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« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Les louanges des Papes à Saint Thomas d’Aquin

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Lire un grand nombre d’ouvrages de et sur saint Thomas d’Aquin et le thomisme : cliquer ici

Saint Thomas d’Aquin (vers 1225-1274) est de loin le plus grand de tous les Docteurs  catholiques. Avant de laisser la parole aux Papes pour le prouver, nous indiquons que vous pourrez trouver un courte biographie ici, ainsi que plusieurs ouvrages de ou sur saint Thomas ici.

XIIIe SIÈCLE

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Alexandre IV dit en 1256, lorsque saint Thomas d’Aquin, âgé de trente ans, était loin encore d’avoir donné les plus belles productions de son génie :

« Bien vive a été notre satisfaction d’apprendre avec quel zèle et quelle vigilance vous prenez les intérêts de la piété et de la justice. C’est ainsi que récemment, avant même d’avoir reçu nos Lettres, vous avez accordé la Licence à Frère Thomas d’Aquin, de l’Ordre des Prêcheurs, homme également illustre par la noblesse de sa race, la pureté de sa vie, et le trésor de science et de doctrine que la grâce de Dieu lui a déjà fait acquérir. » (Bref à Émeric, chancelier de l’Église de Paris)

XIVe SIÈCLE

Jean XXII

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Lors d’une Allocation au Consistoire en 1318, Jean XXII fit les déclarations suivantes :

« Lui (Thomas) a plus éclairé l’Eglise que tous les autres Docteurs : et, dans ses livres, l’homme profite plus en une année que durant tout le temps de sa vie dans la doctrine des autres. » (Alloc. hab. in Consistorio an. MCCCXVIII ; cf. Acta sanctorum, volume I de mars, pages 681 et 682)

« Sa doctrine n’a pu provenir que d’une action miraculeuse de Dieu. » (Alloc. hab. in Consistorio an. MCCCXVIII ; cf. Acta sanctorum, volume I de mars, pages 681 et 682)

On rapporte aussi de ce même Pape, à la fin de la collecte des miracles lors du procès en canonisation (plusieurs centaines…), la phrase célèbre :

« Mais pourquoi chercher des miracles ? Il a fait autant de miracles qu’il a écrit d’article. » (Cf Père José Rivera RAMIREZ, De Auctoritate Doctrinali S. Thomae Aquinatis, Salmanticae, 1952, page 36)

Le même Jean XXII canonisa Thomas d’Aquin le 18 juillet 1323 par le Bulle Redemptionem misit, à lire intégralement en cliquant ici.

Clément VI

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Dans une bulle datée de 1344, après avoir comparé la doctrine de l’Ange de l’école au rayon de soleil qui illumine la terre, et à un glaive spirituel qui pourfend l’erreur, ajoute à sa louange :

« Les écrits de saint Thomas, remplis de sagesse et de science, ne cessent pas de procurer à l’Église universelle cette abondance de fruits variés, dont l’arôme console et réjouit toujours la sainte Épouse de Jésus-Christ. »

Innocent VI

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« La doctrine de saint Thomas a, plus que toutes les autres, le droit canon excepté, l’avantage de la propriété des termes, de la mesure dans l’expression, de la vérité des propositions, de telle sorte que ceux qui la possèdent ne sont jamais surpris hors du sentier de la vérité, et que quiconque l’a combattue a toujours été suspect d’erreur. »

Bienheureux Urbain V

« Considérant que saint Thomas a, par cette science éminente qu’il avait reçue de Dieu, illustré non seulement l’Ordre des Frères Prêcheurs, mais encore l’Église entière, et que, fidèlement attaché aux pas du bienheureux Augustin, il a enrichi cette même Église d’un très grand nombre de savants ouvrages, Nous vous exhortons dans le Seigneur Jésus à recevoir son corps avec toute sorte de respect, d’honneur et de vénération.

Nous voulons et enjoignons que vous suiviez la doctrine du bienheureux Thomas, comme étant véridique et catholique, et que vous vous appliquez de toutes vos forces à la répandre. » (Bulle Laudabilis Deus à l’Archevêque de Toulouse et à tous les Maîtres et Docteurs de l’Université de cette ville, 1368)

XVIe SIÈCLE

Concile de Trente

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Lors du concile de Trente (1545-1563), la Somme théologique de saint Thomas était posée sur le Maître autel de l’église où les Pères conciliaires se réunissaient, juste à côté de la Sainte Bible, pour signifier que la Somme contient et exprime la foi catholique.

« les Pères du concile de Trente voulurent que, au milieu de leur assemblée, avec le livre des divines Écritures et les décrets des pontifes suprêmes, sur l’autel même, la Somme de Thomas d’Aquin fut déposée ouverte, pour pouvoir y puiser des conseils, des raisons, des oracles. » (Léon XIII, encyclique Æterni Patris, 1879)

Saint Pie V

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Bulle Mirabilis Deus, 11 avril 1567

En 1567, le pape saint Pie V déclara Thomas d’Aquin Docteur de l’Église, et ordonna que sa fête fût célébrée avec la même solennité que celles des quatre premiers docteurs de l’Église latine : saint Grégoire le Grand, saint Ambroise, saint Augustin et saint Jérôme. Le principal motif de cette décision se trouve exposé comme il suit, dans la bulle Mirabilis Deus :

« [Ses oeuvres sont] une règles très sûre de la doctrine chrétienne, par laquelle il a éclairé l’Eglise Apostolique par la réfutation d’une infinité d’erreurs. Parce que la Providence du Dieu tout-puissant a fait que le Docteur angélique, par la force de la vérité de sa doctrine, à partir du moment où il est entré dans le ciel, a dissipé, en les confondant et les réfutant, les nombreuses hérésies qui sont venues depuis, comme souvent auparavant et comme dernièrement dans les saints Décrets du Concile de Trente la chose est apparue clairement, Nous ordonnons que la mémoire du saint Docteur, dont les mérites libèrent chaque jour l’univers d’erreurs pestilentielles, soit plus encore qu’auparavant l’objet d’un culte inspiré par l’amour d’un cœur pieux et reconnaissant. » (Bulle Mirabilis Deus, 11 avril 1567, d. d. XI aprilis an. MDLXVII.)

Bulle In eminenti, 29 juillet 1570

« La doctrine théologique [de saint Thomas d’Aquin] reçue par l’Eglise catholique est plus sûre que toutes les autres. » (Bulle In eminenti, 29 juillet 1570)

Clément VIII

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Le zèle empressé des Napolitains, pour obtenir du Saint-Siège le droit d’honorer saint Thomas comme patron de leur cité, donna occasion au pape Clément VIII de leur adresser trois Brefs, desquels on peut détacher ces magnifiques éloges :

« C’est par un motif également sage et pieux que vous désirez avoir pour nouveau protecteur le bienheureux Thomas d’Aquin, jadis votre concitoyen, angélique interprète des volontés divines, dont la doctrine a eu ce rare privilège d’être approuvée par le témoignage de Dieu même. En accordant votre demande, Nous voulons non seulement satisfaire Notre dévotion particulière envers ce Saint, mais témoigner, en Notre nom autant qu’au nom de toute l’Église, combien Nous nous sentons redevables au Docteur angélique. »

XVIIe SIÈCLE

Paul V

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Quatre ans après, Paul V, successeur de Clément VIII, écrivait :

« Nous nous réjouissons beaucoup dans le Seigneur de voir tous les jours s’accroître le culte et les honneurs que l’on rend à saint Thomas d’Aquin, ce très illustre athlète de la foi catholique, dont les écrits servent à l’Église militante comme d’un bouclier pour repousser avec succès les traits des hérétiques. »

Alexandre VII

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Le Pape Alexandre VII, qui condamna les cinq propositions de Jansénius, écrivait, en 1660, aux docteurs de Louvain :

« Nous ne doutons point que vous ne suiviez toujours et n’ayez en singulière vénération les principes très sûrs et inébranlables de saint Augustin et de saint Thomas, ces deux célèbres et saints docteurs, dont le grand génie et la réputation si bien établie parmi les peuples catholiques sont supérieurs à toute louange, et ne peuvent être recommandés par de nouveaux éloges. »

XVIIIe SIÈCLE

Benoît XIII

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Dans trois brefs adressés à l’Ordre des Frères Prêcheurs, auquel il déclare avoir eu l’honneur d’appartenir, relève de son autorité apostolique les louanges décernées par ses prédécesseurs à la doctrine de saint Thomas, et s’insurge contre les calomnies dont on l’a attaqué :

« Par un effet de sa providence suprême, Dieu ne s’est pas contenté de donner au Docteur angélique la force et la science nécessaires pour confondre et dissiper les hérésies qui avaient précédé sa naissance ou qui s’étaient répandues de son temps, mais encore plusieurs autres qui ont affligé l’Eglise depuis sa mort. Méprisez donc, Nos chers fils, les calomnies que l’on a mises en avant pour noircir vos sentiments, particulièrement sur la grâce efficace par elle-même et par une vertu intrinsèque, comme parle l’école, et sur la prédestination gratuite à la gloire, sans aucune prévision des mérites ; sentiments que vous avez enseignés jusqu’à ce jour avec honneur, que votre école se glorifie avec juste titre d’avoir puisés dans saint Augustin et dans saint Thomas, et qu’elle soutient avec une louable fermeté être conformes à la parole divine, aux décrets des conciles, aux décisions des souverains pontifes et à la doctrine des Pères de l’Église.

Continuez de vous consacrer à l’étude des ouvrages de votre saint Docteur sans craindre de vous égarer, puisque ses écrits, exempts de toute erreur, sont plus lumineux que le soleil, et que l’Église, qui admire son érudition, reconnaît en avoir été éclairée ; appuyés sur une règle si sûre de la doctrine chrétienne, soutenez toujours avec courage les vérités de notre sainte religion et la pureté de sa morale.

Voilà ce que nos prédécesseurs ont pensé et Nous ont appris de la doctrine de saint Thomas ; à leurs justes éloges Nous joignons de grand cœur les Nôtres. »

Clément XII

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L’acte important de Clément XII pour honorer la mémoire de l’angélique Docteur ; après avoir rappelé, l’approbation donnée à ses écrits par les pontifes romains, et cité nommément treize de ses prédécesseurs : Alexandre IV, Jean XXII, Clément VI, Urbain V, Nicolas V, Pie IV, Pie V, Sixte-Quint, Clément VIII, Paul V, Alexandre VII, Innocent XII et Benoît XIII, le Saint-Père déclare que :

« voulant aussi témoigner son estime particulière pour la doctrine de saint Thomas, il accorde à tous les séculiers qui auront étudié la théologie dans les écoles des Frères Prêcheurs, selon la forme en usage, mêmes prérogatives, mêmes grades, mêmes droits aux bénéfices, que s’ils avaient suivi les cours des plus célèbres Universités du monde. »

Dans la constitution de 1733 du Pape Clément XII :

« La doctrine de ce grand homme a été exaltée dans les conciles même œcuméniques. »

Benoît XIV

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Benoît XIV fait les louanges des écrits de saint Thomas-d’Aquin, surtout de la Somme théologique :

« De nombreux Pontifes romains Nos prédécesseurs ont rendu à sa doctrine des témoignages la comblant d’honneur. Et Nous-même, dans les livres que Nous avons écrits sur diverses matières, lorsque, en la scrutant avec soin, Nous avons perçu et contemplé la pensée du Docteur angélique, toujours plein d’admiration et de joie, Nous y avons adhéré et souscrit, confessant ingénument que s’il se trouve quelque chose de bon dans ces mêmes livres, ce n’est nullement à Nous, mais à un si grand maître, que le tout doit être attribué. » (Acta Cap. Gen., 0. P., t. IX, p. 196.)

Pour continuer cette nomenclature, il faudrait citer encore Pie VI

XIXe SIÈCLE

… et Pie IX, qui ont comblé de louanges le Docteur angélique.

Léon XIII

Encyclique Aeterni Patris, 4 août 1879 – Sur la philosophie chrétienne

« Entre tous les docteurs scolastiques, brille, d’un éclat sans pareil leur prince et maître à tous, Thomas d’Aquin, lequel, ainsi que le remarque Cajetan, pour avoir profondément vénéré les Saints Docteurs qui l’ont précédé, a hérité en quelque sorte de l’intelligence de tous. Thomas recueillit leurs doctrines, comme les membres dispersés d’un même corps ; il les réunit, les classa dans un ordre admirable, et les enrichit tellement, qu’on le considère lui-même, à juste titre, comme le défenseur spécial et l’honneur de l’Église. D’un esprit ouvert et pénétrant, d’une mémoire facile et sûre, d’une intégrité parfaite de mœurs, n’ayant d’autre amour que celui de la vérité, très riche de science tant divine qu’humaine, justement comparé au soleil, il réchauffa la terre par le rayonnement de ses vertus, et la remplit de la splendeur de sa doctrine. Il n’est aucune partie de la philosophie qu’il n’ait traitée avec autant de pénétration que de solidité: les lois du raisonnement, Dieu et les substances incorporelles, l’homme et les autres créatures sensibles, les actes humains et leurs principes, font tour à tour l’objet des thèses qu’il soutient, dans lesquelles rien ne manque, ni l’abondante moisson des recherches, ni l’harmonieuse ordonnance des parties, ni une excellente manière de procéder, ni la solidité des principes ou la force des arguments, ni la clarté du style ou la propriété de l’expression, ni la profondeur et la souplesse avec lesquelles il résout les points les plus obscurs. » (Encyclique Aeterni Patris, 4 août 1879 – Sur la philosophie chrétienne)

En lire plus de cette encyclique : ici.

Bref aux Rédemptoristes pour la traduction en français des œuvres de Saint Alphonse-Marie de Liguori, 28 août 1879

« Mais c’est encore à un titre tout particulier que Nous Nous réjouissons de votre entreprise : souvent, dans ses écrits, le saint auteur se glorifie de suivre la doctrine de l’Ange de l’École ; or, un tel hommage rendu par le docteur le plus rapproché de notre époque ajoute un nouveau lustre à la gloire de l’enseignement de saint Thomas ; c’est un encouragement à la restauration de la philosophie chrétienne suivant l’esprit du Docteur angélique que, dans Nos dernières lettres encycliques, Nous avons si fortement recommandée. Aussi, souhaitons-Nous à cette nouvelle édition des œuvres de saint Alphonse le plus heureux succès, un succès qui réponde pleinement à Nos vœux et aux vôtres. » (Bref aux Rédemptoristes pour la traduction en français des œuvres de Saint Alphonse-Marie de Liguori, 28 août 1879)

Création de la Commission Léonine ()

Ce Pape confia aux Dominicains la tâche de publier une édition scientifique et critique des œuvres de Thomas d’Aquin en fondant la Commission Léonine.

