Anastase, évêque d’Antioche)

Et dans une autre lettre, saint Grégoire précise même que ce titre fut donné à l’Evêque de Rome « en l’honneur de Pierre, prince des apôtres« , et non pas en l’honneur de la ville impériale comme les anti-romains le voudraient :

« Les Pères du concile de Chalcédoine, en l’honneur de saint Pierre premier apôtre, offrirent titre aux Pontifes romains ; mais aucun n’a jamais voulu remployer, afin de ne pas paraitre s’attribuer exclusivement un honneur qui appartient légitimement aux autres. » (Registre des Lettres, livre V, lettre 20 (alias livre 4, lettre 32) à Maurice Auguste)

Dans une autre lettre encore, il évoque cet événement en disant que ses prédécesseurs ont refusé ce titre « de peur qu’en vertu du rang du pontificat, il n’eût pris pour lui la gloire de la singularité« . Preuve qu’il a conscience du rang supérieur de son siège :

« N’était-ce pas, comme votre Fraternité le sait, que les prélats de ce Siège Apostolique, que je sers par la providence de Dieu, ont eu l’honneur d’être appelés universels par le vénérable concile de Chalcédoine. Mais aucun d’eux n’a jamais voulu être appelé par un tel titre, ni saisi ce nom mal avisé, de peur qu’en vertu du rang du pontificat, il n’eût pris pour lui la gloire de la singularité, il pouvait sembler l’avoir nié à tous ses frères. » (Lettre à Jean le Jeûneur, Registre des Lettres, livre V, lettre 18, PL, 77, 740)

Et en écrivant à l’empereur au sujet du patriarche de Constantinople qui veut s’arroger le titre « d’Evêque universel », alors que personne ne lui a offert :

« Il est vrai qu’en l’honneur de Pierre, prince des apôtres, ce titre [d’Archevêque universel] fut offert par les Pères du concile de Chalcédoine au pontife romain. Mais aucun d’entre eux n’a jamais voulu employer ce titre, de peur que, par quelque chose qui lui est propre, les prêtres en général ne soient privés de l’honneur qui leur est dû. Comment se fait-il donc que nous ne recherchions pas la gloire de ce titre, même lorsqu’il nous est offert, et qu’un autre [Jean de Constantinople] se permette de le saisir pour lui-même alors qu’il n’est pas offert ? » (Registre des Lettres, livre V, lettre 20 (alias livre 4, lettre 32), adressée à Maurice Auguste, PL, 77/746)

Cela signifie que le concile reconnaissait l’Evêque de Rome comme son chef. Cela contredit complétement l’interprétation que font nos adversaires du 28è canon de ce concile : comment un Evêque auquel on retire la primauté pourrait-il devenir du même coup « Archevêque universel » ? Toutefois les Papes ont refusé ce titre, non parce qu’ils ne se croyaient pas tels, mais parce que cela aurait eut pour effet, comme le dit saint Grégoire, d’ôter « aux autres le titre de patriarche« , de « diminuer l’honneur de leurs frères« , « de ne pas paraitre s’attribuer exclusivement un honneur qui appartient légitimement aux autres« , « de peur qu’en vertu du rang du pontificat, il n’eût pris pour lui la gloire de la singularité, il pouvait sembler l’avoir nié à tous ses frères« , « de peur que, par quelque chose qui lui est propre, les prêtres en général ne soient privés de l’honneur qui leur est dû« .

Nous pouvons d’ailleurs souligner que saint Grégoire dit bien que les Pères de Chalcédoine ont donne le titre d’archevêque universel au prélat du siège apostolique et non pas du siège politique de Rome.

Il est d’ailleurs remarquable que saint Grégoire le Grand, que nos adversaires voudraient faire un avocat de leur cause, soit l’unique source par laquelle nous connaissons cette décision du concile de Chalcédoine, car en dehors de ses lettres ce fait nous serait complétement inconnu.

Il faut maintenant voir comment cette décision du concile de Chaclédoine appuie son caractère papaliste, et non l’inverse, car nos adversaires revendiquent aussi ce concile comme anti-papal !

2) Une preuve que ce concile était papiste

a) Si le titre est « offert » par le concile pour « honorer » l’Evêque de Rome, n’est-ce pas une preuve que la Papauté catholique n’existait pas ?

Certains de nos adversaires voudraient que le fait que le concile ait « offert » ce titre prouve que sans cela l’Evêque de Rome n’aurait pas de rang suprême, et que si son but était « d’honorer » l’Evêque de Rome, c’est que sa primauté n’est qu’honorifique. Rien n’est plus faut !

