+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Les Pères de l’Eglise sur la validité du baptême des hérétiques

Dossier sur l’église orthodoxe : ici

Les orthodoxes nient la validité des sacrements conférés par les hérétiques. En effet, le début du 2è canon in Trullo dispose :

« Ce saint concile a pris aussi la décision très belle et très importante, que resteront désormais sûrs et confirmés pour le salut des âmes et la guérison des passions les 85 canons reçus et confirmés par les saints et bienheureux pères qui nous ont précédé, et transmis à nous aussi sous le nom des saints et glorieux apôtres. »

Il s’agit du Canons des saints apôtres ou Canons des apôtres ou encore Canons apostoliques, un texte apocryphe (ce qui est d’ailleurs une cause supplémentaire de discrédit qui tombe sur le concile in Trullo étant donné qu’il affirme infailliblement que ces canons viennent vraiment des apôtres), disposant en son 46è canon :

« Des clercs qui acceptent le baptême des hérétiques : L’évêque, le prêtre ou le diacre qui a reconnu le baptême ou le sacrifice des hérétiques, nous ordonnons qu’il soit déposé : « quel accord peut-il en effet exister entre le Christ et Bélial, et quelle part peut avoir l’infidèle avec le fidèle ? » »

Or l’enseignement des Pères de l’Eglise est contraire :

Avant l’évêque Agrippin de Carthage (vers 235-240)

Agrippin  se proclama partisan de la rébaptisation des hérétiques, ou de la réitération du baptême conféré par les hérétiques. Il assembla un concile des Evêques d’Afrique et de Numidie pour faire accepter ce dogme et fut à l’origine de l’hérésie des Rebaptisants, dit aussi Agrippiniens.

Nous n’avons pas de document antérieur à lui qui montre quelle était la foi des Pères de l’Eglise avant lui. Mais des signes indubitables nous montrent que l’Eglise a toujours reconnu la validité du baptême des hérétiques, et que c’est sa doctrine qui est une nouveauté. En effet, premièrement si la rebaptisation avait été la norme avant lui, il n’aurait pas eu besoin de proclamer quoi que ce soit, ni de réunir un concile pour imposer ses vues. Et deuxièmement, voici comment réagit l’universalité de l’Eglise en entendant ses thèses :

« Jadis Agrippinus, de vénérable mémoire, évêque de Carthage, fut le premier de tous les mortels qui pensa, contrairement au canon divin, contrairement à la règle de l’Église universelle, contrairement à l’opinion de tous ses confrères, contrairement aux usages et aux institutions des aïeux, que l’on devait rebaptiser [les hérétiques]. Cette théorie trompeuse apporta tant de mal qu’elle fournit non seulement une procédure sacrilège aux hérétiques, mais en outre à certains catholiques une occasion d’erreur. Comme, de toute part, tous protestaient contre la nouveauté de ce rite et que tous les évêques, en tous pays, résistaient chacun dans la mesure de sa vigueur, le pape Étienne, de bienheureuse mémoire, qui occupait le siège apostolique, y fit opposition, avec tous ses autres collègues il est vrai, mais plus qu’eux néanmoins, car il trouvait normal, je pense, de surpasser tous les autres par le dévouement de sa foi autant qu’il les dominait par l’autorité de sa charge. » (Saint Vincent de Lérins (mort vers 450), Commonitorium, VI)

Quelques années plus tard, le Pape saint Etienne n’aura pas d’hésitation à écrire aux partisans de la rebaptisation de ne rien innover, c’est donc qu’il était clair que la pratique antérieur de l’Eglise était de ne pas rebaptiser :

« Bien que nous ayons traité pleinement toute la question du baptême des hérétiques dans les lettres dont nous vous envoyons des copies, pourtant, frère très cher, comme vous désirez connaître ce qu’a répondu Étienne, notre frère, à notre lettre, je vous envoie une copie de sa réponse. En la lisant, vous verrez de plus en plus l’erreur où il est, lui qui entreprend de soutenir la cause des hérétiques contre les chrétiens et contre l’Église de Dieu. Car, entre autres choses, ou hautaines, ou étrangères au sujet, ou contradictoires, qu’il a écrites, maladroitement et imprudemment, il a encore ajouté ceci : « Si donc des hérétiques viennent à nous, de quelque secte que ce soit, que l’on n’innove point, mais qu’on suive seulement la tradition, en leur imposant les mains pour les recevoir à pénitence, d’autant que les hérétiques eux-mêmes, d’une secte à l’autre, ne baptisent point suivant leur rite particulier ceux qui viennent à eux, mais les admettent simplement à leur communion. Il défend de baptiser dans l’Église « ceux qui viennent de quelque hérésie que ce soit », c’est-à-dire qu’il tient les baptêmes de tous les hérétiques pour légitimes et authentiques. Et comme chaque secte a son baptême et ses péchés, en admettant le baptême de tous les hérétiques, ce sont les péchés de tous qu’il assemble et accumule sur sa tête. Il prescrit « de n’innover en rien, mais de suivre seulement la tradition », comme si celui-là innovait, qui, restant fidèle à l’unité, réclame pour l’Église unique un unique baptême, et non pas plutôt celui qui, oubliant l’unité, use du mensonge d’une ablution profane. « Qu’on n’innove en rien, dit-il, mais qu’on suive seulement la tradition.

[ici son destinataire saint Cyprien récuse les affirmations de saint Etienne. Mais c’est inconséquent car dans la rage de cette controverse il avait perdu le sens commun, comme nous le démontrons dans notre article La Papauté depuis les apôtres ! à la sections « III) Saint Cyprien et la Papauté dans la querelle des rebaptisants« ]. » (Fragment de sa lettre à saint Cyprien de Carthage, in : Correspondance de saint Cyprien, lettre 74 à Pompéius)

« Or, comme votre envoyé avait hâte de retourner, et que l’hiver approchait, nous avons répondu à votre lettre comme nous avons pu. Et d’abord, en ce qui concerne l’affirmation d’Étienne, d’après laquelle les Apôtres auraient interdit de baptiser ceux qui viennent de l’hérésie, et auraient ainsi inauguré une pratique qui s’imposerait à ceux qui viendraient après eux, vous avez parfaitement répondu que personne ne serait assez insensé pour croire qu’une telle tradition nous ait été laissée par les Apôtres, puisqu’il est constant que les hérésies les plus exécrables n’ont existé que plus tard. […]