Bref Cum hoc sit, 4 août 1880 – Proclamant Saint Thomas d’Aquin patron des écoles catholiques

Le 4 août 1880, Léon XIII déclare le patron des études dans les écoles catholiques suite à de très nombreuses demandes :

« C’est un usage à la fois fondé sur la nature et approuvé par l’Eglise catholique, de rechercher le patronage des hommes célèbres par la sainteté, et les exemples de ceux qui ont excellé ou atteint la perfection en quelque genre, afin de les imiter. C’est pourquoi un grand nombre d’Ordres religieux, de Facultés, de Sociétés littéraires, ont voulu, depuis longtemps déjà, choisir avec l’approbation du Saint-Siège, pour maître et pour patron, saint Thomas d’Aquin, qui a toujours brillé à l’égal du soleil par la doctrine et par la vertu.

Or, de nos temps, l’étude de sa doctrine s’étant accrue partout, de nombreuses demandes se sont produites afin qu’il fût assigné comme patron, par l’autorité de ce Siège Apostolique, à tous les Collèges, Académies et Ecoles du monde catholique. Plusieurs évêques ont fait connaître que c’était leur vœu, et ils ont envoyé à cet effet des lettres particulières ou communes; les membres de beaucoup d’Académies et des Sociétés savantes ont réclamé la même faveur par d’humbles et instantes suppliques.

On avait cru devoir différer de satisfaire à. l’ardeur de ces désirs et de ces prières, afin que le temps en accrût le nombre ; mais l’opportunité de cette déclaration apparut à la suite de la publication faite l’année dernière, à pareil jour, de notre Lettre Encyclique sur la Restauration dans les écoles catholiques de la philosophie chrétienne selon l’esprit du docteur angélique, saint Thomas d’Aquin. En effet, les évêques, les Académies, les doyens des Facultés et les savants de tous les points de la terre, déclarèrent, d’un seul cœur et comme d’une seule voix, qu’ils seraient dociles à nos prescriptions ; qu’ils voulaient même, dans l’enseignement de la philosophie et de la théologie, suivre entièrement les traces de saint Thomas ; ils affirment, en effet, qu’ils sont, comme Nous, convaincus que la doctrine thomiste possède, avec une éminente supériorité, une force et une vertu singulières pour guérir les maux dont notre époque est affligée.

Nous donc, qui depuis longtemps et vivement désirons voir fleurir toutes les écoles sous la garde et le patronage d’un maître si excellent, vu l’attestation si formelle et si éclatante du désir universel, Nous jugeons que le temps est venu d’ajouter cette nouvelle louange à la gloire immortelle de Thomas d’Aquin.

Or, voici le principal et le résumé des motifs qui Nous déterminent : c’est que saint Thomas est le plus parfait modèle que, dans les diverses branches des sciences, les catholiques puissent se proposer. En lui sont, en effet, toutes les lumières du cœur et de l’esprit qui imposent à bon droit l’imitation; une doctrine très féconde, très pure, parfaitement ordonnée ; le respect de la foi et un admirable accord avec les vérités divinement révélées ; l’intégrité de la vie et la splendeur des plus hautes vertus.

Sa doctrine est si vaste qu’elle contient, comme une mer, toute la sagesse qui découle des anciens. Tout ce qui a été dit de vrai, tout ce qui a été sagement discuté par les philosophes païens, par les Pères et les Docteurs de l’Eglise, par les hommes supérieurs qui florissaient avant lui, non seulement il l’a pleinement connu, mais il l’a accru, complété, classé avec une telle perspicacité des espèces, avec une telle perfection de méthode et une telle propriété des termes, qu’il semble n’avoir laissé à ceux qui le suivraient que la faculté de l’imiter, en leur ôtant la possibilité de l’égaler.

Et il y a encore ceci de considérable : c’est que-sa doctrine, étant formée et comme armée de principes d’une grande largeur d’appli-cation, elle répond aux nécessités, non pas d’une époque seulement, mais de tous les temps, et qu’elle est très propre à vaincre les erreurs sans cesse renaissantes. Se soutenant par sa propre force et sa propre valeur, elle demeure invincible et cause aux adversaires un profond effroi.

Il ne faut pas moins apprécier, surtout au jugement des chrétiens, l’accord parfait de la raison et de la foi. En effet, le saint Docteur démontre avec évidence que les vérités de l’ordre naturel ne peuvent pas être en désaccord avec les vérités que l’on croit, sur la parole de Dieu : que, par conséquent, suivre et pratiquer la foi chrétienne, ce n’est pas un asservissement humiliant et méprisable de la raison, mais une noble obéissance qui soutient l’esprit et l’élève à de plus grandes hauteurs ; enfin, que la raison et la foi viennent Tune et l’autre de Dieu, non pas pour qu’elles soient en dispute, mais pour que, unies entre elles par un lien d’amitié, elles se protègent mutuellement.

Or, dans tous les écrits du bienheureux Thomas, on voit le modèle de cette union et de cet admirable accord. Car on y voit dominer et briller tantôt la raison qui, précédée par la foi, atteint l’objet de ses recherches dans l’investigation de la nature ; tantôt la foi, qui est expliquée et défendue à l’aide de la raison, de telle sorte, néanmoins, que chacune d’elles conserve intactes sa force et sa dignité ; enfin, quand le sujet le demande, toutes deux marchent ensemble comme des alliées contre les ennemis de toutes deux. Mais, s’il fut toujours très important que l’accord existât entre la raison et la foi, on doit le tenir pour beaucoup plus important encore depuis le XVIe siècle ; car, à cette époque, on commença à semer les germes d’une liberté dépassant toute borne et toute règle, qui fait que la raison humaine répudie ouvertement l’autorité divine et demande à la philosophie des armes pour miner et combattre les vérités religieuses.

Enfin, le Docteur Angélique, s’il est grand par la doctrine, ne l’est pas moins par la vertu et par la sainteté. Or, la vertu est la meilleure préparation pour l’exercice des forces de l’esprit et l’acquisition de la science; ceux qui la négligent s’imaginent faussement avoir acquis une science solide et fructueuse, parce que la science n’entrera pas dans une âme mauvaise, et qu’elle n’habitera pas dans un corps soumis au péché (Sagesse I, 4). Cette préparation de l’âme, qui vient de la vertu, exista en Thomas d’Aquin à un degré, non seulement excellent et éminent, mais de telle façon qu’elle mérita d’être divinement marquée par un signe éclatant. En effet, comme il était sorti victorieux d’une très forte tentation de volupté, le très chaste adolescent obtint de Dieu, comme récompense de son courage, de porter autour de ses reins une ceinture mystérieuse et de sentir en même temps complètement éteint le feu de la concupiscence. Dès-lors, il vécut comme s’il eût été exempt de toute contagion de corps, pouvant être comparé aux esprits angéliques, non moins pour l’innocence que pour le génie.

A ces causes, Nous jugeons le Docteur Angélique digne à tous-égards d’être choisi comme patron des études, et en prononçant avec joie ce jugement, Nous agissons dans la pensée que le patronage de cet homme très grand et très saint sera très puissant pour la restauration des études philosophiques et théologiques, au grand avantage de la société. Car, dès que les écoles catholiques se seront mises sous la direction et la tutelle du Docteur Angélique, on verra, fleurir aisément la vraie science, puisée à des principes certains et se développant dans un ordre rationnel. Des doctrines pures produiront des mœurs pures, soit dans la vie privée, soit dans la vie publique, et les bonnes mœurs auront pour conséquence le salut des peuples, l’ordre, l’apaisement et la tranquillité générale. Ceux qui s’adonnent aux sciences sacrées, si violemment attaquées de nos jours, puiseront dans les œuvres de saint Thomas les moyens de démontrer amplement les fondements de la foi chrétienne, de persuader les vérités surnaturelles et de défendre victorieusement notre très sainte religion contre les assauts criminels de ses ennemis. Toutes les sciences humaines comprendront qu’elles ne seront point pour cela empêchées ni retardées dans leur marche ; mais, au contraire, stimulées et agrandies ; quant à la raison, elle rentrera en grâce avec la foi, les causes de dissentiment ayant disparu, et elle la prendra pour guide à la recherche du vrai. Enfin tous les hommes avides de savoir, façonnés par les exemples et les préceptes d’un si grand maître, s’habitueront à se bien disposer à l’étude par l’intégrité des mœurs ; et ils ne poursuivront point cette science qui, séparée de la charité, enfle les esprits et les égare, mais celle qui, découlant du Père des lumières et du Maître des sciences, mène également à lui.

Il Nous a plu de demander aussi sur la question l’avis de la Sacrée-Congrégation des Rites, et son avis unanime ayant été pleinement d’accord avec Nos vœux, en vertu de Notre suprême autorité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant et l’honneur du Docteur Angélique, pour l’accroissement des sciences et l’utilité commune de la société humaine, Nous déclarons saint Thomas, le Docteur Angélique, patron des Universités, des Académies, des Facultés, des Ecoles catholiques, et Nous voulons qu’il soit, comme tel, tenu, vénéré et honoré par tous ; il est entendu cependant que rien n’est changé pour l’avenir aux honneurs et au rang donnés aux saints que des Académies ou des Facultés peuvent avoir choisis pour patrons particuliers. » (Bref Cum hoc sit, 4 août 1880; in : Lettres apostoliques de S.S. Léon XIII, encycliques, brefs, etc., A. Roger et F. Chernoviz, tome 1, pages 110 à 117)

Encyclique Licet multa, 3 août 1881 – Aux Évêques belges

« Sur ce sujet, le Souverain Pontife Benoît XIV, Notre immortel prédécesseur, a laissé dans sa Constitution  Sollicita ac provida, aux hommes d’étude des règles pleines de sagesse  et d’autorité, il leur a proposé comme un modèle à imiter en cette manière saint Thomas d’Aquin dont la modération de langage et la  gravité du style se maintiennent autant dans la lutte et l’attaque à l’égard des adversaires que dans l’exposition de la doctrine et des preuves destinées la défendre.

Nous voulons renouveler aux Savants les recommandations de Notre prédécesseur, et leur signaler ce noble modèle, qui leur apprendra non seulement la manière de conduire la controverse avec les opposants,  mais aussi le caractère de la doctrine qu’il faut tenir et développer dans la culture de la philosophie et de la théologie. A plusieurs reprises, chers fils et vénérables frères, Nous vous avons exprimé Notre vif désir de voir la sagesse de saint Thomas rappelée dans les écoles catholiques et entourée partout de la plus haute considération. Nous vous avons également exhorté à établir à l’Université de Louvain l’enseignement de la philosophie supérieure dans l’esprit de saint Thomas.

Dans cette affaire, comme dans toutes les antres, Nous vous avons trouvés absolument prêts condescendre à Nos voeux et à remplir  Notre volonté. Poursuivez donc avec zèle la tâche commencée, et veillez avec soin ce que, dans cette même Université, les sources fécondes de la philosophie Chrétienne, qui jaillissent des oeuvres de saint Thomas, soient ouvertes aux disciples avec une riche abondance, et appliquées au profit de toutes les autres branches de l’enseignement. Dans l’exécution de ce projet, si vous avez besoin de Notre aide ou de Nos conseils. ils ne vous feront jamais défaut. » (Encyclique Licet multa, 3 août 1881 – Aux Évêques belges ; Lettres apostoliques de S.S. Léon XIII, encycliques, brefs, etc., Maison de la Bonne Presse, tome 7, page 25)

Encyclique Officio sanctissimo, 22 décembre 1887 – Le catholicisme en Bavière – Résistance au Kulturkampf – Condamnation de la Franc-Maçonnerie

« C’est que la méthode du Docteur angélique est admirablement propre à former les esprits; c’est qu’elle fournit le moyen de commenter, de philosopher, de disserter d’une façon pressante et invincible : car elle montre lumineusement les choses dérivant chacune les unes des autres par une série non interrompue, et toutes s’enchaînant et s’unissant entre elles, toutes se rapportant à des principes supérieurs, puis elle élève à la contemplation de Dieu, qui est la cause efficiente, la force, le modèle souverain de toutes choses, à qui finalement toute la philosophie de l’homme, pour grand qu’il soit, doit se rapporter. Ainsi, par saint Thomas, la science des choses divines et humaines, des causes qui contiennent ces choses, cette science est à la fois admirablement éclairée et solidement affermie. Contre cette méthode, les vieilles sectes d’erreurs se sont ruées en vain; et les nouvelles, qui en diffèrent plutôt par le nom et l’apparence que par la chose, après avoir aussi levé la tête, sont tombées sous ses coups, ainsi que l’ont montré beaucoup de nos écrivains. Il est vrai que la raison humaine veut pénétrer avec des armes libres dans la connaissance intérieure et cachée des choses, elle le veut et ne peut pas ne pas le vouloir; mais avec Thomas d’Aquin pour auteur et pour maître, elle le fait plus vite et plus librement, parce qu’elle le fait avec une entière sécurité, à l’abri de tous périls de dépasser les frontières de la vérité. Car on ne peut raisonnablement appeler liberté ce qui conduit et disperse les opinions jusqu’au caprice et à la fantaisie, bien plus, à une licence perverse, à une science fausse et menteuse qui est le déshonneur de l’esprit et une vraie servitude. C’est là vraiment le très sage docteur qui s’avance entre les frontières de la vérité, qui non seulement ne s’attaque pas à Dieu, principe et terme de toute vérité, mais qui .lui adhère très étroitement et qui lui rend toujours hommage, toujours de quelque façon qu’il lui découvre ses mystères; qui n’est pas moins saintement obéissant dans son enseignement au Pontife romain, qui révère en lui l’autorité divine et qui tient qu’il est absolument nécessaire, de nécessité de salut, d’être soumis au Pontife romain. — Qu’à son école donc, le clergé grandisse et s’exerce dans l’étude de la philosophie et de la théologie : car, de la sorte, il sera savant et plus vaillant que personne dans les saints combats » (Encyclique Officio sanctissimo, 22 décembre 1887 – Le catholicisme en Bavière – Résistance au Kulturkampf – Condamnation de la Franc-Maçonnerie)

« La prééminence de saint Thomas d’Aquin

Le Père fondateur fixa, comme principe dans la Compagnie, d’un jugement par ailleurs excellent, le choix d’une seule forme de doctrine bien définie, comme la plus authentique et éminente, de l’avis unanime des sages, éprouvée par un long usage, préférée par l’Eglise, et put à bon droit l’imposer à ses fils, sans faire nulle violence à leur intelligence, mais au contraire en leur fournissant une nourriture saine et salutaire : ce fut la doctrine de saint Thomas d’Aquin : « En théologie, l’on étudiera (…) la doctrine scolastique de saint Thomas [8] ». Il faut admettre, d’après plusieurs passages des Constitutions, que le saint fondateur, restant sauf le précepte de l’uniformité de doctrine, et pour cela la préférence pour le thomisme, laissa cependant à ses successeurs, par une bénigne prudence, la faculté de désigner une doctrine que l’époque et les méthodes propres de la Compagnie désigneraient comme plus adaptée. Il faut également reconnaître que ces mêmes successeurs ont depuis longtemps fait usage de cette faculté, tout à leur honneur, comme il convenait aux héritiers de son esprit et de ses vertus. Ainsi, à la cinquième Congrégation générale, les capitulants, rappelant le conseil des Constitutions de « choisir la doctrine d’un seul auteur » décidèrent unanimement qu’il fallait « suivre la doctrine de saint Thomas en Théologie scolastique, en tant que plus solide, plus sûre, plus approuvée et mieux conforme aux Constitutions [9] ». Pour donner d’autant plus de fermeté à cette décision, ils voulurent ajouter : « Nos membres auront toujours saint Thomas comme docteur propre », et plus encore : « Nul ne sera désigné pour enseigner la Théologie, qui n’ait sérieusement étudié la doctrine de saint Thomas ; quant à ceux qui ne la connaissent pas, qu’ils soient purement et simplement écartés [10]. » Toutes ces décisions prises avec tant de réflexion et de prudence ont été confirmées fréquemment et une à une, surtout à la XXIIIe Congrégation, où un Décret spécial fut élaboré ; ce Décret, lorsqu’il nous fut présenté le 16 novembre 1883, fut jugé par nous digne d’encouragement, et nous lui ajoutâmes volontiers ces mots : « Le Décret concernant l’adoption de la doctrine de saint Thomas d’Aquin dans les études de la Société de Jésus, renouvelé récemment par un chapitre général de l’Ordre, reçoit notre pleine approbation, et Nous exhortons vivement à ce qu’il soit à l’avenir observé par tous. »

Pas de théologie thomiste sans philosophie de saint Thomas !