Le fait « d’honorer » le siège de Rome ne remet nullement en cause la Papauté ! Dire qu’on honore quelqu’un d’important remet-il en cause la source de son importance ? Ne dit-on pas qu’on honore et glorifie Dieu ? Notre-Seigneur ne nous enseigne-t-Il pas à implorer Dieu que son nom soit sanctifié (Matthieu VI, 9 et Luc XI, 2) ? Son honneur, Sa gloire et la sainteté de Son Nom, en ce qu’ils ont d’intrinsèques et d’essentiels ne sont-ils pas infinis et inaliénables ? Si bien sûr ! Lorsqu’on « honore » Dieu ou le Pape, il s’agit de leur honneur extrinsèque et accidentel !

Le titre « offert » par le concile de Chalcédoine doit être compris de cette manière et d’aucune autre. Le Pape n’a nullement besoin de ce titre pour être Pape au sens catholique du terme, cette offrande de la part d’un concile n’est qu’un signe de déférence envers celui qu’il sait être son chef !

On remarquera d’ailleurs deux faits. Premièrement si le titre « d’Archevêque universel » offert par le concile prouvait l’inexistence de la Papauté catholique, alors pourquoi les Papes l’auraient-ils refusé sous prétexte que cela aurait écrasé les autres Evêques, paraissant leur retirer leur épiscopat. Deuxièmement, il suffira de lire notre article La Papauté depuis les apôtres ! pour s’apercevoir que la Papauté au sens catholique existait depuis l’époque des apôtres, balayant définitivement l’idée que le concile de Chaclédoine aurait donné au Pape quelque chose qu’il n’aurait intrinsèquement pas déjà eut, surtout si ce titre ne lui aurait donné qu’un titre honorifique.

b) Dossier sur la reconnaissance de la Papauté par ce concile

Nous renvoyons à notre dossier sur le concile de Chalcédoine où nous apportons tous les preuves que le concile de Chalcédoine était papiste, et où nous réfutons l’argument que nos adversaires croient pouvoir tirer du 28è canon de ce concile. Voici notre dossier :

Le 28è canon du Concile de Chalcédoine (451)

C) L’état de la question à l’époque de saint Grégoire le Grand

Le titre « d’Evêque/Archevêque/Patriarche/Pape universel » avait été pacifiquement écarté par les Evêques de Rome depuis le concile de Chalcédoine. Mais à l’époque de Pélage II, prédécesseur de saint Grégoire le Grand, le Patriarche Jean de Constantinople, dit Jean le Jeûneur, convoqua un concile local pour s’attribuer le titre « d’universel ». Mais comme le rapporte saint Grégoire le Grand :

« Il y a huit ans, lorsque vivait encore notre prédécesseur Pelage, de sainte mémoire, notre confrère et coévêque Jean, prenant occasion d’une autre affaire, assembla un synode dans la ville de Constantinople, et s’efforça de prendre le titre d’universel ; dès que mon prédécesseur en eut connaissance, il envoya des lettres par lesquelles, en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre, il cassa les actes de ce synode. » (Lettres, livre V, lettre 43 à Euloge, évêque d’Alexandrie, et à Anastase, évêque d’Antioche)

Des anti-romains veulent écarter ce témoignage en disant qu’à cette occasion saint Grégoire n’a agit qu’en vertu d’un pouvoir d’appel qui lui aurait été confié par le droit ecclésiastique et non pas par droit divin. Mais cette interprétation est rendue impossible par le texte de la lettre elle-même : il y est écrit que Pélage II a agit « en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre« .

Puis, plusieurs Evêques orientaux ont voulu « réactiver » ce titre au profit de son légitime possesseur : l’Evêque de Rome ! Nous re-posons d’ailleurs la question posée plus haut aux anti-romains : si à l’époque de saint Grégoire le Grand la Papauté avait été inexistante, pourquoi des Evêques orientaux auraient eu l’idée saugrenue de donner ce titre à l’Evêque de Rome !? Et surtout, si il était évident qu’il ne s’agissait-là que d’un titre honorifique, pourquoi saint Grégoire le Grand aurait-il eut aussi peur de ce titre dont il est évident qu’il n’avait aucune incidence, surtout après plusieurs siècles où, selon nos adversaires, il aurait été évident que la Papauté n’existait pas ?

D) Tous les Papes depuis le concile de Chalcédoine ont refusé ce titre et tous ont agit comme des Papes catholiques : saint Grégoire le Grand les approuve

Toutefois, ces mots de saint Grégoire affirmant que ses prédécesseurs ont refusé le titre « d’Evêque universel », et les louanges qu’il leur fait pour cela, semble apporter de l’eau au moulin de nos adversaires ! A la réalité c’est l’inverse qui est vrai. En effet, cela signifie que l’attitude des différents Papes depuis le concile de Chalcédoine (451) est pertinente pour interpréter la pensée de saint Grégoire le Grand. Aussi, comme nous allons le voir : les Papes depuis le concile de Chalcédoine qui ont refusé ce titre, n’en ont pas moins proclamé haut et fort que leur infaillibilité et leur juridiction universelle sont de droit divin :