Puisque Étienne, et ceux qui partagent son sentiment, prétendent que la rémission des péchés et la seconde naissance peuvent avoir lieu dans les sectes, où ils avouent eux-mêmes que l’Esprit saint n’est pas, qu’ils veuillent bien réfléchir, et comprendre qu’il ne peut y avoir de naissance spirituelle sans l’Esprit. Le bienheureux apôtre Paul baptisa de nouveau, du baptême de l’Esprit, ceux qui avaient été baptisés par Jean, avant que le Seigneur eut envoyé l’Esprit saint, et leur imposa les mains pour leur faire recevoir le saint Esprit. Étrange aberration, quand nous voyons que Paul, après le baptême de Jean, a de nouveau baptisé ses disciples, que d’hésiter à baptiser ceux qui viennent à l’église du milieu des hérétiques, après leur ablution illégitime et profane ! Mais sans doute que nos évêques d’aujourd’hui sont plus grands que Paul ! Ils peuvent donner le saint Esprit aux hérétiques, qui viennent à eux, par la seule imposition des mains. Paul, lui, n’était pas capable de donner par la seule imposition de la main le saint Esprit à ceux qui avaient été baptisés par Jean, s’il ne les avait auparavant baptisés du baptême de l’Église !
Il est absurde aussi de penser, comme ils font, qu’il n’y a pas à savoir quel est celui qui a baptisé, parce que celui qui a été baptisé a pu recevoir la grâce par l’invocation de la Trinité des Noms du Père, du Fils et du saint Esprit. Ainsi, la sagesse que Paul attribue à ceux qui sont parfaits, ce serait que celui qui est parfait et sage dans l’Église soutienne, ou croie, que cette seule invocation des noms suffit pour la rémission des péchés et la sanctification baptismale. En réalité, ces effets se produisent uniquement quand celui qui baptise a l’Esprit saint, et le baptême lui-même n’existe pas sans l’Esprit. […]

Il est absurde aussi de penser, comme ils font, qu’il n’y a pas à savoir quel est celui qui a baptisé, parce que celui qui a été baptisé a pu recevoir la grâce par l’invocation de la Trinité des Noms du Père, du Fils et du saint Esprit. Ainsi, la sagesse que Paul attribue à ceux qui sont parfaits, ce serait que celui qui est parfait et sage dans l’Église soutienne, ou croie, que cette seule invocation des noms suffit pour la rémission des péchés et la sanctification baptismale. En réalité, ces effets se produisent uniquement quand celui qui baptise a l’Esprit saint, et le baptême lui-même n’existe pas sans l’Esprit. Mais ils disent que celui qui est baptisé de quelque manière que ce soit hors de l’Église, peut obtenir par ses dispositions intérieures et par sa foi la grâce que donne le baptême, ce qui est encore simplement ridicule. Comme si des dispositions perverses pouvaient attirer la grâce qui sanctifie les justes, ou une foi fausse, la vérité qui fait les fidèles ! […]

Quelle étrange prétention encore de la part d’Étienne de vouloir que le Christ soit présent avec sa Sainteté en ceux qui sont baptisés chez les hérétiques. […]

Mais peut-être que selon le jugement d’Étienne, l’hérésie enfante et expose ses enfants, l’Église les recueille, les nourrit comme siens sans les avoir enfantés […]

Et ici une juste indignation s’empare de moi devant l’évidente et manifeste folie d’Étienne. Ne le voit-on pas, lui, si fier du rang de son siège épiscopal, lui qui revendique l’honneur d’être le successeur de Pierre, sur qui ont été établis les fondements de l’Église, introduire beaucoup d’autres pierres, et beaucoup de nouvelles Églises, en prêtant au baptême qui se donne chez les hérétiques l’appui de son autorité ? Ce sont les baptisés, incontestablement qui remplissent les cadres de l’Église. Celui donc qui approuve leur baptême, admet aussi qu’il y a la une Église composée de ces baptisés. Et il ne s’aperçoit pas qu’on obscurcit, qu’on anéantit en quelque sorte la vérité de la pierre chrétienne, en trahissant ainsi et en abandonnant l’unité. Les Juifs, bien qu’aveuglés, et charges du plus grand des forfaits, ont cependant, au témoignage de l’apôtre, le zèle de la gloire de Dieu. Étienne, qui se vante de succéder à Pierre et d’occuper sa chaire, n’est animé d’aucun zèle contre les hérétiques, puisqu’il leur accorde au point de vue de la grâce, non un petit, mais un grand pouvoir. » (Fragment de sa lettre à saint Firmilien de Césarée citée par saint Firmilien dans sa lettre à saint Cyprien, in : Correspondance de saint Cyprien, lettre 75, n°5, 8, 9, 12, 14 et 17)

Concile d’Arles (314)

« A propos des Africains qui pratiquent une règle qui leur est propre, celle de rebaptiser, il a été décidé que si quelqu’un vient de l’hérésie à l’Eglise, on l’interroge sur le symbole, et que si on voit avec certitude qu’il a été baptisé dans le Père et le Fils et l’Esprit Saint, on lui impose seulement les mains pour qu’il reçoive l’Esprit Saint. Mais si, interrogé, il ne répond pas en proclamant cette Trinité qu’on le rebaptise. » (Canon 8 ou 9 selon les collections)

La rebaptisation n’est donc pas systématique, mais subordonné au fait qu’il y ait un doute légitime quant au baptême conféré par les hérétique, comme dans l’Eglise catholique aujourd’hui.

Ier Concile de Constantinople (381)

Ce Concile lui non plus n’impose pas de rebaptisation systématique des hérétiques revenant à l’Eglise, comme si leur baptême était automatiquement invalide du fait d’avoir été administré en dehors de l’Eglise. Au contraire, il n’impose la rebaptisation que pour les hérétiques issus de certaines sectes ayant porté atteinte à l’essence même du baptême :

« 7. De ceux qui reviennent à la vraie foi, comment les recevoir.
Ceux qui passent de l’hérésie à l’Orthodoxie et à l’héritage des élus, doivent être reçus de la manière suivante. Les ariens et les macédoniens, les sabbaziens et les novatiens qui se qualifient de pures, et les aristeroi, de même que les tétradites et les apollinaristes, ne doivent être admis qu’après avoir anathématisé par écrit toutes les hérésies qui ne s’accordent pas avec la sainte, catholique et apostolique Eglise de Dieu, et aussi après avoir été marqués ou oints du saint chrême en forme de croix au front, aux yeux, au nez, à la bouche et aux oreilles; et en les marquant du signe de la croix nous disons : Sceau du don du saint-Esprit. Quant aux eunomiens qui ne baptisent qu’avec une seule immersion, et aux montanistes que l’on appelle ici phrygiens, et aux sabelliens qui enseignent la doctrine du Fils-égale-Père et commettent d’autres choses abominables, et enfin, pour les autres hérétiques, (et il en existe ici un grand nombre, surtout ceux qui viennent de la Galatie), s’ils veulent passer à l’orthodoxie, nous ne les recevons que comme des païens : le premier jour nous les marquons du signe du chrétien, le second jour nous en faisons des catéchumènes, le troisième jour nous les exorcisons en leur soufflant trois fois sur le visage et sur les oreilles, et nous les instruisons alors et les laissons venir à l’Eglise pendant un an à entendre les saintes écritures, après cela nous les baptisons. » (7è canon)