De surcroît, à qui examinera attentivement les prescriptions de la Compagnie sur les études, il paraîtra évident que la doctrine de saint Thomas doit être absolument suivie non seulement en théologie, mais aussi dans le domaine philosophique. La Règle impose de suivre Aristote en philosophie, mais la Philosophie de saint Thomas n’est autre que l’aristotélisme : le Docteur angélique, avec une sagesse sans pareille, l’adapta, la débarrassa des erreurs facilement échappées à un auteur païen, la christianisa, l’utilisa pour exposer et défendre la vérité catholique. Il est à compter parmi les plus grands bienfaits que l’Eglise doit à saint Thomas d’avoir associé la Théologie chrétienne à la Philosophie péripatétique, désormais prédominante, avec tant de justesse que nous ne verrons plus jamais Aristote comme un adversaire du Christ [11]. Il ne pouvait en être autrement du prince des Théologiens scolastiques, car, comme chacun sait, cette discipline a pour caractéristique de tirer ses sources propres des enseignements divinement révélés, et de les amener vers son champ d’étude avec piété et attention, mais elle s’appuie en cette grande œuvre sur la Philosophie comme sur le soutien le plus solide pour protéger comme pour éclairer la foi. Tous ceux donc qui étudient Aristote et doivent trouver une voie sûre n’ont qu’à embrasser la philosophie de l’Aquinate, d’autant plus que dans la Compagnie les professeurs commandent d’interpréter la Philosophie de telle sorte « qu’ils la rendent subordonnée et servante de la vraie Théologie scolastique recommandée par les Constitutions [12] », et à cette fin un programme d’études aristotéliciennes a été choisi, car elle paraît mieux répondre à cette résolution : « Puisque la Société a adopté la Philosophie d’Aristote comme la plus utile à la Théologie, on s’y tiendra absolument [13]. » La philosophie que les étudiants de la Compagnie professent, si elle n’est pas conforme aux vues du Docteur angélique, ne peut servir en rien à cette Théologie scolastique que tous sont réellement « tenus de suivre ». Que ceux-là se le tiennent d’abord pour dit, qui, voyant les interprètes d’Aristote ou les docteurs catholiques diverger en opinions diverses et variées, trouveraient peut-être légitime de choisir la doctrine qu’ils préfèrent, sans se préoccuper de l’avis de saint Thomas : par le fait même, à l’évidence ils s’éloigneraient de lui y compris en Théologie, et pour la même raison ils abandonneraient la « doctrine uniforme » que le Père fondateur ordonna de tenir avec la plus grande constance. C’est pourquoi une louable décision a été prise par la XXIIIe Congrégation générale, réunie peu après la publication de Notre Encyclique Aeterni Patris, en ce point important : « La Compagnie de Jésus a jugé nécessaire de manifester par un témoignage public et solennel sa complète soumission [à cette Encyclique] en esprit de filiale obéissance et approbation [14] », notre Lettre ne visant rien d’autre que de rétablir la Philosophie de saint Thomas dans tous les lieux d’étude.

Les Jésuites peuvent-ils suivre… les Jésuites ?

Cependant, notre propos n’est pas de retirer quoi que ce soit aux mérites des remarquables auteurs que la Compagnie a formés de tous temps : au contraire, cette gloire propre est à maintenir et à conserver, de sorte que tous, surtout parmi les membres de la Compagnie, « magnifient et recommandent soigneusement les docteurs sûrs et remarquables issus de la Société en honneur dans l’Eglise [15] ». Eminents en vertu comme en intelligence, ils mirent tous leurs efforts à étudier les écrits du Docteur angélique, ils exposèrent brillamment et longuement sa pensée, ils ornèrent sa doctrine d’un appareil d’une parfaite érudition, par suite ils développèrent de nombreux arguments justes et précis pour réfuter les erreurs nouvelles, y ajoutant par la suite tout ce que l’Eglise eut dans les mêmes matières affirmé plus longuement ou décidé plus précisément. Nul ne saurait sans dommage mépriser une œuvre si magistrale. Mais il faut surtout prendre garde que, de l’opinion par laquelle brillent ces excellents auteurs et de la somme de travail que représentent leurs écrits, il ne sorte un obstacle à l’uniformité de doctrine plutôt qu’une aide pour répandre le véritable enseignement de saint Thomas, comme on se l’est justement proposé. Cette unité n’est à espérer d’aucune manière, à moins que les étudiants de la Compagnie n’adhèrent à un seul auteur, éprouvé comme il se doit, auquel seul se rapporte le précepte : « Ils suivront saint Thomas, et le considèreront comme leur propre maître ». Par conséquent, si sur une question ces mêmes auteurs que nous avons loués sont en désaccord avec les écrits du Docteur commun, il n’y a pas à hésiter sur la voie à suivre ; et il ne sera pas difficile de s’y tenir, puisque, concernant les œuvres certainement attribuées à saint Thomas, il n’arrivera pas facilement que les auteurs de la Compagnie soient d’un autre avis. Il suffira, pour autant que la question l’exige, de choisir parmi ces auteurs ceux qui sont d’accord avec lui, pour faire d’une pierre deux coups : suivre à la fois le Docteur angélique et les meilleurs savants jésuites.

Les limites de la liberté de doctrine

« Que nul ne s’imagine avoir le droit d’employer sans discernement des thèses qu’il aurait trouvées dans les livres écrits par les auteurs de la Compagnie ou publiés avec l’autorisation des supérieurs. Outre que nombre d’entre eux ont été édités avant que la Compagnie eût fixé précisément le règlement des Études, les Supérieurs de l’Ordre n’ont jamais cessé de s’opposer à une telle liberté, et ce fréquemment et clairement, même à notre époque, jugeant qu’il fallait faire preuve de plus de diligence et de sévérité quant à la censure de certains ouvrages. [16] » Nous ne sommes pas sans savoir, il est vrai, qu’en certains passages des Constitutions une certaine indulgence est de mise, et qu’il est même affirmé ouvertement que la Compagnie n’est pas tenue d’adhérer à la doctrine de saint Thomas si strictement que « en aucune matière il n’est permis de s’en écarter [17] ». Mais qui se reportera sérieusement aux passages des Constitutions en question, comprendra facilement qu’il s’en faut de beaucoup que cette exception déroge en quoi que ce soit aux lois fixées, et qu’au contraire elle les renforce. Une certaine liberté est laissée, d’abord, « si jamais la position de saint Thomas est ambiguë, ou dans les matières dont il n’a pas traité [18] ». Par conséquent, sur les points qu’il a abordés et où son opinion apparaît clairement, il n’est pas même permis de s’en écarter. Ici il est utile de rappeler toutes les précautions de jugement données par le P. Aquaviva : « Il ne suffit pas non plus de faire valoir deux ou trois passages pris çà et là, et de les tirer à soi en montrant leurs conséquences ou leurs incohérences, voire en les forçant ; comme s’il fallait y voir l’opinion du grand Docteur, car d’une manière ou d’une autre c’est une argumentation différente qu’il exprime dans ces passages. Il faut au contraire considérer ce qu’il pense, où il traite le problème directement, et comparer attentivement tout ce qu’il déclare avec le reste de son corps de doctrine, que ce soit en cohérence ou avec quelque dissonance [19]. » Autrement dit, que nul ne se persuade par de vaines subtilités que la position du Docteur angélique montre quelque ambiguïté. Quant aux questions qu’il n’aurait pas traitées, il importe que les principes et les thèses fondamentales de sa doctrine soient connus à fond, de peur que les conclusions qu’on en tire ne contredisent en quoi que ce soit ceux-ci : ce que facilitent les recommandations de la XXIIIe Congrégation : « Que nos professeurs et étudiants de Théologie aussi bien que de Philosophie soient sérieusement avertis de ne pas se fier avec excès à leur jugement personnel, et de ne pas avoir l’audace et la légèreté de prendre les interprétations nouvelles qu’ils auraient conçues pour la vraie et authentique doctrine de saint Thomas [20]. »

En second lieu, une semblable libre faculté semble laissée « dans les questions purement philosophiques, ou encore dans celles qui relèvent de l’Ecriture et du droit canonique [21] ». En vérité, si nous mettons de côté le reste, il est évident que les questions philosophiques, lorsqu’elles touchent par quelque raison à la Théologie, sont exclues de cette liberté ; et on n’en pourra guère trouver chez saint Thomas qu’il ne rapporterait pas à la Théologie. En ces matières « purement philosophiques », deux remarques semblent opportunes : premièrement, « sur les problèmes de quelque importance, on ne s’éloignera pas d’Aristote [22] [et pour le même motif de saint Thomas] » ; par suite de quoi il n’y aura pas de liberté d’opinion sauf sur les questions d’importance mineure ou nulle. Deuxièmement, on estimera qu’il est interdit de s’écarter de saint Thomas « dans les thèses fondamentales et celles qui servent de principe à plusieurs autres [23] ».

Enfin, en quoi il ne serait pas téméraire d’être d’un avis contraire au même Maître, c’est-à-dire lorsqu’une thèse doctrinale opposée à son opinion « serait reçue dans les universités catholiques [24] », il n’est pas même besoin de le rappeler : en effet à notre époque de telles universités sont rares, et en aucune ou presque, si elles sont dociles au Siège apostolique, on ne peut trouver de doctrine qui s’oppose au Docteur angélique, dans les traces duquel au contraire toutes se font un devoir de marcher. On se contentera de citer la règle d’or, qui confirme définitivement ces consignes : « Au reste, de peur que ce qu’on vient de dire ne serve de prétexte à certains pour facilement s’écarter de la doctrine de saint Thomas, il paraît bon de prescrire que nul ne soit désigné pour enseigner la Théologie, qui n’ait sérieusement étudié la doctrine de saint Thomas ; quant à ceux qui ne la connaissent pas, qu’ils soient purement et simplement écartésCar ceux qui se seront pleinement consacrés à suivre l’esprit de saint Thomas ne s’éloigneront certainement pas de lui, sauf à contrecœur et exceptionnellement [25] ». Ces deux conditions méritent d’être estimées avec soin. Si ce n’est pas permis sauf « à contrecœur », nul ne s’y risquera pour une raison seulement probable, mais forcé par des motifs très graves, et l’on préfèrera dans les opinions probables être d’accord avec saint Thomas, pour suivre la doctrine « uniforme » et « sûre » évoquée plus haut. Et ce ne sera possible qu’exceptionnellement, à condition qu’on ait jugé droitement de son avis, de manière, évidemment, que l’on ne remette pas tout l’ensemble en cause, mais seulement les questions disputées entre théologiens catholiques, avec les restrictions que nous venons d’indiquer : nul ne pourra sans danger s’écarter de la doctrine de saint Thomas, sauf « sur l’une ou l’autre conclusion, qui n’ait pas une importance spéciale », et en aucun cas « dans les thèses fondamentales et celles qui servent de principe à plusieurs autres ».

Exhortation à tous les professeurs

Ce que nous venons d’exposer sur le choix des doctrines dans le programme des études, c’est précisément ce que la Compagnie de Jésus, selon les prescriptions de son Père fondateur, a donné à ses étudiants afin de les former au mieux à procurer la gloire de Dieu et l’utilité de l’Eglise et du prochain, non moins qu’à assurer leur progrès personnel. Cet agencement nous a paru si juste et à propos que, quand même il ne serait pas imposé par les règles de la Compagnie, nous l’eussions nous-même prescrit ; ce qu’en vertu de notre autorité apostolique nous établissons et édictons dès à présent. Et il nous vient joie et espérance à l’idée que, lorsque nous aurons gagné les étudiants de la Compagnie à la cause de l’œuvre que nous recherchons, à savoir l’établissement de la philosophie thomiste, il ne restera plus qu’à les exhorter à préserver leurs règles disciplinaires. Que si nos commandements susdits réclament des mêmes étudiants de la Compagnie une obéissance pieuse et diligente, c’est avec plus encore de piété et de diligence que les maîtres de collège, en y formant la jeunesse confiée à leurs soins, aussi bien que les responsables des études, par leur vigilance et leur application, se consacreront à leur donner force et les observeront intégralement. En particulier, les responsables s’y efforceront par un devoir de conscience, qui sont chargés de choisir les candidats aux fonctions d’enseignement : qu’ils n’hésitent pas en ces matières à se couvrir de notre autorité, pour favoriser et promouvoir judicieusement ceux qui leur paraîtraient d’un caractère obéissant et appliqués à la doctrine de saint Thomas, et pour exclure de l’enseignement sans égard de personne ceux dont ils constateront un moindre empressement. Ainsi, à l’université pontificale grégorienne, qui se trouve pour ainsi dire sous nos yeux, et en faveur de laquelle nous n’avons pas ménagé nos soucis et nos soins, nous nous réjouissons qu’il en soit selon nos vœux et nos ordres, et nous la voyons en conséquence fleurir de l’affluence de nombreux étudiants et d’une réputation de bonne et solide doctrine. Des fruits si excellents ne se feront certes pas désirer longtemps, partout où la doctrine sera répandue par des hommes que ce même esprit anime et que ces mêmes études auront nourris.