Saint Léon le Grand (vers 395-461)

Nous rapportons les témoignages que saint Léon le Grand rend à la Papauté dans notre article :

L’autorité du successeur de Pierre d’après saint Léon le Grand

Le concile de Chalcédoine (451)

Convoqué par le pape saint Léon Ier sur demande de l’empereur Byzantin Marcien et son épouse l’impératrice Pulchérie. Se tint du 8 octobre au 1er novembre 451 dans l’église Sainte Ephémie de la ville éponyme, sur l’actuelle rive asiatique d’Istanbul. Il réunit 343 évêques (un record) dont quatre seulement viennent d’Occident. Le concile de Chalcédoine (451) fut-il un triomphe de la Papauté ou un tribunal qui le condamna ? Les deux thèses ont leurs arguments. Les anti-romains affirment que son 28è canon en est une condamnation sans appel. Nous démontrerons dans notre article consacré à la quesrion non seulement comment ce concile prouve comment l’Eglise se savait soumise tout entière et par le droit divin au successeur de saint Pierre, Evêque de Rome, mais encore comment l’introduction de son 28è canon confirme encore cette vérité.

Simplice (vers 420-483)

Ce Pape parle de « la doctrine de ses prédécesseurs de sainte mémoire, contre laquelle il n’est pas permis de disputer », ce qui signifie que l’Eglise la regarde comme infaillible de droit :

« Puisque la doctrine de nos prédécesseurs de sainte mémoire, contre laquelle il n’est pas permis de disputer, existe, et que quiconque pense de façon juste n’a donc pas besoin d’être enseigné par de nouvelles explications, mais que tout est clair et parfait par quoi quelqu’un qui a été séduit par des hérétiques pourra être instruit, ou par quoi quelqu’un qui doit être planté dans la vigne du Seigneur pourra être enseigné, implore la foi du prince très clément et fais qu’il rejette le propos de tenir un synode. » (Lettre V Quantum presbyterorum à l’évêque Acace de Constantinople, Partie 3, Chapitre 2 ; PL tome 58, colonnes 41B-42B)

Dans une lettre à l’Empereur Basilisque, le Pape saint Simplice lui ordonnait de chasser le parricide Elure qui usurpait le siège de Constantinople, et à marcher sur les traces de ses prédécesseurs Marcien et Léon, en maintenant comme eux le Concile de Chalcédoine et les lettres de saint Léon, où le mystère de l’Incarnation est si nettement expliqué qu’on ne peut s’en écarter sans cesser d’être chrétien. Il lui envoie une copie de ces lettres afin qu’il puisse facilement s’instruire de la vraie foi :

« car la règle de la doctrine apostolique demeure toujours invariable chez les successeurs de celui à qui le Seigneur a confié tout le bercail et promis sa perpétuelle assistance jusqu’à la fin des siècles, contre qui il a promis que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais [Matthieu XVI, 18], et à la sentence duquel il a déclaré que ce qui était lié sur la terre ne pouvait être délié dans le ciel même. » (MANSI, t. VII, Lettres de Simplice. 4, 5, 6 et 7, col. 974 et suiv)

Saint Félix III (vers 440-492)

« « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (Matthieu XVI, 18) : à cette parole, les trois cent dix-huit Pères, réunis à Nicée, demandèrent à la sainte Eglise Romaine de confirmer et de sanctionner par son autorité ce qui avait été fait. » (Lettre IV, année 483 ; in : Dion. Exig.. In praefat. conc. Nic)

Lettre synodale du concile de Rome au clergé de Constantinople (485)

En 485, sous le Pape saint Félix III, un concile se tint à Rome. Il envoya une lettre synodale au clergé de Constantinople, dans lequel on lit les mots suivants :

« Le prélat du Siège apostolique exerce sa sollicitude sur toutes les Eglises, étant le chef de toutes, en vertu de la parole que le Seigneur a dite Pierre « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » [Matthieu XVI, 18]. C’est en conformité avec cette parole que les trois cent dix-huit Pères rassemblés Nicée déférèrent à la sainte Eglise romaine la confirmation de leurs actes. » (Lettre synodale du concile de Rome au clergé de Constantinople, année 485, LABBE, IV, 1126 ; MANSI, tome VII, colonne 1140 ; HARDOUIN, tome II, colonne 856)

Saint Gélase (mort en 496)

« C’est pourquoi, de même qu’elle n’est pas légère, la menace qui pèse sur les pontifes qui n’ont pas parlé pour le culte de Dieu, comme ils le doivent, ainsi n’est-il pas négligeable le danger – puisse-t-il ne pas exister – encouru par ceux qui, alors qu’ils devraient obéir, méprisent. Et s’il est normal que le coeur des fidèles se soumette à tous les prêtres en général qui s’acquittent convenablement de leurs divines fonctions, combien plus l’unanimité doit-elle se faire autour du préposé à ce siège, à qui la divinité suprême a voulu donner la prééminence sur tous les prêtres et que la piété universelle de l’Eglise a dans la suite constamment célébrée ?