Saint Sirice (vers 320-399)

« (Tu as fait savoir)…que beaucoup de ceux qui ont été baptisés par les ariens impies se hâtent vers l’Église catholique, et que certains parmi nos frères veulent les baptiser à nouveau : cela n’est pas permis ; car que cela se fasse, l’Apôtre l’interdit (voir Ep 4,5 ; He 6,4), les canons s’y opposent, et les décrets généraux envoyés aux provinces par mon prédécesseur Libère d’heureuse mémoire après l’annulation du concile de Rimini l’interdisent aussi. Nous les recevons dans la communauté des catholiques avec les novatiens et d’autres hérétiques, comme cela été décidé au synode, par la seule invocation de l’Esprit septiforme et moyennant l’imposition des mains de l’évêque — ce qui est observé également par tout l’Orient et l’Occident ; vous aussi vous ne devez pas désormais vous écarter de ce chemin, si vous ne voulez pas être séparés de la communauté avec nous par une sentence synodale. » (Lettre Directa ad decessorem, 10 février 385, à l’évêque Himère de Tarragone, I, §2)

Saint Optat de Milève (mort vers 397)

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Saint Augustin cite Optat aux côtés d’hommes disparus depuis longtemps, cet évêque « de vénérable mémoire » apparaît comme l’égal d’Ambroise de Milan. Saint Optat enseignait la validité du baptême administré par les hérétiques, tant qu’il était fait « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit« . Se faisant il s’opposait aux schismatiques donatistes qui croyaient pouvoir revendiquer pour eux l’enseignement de saint Cyprien de Carthage (vers 200-258) qui enseignait l’invalidité de tels baptêmes. Pour Cyprien, « l’arche unique de Noé était la figure d’une Église unique » : « unam arcam Noe typum fuisse unius ecclesiae » (Lettre LXIX, II, 2). Optât préfère évoquer le déluge (diluuium), symbole de l’unique baptême (Contre les donatistes, Contre Parménien, livre 5, n°1, § 2) et il relègue au second plan l’image de l’arche : « si ita est, ostende prius duas arcas » (Contre les donatistes, Contre Parménien, livre 5, n°1, § 8). De plus, alors qu’il donne à ces textes bibliques une même interprétation typologique, Optât n’emploie jamais dans son Traité le mot « typus » utilisé ici par Cyprien.

Dans un premier temps, saint Optât de Milève semble accepter l’essentiel de la doctrine baptismale de saint Cyprien, puisqu’il admet que le baptême des hérétiques n’est pas valide. En réalité, dès le début de son Traité, saint Optât établit entre le schisme et l’hérésie une distinction que saint Cyprien n’avait pas faite. Pour saint Cyprien, en dehors de la vraie foi (dans l’hérésie), en dehors de la vraie Église (dans le schisme), le baptême ne peut pas exister. Saint Optât admet la première proposition : les hérétiques, qui pervertissent la foi trinitaire et christologique, ne possèdent pas les sacrements de l’Église (Contre les donatistes, Contre Parménien, livre 1, n°10-12). Sans doute a-t-il souhaité se montrer conciliant sur ce premier point afin de mieux réfuter le second : les schismatiques, selon lui, peuvent conférer validement le baptême. Cette affirmation est absolument contraire à la doctrine de saint Cyprien, pour qui baptême, foi et Église sont des réalités indissociables. En maints endroits de sa correspondance, celui-ci affirme en effet que le baptême ne peut exister qu’à l’intérieur de l’Église. Et c’est bien ainsi qu’il faut comprendre la célèbre formule de saint Cyprien : « Hors de l’Église, point de salut » (Lettre LXXIII, XXI, 2). Les donatistes faisaient eux aussi dépendre la validité du baptême du ministre qui le confère et de son appartenance à l’Église. Saint Optât, le premier, énonce clairement le principe suivant : le sacrement peut exister en dehors de l’Église, indépendamment du ministre :

« Le Sauveur a indiqué au nom de qui les nations doivent être baptisées mais il n’a fait aucune réserve sur celui par qui elles doivent l’être. Quiconque a baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit a accompli l’oeuvre des Apôtres. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, livre 5, n°7, §5)

Si l’on s’en tient à cette affirmation, on voit combien la position de saint Optat de Milève est proche de celle de l’Église de Rome : le Pape saint Etienne ne faisait-il pas dépendre la validité du baptême de l’emploi de la formule trinitaire ? Saint Cyprien nous donne, sur ce point, un témoignage précieux :

« Il est absurde aussi de penser, comme ils le font [ceux qui agissent comme Etienne], qu’il n’y a pas à savoir quel est celui qui a baptisé, parce que celui qui a été baptisé a pu recevoir la grâce par l’invocation de la Trinité des noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit. […] Mais ils disent que celui qui est baptisé de quelque manière que ce soit hors de l’Église, peut obtenir par ses dispositions intérieures et par sa foi la grâce que donne le baptême, ce qui est encore simplement ridicule. » (Lettre LXXV, IX, 1)

Or, cette position, jugée « absurde et ridicule » est précisément celle de saint Optat. Dans le livre 5 de son Traité, il développe une doctrine du baptême qui fait de la Trinité et de la foi les deux éléments essentiels du sacrement :

« La Trinité occupe la première place, et sans elle le sacrement lui-même ne peut être célébré. Ensuite vient la foi du croyant. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, livre 5, n°4, §1)

Quant au ministre qui administre le baptême, il n’est qu’un ouvrier de Dieu (operarius), car le baptême est un don de Dieu, et la validité du sacrement ne saurait dépendre du ministre qui le confère :

« La Trinité est inébranlable, invincible, immuable, la personne du ministre, au contraire, est variable. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, livre 5, n°7, §13)

Cette doctrine représente une rupture avec la position de saint Cyprien.

Saint Innocent Ier (mort en 417)

Image illustrative de l’article Innocent Ier

« (Il est bon de veiller)… à ce que ceux qui viennent des novatiens ou des montanistes soient reçus seulement par l’imposition des mains ; car bien que l’ayant été par des hérétiques, ils ont cependant été baptisés au nom du Christ. » (Lettre Etsi tibi à l’évêque Victrice de Rouen, 15 février 404, Chapitre VIII, Partie 11)

Saint Jérôme de Stridon (347-420)

Saint Jérôme dont le témoignage est particulièrement intéressant car il est à la fois « récepteur et émetteur » des Traditions Occidentale et Orientale, dans son dialogue contre les lucifériens, nous apprend que, dans un concile tenu en 257, saint Cyprien et tous les évêques d’Afrique, revenant sur leurs précédents suffrages, déclarèrent à l’unanimité qu’ils s’étaient trompés l’année précédente, et qu’il ne fallait point, sans justes raisons, renouveler le baptême des hérétiques (PL, t. XXIII, col. 177, 178).