Pour finir, afin d’assurer la durée de nos consignes, ainsi que leur durable affermissement et leur succès le plus large et le plus profitable, nous décrétons que cette Lettre apostolique promulguée sous forme de Bref, serve de loi stricte et définitive concernant le choix de la doctrine au sein de toute la Compagnie de Jésus, et qu’elle soit tenue pour telle par tous ; qu’elle s’ajoute aux autres documents pontificaux complétant les statuts de la même Compagnie, et qu’on s’y réfère comme à une règle certaine si quelque question est soulevée sur l’ordonnancement des études ; que des exemplaires en soient distribués à tous et chacun des membres, qu’ils soient supérieurs, Préfets des études, professeurs de théologie ou de philosophie, ou censeurs de livres ; qu’elle soit lue en commun à table dès qu’elle aura été reçue, et répétée chaque année à la reprise des cours, dans toutes les universités et les maisons de la Compagnie où l’on étudie la philosophie ou la théologie. Par ailleurs, que nos affirmations et décisions contenus dans cette lettre demeurent toutes invariables et fermes à perpétuité : nous déclarons vain et sans valeur ce que quiconque pourrait y opposer à l’avenir, rien ni personne ne pouvant y faire légitime obstacle. » (Bref Gravissime nos, 30 décembre 1892 – Consignes aux Jésuites concernant le renouveau des études thomistes)

Encyclique Providentissimus Deus, 18 novembre 1893 – Sur l’exégèse

« Histoire de l’étude de l’Ecriture […]

Aussi savamment et aussi clairement qu’aucun de leurs prédécesseurs, ils distinguèrent les divers sens des mots latins, établirent la valeur de chacun au point de vue théologique, marquèrent les différents chapitres des livres et le sujet de ces chapitres, creusèrent la signification des paroles bibliques, expliquèrent la liaison des préceptes entre eux. Tout le monde voit quelle lumière a été ainsi apportée dans les points obscurs. En outre, leurs livres, soit relatifs à la théologie, soit commentant les Saintes Écritures elles-mêmes, manifestent une science profonde puisée dans les Livres Sacrés. À ce titre, saint Thomas d’Aquin a obtenu parmi eux la palme. […]

Fonder la théologie sur l’Ecriture […]

Cette méthode d’enseignement de la science sacrée est indiquée et recommandée par le Prince des théologiens, saint Thomas d’Aquin [40]. Celui-ci, en outre, a montré comment le théologien, comprenant bien le caractère de la science qu’il cultive, peut défendre ses principes, si quelqu’un les attaque : « En argumentant, si l’adversaire accorde quelques-unes des vérités qui nous sont données par la révélation. C’est ainsi qu’au moyen de l’autorité de la Sainte Écriture, nous discutons contre les hérétiques, et au moyen d’un article de foi contre ceux qui en nient un autre. Au contraire, si l’adversaire ne croit rien de ce qui est divinement révélé, il ne reste plus à lui prouver les articles de foi par des raisonnements, mais à renverser ses raisonnements, s’il en fait contre la foi [41]. » […]

Or, ils seront parfaitement prêts à la lutte si, d’après la méthode que Nous-même leur avons indiquée et prescrite, ils cultivent religieusement et approfondissent l’étude de la philosophie et de la théologie, sous la conduite du même saint Thomas. Ainsi ils feront de grands et sûrs progrès, tant dans les sciences bibliques que dans la partie de la théologie appelée positive. […]

La science exégétique […]

Règle d’interprétation […]

Il faut donc distinguer avec soin dans leurs explications ce qu’ils donnent comme concernant la foi ou comme lié avec elle, ce qu’ils affirment d’un commun accord. En effet, pour ce qui n’est pas de l’essence de la foi, les saints ont pu avoir des avis différents, ainsi que nous-mêmes ; telle est la doctrine de saint Thomas [50]. » (Encyclique Providentissimus Deus, 18 novembre 1893 – Sur l’exégèse)

Lettre au Ministre général de l’Ordre des Frères mineurs (25 novembre 1898)

« Notre Lettre encyclique Aeterni Patris a suffisamment montré la voie qu’il faut suivre dans l’étude des sciences supérieures — S’éloigner sans réflexion et témérairement des préceptes du Docteur angélique est contraire à Notre volonté et plein de périls. Sans doute, la marche de la pensée humaine ne s’arrête jamais ; la science et la doctrine sont en progrès presque quotidiens; et qui donc ne voudrait pas user avec sagesse des connaissances développées chaque jour par l’érudition et le travail contemporains ? Rien au contraire, il est bon de leur emprunter volontiers tout ce qu’ils produisent de juste et d’utile, tout ce qui, en eux, n’est pas contraire à la vérité divinement révélée; mais ceux qui veulent être vraiment philosophes — et les religieux doivent surtout le vouloir — sont obligés d’établir les principes et les bases de leur doctrine sur saint Thomas d’Aquin. En négligeant de l’étudier, on s’expose, dans la licence extrême des esprits, à choir dans le désordre des opinions erronées et à se laisser toucher par le souille empesté du rationalisme ; ce que du reste n’atteste que trop l’expérience. Et que sera-ce si quelque chose de semblable s’infiltre parmi ceux dont la mission est d’instruire une jeunesse désireuse de se consacrer à la vie religieuse ? Que le nom de Thomas soit donc pieusement révéré par tous les disciples du bienheureux François, et qu’ils suivent avec respect un tel chef, dont Jésus-Christ a témoigné qu’il avait bien écrit de lui-même. […]

Et il n’est permis à aucun catholique de négliger les règles et les instructions de Souverain Pontife. » (Lettre au Ministre général de l’Ordre des Frères mineurs, 25 novembre 1898, Lettres apostoliques de S.S. Léon XIII, encycliques, brefs, etc., A. Roger et F. Chernoviz, tome 5, pages 171-173)

Encyclique Depuis le jour, 8 septembre 1899 – Aux clergé de France, sur l’instruction du clergé dans les séminaires

« Est-il besoin d’ajouter que le livre par excellence ou les élèves pourront étudier avec plus de profit la théologie scolastique est la Somme Théologique de saint Thomas d’Aquin ? Nous voulons donc que les professeurs aient soin d’en expliquer à tous leurs élèves la méthode, ainsi que les principaux articles relatifs à la foi catholique. » (Encyclique Depuis le jour, 8 septembre 1899 – Aux clergé de France, sur l’instruction du clergé dans les séminaires)

XXe SIÈCLE

Saint Pie X

Lettre apostolique In praecipuis laudibus, 23 janvier 1904 sur l’Académie romaine de Saint-Thomas-d’Aquin

« Il n’est pas un seul juste appréciateur des choses qui ne place parmi les premiers sujets de louange à l’adresse de Léon XIII, d’heureuse mémoire, Notre prédécesseur, ce fait que, ayant entrepris de réformer les études du jeune clergé et de les adapter aux besoins du temps présent-, il ait dès l’abord consacré tous ses efforts à restaurer la méthode de saint Thomas d’Aquin. Frappé, en effet, de la nouvelle orientation des esprits et constatant quel crédit prenaient chaque jour certains procédés, nullement conformes à la vérité catholique, de philosopher et de discuter sur les plus graves questions, il estima de son devoir d’écarter avec prudence le danger qui en découlait pour les étudiants ecclésiastiques; d’autant plus qu’il avait remarqué que la méthode traditionnelle des études, approuvée par le jugement de l’Eglise et l’usage des siècles, avait faibli en beaucoup de points par suite du désir de s’attacher aux formes plus récentes. C’est pourquoi, aux institutions et aux préceptes de la philosophie chrétienne et de la théologie, il donna à nouveau pour chef et pour maître le Docteur angé-lique, dont le génie sublime avait préparé des armes on ne peut phis puissantes, même à cette époque, pour la défense de la vérité et la réfutation de multiples erreurs; puisque, mieux que personne, saint Thomas avait rapproché et développé avec une abondance inouïe les sages principes qu’il avait recueillis dans les écrits des Pères et des Docteurs de l’Eglise, destinés à demeurer utiles dans tous les temps, — Toutefois, ce Pontife ne dédaigna en aucune façon les véritables pro-grès de la science engendrés par l’activité des esprits modernes; bien au contraire, persuadé que le clergé ne pouvait dignement tenir son rang s’il n’était pourvu d’une science abondante, il voulut que leur instruction sur les plus graves sujets fût enrichie des données opportunes de l’érudition.

Pour aider à la restauration de la méthode thomiste, qu’il avait prescrite dans ses lettres Encycliques Aeterni Patris, il institua plus tard dans cette ville de Rome, qui devait même en ce point donner l’exemple an monde catholique, une Académie spéciale, à laquelle il donna le nom de saint Thomas d’Aquin, et dont le but était d’expliquer, de défendre, de propager la doctrine du Docteur angélique, spécialement en philosophie. Avec munificence il assura à l’Académie des revenus annuels, suffisants pour assurer son existence. Il lui concéda de plus le pouvoir, semblable à celui accordé aux autres Universités ou Facultés, d’élever au grade de docteur eu philosophie ceux de ses étudiants qui, le cours de, leurs études étant achevé, auraient, en un solennel examen, donné de leur savoir un satisfaisant témoignage. Enfin, eu l’année 1893, modifiant les statuts provisoires qu’il avait imposés à l’Académie, il lui fixa définitivement les règles dont l’expérience avait démontré la convenance.

Pour Notre part, dès le début de Notre pontificat, placé en des temps peut-être, plus hostiles encore que ceux du passé à la sagesse traditionnelle de nos pères, Nous avons estimé absolument indispensable de maintenir scrupuleusement les prescriptions de Notre illustre prédécesseur touchant renseignement de la philosophie et de la doctrine thomiste, et Nous porterons Notre sollicitude à les développer dans l’espoir de fruits plus abondants. Pour cela, Nous voulons que l’Académie romaine de Saint-Thomas, qui tient à bon droit la première place parmi les autres institutions de cette sorte, s’épanouisse sous Notre protection comme elle le fit sous celle toute particulière de Léon XIII.

Nous savons, en effet, avec quel zèle et quel profit les membres de cette Académie s’adonnent au labeur qui leur est confié, soit eu ajoutant de doctes commentaires à la doctrine de Thomas d’Aquin, soit en développant ses pensées et en déduisant de ses sentences des conclusions nouvelles, soit en estimant à la lumière de ses principes les affirmations des philosophes récents. Aussi les félicitons-Nous volontiers pour l’aide puissante qu’ils apportent aux véritables progrès de la philosophie.

Mais, afin que la pratique continue n’apporte aucun relâchement à leur très noble émulation, Nous voulons que Notre parole et Notre autorité donnent à leurs volontés une vigueur nouvelle dans l’accomplissement de leur tache. Et cette exhortation ne s’adresse pas seulement à ceux dont Nous avons parlé, mais, comme il convient, à tous ceux qui enseignent la philosophie dans les écoles catholiques de l’univers entier, en sorte qu’ils aient soin de ne s’écarter jamais de la voie et de la méthode de Thomas d’Aquin et de s’y affermir avec soin chaque jour. Et Nous insistons vivement auprès de tous pour qu’ils consacrent leur sagacité et leurs travaux à combattre virilement ce fléau commun de la raison et de la foi qui se répand partout : Nous voulons dire le néo-rationalisme, dont la pernicieuse influence doit être écartée à tout prix, particulièrement de la jeunesse ecclésiastique.

D’ailleurs, Nous ratifions et confirmons tous et chacun des statuts, biens, privilèges et droits que Notre prédécesseur adonnés et attribués à l’Académie romaine de Saint-Thomas, contraritiis non obstantibus quibuscumque. » (Lettre apostolique In praecipuis laudibus, janvier 1904 sur l’Académie romaine de Saint-Thomas-d’Aquin)

Encyclique Pieni l’animo, 28 juillet 1906 – Sur le Clergé en Italie

« Qu’on fasse les études de philosophie, de théologie et des sciences annexes, spécialement de la Sainte Ecriture, en se conformant aux prescriptions pontificales et en étant fidèle à l’étude de saint Thomas, tant de fois recommandée par Notre vénéré Prédécesseur et par Nous, dans Notre Lettre apostolique du 23 janvier 1904. Que les évoques exercent la plus scrupuleuse vigilance sur les maîtres el sur leurs doctrines, rappelant au devoir ceux qui suivraient certaines nouveautés, dangereuses, el éloignant impitoyablement du professorat ceux qui ne profiteraient pas des admonitions reçues. » (Encyclique Pieni l’animo, 28 juillet 1906 – Sur le Clergé en Italie)

Lettre Delata Nobis, 17 novembre 1907, adressée au Père Thomas PÈGUES

« Il Nous a été offert eu votre nom les deux volumes que vous avez jusqu’ici publiés et qui commencent l’interprétation française et littérale de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin. Nous approuvons votre pensée d’exposer, dans la langue et avec le génie de votre patrie, qui excellent au premier chef, par la clarté, l’œuvre qui est, en théologie, l’œuvre royale, et qui aujourd’hui, plus que jamais, est d’une actualité suprême, alors que ceux qui s’éloignent de saint Thomas semblent par là même être conduits à cette extrémité qu’ils se détachent de l’Eglise. Nous louons aussi le soin avec lequel vous vous êtes appliqué à bien réaliser votre dessein. Nous avons l’espoir et Nous en formons le vœu que votre travail pourra profiter grandement à ceux qui s’occupent de théologie. Nous vous remercions enfin, comme vous le méritez, pour votre hommage, et Nous vous accordons affectueusement la bénédiction apostolique, gage des faveurs célestes et témoignage de Notre affection. » (Lettre Delata Nobis, 17 novembre 1907, adressée au Père Thomas PÈGUES ; in Actes de S. S. Pie X, Maison de la Bonne Presse, tome 4, pages 214-215)

Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 –
Sur les erreurs du modernisme

Il déclara dans l’encyclique Pascendi (8 septembre 1907) :

« 63. Premièrement, en ce qui regarde les études, Nous voulons et ordonnons que la philosophie scolastique soit mise à la base des sciences sacrées. Il va sans dire que s’il se rencontre quelque chose chez les docteurs scolastiques que l’on puisse regarder comme excès de subtilité, ou qui ne cadre pas avec les découvertes des temps postérieurs, ou qui n’ait enfin aucune espèce de probabilité, il est loin de notre esprit de vouloir le proposer à l’imitation des générations présentes (cf. Pape Léon XIII, Encyclique Æternis Patris). Et quand Nous prescrivons la philosophie scolastique, ce que Nous entendons surtout par là – ceci est capital – c’est la philosophie que nous a léguée le Docteur angélique. Nous déclarons donc que tout ce qui a été édicté à ce sujet par Notre Prédécesseur reste pleinement en vigueur, et, en tant que de besoin. Nous l’édictons à nouveau et le confirmons, et ordonnons qu’il soit par tous rigoureusement observé. Que, dans les Séminaires où on aurait pu le mettre en oubli, les évêques en imposent et en exigent l’observance: prescriptions qui s’adressent aussi aux Supérieurs des Instituts religieux. Et que les professeurs sachent bien que s’écarter de saint Thomas, surtout dans les questions métaphysiques, ne va pas sans détriment grave.