C’est là que ta piété se rend compte avec évidence que jamais personne sous aucun prétexte humain ne peut s’élever au-dessus de la situation privilégiée de celui que la voix du Christ a placé au-dessus de tous, que l’Eglise vénérable a toujours reconnu et tient dévotement au premier rang. Elles peuvent être empêchées par des présomptions humaines, les décisions du jugement divin, mais vaincues, elles ne sauraient l’être par aucune puissance de qui que ce soit. » (Lettre VIII à l’empereur Anastase, année 494, Denzinger, Schönmetzer, 347)

« Pour quelle raison ou conséquence doit-elle être défendue par d’autres sièges, si l’ancienne et antique révérence n’est pas accordée au premier siège du bienheureux Pierre, par lequel la dignité de tous les prêtres a toujours été renforcée et établie ? Comme ceux qui se souviennent de la sentence du Seigneur : « Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux » [Matthieu XVI, 1819]. Et encore au même : « Voici que j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » [Luc XXII, 32], et ceci : « si tu m’aimes, pais mes agneaux » [Jean XXI, 15-17]. Pourquoi, alors, le discours du Seigneur est-il si fréquent à Pierre ? le reste des saints et bienheureux apôtres n’était-il pas ceint de la même vertu ? Qui oserait affirmer cela ? « Cependant un seul est choisi afin d’écarter le risque d’un schisme en établissant un chef » [Saint Jérôme, Contre Jovinien, livre I, chapitre 26, PL, XXIII, 258-259], et l’unique charpente du corps de Christ fut purifiée, qui se réunirait en une seule tête dans la plus glorieuse société d’amour ; et il y avait une Église à laquelle on croyait fidèlement, et une maison d’un Seigneur et d’un Rédempteur, dans laquelle nous étions nourris d’un seul pain et d’une seule coupe [I Corinthiens X]. C’est pourquoi, comme je l’ai dit, nos ancêtres, ces révérends maîtres de l’Église, et ces plus brillantes lumières du peuple chrétien, qui, après les mérites de leurs vertus, même jusqu’à la plus glorieuse des confessions, ont déployé des palmes et des couronnes scintillantes de martyre, envoyèrent à ce siège où siégeait Pierre [Rome], le chef des apôtres, des messages de solidarité, exigeant la solidité de leur fermeté, assumant les principes de leur sacerdoce, remplis de l’amour du Christ. […] Certes, il y avait douze apôtres, de mérites égaux et de dignité égale. Et tous brillaient de manière égale dans la lumière spirituelle, mais Christ souhaitait qu’il n’y ait qu’un seul prince parmi eux, et par une admirable disposition, il le dirigea vers Rome, maîtresse des nations, Il dirigerait Pierre dans la ville principale ou la première. Et là, comme  par la sublime puissance de sa doctrine, et il eut l’honneur de répandre glorieusement son sang. C’est là qu’il repose pour toujours, et qu’il assure à ce Siège béni par lui de n’être jamais vaincu par les portes de l’enfer, conformément aux promesses du Seigneur [Matthieu XVI, 18] » (Lettre XIV De responsione ad Graecos, PL tome 59, colonne 90)

« Si nous venions à les perdre [la vraie foi et la communion de l’Eglise], ce qu’à Dieu ne plaise, comment quoi que ce soit pourrait-être restauré, surtout si, à son sommet, le Siège apostolique, était devenu teinté d’hérésie, ce que Dieu ne permettrait jamais. […] Si, à Dieu ne plaise, je devenais complice de l’hérésie perverse, j’aurai moi-même besoin d’un remède, plutôt que de pouvoir d’offrir un remède à d’autres ; et le siège du  bienheureux Pierre chercherait un remède ailleurs, plutôt que d’offrir lui-même un remède à autrui, ce que Dieu ne permettrait jamais. […] Par conséquent, les Orientaux restent fermes dans la foi catholique, car ils me voient la défendre et sont encouragés par moi. » (Lettre XV, aux évêques d’Orient)

Saint Hormisdas Ier (450-523)

Dans la lettre d’instruction que le Pape saint Hormisdas remit aux légats qu’il envoyait à l’empereur byzantin Anastase, le Pape indique :

« [Vous direz à l’empereur] Les lettres du Pape Symmaque ne font que répéter la formule : Je suis les décrets de Chalcédoine ; j’admets la doctrine du Pape Léon ; ces lettres ne contiennent rien d’autre sinon l’exhortation à les observer. […]