Saint Augustin (354-430)

Saint Augustin compare l’erreur de saint Cyprien de saint Pierre à Antioche sans remettre en cause la foi et la primauté de Pierre, et en déduit qu’on ne doit pas s’offusquer de la critique contre saint Cyprien. Ce dernier étant le premier de apôtres pouvant pécher, à plus forte raison saint Cyprien :

« Or, si saint Pierre, contre la règle de la vérité formulée depuis par l’Eglise, a pu vouloir contraindre les Gentils à judaïser, comment ne pas admettre que Cyprien, contrairement à la règle de la vérité, formulée plus tard par l’Eglise, n’a pu vouloir contraindre les hérétiques et les schismatiques à recevoir une seconde fois le baptême ? Je pense que l’évêque Cyprien ne doit pas être blessé de se voir comparé à l’apôtre saint Pierre, quant à ce qui regarde la couronne du martyre. Bien plutôt je dois craindre de paraître injurieux à l’égard de saint Pierre. En effet, qui pourrait ignorer que cette primauté de l’apostolat conférait à saint Pierre une prééminence réelle sur tout l’épiscopat ? » (Du baptême : contre les donatistes, II, 1, 2)

Et il affirme que par la suite saint Cyprien et un concile local firent revenir l’Afrique Latine de son erreur :

« Je n’ai pas entre les mains la preuve de rétraction de Cyprien, mais je suis fondé à croire qu’elle a réellement eu lieu ; peut-être les documents ont-ils été supprimés par ceux qui, épris de la même erreur, n’ont pas voulu se priver d’un tel patronage. Il est certain d’ailleurs qu’on n’a pas écrit tout ce que firent les évêques d’alors, et j’avoue que, pour ma part, je ne connais pas tout ce qui a été écrit. » (Du baptême : contre les donatistes, II, 4)

Saint Augustin ne dit pas de manière absolue que les sacrements reçus en dehors de l’Eglise ne servent à rien pour la salut. Il l’affirme seulement avec cette condition sous-entendue : si et seulement si celui qui reçoit ces sacrements adhère à l’intention coupable des ministres hérétiques ou schismatiques :

« Cyprien écrit donc à Jubaianus : « Quant au baptême des hérétiques séparés (il le croyait) du corps de l’Eglise, il ne leur confère ni droit ni puissance, et nous, ne pouvons ni le ratifier ni le légitimer, puisqu’il est certain que dans leurs rangs ce baptême est illégitime ». Nous-mêmes, toujours, nous avons affirmé que le baptême conféré par des hérétiques ou des schismatiques, c’est-à-dire hors de l’Eglise, n’est d’aucune utilité à celui qui le reçoit, en tant du moins que ce dernier se rend complice de l’hérésie ou du schisme; nous soutenons également que ceux qui baptisent, alors même que c’est- bien le véritable baptême qu’ils confèrent, se rendent coupables, recueillent hors de l’Eglise et se posent en adversaires de l’Eglise. Mais autre chose est de ne pas avoir tel sacrement, autre chose est de le posséder ou de l’usurper d’une manière illicite. Les sacrements ne cessent pas d’être les sacrements de Jésus-Christ et de l’Eglise, par cela seul que les hérétiques,. les pécheurs et les impies en font un usage illicite. Ces hérétiques,pécheurs ou impies, doivent être corrigés et punis, mais on doit reconnaître et vénérer les sacrements qu’ils confèrent. » (Du baptême : contre les donatistes, Livre 3, chapitre 10, n°13, PL tome 43, colonne 144)

Ici saint Augustin évoque déjà la différence que la théologie catholique fait entre un sacrement valide et un sacrement fructueux. En effet, saint Augustin enseigne que tout sacrement administré avec la forme, la matière et l’intention requises est valide, quelque soit le ministre, catholique ou hérétique. Cela signifie que l’effet surnaturel est présent et que, pour les sacrements de baptême, confirmation et ordre, ils impriment une marque indélébile dans l’âme dans l’âme du récipiendaire. En revanche un sacrement valide n’est pas toujours fructueux, c’est-à-dire que si l’âme du récipiendaire est mal disposée, le sacrement ne produit pas son effet bon, mais est en revanche occasion de sacrilège. Aussi celui qui reçoit un sacrement d’un hérétique ne le reçoit avec fruit, de manière fructueuse, que s’il n’adhère pas consciemment au schisme ou à l’hérésie du ministre. c’est pour cela qu’il dit par exemple :

« Un homme ne peut se sauver si ce n’est dans l’Église catholique. En dehors de l’Église catholique, il peut tout avoir, sauf le salut. Il peut avoir l’honneur (être évêque), il peut avoir les sacrements, il peut chanter l’Alleluia, il peut répondre Amen, il peut tenir l’Évangile, il peut avoir et prêcher la foi au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, mais jamais il ne peut trouver le salut si ce n’est dans l’Église catholique. […] Il peut même répandre son sang, mais pas recevoir la couronne. » (Sermon au peuple de Césarée, n° 6, dans PL 43/695)

« Quel sens donner encore à cette autre sentence : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui (Jean, VI, 57)? » Pouvons-nous y comprendre ceux mêmes dont l’Apôtre déclare qu’ils mangent et boivent leur condamnation ? Et toutefois ils mangent et boivent réellement la chair et le sang du Sauveur. Cet impie Judas, qui a vendu et trahi son Maître, a reçu avec les autres disciples le sacrement du corps et du sang divins, lorsque le Seigneur le consacra la première fois dans ses mains adorables; l’Évangéliste saint Luc le dit assez clairement (Luc, XXII, 21) : s’ensuit-il qu’il demeura dans le Christ et que le Christ demeura en lui ? Lorsque tant d’autres reçoivent hypocritement ce, corps et ce sang précieux, ou apostasient après s’en être nourris, demeurent-ils dans le Christ et le Christ demeure-t-il en eux ? Il est donc une manière de manger ce, corps et de boire ce sang, qui fait que le Christ demeure dans celui qui les prend comme celui qui les prend demeure dans le Christ; et conséquemment il ne nous suffit pas, pour que nous demeurions dans le Christ et pour que le Christ demeure en nous, de manger sa chair et de boire son sang d’une manière quelconque; il est une manière spéciale de le recevoir, que lui-même avait en vue lorsqu’il tenait ce langage. Quand il dit également : « Quiconque aura blasphémé contré l’Esprit-Saint, ne sera jamais absous, » il ne s’ensuit pas qu’un blasphème quelconque rende coupable de ce crime irrémissible; il faut entendre un blasphème particulier, dont l’auteur de cette sentence, aussi vraie que terrible, veut que nous recherchions et comprenions la nature. […]