II.- Exclusion des modernistes du sacerdoce, des chaires et des grades.

67. […] Que le doctorat en théologie et en droit canonique ne soit plus conféré désormais à quiconque n’aura pas suivi le cours régulier de philosophie scolastique; conféré, qu’il soit tenu pour nul et de nulle valeur. »

Motu proprio Sacrorum antistitum, instituant le « Serment antimoderniste », 1er septembre 1910

En 1910, saint Pie X institue le serment antimoderniste pour immuniser le clergé contre l’hérésie. Dans la présentation du serment il ne manqua pas d’imposer à cette occasion de rappeler la sûreté absolue de saint Thomas :

« En ce qui regarde les études, Nous voulons et ordonnons que la philosophie scolastique soit mise à la base des sciences sacrées. Il va sans dire que s’il se rencontre quelque chose chez les docteurs scolastiques que l’on puisse regarder comme excès de subtilité, ou qui soit proposé sans qu’on veuille y attacher beaucoup d’importance, ou qui ne cadre pas avec les découvertes des temps postérieurs, ou qui n’ait enfin aucune espèce de probabilité, il est bien loin de Notre esprit de vouloir le proposer à l’imitation des générations présentes (Léon XIII, Enc. Aeterni Patris). Et quand Nous prescrivons la philosophie scolastique, ce que Nous entendons surtout par là – ceci est capital -, c’est la philosophie que nous a léguée le Docteur angélique. Nous déclarons donc que tout ce qui a été édicté à ce sujet par Notre Prédécesseur reste pleinement en vigueur, et, en tant que de besoin, Nous l’édictons à nouveau et le confirmons, et ordonnons qu’il soit par tous rigoureusement observé. Que, dans les Séminaires où on aurait pu le mettre en oubli, les évêques en imposent et en exigent l’observance : prescriptions qui s’adressent aussi aux Supérieurs des Instituts religieux. Et que les professeurs sachent bien que s’écarter de saint Thomas, surtout dans les questions métaphysiques, ne va pas sans détriment grave. Une erreur qui est petite dans son principe, pour me servir des termes mêmes de saint Thomas, est grande dans ses conséquences dernières (De Ente et Essentia prœm). » (Motu proprio Sacrorum antistitum, instituant le Serment antimoderniste, 1er septembre 1910)

Motu proprio Doctoris angelici, 29 juin 1914 pour l’Italie et les Îles adjacentes sur l’étude de la doctrine de saint Thomas d’Aquin dans les écoles catholiques

Le 29 juin 1914, dans son motu proprio Doctoris angelici, ce Pape exige des professeurs de philosophie catholique dans les universités et les collèges : « l’étude de la philosophie que nous a léguée le Docteur Angélique » :

« Nul vrai catholique n’a osé révoquer en doute « cette, sentence du Docteur angélique : « La réglementation des études appartient surtout à l’autorité du Siège apostolique préposé au gouvernement de l’Eglise universelle dont le bien est promu par les centres généraux d’études.» (Opusc. Contra impugnantes Dei cultum et religionem, C. III.) De ce grand office de Notre charge Nous Nous sommes déjà acquitté ailleurs, plus spécialement à la date du 1er septembre 1910, lorsque, par Notre Lettre Sacrorum Antistitum [Q. A., t. CIX, p. 1-18 et 29-53] ; adressée à tous les évêques et aux maîtres généraux des Ordres religieux qui auraient pour mission de veiller à la formation des jeunes clercs, Nous leur donnions d’abord ces avis : « Pour ce qui est des études, Nous voulons et Nous ordonnons expressément que la philosophie scolastique soit établie comme le fondement des études sacrées Et la chose capitale ici est qu’en prescrivant de suivre la philosophie scolastique, Nous entendons surtout, par cette philosophie, la philosophie qu’a livrée saint Thomas d’Aquin. De cette philosophie, tout ce qui a été réglé par Notre prédécesseur, tout cela Nous . voulons le maintenir en vigueur et, dans la mesure où il serait besoin, Nous le renouvelons et Nous le confirmons, et Nous ordonnons que cela soit par tous strictement observé. Il appartiendra aux -évoques, si quelque part dans les Séminaires il y avait eu là-dessus quelque négligence, danger et d’exiger qu’on l’observe à l’avenir. Nous donnons le môme précepte aux chefs des Ordres religieux.

Il s’est trouvé, parce que Nous avions dit en cet endroit qu’il fallait surtout suivre la philosophie de Thomas d’Aquin sans dire qu’il fallait la suivre uniquement, que plusieurs se sont persuadé qu’ils obéissaient à Notre volonté ou, à tout le moins, qu’ils ne lui étaient pas contraires s’ils prenaient indistinctement, pour s’y tenir, ce que tel autre des Docteurs scolastiques a enseigné en philosophie, bien que cela fût en opposition avec les principes de saint Thomas. Mais, en cela, ils se sont grandement trompés. Lorsque Nous donnions aux Nôtres saint Thomas comme chef de la philosophie scolastique, il va de soi que Nous avions voulu surtout l’entendre de ses principes sur lesquels, comme sur ses fondements, cette philosophie repose. De même, en effet, qu’il faut rejeter l’opinion de certains anciens affirmant qu’il .n’importe en rien a la vérité de la foi qu’on ait tel ou tel sentiment au sujet des choses créées, pourvu seulement qu’on pense juste au sujet de Dieu, car l’erreur touchant la nature des choses engendre une fausse connaissance de Dieu, de même doivent être saintement et inviolablement gardés les principes de la philosophie posés par Thomas d’Aquin, en vertu desquels tout ensemble et l’on obtient une telle science des choses créées, qu’elle s’accorde admirablement avec la foi (Contra Gentiles, lib. II, c. III et II); et toutes les erreurs de tous les temps sont réfutées, et l’on peut discerner avec certitude ce qui doit être attribué à Dieu seul et à nul autre que lui (Ib., c. III, et I, q. XII, a. 4; et q. LIV, a. 1); et se trouvent illustrées de la façon la plus merveilleuse soit la diversité, soit l’analogie entre Dieu et ses ouvres, diversité et analogie que déjà le quatrième Concile de Latran exprimait en ces termes : « Entre le Créateur et la créature, on ne peut assigner une telle ressemblance qu’on ne doive marquer entre eux. une dissemblance plus grande encore. » (Decretalis IIa Damnamus ergo, etc. Cf. S. THOM. Qusest. Disput. De scientia Dei, art. II.) — Du reste ces principes de saint Thomas, si Nous les prenons d’une façon générale et dans leur ensemble ; ne contiennent pas autre chose que ce que les plus grands philosophes et les princes des Docteurs de l’Eglise avaient trouvé par leurs méditations et leurs raisonnements sur les raisons propres de la connaissance humaine, sur la nature de Dieu et des autres choses, sur l’ordre moral et la fin dernière de la vie qu’il faut atteindre. Un si magnifique patrimoine de sagesse que lui-même après l’avoir reçu des anciens, a perfectionné et augmenté par la puissance de son génie presque digne des anges, et qu’il a appliqué à préparer, illustrer et protéger (In librum Bœthii De Trinitate, quœst. u, art. 3) la doctrine sacrée dans les intelligences humaines, ni la saine raison ne veut qu’on le néglige ni la religion ne souffre qu’on en retranche aucune partie.

Alors surtout que si la vérité catholique est une fois privée de ce puissant boulevard, c’est en vain que pour la défendre on demandera du secours à cette philosophie dont les principes ou bien sont communs avec les erreurs du matérialisme, du monisme, du panthéisme du socialisme et des divers modemismes9 ou certainement ne leur sont point opposés. C’est qu’en effet les points qui, dans la philosophie de saint Thomas, ne doivent pas être du genre des opinions au sujet desquelles on peut disputer en l’un et en l’autre sens, mais comme des fondements sur lesquels toute la science des choses naturelles et divines se trouve établie ; et, si ou les retire ou si on les altère en quelque manière que ce soit, il en résulte encore nécessairement ceci que les étudiants des disciplines sacrées ne perçoivent même plus la signification des mots par lesquels les dogmes que Dieu a révélés sont1 proposés par le magistère de l’Eglise.

C’est fjodç cela que déjà Nous avons voulu que tous ceux qui travaillent à enseigner la philosophie et la théologie sacrées fussent avertis ‘que s’ils s’éloignaient d’un seul pas, surtout dans les choses de la métaphysique, de Thomas d’Aquin, ce ne serait point sans un grand détriment. Et maintenant Nous déclarons de plus que non seulement ceux-là ne suivent point saint Thomas, mais s’égarent très loin du saint Docteur, qui pervertissent dans leurs interprétations ou qui méprisent entièrement ce qui, dans sa philosophie, en constitue les principes et les grandes thèses. Que si la doctrine de quelque auteur eu de quelque saint a été jamais recommandée par Nous ou par Nos prédécesseurs avec des louanges particulières, en telle sorte même qu’aux louanges se joignissent l’invitation et l’ordre de la répandre et de la défendre, il est aisé de comprendre qu’elle a été recommandée dans la mesure où elle s’accordait avec les principes de Thomas d’Aquin ou qu’elle ne s’y opposait en aucune manière.

Nous avons estimé comme un devoir de Notre charge apostolique de déclarer et d’ordonner cela, afin qu’en une chose de la plus grande importance tous ceux qui appartiennent à l’un et à l’autre clergé, sécu-lier ou régulier, aient entièrement nettes Notre pensée et Notre volonté, et qu’ils l’accomplissent avec la promptitude et la diligence qui conviennent. A cela vaqueront avec un soin tout spécial les maîtres de la philosophie chrétienne et de la théologie sacrée, qui doivent avoir loyalement présent à leur esprit, qu’ils n’ont point reçu le pouvoir d-enseigner à l’effet de communiquer aux élèves qui suivent leur cours les opinions qui leur plaisent, mais pour leur livrer les doctrines tenues par l’Eglise comme les plus conformes à sa pensée.

Venant maintenant à ce qui regarde proprement la théologie sacrée, Nous voulons que l’étude de cette science soit toujours illustrée à-la lumière de la philosophie que nous avons dite; mais, dans les Séminaires ordinaires des clercs, il sera permis, pourvu qu’il s’y trouve des maîtres compétents, d’avoir les livres de ces auteurs qui exposent en-abrégé les doctrines dérivées de la source de Thomas d’Aquin; et il s’en trouve en ce genre qui sont fort recommandables.

Toutefois, pour cultiver cette science d’une façon plus haute comme elle doit être cultivée dans les Universités et dans les grands Athénées, et aussi dans tous ces Séminaires et Instituts auxquels a été accordée la faculté de conférer les grades académiques, il faut absolument que, revenant à l’ancienne coutume dont il n’eût fallu jamais s’écarter, il y ait des cours sur la Somme théologique elle-même, pour ce motif encore que ce livre commenté rendra plus facile.l’intelligence et l’illustration des Décrets solennels de l’Eglise enseignante et de ses actes venus dans la suite. Car, après le bienheureux saint Docteur, aucun Concile n’a été tenu par l’Eglise dans lequel lui-même n’ait été présent avec les richesses de sa doctrine. C’est que l’expérience de tant dé siècles a fait connaître, et il devient chaque jour plus manifeste, combien vraie était cette affirmation de Notre prédécesseur Jean XXII : « Lui (Thomas) a plus éclairé l’Eglise que tous les autres Docteurs : et, dans ses livres, l’homme profite plus en une année que durant tout lé temps de sa vie dans la doctrine des autres. » (Alloc. hab. in Consistorio an. MCCCXVIII.) Cette pensée, saint Pie V, quand il décida que la fête de saint Thomas comme Docteur serait célébrée par toute l’Eglise, la confirma en ces termes : « Parce que la Providence du Dieu tout-puissant a fait que le Docteur angélique, par la force de la vérité de sa doctrine, à partir du moment où il est entré dans le ciel, a dissipé, en les confondant et les réfutant, les nombreuses hérésies qui sont venues depuis, comme souvent auparavant et comme dernièrement dans les saints Décrets du Concile de Trente la chose est apparue clairement, Nous ordonnons que la mémoire du saint Docteur, dont les mérites libèrent chaque jour l’univers d’erreurs pestilentielles, soit plus encore qu’auparavant l’objet d’un culte inspiré par l’amour d’un cœur pieux et reconnaissant. » (Bulla Mirabilis Deus, , d. d. XI aprilis an. MDLXVII.) Il Nous plaît aussi, laissant les autres éloges de Nos prédécesseurs, si nombreux et si éclatants, de comprendre, dans ces paroles de Benoît XIV, toutes les louanges des écrits de saint Thomas d’Aquin, surtout de la Somme théologique : « De nombreux Pontifes romains Nos prédécesseurs ont rendu à sa doctrine des témoignages la comblant d’honneur. Et Nous-même, dans les livres que Nous avons écrits sur diverses matières, lorsque, en la scrutant avec soin, Nous avons perçu et contemplé la pensée du Docteur angélique, toujours plein d’admiration et de joie, Nous y avons adhéré et souscrit, confessant ingénument que s’il se trouve quelque chose de bon dans ces mêmes livres, ce n’est nullement à Nous, mais à un si grand maître, que le tout doit être attribué. » (Acta Cap. Gen., 0. P., t. IX, p. 196.)

C’est pourquoi, « afin que la doctrine de saint Thomas pure et intégrale fleurisse dans les écoles, ce que Nous avons extrêmement-à cœur », et que disparaisse « cette manière d’enseigner qui se fonde « sur l’autorité et le jugement des maîtres particuliers », et qui, pour ce motif, « a un fondement muable, d’où proviennent des sentiments divers et contradictoires, non sans que ce soit au grand détriment de la science chrétienne » (LEONIS XIII Epist. Qui te, d. d. XIX junii MDCCCLXXXVI), Nous voulons, ordonnons, commandons que ceux qui obtiennent la charge d’enseigner la sacrée théologie dans les-Universités, les grands lycées, collèges, Séminaires, Instituts qui ont par Indult apostolique, le pouvoir de conférer l’es grades académiques et le doctorat en cette même science, aient comme texte de leurs leçons la Somme théologique et l’expliquent en langue latine, et qu’ils mettent un soin jaloux à susciter à son égard dans leurs auditeurs le plus grand amour. Ceci est déjà louablement en usage dans plusieurs Instituts ; les très sages fondateurs des Ordres religieux ont voulu qu’il en fût ainsi dans leurs maisons d’études, avec la plus grande approbation de Nos prédécesseurs, et les hommes saints qui sont venus après les temps de saint Thomas n’ont eu que lui comme maître suprême de la doctrine. C’est ainsi et non autrement qu’il arrivera non seulement que la théologie sera ramenée à son premier éclat, mais encore que seront rendus à toutes les sciences sacrées leur ordre et leur valeur, et que tout ce qui est du domaine de l’intelligence et de la raison prendra de nouvelles forces.