Si [l’empereur] vous demande de quelle manière il conviendrait de rétablir l’ordre, répondez-lui en toute humilité : Votre Père [le Pape] a écrit une encyclique adressée à tous les évêques en général. Joignez-y vos lettres sacrées déclarant que vous souscrivez à l’enseignement du Siège Apostolique. Alors on reconnaîtra les orthodoxes, ceux qui n’ont jamais été séparés de l’unité du Siège Apostolique, et ceux qui leur sont contraire […]

Si l’on vous présente des requêtes contre des évêques catholiques, principalement contre ceux qui osent anathématiser  le concile de Chalcédoine et rejeter les lettres du Pape saint Léon, recevez ces requêtes, mais réservez la cause au jugement du Siège Apostolique, afin qu’ils aient l’espérance d’être entendus, et que vous nous réserviez l’autorité qui nous est due. » (Lettre IV à l’empereur Anastase, 8 juillet 515, PL 63, colonnes 376 à 378)

Ce Pape envoya à la cour impériale de Constantinople – qui l’avait sollicité pour mettre fin aux schismes qui déchiraient l’Orient – le 11 août 515, un document intitulé Libellus Fidei, ou encore Regula Fidei, ce qui peut se traduire par Programme de la foi, Opuscule de la foi, Règle de la foi ou encore Profession de foi, mais plus connu sous le nom de Formulaire d’Hormisdas. Tous les évêques d’Orient devaient y souscrire, et y souscrivirent, preuve qu’ils adhéraient à son contenu. Une des vérités impératives exprimées dans ce texte était que l’orthodoxie s’est toujours maintenue à Rome. D’après des rapports, 2500 Evêques ont souscrit à ce formulaire. En voici le texte :

« La condition première du salut est de garder la règle de la foi juste et de ne s’écarter d’aucune façon des décrets des pères. Et parce qu’il n’est pas possible de négliger la parole de notre Seigneur Jésus Christ qui dit :  « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise » [Matthieu XVI ,18], ce qui a été dit est prouvé par les faits ; car la religion catholique a toujours été gardée sans tache auprès du Siège apostolique [autre version du texte : c’est seulement dans la chaire de Rome que les faits postérieurs ont correspondu à la parole du Christ]. Ne voulant donc nous séparer d’aucune façon de cette espérance et de cette foi, et suivant en toutes choses ce qu’ont décrété les pères, nous anathématisons tous les hérétiques, et principalement l’hérétique Nestorius qui fut jadis évêque de la ville de Constantinople, condamné au concile d’Ephèse par Célestin, le pape de la ville de Rome, et par saint (l’homme vénérable) Cyrille, l’évêque de la ville d’Alexandrie ; avec celui-ci (de même) nous anathématisons Eutychès et Dioscore d’Alexandrie, condamnés au saint synode de Chalcédoine que nous suivons et embrassons (qui, suivant le saint concile de Nicée, a proclamé la foi apostolique). Nous y ajoutons (nous exécrons également) le criminel Timothée, surnommé Aelure, ainsi que son disciple et partisan en toutes choses Pierre d’Alexandrie ; et de même nous condamnons (également) et nous anathématisons Acace, jadis évêque de Constantinople, condamné par le Siège apostolique, leur complice et partisan, et ceux qui sont restés en communion avec eux ; car (Acace), s’étant joint à leur communion, a mérité la même sentence de condamnation. De même nous condamnons Pierre d’Antioche avec tous ceux qui l’ont suivi et les partisans de ceux qui ont été mentionnés plus haut. (Mais) c’est pourquoi nous recevons et approuvons toutes les lettres du bienheureux pape Léon, qu’il a écrites touchant la religion chrétienne. Comme nous le disions plus haut, suivant en toutes choses le Siège apostolique et prêchant tout ce qu’il a décrété, j’espère (donc) mériter de rentrer dans la communion avec vous que prêche le Siège apostolique, communion dans laquelle réside, entière et vraie (et parfaite) la solidité de la religion chrétienne. Nous promettons (je promets) aussi que (à l’avenir) les noms de ceux qui sont séparés de la communion de l’Eglise catholique, c’est-à-dire qui ne sont pas en accord avec le Siège apostolique, ne seront pas lus durant les saints mystères. (Mais si je tentais de dévier en quoi que ce soit de ma profession de foi, je confesse que, selon mon propre jugement, je serais un complice de ceux que j’ai condamnés.) Cette profession de foi je l’ai souscrite de ma propre main, et je l’ai transmise (envoyée) à toi, Hormisdas, le saint et vénérable pape de la ville de Rome. » (Règle de la Foi, dans Lettre IX à Jean Evêque de Népomucène, 11 août 515 ; PL 63, colonnes 393 et 394 et MANSI tome VIII, colonnes 407-408)