Mais il faut bien se garder de considérer comme appartenant à l’Église, à cette grande société que forme l’Esprit-Saint, celui qui se mêle extérieurement, mais hypocritement, aux brebis du Christ. « Car l’Esprit-Saint, qui enseigne la sagesse, fuit le déguisement (Ga1at. IV, 28, 29). » De là vient qu’ après avoir reçu le baptême dans les communions, ou plutôt dans les désunions hérétiques ou schismatiques, mais sans avoir pu renaître de l’Esprit, ressemblant ainsi à Ismaël, fils d’Abraham selon la chair, et non à Isaac, son fils selon l’Esprit, parce qu’il était le fils de la promesse ; lorsqu’on rentre dans l’Église catholique et qu’on se réunit à cette société formée par l’Esprit divin, que sans doute on ne possédait pas en dehors, on ne réitère point le baptême extérieur ; car on avait, même dans la séparation, cette forme de religion; mais on reçoit ce qui ne peut se donner qu’au sein de l’Église, l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. Telle était, avant qu’ils devinssent catholiques, la situation de ces hommes dont l’Apôtre dit : « Qu’ils avaient une forme de religion, mais qu’ils en repoussaient la vertu (II Tim. III, 5). » Une branche peut avoir la forme extérieure du sarment sans appartenir réellement à la vigne; peut-elle puiser ailleurs que sur le cep la sève intérieure que communique la racine? Ainsi peut-on voir dans les Sacrements visibles qu’emportent avec soi et que célèbrent ceux mêmes qui sont séparés du corps de Jésus-Christ, le signe extérieur de la piété chrétienne; mais il est aussi impossible à ces hommes d’avoir en eux la vertu intérieure et spirituelle de la religion, qu’à un membre séparé du corps de demeurer sensible. […]

Mais on voit bien plus clairement, en lisant saint Matthieu, ce que voulait faire entendre le Seigneur, savoir qu’on parle contre l’Esprit-Saint quand on résiste avec un coeur impénitent à l’unité de l’Eglise où s’accorde par le Saint-Esprit la rémission des péchés. Ceux-là en effet, je l’ai déjà dit, n’ont pas l’Esprit-Saint, qui emportant avec eux et administrant les sacrements du Christ, sont séparés de son Eglise. Le Sauveur donc, après avoir observé que Satan serait divisé contre Satan et que lui-même ne chassait les démons qu’au nom du Saint-Esprit qui n’est pas divisé contre lui-même comme l’esprit mauvais, ajoute aussitôt dans l’intention de montrer que, malgré les sectes qui se forment sous son nom en dehors de son bercail, son royaume n’est pourtant pas divisé contre lui-même: « Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui ne recueille pas avec moi dissipe. » Ainsi donc renie comme lui appartenant tous ceux qui en recueillant sans lui ne recueillent pas mais dissipent. Il poursuit : « Aussi je vous le déclare, on pardonnera aux hommes toute espèce de péché et de blasphème mais non le blasphème contre le Saint-Esprit.» Que veut dire ceci ? Que le seul blasphème contre l’Esprit-Saint ne sera pas effacé, parce que n’être pas avec le Christ c’est être contre, et ne recueillir pas avec lui c’est dissiper ? Oui certainement; car ne pas recueillir avec lui, quoiqu’on l’entreprenne sous son nom, c’est n’avoir pas l’Esprit-Saint. » (Sermon 71 sur le péché contre l’Esprit Saint, sur Matthieu XXXII, n°17, 32 et 36)

Saint Augustin enseigne encore :

« Ces développements seraient sans utilité si je n’en montrais immédiatement l’application à la question qui nous occupe. Au sujet du baptême vous demandez où ce sacrement doit être reçu, si c’est dans notre Eglise ou dans la secte des Donatistes. Mais comme vous optez exclusivement en faveur des Donatistes, vous alléguez comme principal argument que nous-mêmes nous avouons que les Donatistes confèrent validement le baptême. Mais il est évident que de ce principe vous voulez déduire une conséquence que nous rejetons impitoyablement; parce que nous avouons que les Donatistes confèrent validement le baptême, vous voudriez nous forcer à avouer que c’est par eux que tout homme doit être baptisé.

Examinez attentivement si cette conclusion est rigoureuse, et répondez-vous à vous-même. Pour peu que vous y apportiez d’attention, je suis persuadé que vous avez trop de perspicacité intellectuelle pour vous laisser prendre à de pures apparences quand il s’agit de conclusions. Oui, sans doute, nous affirmons que les Donatistes ont conservé le baptême véritable ; mais, loin de dire que ce baptême conféré par eux soit utile, nous soutenons au contraire qu’il est nuisible. Quand on demande où chacun doit être baptisé, je crois ne voir dans cette question que l’application de ces paroles du Sauveur. « Si un homme ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit il n’entrera pas dans le royaume des cieux » (Jean III, 3). Tel est donc le but qui rend nécessaire la réception du baptême ; d’où il suit que demander où l’on doit recevoir le baptême, c’est demander non pas précisément où il est, mais où il est conféré de manière à permettre l’entrée dans le royaume des cieux. Si tous ceux qui possèdent un bien véritable savaient toujours en profiter, on pourrait en toute sécurité demander le baptême à tous ceux qui le possèdent. Mais puisqu’un si grand nombre d’hommes n’ont souvent d’aussi grands biens que pour leur propre malheur, peut-on douter encore qu’en demandant où l’on doit recevoir tel bien, on demande à le recevoir là seulement où il doit nous profiter ? Vous m’avouerez, je pense, que l’or est une chose bonne en soi ; vous m’avouerez également.que des voleurs peuvent avoir de l’or; mais si de ces prémisses je tirais pour conclusion que celui qui veut avoir de l’or, doit entrer en société avec les voleurs, est-ce que vous ne vous opposeriez pas à une telle conclusion ? De même, quand je déclare que le baptême est bon par lui-même,quand je concède que les Donatistes ont le baptême véritable, pouvez-vous conclure que celui qui veut recevoir le baptême doit entrer en société avec les Donatistes ?