Pour ces motifs, à l’avenir, aucun pouvoir de conférer les grades académiques en théologie sacrée ne sera accordé à aucun Institut, à moins que ce qui est ordonné ici par Nous ne soit chez lui sainte-ment observé. Quant aux Instituts ou aux Facultés môme des Ordres eu des Congrégations de réguliers qui ont déjà légitimement le pouvoir de conférer, ces sortes de grades académiques ou autres diplômes semblables, même seulement dans les limites de,leur Famille, ceux-là. en seront privés et devront être tenus comme en étant privés qui, après trois ans, pour quelque cause que ce soit, même nullement volontaire, n’auront point religieusement obtempéré à Notre présente prescription.

Et nous statuons ceci sans qu’aucunes choses contraires puissent y faire obstacle. » (Motu proprio Doctoris angelici, 29 juin 1914 pour l’Italie et les Îles adjacentes sur l’étude de la doctrine de saint Thomas d’Aquin dans les écoles catholiques, in Actes de S. S. Pie X, Maison de la Bonne Presse, tome 8, pages 68 à 76)

Les XXIV Thèses thomistes

Saint Pie X prescrivit que les principes et les principaux points de doctrine enseignés dans les Écoles de Philosophie soient ceux de saint Thomas d’Aquin. Divers professeurs soumirent au jugement de la Congrégation romaine des Séminaires et des Etudes Universitaires des Thèses, au nombre de vingt-quatre, qui résumaient l’enseignement qu’ils avaient l’habitude de donner sur des points particuliers discutés. La Congrégation, après en avoir conféré avec le Pape, déclara que ces Vingt-Quatre Thèses contenaient ouvertement les principaux points de la doctrine thomiste et les qualifiant de normæ directivæ tutæ : ce sont les thèses de 1914.

Benoît XV

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Motu proprio Non multo post, 31 décembre 1914, sur l’Académie Romaine de Saint-Thomas

« Peu après la publication de l’Encyclique Aeterni Patris sur la restauration de la philosophie chrétienne selon la doctrine du Docteur Angélique, Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Léon XIII, envoya, le 15 août 1879, au cardinal Antoine de Luca, préfet du S. Conseil pour la direction des études, les Lettres Jampridem, par lesquelles, en vue de promouvoir et de propager la doctrine de Thomas d’Aquin, il institua à Rome une Académie spéciale, qui porte le nom et est placée sous le patronage de ce Saint illustre.

« Ses études et son expérience lui avaient fait comprendre que le moyen le plus rapide et le plus efficace de mettre un terme, avec le secours de Dieu, à l’affreuse guerre menée aujourd’hui contre l’Eglise et la société humaine elle-même, était la restauration universelle, moyennant l’étude de la philosophie, des bons principes de la science et de l’action, et que, de ce chef, il est d’intérêt général qu’une saine et solide philosophie refleurisse partout » ; et, principalement, cela va sans dire, dans la métropole du catholicisme, qui. étant la résidence et le siège du Souverain Pontificat, voit de coutume venir à elle, de tous les points du monde, une foule de jeunes clercs désireux de s’instruire, et qui, à ce titre, est tenue de dépasser les autres cités par le renom d’un enseignement et d’une formation éminents. Aussi, le très sage Pontife entoura de toute sa bienveillance l’Académie Romaine qu’il avait fondée et que nous avons déjà nommée, lui procura des revenus, la combla de bienfaits, l’investit de privilèges, dont le plus important est assurément la faculté, à elle consentie, de conférer le doctorat à ses élèves qui, le cours général de philosophie achevé, fréquentent pendant deux ans, avec un succès reconnu, les chaires établies clans les collèges de Rome pour le perfectionnement de ces études, ainsi que les réunions académiques. Mais, un temps assez long s’est écoulé depuis la fondation de l’Académie, les buts que l’on s’était proposés en l’établissant ont reçu dans l’intervalle de précieuses réalisations dues à la publication d’écrits périodiques, aux conférences et aux discussions publiques sur des sujets philosophiques, et aux secours fournis aux étudiants d’avenir. C’est pourquoi Léon XIII approuva solennellement, par les Lettres apostoliques Quod iam inde du 9 mai 1895, les règles et les statuts de l’Académie. Notre prédécesseur immédiat, Pie X, de sainte mémoire, témoigna qu’il approuvait pleinement un si utile institut, par les Lettres apostoliques In praecipuis taudibus du 23 janvier 1904, où, après avoir déclaré que pour défendre la doctrine chrétienne contre les erreurs actuelles et surtout contre le néorationalisme ou modernisme, il importait grandement de prendre saint Thomas pour guide, il confirma tout ce qui avait été fait par Léon XIII en faveur de l’Académie.

Quant à Nous, persuadé, comme Nos prédécesseurs que Nous n’avons à Nous inquiéter que de la philosophie qui est selon le Christ (Col. II, 8) et que, en conséquence, Nous devons pousser résolument l’étude de la philosophie vers les principes et le système de Thomas d’Aquin — ainsi l’explication de la doctrine révélée sera aussi complète que possible et sa défense sera inébranlable — nous voulons donner un témoignage sensible de l’intérêt que, non moins que Nos devanciers, Nous portons à l’Académie de Saint-Thomas.

Pour qu’elle prospère de plus en plus et qu’elle produise des fruits de jour en jour plus nombreux, Nous avons pris soin d’édicter certaines règles nouvelles concernant les études, les discussions, les examens à subir par les élèves pour pouvoir conquérir le doctorat ou être inscrits au nombre des membres de l’Académie. Ces ordonnances, déjà approuvées par Nous, Nous les confirmons présentement. Désormais, trois cardinaux de la sainte Eglise romaine seront à la tête de l’Académie ; la prééminence appartiendra toujours au préfet existant du S. Conseil pour la direction des études. Enfin, pour ne pas omettre un autre moyen d’entretenir la studieuse ardeur des membres de l’Académie et des élèves, Nous ordonnons que, sur les revenus de l’Académie soit prélevée une somme, à déterminer par les présidents, pour être distribuée comme récompense aux uns et aux autres.

Ces ordonnances, que Nous avons décidées de Notre propre mouvement, Nous les confirmons et Nous les ratifions, nonobstant toutes choses contraires.

Nous avons la ferme confiance que, que par l’intercession du Docteur Angélique, Dieu, le Maître des sciences, les fera concourir au développement de la doctrine catholique. » (Motu proprio Non multo, 31 décembre 1914, sur l’Académie Romaine de Saint-Thomas, Actes de Benoît XV, Maison de la Bonne Presse, Tome 1,  pages 60 à 63)

Le Code de droit canonique de 1917 et les XXIV Thèses thomistes

Après la mort de saint Pie X, des doutes furent portés à la Congrégation des Séminaires et Universités. En février 1916, deux réunions, auxquelles assistait le Cardinal Mercier, aboutirent à la décision suivante : les Vingt-Quatre Thèses devaient être proposées comme des règles de direction entièrement sûres. Benoît XV confirma cette décision, et la promulgua le 7 mars 1916.

En 1917, Benoît XV promulgua le premier Code de Droit canonique, législation universelle de l’Église, couverte de l’infaillibilité pratique, dont le canon 1366, § 2 dispose on ne peut plus clairement que la doctrine de saint Thomas doit être « tenue religieusement » par les formateurs du clergé :

« Les professeurs doivent ordonner les études de philosophie rationnelle et de théologie, de même que la formation des élèves dans ces disciplines, selon la méthode du docteur Angélique [c’est-à-dire saint Thomas d’Aquin : ndlr], et s’en tenir religieusement à sa doctrine et à ses principes. »

En 1947, une loi est insérée dans le Code de Droit canonique: les professeurs doivent traiter de tous points les études de la philosophie rationnelle et de la théologie, et la formation des élèves dans ces sciences, selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur Angélique, et s’y tenir religieusement. Or, parmi les sources qu’il indique, le Code signale le décret approuvant les Vingt-Quatre Thèses: celles-ci représentent donc bien la doctrine et les principes visés par l’article 1366, § 2, du Code.

Lettre de Sa Sainteté Benoît XV à son cher fils Edouard HUGON, 5 mai 1916

Ce Pape adressa une lettre au Père Edouard HUGON, qui sera la futur rédacteur de l’encyclique Quas Primas (11 décembre 1925) pour le Pape Pie XI, lui disant ce qui suit :

« L’obligation sainte et salutaire qui s’impose aux écoles catholiques où l’on forme à la science de la philosophie et de la théologie la jeunesse du Sanctuaire, c’est de prendre pour maître suprême saint Thomas d’Aquin. Tout ce qui fut établi, à ce sujet, avec tant de sagesse par Nos prédécesseurs, en particulier par Léon XIII et Pie X, d’heureuse mémoire, doit être maintenu et inviolablement observé.

Mais Nous estimons que c’est aussi une oeuvre opportune de faire sortir, pour ainsi dire, le Docteur Angélique de l’enceinte de l’Ecole, pour lui permettre de rayonner au dehors et de projeter la lumière presque divine de son génie sur tous ceux qui veulent approfondir notre religion. Il est certain que les modernistes n’ont pu s’écarter si loin de la foi et s’égarer et s’égarer en tant d’opinions diverses, que parce qu’ils ont négligé les principes et la doctrine de saint Thomas. » (Lettre de Sa Sainteté Benoît XV à son cher fils Edouard HUGON, religieux dominicain, docteur et professeur en théologie au Collège Angélique à Rome, 5 mai 1916, citée en introduction de son ouvrage Les vingt-quatre thèses thomistes, Téqui-Paris VI°)

Benoît XV affirme donc que les modernistes sont devenus modernistes car ils se sont écarter de saint Thomas d’Aquin. C’est plus que significatif lorsqu’on sait que son prédécesseur saint Pie X enseigne que le modernisme est « le pire ennemis de l’Eglise » et « l’égoût collecteur de toutes les hérésies » :

« Ennemis de l’Eglise, certes ils [les modernistes] le sont, et à dire qu’elle n’en a pas de pires on ne s’écarte pas du vrai. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis, 8 septembre 1907, n°3)

« Maintenant, embrassant d’un seul regard tout le système, qui pourra s’étonner que Nous le définissions le rendez-vous de toutes les hérésies ? Si quelqu’un s’était donné la tâche de recueillir toutes les erreurs qui furent jamais contre la foi et d’en concentrer la substance et comme le suc en une seule, véritablement il n’eût pas mieux réussi. Ce n’est pas encore assez dire: ils ne ruinent pas seulement la religion catholique, mais, comme Nous l’avons déjà insinué, toute religion. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis, 8 septembre 1907, n°53)

Bref au Père Thomas PÈGUES du 5 février 1919

Il adresse aussi un Bref au Père Thomas PÈGUES le 5 février 1919, lui disant ce qui suit : 

« Les éloges, d’éclat exceptionnel, que le Siège Apostolique a faits de Thomas d’Aquin ne permettent plus à aucun catholique de douter que ce docteur n’ait été, dans ce but, suscité par Dieu, afin que l’Église eût un maître de la doctrine qu’elle suivrait par excellence en tout temps. D’autre part, il semblait convenable que la sagesse unique de ce docteur fût directement ouverte, non pas seulement aux hommes du clergé, mais encore à tous ceux, quels qu’ils soient, qui cultiveraient à un degré plus élevé les études religieuses, et jusqu’à la multitude elle-même: la nature veut, en effet, que plus on approche de la lumière, plus on s’en trouve abondamment éclairé. Vous êtes donc grandement à louer, vous qui, ayant entrepris d’expliquer par un commentaire littéral en français l’œuvre principale du Docteur angélique, la Somme théologique — et les volumes déjà parus montrent que votre projet se réalise avec succès — avez récemment publié la même Somme rendue en forme de catéchisme. Par là, vous n’avez pas d’une façon moins apte approprié les richesses de ce grand génie à l’usage des moins instruits qu’à celui des plus doctes, donnant, sous une forme brève et succincte, dans le même ordre lumineux, tout ce que lui-même avait exposé d’une façon plus copieuse. Et, assurément, Nous vous félicitons de ce fruit d’un travail et d’une étude prolongés, dans lequel il est permis de reconnaître votre grande connaissance et votre grande science de la doctrine thomiste ; et Nous souhaitons, ce qui est le vœu que vous inspire votre amour de la sainte Église, que ce travail serve au plus grand nombre possible pour connaître à fond la doctrine chrétienne. Comme gage des faveurs divines et comme témoignage de Notre bienveillance très spéciale, Nous vous accordons très affectueusement, à vous, cher fils, et à vos disciples, la bénédiction apostolique. »

Encyclique Fausto Appetente Die du 29 juin 1917, à l’occasion du VII° centenaire de la mort de saint Dominique

Enfin, dans son encyclique Fausto Appetente Die du 29 juin 1917, à l’occasion du VII° centenaire de la mort de saint Dominique, Benoît XV affirma :

« La sagesse divine elle-même sembla s’exprimer par la bouche des fils de saint Dominique, alors que brillaient parmi eux de puissants hérauts et défenseurs de la doctrine chrétienne, tels Hyacinthe de Pologne, Pierre le Martyr, Vincent Ferrier ; des esprits remarquables pour leur génie et versés dans les sciences les plus élevées, tels Albert le Grand, Raymond de Pennafort, Thomas d’Aquin, ce fils de Dominique dont Dieu daigna se servir, plus que de tout autre docteur, pour illuminer son Eglise. Aussi bien, cet Ordre, qui fut toujours si apprécié pour son apostolat de la vérité, s’est-il vu décerner son plus beau titre de gloire le jour où l’Eglise proclama que la doctrine de saint Thomas était sa propre doctrine, et donna aux étudiants catholiques pour maître et saint patron ce Docteur que les Papes avaient comblé des éloges les plus insignes »

Pie XI

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Lettre apostolique Officiorum Omnium, 1er août 1922 – Sur l’éducation du clergé

« Le cycle des études littéraires achevé, nos lévites doivent, comme préparation à la théologie, vaquer très sérieusement deux ans au moins à l’étude de la philosophie. Nous entendons la philosophie scolastique, soigneusement élaborée par des travaux ininterrompus des saints Pères et des Docteurs de l’Ecole et que l’œuvre et le génie de Thomas d’Aquin ont portée à sa dernière perfection, celle que Notre illustre prédécesseur Léon XIII n’hésitait point à appeler le « rempart de la foi et la solide forteresse de la religion » (Lettre encyclique Aeterni Patris). C’est, en effet, la gloire de Léon XIII d’avoir, en restaurant l’amour et le culte du Docteur angélique, remis en honneur la philosophie chrétienne ; et Nous sommes à ce point convaincu que ce fût là le plus,grand de tous les services si précieux qu’au cours de son long pontificat il rendit à l’Eglise et à la société, que, à défaut d’autres mérites, ce seul titre suffirait à immortaliser de nom-de ce grand Pape.