Enfin, le Pape saint Hormisdas nous donne une exemple de l’identification formelle entre « l’Eglise Romaine » au sens de l’Eglise locale de Rome avec l’Eglise « catholique », c’est-à-dire universelle, signifiant que cette seconde est en tout soumise à l’Evêque de cette première comme à son chef unique et universel. En effet, il écrit :

« Ce que l’Eglise Romaine, c’est-à-dire catholique […] » (Lettre 70 Sicut rationi, à l’évêque africain Possessor, 13 août 520, Chapitre 5, PL 63, colonne 493)

La Profession de foi de l’Empereur Justinien Ier (vers 482-565) et son approbation par le Pape Jean II (470-533)

L’Empereur Justinien envoya une Profession de foi au Pape Jean II. Celui-ci lui répondit dans une lettre qu’il l’approuvait entièrement. Ces deux documents témoignent abondamment de la foi de l’Eglise universelle en la Papauté. Dans le Code Justinien (Livre I, titre premier, point n°8), la Profession de foi de l’Empereur qui est antérieure à l’approbation du Pape, ne se trouve qu’au travers de la réponse du Pape Jean II qui l’approuve. En effet, Jean II commence par une introduction et une approbation de cette Profession de foi, puis la cite dans son intégralité, et reprend parole pour conclure. En revanche dans la Patrologie latine, la Profession de foi de l’Empereur est entièrement extraite de la lettre de Jean II et placée avant elle, et la reproduction de la lettre du Pape renvoie au texte précédent à l’endroit où Jean II citait l’Empereur. Aussi bien l’introduction, que la Profession de foi copiée, que la conclusion, témoignent de la Papauté. En voici les textes concernant cette doctrine :

Introduction de la lettre du Pape Jean II (470-533)

« Jean, Évêque de Rome, à notre très-illustre et très-clément fils Auguste Justinien.

Outre les éloges mérités qu’on peut donner à votre sagesse et à votre douceur, le plus chrétien des princes, vous êtes distingué encore comme un astre radieux, par l’amour de la foi et de la charité ; et instruit, sur ce qui concerne la discipline ecclésiastique, vous avez conservé la doctrine de la prééminence du siège de Rome ; vous lui avez soumis toutes choses, et vous avez ramené l’unité dans l’Eglise. Le Seigneur a dit au premier de nos prédécesseurs, qui est aussi le premier des apôtres : « Gardez mes brebis » [Jean XXI, 15-17] ; siège que les institutions dès princes, les maximes des pères, et le témoignage de votre piété , déclarent le chef de toutes les églises. […] Nous avons reçu avec le respect accoutumé les lettres de votre majesté, par nos frères et collègues, les très-saints évêques Hipatius et Démétrius ; nous avons appris d’eux que vous avez publié un édit adressé à vos fidèles peuples, dicté par l’amour de la foi, et tendant à détruire les hérétiques ; lequel est selon la doctrine apostolique, et a été confirmé par nos collègues et nos frères les évêques ; nous le confirmons de notre autorité, parce qu’il est conforme à la doctrine apostolique. » (Pape Jean II, Lettre à l’Empereur Justinien ; PL, tome 66, colonnes 17-18Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8)

Puis prend place la Profession de foi de l’Empereur.

Profession de foi de l’Empereur Justinien Ier (vers 482-565)

« Justinien, victorieux, pieux, heureux, illustre, triomphant, toujours auguste ; à Jean, Patriarche et très-saint Archevêque de la ville de Rome.

Honorant le siège apostolique et votre sainteté, pour laquelle nous n’avons jamais cessé de faire des vœux, que nous regardons comme notre père, nous nous sommes hâtés de lui donner connaissance de toutes les affaires qui concernent l’état ecclésiastique. Comme nous nous sommes toujours efforcés de maintenir l’unité de votre siège apostolique, et de maintenir les saintes églises de Dieu dans l’état où elles sont aujourd’hui, c’est-à-dire , dans la paix , et exemptes de toutes contrariétés , nous avons engagé tous les prêtres de l’Orient à s’unir et se soumettre à votre sainteté : mais à présent que de nouveaux doutes se sont élevés, quoique sur des choses claires et certaines, et conformes à la doctrine de votre siège apostolique, fermement gardée et professée par tous les prêtres, nous avons cependant cru nécessaire d’en instruire votre sainteté ; car nous ne souffrons pas que les affaires qui naissent au sujet de la religion, quoique simples et non douteuses, soient agitées sans que votre sainteté en soit instruite, elle qui est le chef de l’église, car nous nous efforcerons toujours, comme nous avons dit, d’accroître l’honneur et l’autorité de votre siège. […]

§. 2. Tous les prêtres de la sainte église catholique et apostolique et les révérends abbés des saints monastères avant reconnu votre sainteté, approuvant l’état et l’unité des saintes églises qui dérivent de votre siège apostolique […]