Vous conviendrez également qu’il est beaucoup de choses, bonnes et utiles en elles-mêmes, et qui cependant ne sont pas utiles à tous ceux qui les possèdent, mais uniquement à ceux qui en font un bon usage. Tel homme a les yeux sains, tel autre les a malades ; la lumière vient également les frapper tous, mais pour les premiers elle est un secours et pour les autres elle est un tourment. La même nourriture soutient telle santé et en blesse telle autre ; le même remède guérit, compromet et débilite ceux-là ; les mêmes armes sont pour les uns une défense, et pour les autres un embarras; le même vêtement est pour ceux-ci une protection, et pour ceux-là un obstacle. Il en est de même du baptême, il conduit les uns au ciel et les autres à la damnation.

Je comprends ce qui peut vous émouvoir. Vous m’objectez peut-être que dans toute cette énumération il n’est pas question de sacrement, tandis que le baptême est un sacrement divin. II pourrait donc fort bien se faire que l’or, la lumière, la nourriture, les armes,les vêtements, soient utiles pour les uns, tandis qu’ils sont inutiles ou nuisibles pour les autres;mais n’est-ce pas autre chose quand il s’agit de soutenir que le baptême, à l’égard de ceux qu’ils ont reçu, soit utile pour les uns et nuisible pour les autres? Eh bien! soit, examinons si lesbiens de l’ordre surnaturel profitent toujours à ceux qui les reçoivent. Il suffit de poser cette question pour la résoudre et pour se convaincre avec nous que ces biens ne profitent pas toujours à ceux qui les possèdent. Je n’en veux d’autres preuves que vos propres aveux. Avant tout vous avouez que l’on doit croire à l’apôtre saint Paul. Ce point seul me suffit. Vous avouez également que c’est bien l’apôtre saint Paul qui a prononcé cette parole : « La loi est bonne ». Il suit de là que la loi est bonne, mais pour ceux qui en font un usage légitime (I Timothée I, 8). Supposé qu’on en fasse un usage criminel, la loi n’en devient pas mauvaise par elle-même, mais elle nuit certainement aux méchants.

Vous direz peut-être que personne ne peut vivre sous la loi et faire un mauvais usage de la loi ; car, du moment qu’il la viole, il cesse de vivre sous son empire. Je soutiens, au contraire, que l’on peut être sous la loi et faire de la loi un mauvais usage. Je n’en veux également d’autres preuves que vos propres aveux. Vous avouez, je pense, que ce même saint Paul a emprunté au livre des psaumes un passage où il condamne ceux qui, tout en se glorifiant d’appartenir à la loi, vivaient contre la loi. « Selon qu’il est écrit: Il n’y a pas un juste, il m’y en a pas un seul. Il n’y a point d’homme qui ait de l’intelligence, il n’y en a point qui cherche Dieu.Ils se sont tous détournés du droit chemin, ils sont tous devenus inutiles, il n’y en a point qui fasse le bien, il n’y en a pas un seul. Leur gosier est un sépulcre ouvert; ils se sont servis de leur langue pour tromper avec adresse; ils ont sous leur langue un venin d’aspic. Leur bouche est remplie de malédiction et d’amertume, leurs pieds sont légers pour répandre le sang. Le brisement et le malheur sont dans toutes leurs voies. Ils ne connaissent point la voie de la paix;ils n’ont point la crainte de Dieu devant les yeux». Et de peur que ceux auxquels il s’adressait ne crussent qu’il s’agissait là des païens exclusivement, l’Apôtre ajoute aussitôt : « Or, nous savons que toutes les paroles de la loi s’adressent à ceux qui sont sous la loi, en sorte que toute bouche doit être fermée et tout le monde soumis à Dieu » (Romains III, 10-19). Il écrit également dans un autre passage : « Que dirons-nous donc ? La loi est-elle péché ? Nullement. Mais je n’ai connu le péché que par la loi, car je n’aurais point connu la a concupiscence si la loi n’avait dit : Vous n’aurez point de mauvais désirs. Or, le péché ayant pris occasion de s’irriter par les préceptes, a produit en moi toute sorte de mauvais désirs ». Un peu après il ajoute : « Le péché, ayant pris occasion du commandement, m’a trompé et tué par le à commandement même. Ainsi la loi est véritablement sainte, et le commandement est saint, juste et bon. Ce qui était bon en soi, m’a-t-il donc causé la mort ? Nullement ; mais c’est le péché qui, m’ayant donné la mort par une chose qui était bonne, a fait paraître ce qu’il était » (Romain VII, 7-13). Vous voyez que tout en louant la loi il blâme ceux qui vivent sous la loi et leur reproche de faire de ce qui est bon un mauvais usage pour le mal. Ailleurs, parlant d’une certaine science de la loi, le même Apôtre avoue que cette science est possédée par lui et par d’autres ; mais en même temps il déclare que sans la charité cette science est inutile et nuisible. « Quant aux viandes immolées aux idoles, nous n’ignorons pas que nous avons tous sur ce point assez de science; mais la science enfle, tandis que la charité édifie » (I Corinthiens VIII, 1). Pourtant cette science avait pour objet la loi de Dieu, ce qui n’empêche pas qu’elle enfle et nuise quand elle n’est pas fondée sur la charité.S’agit-il du sacrifice unique du corps et du sang de Notre-Seigneur immolé pour notre salut?Jésus-Christ a dit : « Si quelqu’un ne mange ma chair et ne boit mon sang, il n’aura pas la vie en lui » (Jean VI, 54) ; et cependant voici que l’Apôtre déclare que ce sacrement devient pernicieux pour ceux qui en usent mal : « Quiconque mange le pain et boit le calice du Seigneur indignement,se rend coupable du corps et du sang du Sauveur » (I Corinthiens XI, 27).

Voilà comment les choses les plus divines et les plus saintes peuvent nuire à ceux qui en font un mauvais usage. De quel droit ferait-on une exception pour le baptême ? Pourquoi sous un baptême bon en lui-même n’y aurait-il pas des hérétiques mauvais, quand la bonté de la loi n’empêchait pas les Juifs d’être mauvais ? Vous ne pouvez plus en douter,puisque je n’ai fait appel qu’à vos propres aveux. Vous déclarez croire à l’apôtre saint Paul, et vous ne doutez point que ces passages que je viens de citer ne soient réellement de cet Apôtre. J’ai donc prouvé qu’il est des choses qui, toutes bonnes qu’elles soient en elles-mêmes, peuvent nuire à ceux qui les possèdent et en font un mauvais usage. Demanderez-vous encore pour quoi le baptême, quoique bon et légitime, peut n’être pas utile à tous ceux qui le possèdent? Parce que nous concédons que les Donatistes ont le véritable baptême, vous prétendiez en conclure que c’est chez eux que tout homme doit recevoir le baptême. Vous ne remarquiez donc pas que nous pouvions ajouter que ce baptême, quelque juste, quelque bon, quelque saint qu’il fût en lui-même, devient un châtiment, un obstacle, pour les ennemis du corps de Jésus-Christ, c’est-à-dire pour les ennemis de l’Eglise, répandue sur toute la terre selon les prophéties.