Les professeurs de philosophie se préoccuperont donc avant tout, en enseignant cette science aux séminaristes, de suivre non seulement la manière et la méthode de saint Thomas, mais encore sa doctrine et ses principes ; ils mettront d’autant plus d’ardeur à lui être fidèles qu’ils savent que les modernistes et les autres ennemis de la foi catholique ne craignent et ne redoutent aucun Docteur de l’Eglise à l’égal de saint Thomas.

Ce que Nous disons de la philosophie doit s’entendre également de la théologie cela ressort de ces paroles de Sixte-Quint : « Cette science si salutaire puise ses principes dans les divines Ecritures, les actes pontificaux, les œuvres des Pères, les décisions des Conciles ; la connaissance et l’application de la théologie ont toujours été pour l’Eglise une aide puissante qui lui ont, permis de comprendre et d’interpréter avec exactitude et fidélité les Ecritures même ; de délire, de commenter les Pères avec plus de sûreté et plus de fruit ; de découvrir et de réfuter les diverses erreurs et hérésies. Mais c’est surtout de nos jours, où nous vivons ces temps pleins de périls décrits par l’Apôtre, où des hommes blasphémateurs, orgueilleux et séducteurs, font triompher la cause du mal, plongés dans Terreur et y entraînant les autres, que celle science est souverainement nécessaire pour confirmer les dogmes de la foi catholique et réfuter les hérésies. » (Bullarium, Triumphantis, année 1588)

Or, qu’est-ce qui fait de la théologie une discipline possédant la force d’une science vraiment digne de ce nom, capable de donner — suivant la belle expression de Notre très regretté prédécesseur — « une explication aussi complète que le permet la raison humaine et une victorieuse défense de la vérité révélée par Dieu » ? (Benoît XV, Motu proprio De Romana Sancti Thomae Academia, an. 1914). C’est la philosophie scolastique, et elle seule, utilisée en prenant pour guide et maître saint Thomas d’Aquin, et mise au service de la théologie. C’est elle qui fournit a cet heureux enchaînement, sans brisure, d’effets et de causes, cette ordonnance et cette disposition qui rappellent le déploiement des soldats en ordre de bataille, ces lumineuses définitions et distinctions, cette solidité d’arguments et ces discussions 1res subtiles, tout cet ensemble qui sépare la lumière des ténèbres et la vérité de Terreur, qui dénonce et démasque les mensonges des hérétiques en jetant bas le voile d’impostures et de supercheries dont ils se couvrent. » (Sixte V, Bullarium, Triumphantis, année 1588)

Ceux-là, par suite, entendent mal la formation des jeunes clercs qui, laissant de côté la méthode scolastique, sont d’avis qu’on doit donner tout l’enseignement théologique d’après la méthode dite positive ; et ces professeurs remplissent moins bien encore leur fonction qui font consister tout leur cours de théologie à parcourir, en d’érudites dissertations, la liste des dogmes et des hérésies. La méthode positive est le complément nécessaire de la méthode scolastique, mais elle ne suffit pas, à elle seule. Il importe, en effet, que nos séminaristes soient armés non seulement pour établir la vérité de la foi, mais encore pour l’expliquer et la défendre : or, passer en revue, par ordre chronologique, les dogmes de la foi et les erreurs opposées, c’est faire de l’histoire ecclésiastique, non de la théologie. » (Lettre apostolique Officiorum Omnium, 1er août 1922, sur l’éducation du clergé, Actes de S. S. Pie XI, Maison de la Bonne Presse, tome 1 (Années 1922 et 1923), pages 90 à 93)

Encyclique Studiorum ducem, 29 juin 1923, sur la conduite des études avec saint Thomas d’Aquin, pour le VIème centenaire de sa canonisation

« Disons pourtant qu’entre ceux qui ont au cour l’amour de saint Thomas, et il convient que ce soit tous les fils de l’Église consacrés aux sciences supérieures, – Nous désirons voir régner une sage émulation dans une juste liberté, ce qui est la condition du progrès intellectuel, mais sans aucune de ces disputes qui ne servent pas la vérité et ne vont qu’à relâcher les liens de la charité. Que ces paroles du Code de Droit canonique soient donc la loi pour tous: « Quant aux études de philosophie et de théologie et à la formation des étudiants en ces matières, que les professeurs s’inspirent absolument de la méthode, de la doctrine et des principes de saint Thomas, et y soient inviolablement attachés » : que tous s’inspirent tellement de cette ligne de conduite qu’ils puissent en toute vérité l’appeler leur maître. Que les uns pourtant se gardent d’exiger des autres plus que n’exige de tous l’Église, mère et maîtresse de tous: dans les questions traditionnelles, où les meilleurs maîtres des différentes écoles théologiques ne sont pas d’accord, chacun peut, en toute liberté, suivre l’opinion qui lui paraît la plus vraisemblable. […]

Pour dissiper les erreurs qui sont la source et l’origine de toutes les misères actuelles, il faut s’attacher plus religieusement que jamais aux doctrines de saint Thomas. Il réfute à fond tous les mensonges modernistes: en philosophie, par la valeur et puissance qu’il reconnaît à l’esprit humain et les arguments très solides qu’il donne de l’existence de Dieu ; en dogmatique, par la distinction qu’il établit entre l’ordre surnaturel et l’ordre naturel et l’explication qu’il donne des raisons de croire et des dogmes à croire ; en théologie, par l’affirmation que les articles de foi ne sont pas de simples opinions, mais des vérités, et des vérités immuables ; en Écriture Sainte, par la vraie notion de l’inspiration ; en morale, en sociologie, en droit, par la formule exacte des principes de justice légale ou sociale, commutative ou distributive, et l’explication des rapports entre la justice et la charité; en ascétique, par les règles de la perfection chrétienne et la défense des Ordres religieux de son époque contre leurs adversaires. Enfin, contre la prétendue autonomie de la raison humaine, il revendique les droits et l’autorité sur nous du Dieu Souverain. On voit assez pourquoi, entre tous les Docteurs de l’Église, aucun n’est plus redoutable aux modernistes que Thomas d’Aquin. » (Encyclique Studiorum ducem, 29 juin 1923, sur la conduite des études avec saint Thomas d’Aquin, pour le VIème centenaire de sa canonisation)

Pie XII

Une loi canonique au sujet des XXIV Thèses thomistes

En 1947, une loi est insérée dans le Code de Droit canonique : les professeurs doivent traiter de tous points les études de la philosophie rationnelle et de la théologie, et la formation des élèves dans ces sciences, selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur Angélique, et s’y tenir religieusement. Or, parmi les sources qu’il indique, le Code signale le décret approuvant les Vingt-Quatre Thèses: celles-ci représentent donc bien la doctrine et les principes visés par l’article 1366, § 2, du Code !

Encyclique Humani generis, 12 août 1950 – Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique

Dans l’encyclique Humani generis du 12 août 1950, significativement sous-titrée « Sur les opinions faussent qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique », écrit :

« Par ailleurs, les théologiens et les philosophes catholiques, auxquels incombe la lourde charge de défendre la vérité divine et humaine et de l’inculquer à toutes les âmes, n’ont pas le droit d’ignorer ni de négliger les systèmes qui s’écartent plus ou moins de la droite voie. Bien plus, il leur faut les connaître à fond, d’abord parce qu’on ne peut guérir que les maux que l’on connaît bien, puis parce que dans les systèmes erronés peut se cacher quelque lueur de vérité, et parce qu’enfin ces erreurs poussent l’esprit à scruter avec plus de soin et à apprécier mieux telle ou telle vérité philosophique et théologique.

Ah ! si nos philosophes et nos théologiens s’étaient efforcés de tirer de l’examen prudent de ces systèmes l’avantage que nous disons, il n’y, aurait, pour le magistère de l’Eglise, aucune raison d’intervenir. Toutefois, même si nous tenons pour certain que les docteurs catholiques se sont gardés en général de ces erreurs, il n’est pas moins certain qu’il en est aujourd’hui, tout comme aux temps apostoliques, pour s’attacher, plus qu’il convient, aux nouveautés dans la crainte de passer pour ignorants de tout ce que charrie un siècle de progrès scientifiques : on les voit alors qui, dans leur prétention de se soustraire à la direction du magistère sacré, se trouvent en grand danger de s’écarter peu à peu de la vérité divinement révélée et d’induire avec eux les autres dans l’erreur. […]

On sait combien l’Eglise estime la raison humaine dans le pouvoir qu’elle a de démontrer avec certitude l’existence d’un Dieu personnel, de prouver victorieusement par les signes divins les fondements de la foi chrétienne elle-même, d’exprimer exactement la loi que le Créateur a inscrite dans l’âme humaine et enfin de parvenir à une certaine intelligence des mystères, qui nous est très fructueuse (Conc. Vat., D. B., 1796). La raison cependant ne pourra remplir tout son office avec aisance et en pleine sécurité que si elle reçoit une formation qui lui est due : c’est-à-dire quand elle est imprégnée de cette philosophie saine qui est pour nous un vrai patrimoine transmis par les siècles du passé chrétien et qui jouit encore d’une autorité d’un ordre supérieur, puisque le magistère de l’Eglise a soumis à la balance de la révélation divine, pour les apprécier, ses principes et ses thèses essentielles qu’avaient peu à peu mis en lumière et définis des hommes de génie. Cette philosophie reconnue et reçue dans l’Eglise défend, seule, l’authentique et juste valeur de la connaissance humaine, les principes inébranlables de la métaphysique, à savoir de raison suffisante, de causalité et de finalité la poursuite enfin, effective, de toute vérité certaine et immuable.

Dans cette philosophie, sans doute sont traitées des parties qui ni directement ni indirectement ne touchent à la foi et aux moeurs : aussi l’Eglise les laisse-t-elle à la libre discussion des philosophes. Mais pour beaucoup d’autres, surtout dans le domaine des principes et des thèses essentielles que Nous avons rappelés plus haut, de liberté de discussion il n’y a point. Même dans ces questions essentielles, il est permis de donner à la philosophie un vêtement plus juste et plus riche, de la renforcer de développements plus efficaces, de la débarrasser de quelques procédés scolaires insuffisamment adaptés, de l’enrichir discrètement aussi d’éléments apportés par une pensée humaine qui sainement progresse, mais il n’est jamais possible de la bouleverser, de la contaminer de principes faux ou même de la tenir pour un monument sans doute imposant mais absolument suranné. Car la vérité et toute son explication philosophique ne peuvent pas changer chaque jour, surtout quand il s’agit de principes évidents, par soi, pour tout esprit humain ou de ces thèmes qui prennent appui aussi bien sur la sagesse des siècles que sur leur accord avec la révélation divine qui les étaye si fortement. Tout ce que l’esprit humain, adonne à la recherche sincère, peut découvrir de vrai ne peut absolument pas s’opposer à une vérité déjà acquise; Dieu, Souveraine Vérité a créé l’intelligence humaine et la dirige, il faut le dire, non point pour qu’elle puisse opposer chaque jour des nouveautés à ce qui est solidement acquis, mais pour que, ayant rejeté les erreurs qui se seraient insinuées en elle, elle élève progressivement le vrai sur le vrai selon l’ordre et la complexion même que nous discernons dans la nature des choses d’où nous tirons la vérité.

C’est pourquoi un chrétien, qu’il soit philosophe ou théologien, ne peut pas se jeter à la légère, pour les adopter, sur toutes les nouveautés qui s’inventent chaque jour; qu’il en fasse au contraire un examen très appliqué, qu’il les pèse en une juste balance ; et ainsi, se gardant de perdre ou de contaminer la vérité déjà acquise, il évitera de causer un dommage certain à la foi elle-même et de la mettre gravement en péril.

Si l’on a bien saisi ces précisions, on verra sans peine pour quelle raison l’Église exige que ses futurs prêtres soient instruits des disciplines philosophiques « selon la méthode, selon la doctrine et les principes du Docteur Angélique »; c’est que l’expérience de plusieurs siècles lui a parfaitement appris que la méthode de l’Aquinate l’emporte singulièrement sur toutes les autres, soit pour former les étudiants, soit pour approfondir les vérités peu accessibles ; sa doctrine forme comme un accord harmonieux avec la révélation divine ; elle est de toutes la plus efficace pour mettre en sûreté les fondements de la foi, comme pour recueillir utilement et sans dommage les fruits d’un progrès véritable (A. A. S., vol. XXXVIII, 1946, p. 387)

C’est pour tant de motifs, qu’il est au plus haut point lamentable que la philosophie reçue et reconnue dans l’Eglise soit aujourd’hui méprisée par certains qui, non sans imprudence, la déclarent vieillie dans sa forme et rationaliste (comme ils osent dire) dans son processus de pensée. Nous les entendons répétant que cette philosophie, la nôtre, soutient faussement qu’il peut y avoir une métaphysique absolument vraie; et ils affirment de façon péremptoire que les réalités, et surtout les réalités transcendantes, ne peuvent être mieux exprimées que par des doctrines disparates, qui se complètent les unes les autres, encore qu’elles s’opposent entre elles toujours en quelque façon. Aussi concèdent-ils que la philosophie qu’enseignent Nos écoles, avec son exposition claire des problèmes et leurs solutions, avec sa détermination si rigoureuse du sens de toutes les notions et ses distinctions précises, peut être utile pour initier de jeunes esprits à la théologie scolastique et qu’elle était remarquablement accommodée aux esprits du moyen-âge; mais elle n’offre plus, selon eux, une méthode qui réponde à notre culture moderne et aux nécessités du temps. Ils opposent ensuite que la philosophia perennis n’est qu’une philosophie des essences immuables, alors que l’esprit moderne doit nécessairement se porter vers l’existence de chacun et vers la vie toujours fluente. Et tandis qu’ils méprisent cette philosophie, ils en exaltent d’autres, anciennes ou récentes, de l’Orient ou de l’Occident, de sorte qu’ils semblent insinuer dans les esprits que n’importe quelle philosophie, n’importe quelle manière personnelle de penser, avec, si besoin est, quelques retouches ou quelques compléments, peut s’accorder avec le dogme catholique : or, cela est absolument faux, surtout quand il s’agit de ces produits de l’imagination qu’on appelle l’immanentisme, l’idéalisme, le matérialisme soit historique soit dialectique ou encore l’existentialisme, qu’il professe l’athéisme ou pour le moins qu’il nie toute valeur au raisonnement métaphysique. Quel catholique pourrait avoir le moindre doute sur toutes ces choses

Enfin ils reprochent à cette philosophie de ne s’adresser qu’à l’intelligence dans le processus de la connaissance, puisqu’elle néglige, disent-ils, l’office de la volonté et celui des affections de l’âme. Or cela n’est pas vrai. Jamais la philosophie chrétienne n’a nié l’utilité et l’efficacité des bonnes dispositions de toute l’âme humaine pour connaître à fond et pour embrasser les vérités religieuses et morales; bien mieux, elle a toujours professé que le défaut de ces dispositions peut être cause que l’intelligence, sous l’influence des passions et de la volonté mauvaise, s’obscurcisse à ce point qu’elle ne voit plus juste. Bien mieux encore, le Docteur commun estime que l’intelligence peut d’une certaine manière percevoir les biens supérieurs d’ordre moral soit naturel soit surnaturel, mais dans la mesure seulement où l’âme éprouve une certaine connaturalité affective avec ces mêmes biens, soit par nature, soit par don de grâce (Cfr. S. THOM., Summa Theol., II-II, qu. 1, art. 4 ad. 3 et qu. 45, art. 2, in c). Et l’on ne peut pas ne pas saisir l’intérêt du secours apporté par cette connaissance obscure aux recherches de notre esprit. Cependant autre chose est de reconnaître aux dispositions affectives de la volonté le pouvoir d’aider la raison à poursuivre une science plus certaine et plus ferme des choses; et autre chose, ce que soutiennent ces novateurs, à savoir: attribuer aux facultés d’appétit et d’affection un certain pouvoir d’intuition et dire que l’homme, incapable de savoir par la raison et avec certitude la vérité qu’il doit embrasser, se tourne vers la volonté pour faire choix et décider librement entre des opinions erronées : n’est-ce pas là mêler indûment la connaissance et l’acte de la volonté?