§. 3. Nous admettons, ainsi que votre siège apostolique l’enseigne et prêche, quatre saints conciles; 1°. celui des 318 saints pères qui s’assemblèrent dans la ville de Nicée ; 2°. celui tenu dans cette ville par les saints pères, au nombre de 150 ; 3°. celui tenu à Ephèse ; 4°. et enfin , celui de Chalcédoine. Tous les prêtres qui suivent la doctrine de votre siège apostolique croient, confessent et prêchent ces choses. […]

§. 5. Nous demandons donc votre affection paternelle, afin que vous nous fassiez connaître par vos lettres, ainsi qu’aux évêques de cette ville et au patriarche votre frère (qui a écrit lui-même à votre sainteté, par les mêmes députés, qu’il suivait en toutes choses le siège apostolique de votre béatitude), que votre sainteté approuve tous ceux qui croient à ce que nous avons exposé ci-dessus, et qu’elle condamne la perfidie de ceux qui ont osé judaïquement nier la foi légitime. Ainsi l’autorité de votre siège et l’amour de tous pour vous augmenteront ; l’unité et la tranquillité des saintes églises seront assurées, quand les évêques apprendront des députés qui vous ont été envoyés, quelle est la vraie doctrine de votre sainteté. Nous demandons de votre sainteté qu’elle prie Dieu pour nous, et qu’elle nous obtienne sa bienveillance.

La souscription était ainsi : Que la divinité, ô saint et très-religieux père, vous donne une longue vie ! » (Lettre de l’empereur Justinien au Pape Jean II ; PL, tome 66, colonnes 14-17 ; Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8)

Aussi Justinien n’osait rien décider sans en référer au Pape, pas même au sujet de « choses claires et certaines » ou d’ « affaires qui naissent au sujet de la religion, quoique simples et non douteuses« , et ce alors même qu’il avait le Patriarche de Constantinople à sa proximité immédiate. C’est une manifestation de la foi orientale en la Papauté.

Conclusion de la réponse de Jean II

« Les seuls qui soient opposés à votre profession de foi sont ceux dont l’Ecriture dit : « Ils ont mis leur espérance dans le mensonge, et ils ont espéré dans le mensonge » [citation libre de Isaïe XXVIII, 15-17] ; ou ceux qui, d’après le prophète, ont dit au Seigneur : « Eloigne-toi de nous, nous ne voulons pas suivre tes voies » [Job XXI, 14] ; ceux dont parle Salomon : « Ils ont erré dans leurs propres voies y et ils amassent avec leurs mains des choses infructueuses » [Proverbes IV]. C’est donc là votre vraie foi et votre vraie religion, que tous les pères, d’heureuse mémoire, comme nous avons dit, ainsi que tous les chefs de l’Eglise romaine, que nous suivons en toutes choses, ont décidé ; ce que le Siège apostolique a jusqu’à présent prêché et gardé fermement ; et s’il existe quelqu’un qui soit opposé à cette confession et à cette Foi du chrétien, il les jugera lui-même hors de la sainte communion et de l’Eglise catholique. […] Observant ce que S. Pierre a établi à ce sujet, nous ne les recevons point dans notre communion, et nous ordonnons qu’ils soient exclus de toute église catholique, à moins que, condamnant leur erreur, ils ne suivent notre doctrine, et déclarent en faire profession ; car il est juste que ceux qui ne s’y soumettent point, soient déclarés exclus des églises. Mais comme l’église ne ferme jamais son sein à ceux qui veulent retourner à elle, c’est pourquoi, s’ils abandonnaient leurs erreurs et leurs mauvaises intentions, je supplie votre clémence, afin que vous les receviez dans votre communion, que vous oubliiez les injures qui ont excité votre indignation, et que, par notre intercession, vous leur pardonniez et leur accordiez votre bienveillance. Nous prions Dieu qu’il daigne vous conserver longtemps dans la vraie religion, l’unité du siège apostolique et le respect que vous avez pour lui, et qu’il vous conserve le commandement, en toutes choses, de l’empire le plus chrétien et le plus pieux. […]

Fait à Rome, le 8 des calendes d’avril, sous le consulat de l’empereur Justinien, consul pour la quatrième fois, et de Paulinus. » (Pape Jean II, Lettre à l’Empereur Justinien ; PL, tome 66, colonnes 19-20 ; Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8)

Saint Pélage Ier (vers 500-561)

Saint Pélage Ier déclara la compétence exclusive en dernier ressort des Papes pour toute question doctrinale, y compris interpréter les conciles généraux :

« S’il s’élève quelque doute sur ce qu’ont prescrit les Conciles universels, ou quelques chose qu’on ne comprend pas, c’est au Siège Apostolique qu’on doit en demander l’explication ; il est nécessaire au salut de se laisser guider par le Siège Apostolique. » (Lettre IV [alias V] au Patrice Narcès, PL 69, colonne 397)

Voici d’autres témoignages :