A cela vous répondez qu’on ne peut assimiler le baptême à ces biens qui découlent de la loi divine, et que l’on peut posséder sans cesser pour cela d’être pécheur. Ainsi donc telle est la nature de la loi, de la science, et même du sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ, qu’on peut les posséder, ou y participer dans l’état du péché, tandis que le baptême est un bien tel que quiconque le possède est nécessairement bon. Une telle assertion n’est qu’une fausseté évidente, et voyez quelles fausses conséquences en découlent. En les développant devant vous, je ne prétends pas procéder par voie de déduction d’un principe faux à ses conséquences de même nature ; il me suffit de vous faire comprendre la fausseté de la conséquence, afin de vous y arracher et de vous faire sentir la fausseté du principe. Quel est ce principe ? C’est que, d’après vous, tous ceux qui possèdent le baptême véritable sont nécessairement bons; et c’est là une erreur évidente. Quelle en est la conséquence? C’est qu’on doit regarder comme réellement bons tous ceux qui faisaient schisme et disaient : « Moi j’appartiens à Paul, moi à Céphas, et moi au Christ ». Ce langage leur est reproché par l’Apôtre en ces termes : « Est-ce que Jésus-Christ est divisé? est-ce que Paul a été crucifié pour vous ?est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (I Corinthiens I, 12-13) C’est donc une erreur de soutenir que tous ces hommes étaient bons ; il n’y avait de bons que ceux qui disaient : « Je suis au Christ »; et cependant tous avaient reçu le saint baptême de Jésus-Christ. Maintenant, d’où vient que cette conséquence est fausse ? C’est parce que le principe est faux lui-même, à savoir que tous ceux qui possèdent le baptême véritable sont nécessairement bons. Il faut donc corriger et le principe et la conséquence. Puisque ceux qui formaient des schismes n’étaient pas bons, quoiqu’ils eussent reçu le baptême véritable, il est de la dernière évidence qu’on ne doit pas toujours regarder comme bons tous ceux qui ont reçu le baptême. Voilà pourquoi enfin nous ne sommes pas tenus de conclure que c’est dans la secte de Donat que l’on doit recevoir le baptême, quoique nous concédions que cette secte, toute mauvaise qu’elle soit en elle-même, possède le baptême véritable.

Vous allez plus loin encore, et pour me faire accepter une conclusion contre laquelle je proteste, vous m’alléguez ces paroles de l’Ecriture : « Un Dieu, une foi, un baptême, une Eglise catholique incorruptible et véritable » (Ephésiens IV, 5). Je concède ces paroles, quoiqu’elles aient été écrites dans un autre sens. Mais de toutes mes concessions, quelle conséquence pouvez-vous tirer? Que tous ceux qui ne sont pas dans une seule Eglise ne peuvent avoir un seul baptême ? C’est là une absurdité. Mais c’est uniquement par vous-même que je veux vous convaincre. En citant ces paroles : « Un Dieu, une foi, un baptême, une église catholique incorruptible et véritable», vous vous flattez assurément de me convertir à vos idées, et de me prouver ce que je n’admets pas, à savoir qu’il ne peut y avoir unité de baptême que là où se trouve l’unité d’Eglise. De mon côté, je soutiens au contraire que, lors même qu’il n’y a pas unité d’Eglise, il peut y avoir unité de baptême, pourvu qu’on ne change rien à ce qui constitue son essence. Je le prouve par les termes mêmes de votre citation, où nous lisons également l’unité de Dieu et l’unité de foi. Est-ce qu’en dehors de l’Eglise nous ne trouvons pas le même Dieu adoré; et fût-il adoré par des hommes qui ne le connaissent pas, cesse-t-il pour cela d’être le même Dieu ? Quant à la foi en vertu de laquelle nous croyons que Jésus-Christ est le Fils du Dieu vivant, ne la trouvons-nous pas dans des hommes qui ne sont pas membres de l’Eglise ? Leur séparation de l’Eglise empêche-t-elle l’unité de la foi ? De même quand, en dehors de l’Eglise, nous trouvons le baptême administré dans toutes ses conditions essentielles, de quel droit affirmerions-nous que ce n’est pas le baptême véritable?

Vous soutiendrez peut-être qu’en dehors de l’Eglise le Dieu unique et véritable ne peut être adoré, et qu’on ne peut trouver la foi unique par laquelle nous confessons que Jésus-Christ est le Fils du Dieu vivant, et qui a mérité un si bel éloge à l’apôtre saint Pierre (Matthieu XVI, 16, 17). Eh bien ! je veux vous prouver que vous êtes dans l’erreur. Vous avez encore présentes à la mémoire ces paroles de l’apôtre saint Paul aux Athéniens, quand il leur rappelle l’autel portant pour inscription : « Au Dieu inconnu », et qu’il ajoute: « Ce Dieu que vous adorez sans le connaître, c’est celui-là même que je vous annonce » (Actes XVII, 23). Leur dit-il : Parce que vous l’adorez en dehors de l’Eglise, ce n’est pas le Dieu véritable que vous adorez? Non, et son langage est formel : « Celui que vous adorez sans le connaître, c’est celui que je vous annonce » ; son but évident n’est-il pas de.les amener à adorer sagement et utilement dans l’Eglise celui qu’ils adoraient inutilement et sans le connaître, en dehors de l’Eglise? C’est dans le même sens que nous vous disons à vous-mêmes : Le baptême que vous observez sans le connaître, nous vous en prêchons la paix; non pas que nous voulions, quand vous reviendrez à nous, vous en conférer un autre, mais nous ne désirons que vous rendre utile et efficace la possession de celui que vous avez. Certains fidèles osaient soutenir que la foi suffit au salut sans les oeuvres. Saint Jacques entreprend de dissiper cette erreur et leur dit : « Vous croyez qu’il n’y a qu’un seul Dieu; c’est bien ; mais les démons le croient également et ils frémissent » (Jacques II, 19). Les démons ne sont pas membres de l’unité de l’Eglise, et cependant nous ne pouvons pas soutenir que leur foi soit erronée, quand nous les entendons dire au Sauveur : « Qu’y a-t-il entre nous et vous, Fils de Dieu ? » (Marc, I, 24). De là cette phrase si connue de l’Apôtre : « Quand j’aurais une foi capable de transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien » (I Corinthiens XIII, 2). Or, je ne crois pas que l’on puisse pousser la folie jusqu’à croire qu’on appartienne à l’unité de l’Eglise quand on n’a pas la charité. De même donc que le Dieu unique est adoré, sans être connu, hors de l’Eglise, et qu’il ne cesse pas pour cela d’être le même Dieu ; de même que l’unité de la foi peut exister, sans la charité, hors de l’Eglise, sans cesser pour cela d’être la même foi; de même le baptême unique peut exister, par ignorance et sans la charité, hors de l’’Eglise, sans cesser pour cela d’être le baptême véritable. Un Dieu, une foi, un baptême, une Eglise catholique incorruptible; ce n’est pas seulement dans le sein de cette Eglise que le Dieu unique est adoré, mais c’est uniquement dans son sein qu’il est pieusement adoré ; ce n’est pas seulement dans son sein que l’on trouve la foi une, mais c’est uniquement dans son sein que l’on trouve la foi unie à la charité; ce n’est pas seulement dans son sein que l’on trouve le baptême un, mais c’est uniquement dans son sein qu’il produit des fruits de salut et de paix.