Il n’est pas étonnant que, par ces nouveaux systèmes, on soit amené à mettre en danger les deux disciplines philosophiques qui, par leur nature même, sont étroitement liées avec l’enseignement de la foi, la théodicée et l’éthique; on en vient donc à penser que leur rôle n’est pas de démontrer quelque chose de certain sur Dieu ou sur un autre être transcendant, mais bien plutôt de montrer que ce que la foi enseigne sur un Dieu personnel et sur ses commandements s’accorde parfaitement avec les nécessités de la vie et que par voie de conséquence il faut que tous l’embrassent pour éviter le désespoir et pour parvenir au salut éternel. Or tout cela s’oppose manifestement aux documents de Nos Prédécesseurs Léon XIII et Pie X et ne peut s’accorder avec les décrets du Concile du Vatican. Nous n’aurions certes pas à déplorer ces écarts loin de la vérité si tous, même en philosophie, voulaient écouter le magistère de l’Église avec tout le respect qui lui est dû; car il lui revient, de par l’institution divine, non seulement de garder et d’interpréter le dépôt de la vérité divinement révélée, mais encore d’exercer toute sa vigilance sur les disciplines philosophiques pour que de faux systèmes ne portent pas atteinte aux dogmes catholiques. » (Encyclique Humani generis, 12 août 1950)

Et Pie XII conclut son encyclique en montrant qu’il entend la couvrir de l’infaillibilité :

« Aussi, après avoir mûrement pesé et considéré la chose devant Dieu, pour ne pas manquer à Notre devoir sacré, Nous enjoignons aux Evêques et aux Supérieurs de familles religieuses, leur en faisant une très grave obligation de conscience, de veiller avec le plus grand soin à ce que ces opinions ne soient pas exposées dans les écoles, dans les réunions, dans n’importe quels écrits, et qu’elles ne soient pas enseignées en quelque manière que ce soit aux clercs et aux fidèles.

Que ceux qui sont professeurs d’instituts ecclésiastiques sachent qu’ils ne peuvent exercer en toute tranquillité de conscience la charge d’enseigner qui leur est confiée, s’ils n’acceptent pas religieusement les normes doctrinales que Nous avons édictées, et s’ils ne les suivent pas exactement au cours de la formation de leurs élèves. Le respect et l’obéissance qu’ils doivent professer envers le magistère de l’Eglise dans leur travail quotidien, ils les doivent inculquer aussi au coeur et à l’esprit de leurs élèves.

Oui, qu’ils travaillent, usant de toutes leurs forces et de toute leur application, à faire avancer les disciplines qu’ils enseignent, mais qu’ils se gardent aussi d’outrepasser les limites que nous avons fixées en vue de protéger les vérités de la foi et la doctrine catholique. » (Encyclique Humani generis, 12 août 1950 – Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique)

Le Père Raimondo SPIAZZI, O.P., professeur à l’Angelicum à Rome, rapportera plusieurs années plus tard :

« Je me souviens que quelques mois après la publication d’Humani generis, j’y fis allusion lors d’une audience avec Pie XII, et je l’entendis dire : « Si l’on n’était pas intervenu, on pouvait en arriver au point ou presque plus rien ne serait resté debout« . »

Discours du 17 octobre 1953 à l’occasion du IVè centenaire de l’Université Grégorienne

Lors de son discours du 17 octobre 1953 à l’occasion du IVè centenaire de l’Université Grégorienne, Pie XII s’étend longuement sur l’autorité de saint Thomas d’Aquin :

« Pie XII loue la méthode scolastique.

Ne craignez pas que les études spéculatives fassent tort aux sciences positives, spécialement à la théologie positive. Il n y a en effet aucune opposition entre les unes et les autres; bien plus, les sciences positives procèdent d’autant plus sûrement qu’elles s’appuient sur les sciences spectatives (Nous tenons à citer ici le texte latin: Neve timueritis, ne ob studia spectativi generis illae quae « positivae » scientiae nuncupantur et praecipue theologia « positiva » aliquid détrimenti capiant. Inter utrasque enim nulla oppositio, quin etiam illae eo securius prodeunt, quo firmius hisce superstruuntur). Prenez pour exemple le Docteur Angélique lui-même, qui était passionné de connaissances positives, et parmi les théologiens des premiers temps du Collège Romain, François SUAREZ que l’on met à juste titre au rang des plus grands théologiens après saint Thomas, et plus récemment le Cardinal Jean-Baptiste FRANZELIN, pour ne nommer que lui, qui cultiva avec le plus grand zèle l’une et l’autre discipline et les unit d’une manière admirable. […]

Il faut maintenir au sommet et d’une manière incorruptible le donné de foi.

En ce qui concerne vos études et votre apostolat, évitez de mélanger la doctrine catholique et les vérités naturelles qui s’y rattachent et qui sont connues de tous les catholiques, avec les essais des érudits pour les expliquer, ou aussi avec les éléments qui leur sont propres ou les raisons particulières, par lesquels les différents systèmes philosophiques et théologiques, qui se trouvent dans l’Eglise, se distinguent entre eux. Il ne faut aussi jamais agir, comme si les matériaux de l’éloquence sacrée et la doctrine religieuse en émanaient et en dépendaient. Aucune attitude d’esprit de ce genre n’est la porte par laquelle quelqu’un devrait entrer dans l’Eglise. Même du plus saint et plus prestigieux docteur, l’Eglise n’a jamais fait et ne fera jamais la source principale de la vérité. Elle considère saint THOMAS et saint AUGUSTIN comme de grands Docteurs et elle leur accorde les plus grands éloges mais elle ne reconnaît l’infaillibilité qu’aux auteurs inspirés de la Sainte Ecriture. Par mandat divin, dépositaire de la Tradition qui vit en Elle, l’Eglise seule est la porte du salut, elle seule est par elle-même, sous la protection et la conduite du Saint-Esprit, la source de la Vérité.

De même il faut tenir aux principes permanents énoncés par la philosophie traditionnelle :

Les divers systèmes que l’Eglise permet de tenir doivent concorder avec ce que la philosophie antique et la philosophie chrétienne reconnaissaient depuis les débuts de cette même Eglise. Soit que l’on considère leur cohérence interne, soit que l’on s’attache à leur accord éclatant avec les vérités de la foi, ces vérités n’ont jamais été proposées de manière aussi lucide, aussi perspicace, aussi parfaite, n’ont jamais été systématisées de manière aussi solide que par saint THOMAS d’Aquin selon les formules expressives de Notre Prédécesseur Léon XIII : « Distinguant nettement comme il convient la raison de la foi, les unissant toutefois fraternellement, il maintient les droits et la dignité de l’une et de l’autre, de telle sorte que la raison humaine a été portée par lui au plus haut point et qu’il est presque impossible à la foi de recevoir de la raison des soutiens plus nombreux et plus solides que ceux que saint THOMAS lui a donnés ». (Encycl Aeterni Patris de Léon XIII)

Parmi ces vérités auxquelles Nous venons de faire allusion, il faut compter, par exemple, ce qui a trait à la nature de notre connaissance, à celle de la vérité; aux principes métaphysiques absolus fondés sur la vérité; à un Dieu infini, personnel, créateur de toutes choses; à la nature de l’homme, à l’immortalité de l’âme, à la dignité de la personne humaine, aux devoirs que la morale naturelle lui fait connaître et lui impose.

Toutefois on est libre d’accepter ou non ce qui est demeuré matière à controverse, ou encore les données des sciences naturelles.

Mais il n’y a pas lieu de ranger au nombre des vérités requérant l’assentiment certain de la raison ce qui est encore controversé chez les grands commentateurs et les meilleurs disciples de saint THOMAS au sujet des vérités qui se situent au niveau de la nature.

Nous ne parlons pas non plus des choses dont on discute pour savoir si elles appartiennent à l’enseignement du saint Docteur et comment on doit les interpréter ; de même, Nous passons sous silence, parce que caduques, les simples conséquences de la connaissance imparfaite qu’avaient les anciens de la physique, de la chimie, de la biologie et des autres sciences naturelles.

Tel est bien le sens du CIS 1366 Par. 2 par lequel le Code établit saint THOMAS guide et maître de toutes les écoles chrétiennes, ainsi que l’affirmait Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Pie XI : « Que chacun d’eux considère comme inviolable le précepte du Code de droit canonique selon lequel les professeurs doivent diriger les études de philosophie rationnelle et de théologie et la formation des élèves dans ces disciplines entièrement selon la méthode du Docteur Angélique, selon sa doctrine et ses principes » et que tous se conduisent selon cette règle de telle sorte qu’ils puissent eux-mêmes l’appeler leur maître. Mais que l’on n’exige pas des uns et des autres plus que n’exige l’Eglise, maîtresse et mère de tous; dans les choses, en effet, au sujet desquelles les meilleurs auteurs discutent dans les écoles catholiques, personne ne doit être empêché d’embrasser toujours l’opinion qui lui semble la plus vraisemblable ». (Encycl. Studiorum ducem 29.9.1923)

C’est de cette façon que vos auteurs et maîtres insignes unirent magnifiquement la fidélité qu’ils gardèrent sans cesse au grand docteur avec la liberté exigée par la recherche scientifique et qui fut toujours sauvegardée par Nos Prédécesseurs, Léon XIII et ceux qui l’ont suivi sur la Chaire de Pierre.

Dans les limites fixées plus haut et qu’il ne faut pas dépasser, il sera donc permis à chaque professeur d’adhérer à une des écoles qui se sont acquis un droit de cité dans l’Eglise, à condition cependant qu’il distingue nettement les vérités à tenir par tous de celles qui caractérisent une école particulière et que, en maître sage, il note ces différences dans son enseignement. » (Discours du 17 octobre 1953 à l’occasion du IVè centenaire de l’Université Grégorienne)

Discours au IVe Congrès thomiste international, 14 septembre 1955

« Nous vous souhaitons affectueusement la bienvenue, chers Fils, Membres de l’Académie Pontificale de Saint-Thomas d’Aquin. En vue de promouvoir, — comme c’est votre but et votre devoir — la doctrine du Docteur Angélique, vous recourez aussi, parmi d’autres moyens, à la convocation d’un Congrès international tous les cinq ans. Nous vous bénissons avec toute l’effusion de Notre cœur paternel, afin que l’abondance des célestes lumières vous accompagne tous dans le travail que vous accomplissez présentement et dans celui que vous continuerez d’accomplir à l’avenir; Nous prions l’Esprit divin de rendre ce travail fécond et fructueux, non seulement pour vous, mais encore pour tous ceux que le désir du savoir rend aujourd’hui particulièrement préoccupés de la valeur objective et permanente du vrai et du bien.

Vous savez assez combien Nous tient à cœur l’étude profonde et assidue de la doctrine du « Docteur commun » : Nous l’avons déclaré en maintes occasions, même dans des documents solennels, faisant remarquer, entre autres, comment la méthode et les principes de S. Thomas l’emportent sur tous les autres, qu’il s’agisse de former l’intelligence des jeunes ou d’amener les esprits déjà formés à pénétrer les vérités jusque dans leurs significations les plus secrètes. Étant, de plus, en pleine harmonie avec la révélation divine, cette doctrine est singulièrement efficace pour établir avec sûreté les fondements de la foi, comme pour recueillir les fruits du vrai progrès (cfr. Encycl. Humani Generis – Acta Ap. Sedis, vol. 17, pag. 573). Et Nous n’hésitons pas à dire que la célèbre Encyclique Aeterni Patris (du 4 août 1879), par laquelle Notre immortel Prédécesseur Léon XIII rappela les intelligences catholiques à l’unité de doctrine dans l’enseignement de S. Thomas, conserve toute sa valeur. Sans difficulté Nous faisons Nôtres ces graves paroles de l’insigne Pontife : « Discedere inconsulte ac temere a sapientia Doctoris angelici, res aliena est a voluntate Nostra eademque plena periculi » (Ep. ad Ministrum Gen. Ordinis Fratrum Min., die 25 Nov. 1898 – Leonis XIII Acta, vol. 18, pag. 188).

Nous avons donc été particulièrement heureux d’apprendre que vous aviez l’intention de confronter dans ce Congrès la doctrine du Docteur Angélique avec les principaux courants de la pensée moderne et contemporaine. Ce faisant, vous estimez à juste titre qu’il n’y a guère de questions, même parmi celles qu’on agite aujourd’hui, qui ne puissent s’éclaircir en y appliquant tel ou tel des principes, énoncés par S. Thomas, et personne, pensez-vous, ne peut mettre en doute l’utilité qu’il y a à connaître solidement cette doctrine, si l’on ne veut pas se laisser entraîner avec légèreté par les philosophies à la mode, vouées à une vie éphémère et qui ne laissent derrière, elles que le trouble et le scepticisme. Mais il y a une question fondamentale, très actuelle, qui réclame une particulière attention de votre part. Nous voulons parler des rapports entre l’expérience scientifique et la philosophie. C’est un point, sur lequel des études et des découvertes récentes ont soulevé de nombreux problèmes. Remarquons tout de suite qu’en général l’étude honnête et profonde des problèmes scientifiques non seulement ne conduit pas, de soi, à des oppositions avec les principes certains de la philosophia perennis, mais reçoit d’eux, au contraire, une lumière à laquelle les philosophes eux-mêmes ne s’attendaient peut-être pas et qu’ils ne pouvaient en tout cas espérer aussi continuelle et aussi intense. Laissant donc à vos savants rapporteurs et conférenciers le soin de traiter les grands thèmes de votre Congrès, Nous Nous bornerons ici à vous entretenir sur trois points particuliers de la physique moderne, qui concernent la structure intime de la matière. » (Discours au IVe Congrès thomiste international, 14 septembre 1955)

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Cette entrée a été publiée le 7 janvier 2018 par dans Foi Catholique.