« Avez-vous pu oublier les prérogatives du Siège Apostolique au point de me croire capable d’autoriser moi-même un schisme dans l’Eglise ? A Dieu ne plaise que la Siège de Pierre, établi pour garder le dépôt de la Foi, se laisse entraîner par le mouvement populaire selon les caprices de l’opinion ! […] Le très bienheureux Augustin d’illustre mémoire, s’appuyant sur les paroles de Notre-Seigneur, place le fondement de l’Eglise dans le Siège Apostolique. Il déclare schismatiques ceux qui repoussent l’autorité ou se séparent de la communion du Pontife Romain. Il ne connaît d’autre Eglise que celle qui a ses racines dans la pierre fondamentale. Comment donc pouvez-vous croire que vous n’être pas séparés de la communion d’avec le monde entier sans faire mémoire de mon nom dans la célébration des Saints Mystères, alors que quoiqu’indigne, c’est en mon humble personne que s’est transmise l’hérédité du Siège Apostolique par la succession de l’épiscopat et que se concentre à l’heure actuelle son immutabilité.

Cessez donc, vous et les fidèles confiés à votre direction, de soupçonner la foi que je professe. […] S’il vous reste sur ce point quelques difficultés à éclaircir, venez sans crainte me les exposer ; car, suivant la parole de l’Apôtre, nous sommes toujours prêt à rendre compte de notre Foi [I Pierre III, 16]. » (Lettre V [alias VI] aux Evêques de Tuscie, PL 69, colonnes 397 à 399)

« S’agissant des quatre saints conciles, c’est-à-dire celui de Nicée des trois cent dix-huit (pères), celui de Constantinople des cent cinquante, le premier d’Ephèse des deux cents, mais aussi (au sujet de) celui de Chalcédoine des six cent trente, je professe avoir conduit mes pensées sous la protection de la miséricorde divine et de faire ainsi jusqu’à la fin de ma vie, de tout coeur et de toute ma force, en sorte de les préserver avec une pleine dévotion dans la défense de la sainte foi et les condamnations des hérésies et des hérétiques, puisque ces pensées ont été confirmées par le Saint-Esprit ; je professe que leur solidité, parce qu’elle est la solidité de toute l’Eglise, je la protégerai et la défendrai comme il n’est pas douteux que mes prédécesseurs l’ont fait. En cela je désire suivre et imiter surtout celui dont nous savons qu’il fut l’auteur du concile de Chalcédoine (le pape Léon 1er), qui conformément à son nom s’est montré clairement, par son zèle très ardent pour la foi, un membre de ce lion qui a surgi de la tribu de Juda (Apocalypse V, 5). De même je suis donc convaincu de ce que je manifesterai toujours la même révérence pour les synodes susmentionnés, que tous ceux qui ont été absous par ces quatre conciles, je les tiendrai pour orthodoxes, et que jamais dans ma vie […] je n’ôterai quoi que ce soit à l’autorité de leur prédication sainte et vraie.

Mais je suis et je vénère également les canons que le Siège apostolique accepte […] Je professe que je garde également les lettres du pape Célestin de bienheureuse mémoire…et d’Agapet, pour la défense de la foi catholique, pour la solidité des quatre synodes susdits et contre les hérétiques, et tous ceux qu’ils ont condamnés, je les tiens pour condamnés, et tous ceux qu’ils ont reçus, en particulier les vénérables évêques Théodoret et Ibas, je les vénère parmi les orthodoxes. » (Lettre circulaire VI [alias VII] Vas electionis à tout le peuple de Dieu, vers 557, PL 69, colonnes 399 et 400)

Pélage II (520-579)

Ce Pape cassa les actes d’un synode tenu par et pour le patriarche de Constantinople. Son successeur saint Grégoire le Grand rapporte :

« Il y a huit ans, lorsque vivait encore notre prédécesseur Pelage, de sainte mémoire, notre confrère et coévêque Jean, prenant occasion d’une autre affaire, assembla un synode dans la ville de Constantinople, et s’efforça de prendre le titre d’universel ; dès que mon prédécesseur en eut connaissance, il envoya des lettres par lesquelles, en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre, il cassa les actes de ce synode. » (Lettres, livre V, lettre 43 à Euloge, évêque d’Alexandrie, et à Anastase, évêque d’Antioche)

Des anti-romains veulent écarter ce témoignage en disant qu’à cette occasion saint Grégoire n’a agit qu’en vertu d’un pouvoir d’appel qui lui aurait été confié par le droit ecclésiastique et non pas par droit divin. Mais cette interprétation est rendue impossible par le texte de la lettre elle-même : il y est écrit que Pélage II a agit « en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre« .

26 commentaires sur “Saint Grégoire le Grand et le titre d’ « Evêque universel »

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Cette entrée a été publiée le 16 avril 2018 par dans Foi Catholique.