Vous nous alléguez l’unité de Dieu, de la foi, du baptême, de l’Eglise incorruptible: sur tous ces points nous sommes parfaitement d’accord; mais vous pouvez déjà reconnaître que vous n’avez pas obtenu le résultat que vous vous proposiez, et qu’au contraire vous nous avez été d’un grand secours pour vous convaincre de ce que nous voulions vous prouver. Comprenez donc quelle situation heureuse est la nôtre ; quand des schismatiques ou des hérétiques reviennent à nous, nous rétablissons les vérités qu’ils ont dénaturées ; quant à celles qu’ils ont conservées pures et intactes, nous les reconnaissons, nous y applaudissons, sans nous exagérer à nous-mêmes, outre mesure, les vices de la nature humaine, et sans faire aucune injure aux choses divines nous suivons ainsi les Mates de l’Apôtre, qui trouvant le nom de Dieu inscrit sur un autel de ces païens, adorateurs des idoles, applaudit à cette idée, loin de la condamner et de la maudire. Parce qu’un déserteur s’est servi du sceau royal pour s’entourer de satellites, est-ce une raison pour détruire et changer ce sceau dans tout homme qui, revenu de son erreur, a obtenu avec son pardon l’ordre de rassembler des troupes? Parce qu’un serviteur infidèle a gravé le nom de son maître sur les brebis qu’il lui a ravies, est-ce une raison pour se croire obligé de changer cette marque sur toutes les brebis restées fidèles? […]

D’un autre côté, nous vous avons prouvé qu’un certain nombre de biens, qui découlent de la loi de Dieu, deviennent la propriété de ceux qui sont hors de l’Eglise, et personne d’entre vous n’ose le nier. Vous soutenez seulement qu’il n’en est point ainsi du baptême; je n’en vois pas la raison, et je suis certain que vous ne pouvez pas me la donner. Sur ce point encore nous nous appuyons sur l’infaillible autorité des Ecritures canoniques. Quelle importance, en effet, ne doit-on pas attacher à ce fait évident que la doctrine que nous enseignons a été suivie généralement par tous les évêques de la catholicité, avant la naissance de la secte des Donatistes, et au moment même où cette question était vivement débattue et soulevait des solutions différentes de la part de ces évêques qui tous restaient fidèles à l’unité catholique? Vous nous alléguez le concile de Cyprien ; mais ou bien ce concile n’a pas eu lieu, ou bien il a été victorieusement réfuté par les autres membres de cette unité dont Cyprien ne s’est jamais séparé. Supposé même que Cyprien ait admis la nécessité de rebaptiser les hérétiques, nous ne nous croirions pas meilleurs que lui, parce que nous sommes dans le vrai en agissant autrement; de même que nous ne nous croyons pas meilleurs que saint Pierre, quoique nous n’obligions pas les nations à judaïser comme il le fit lui-même, selon ce que nous rapporte saint Paul, qui le reprit de cette faiblesse (Gal. II, 14), quoique la circoncision fût alors pour les Apôtres l’objet des mêmes préoccupations que le baptême fut plus tard pour les évêques. » (Contre Cresconius, Livre I, n°26 à 35 et 38 dans PL, tome 43, colonne 464)

« Dans les livres que je viens de rappeler, j’ai dit hautement que le baptême peut être conféré en dehors de la communion catholique, comme il peut y être possédé et conservé. Tous les Donatistes n’affirment-ils pas que les apostats conservent en eux le caractère du baptême? Et,en effet, qu’un apostat se repente de son crime et revienne à résipiscence, on ne lui rend pas le baptême, ce qui prouve qu’on le regarde comme l’ayant conservé. De même, s’il s’agit de ceux qui par le schisme se sont séparés de l’Eglise, il n’est pas moins certain qu’ils conservent le baptême reçu avant leur séparation; car s’ils font pénitence, et rentrent dans l’unité, on ne leur réitère pas le sacrement, ce qui prouve qu’on les regarde comme n’ayant pu perdre, par leur crime, le baptême qu’ils avaient précédemment reçu. Or, si l’on peut validement posséder le baptême hors de I’Eglise, pourquoi donc ne pourrait-on pas l’y conférer validement? Mais, me direz-vous, cette collation du baptême hors de l’Eglise n’est pas légitime; je vous réponds La possession du baptême hors de l’Eglise n’est pas légitime, et cependant elle existe; de même la collation n’est pas légitime, et cependant elle est valide. Hors de l’Eglise le baptême que vous aviez reçu vous devenait inutile pour le salut, tandis qu’il recouvre son efficacité dès que vous êtes rentré dans l’unité; de même, dès que vous rentrez dans l’unité, le sacrement qui vous avait été inutilement conféré hors de l’Eglise, commence à produire en vous ses nombreux effets. C’est donc une erreur de soutenir que ce qui a été donné n’a pas été donné; ou d’affirmer que tel homme n’a pu donner ce qu’il assure avoir reçu validement. En effet, dès qu’un homme est baptisé, il possède le sacrement de baptême, et dès qu’il est ordonné, il ale droit et le pouvoir de baptiser. Or, de même que celui qui est baptisé ne perd pas le sacrement de baptême, en se séparant de l’unité; de même en se jetant dans le schisme, celui qui a été ordonné ne perd pas le droit de conférer le baptême. Aucun de ces deux sacrements ne saurait être outragé : si l’un des deux quitte les méchants, l’autre les quitte également; et si l’un des deux persévère au milieu des méchants, l’autre y persévère au même titre. De même donc qu’on ratifie le baptême que n’a pu perdre celui qui s’était séparé de l’unité; de même on doit ratifier le baptême conféré par un ministre, qui, en se séparant de l’unité, n’avait pas perdu le sacrement de l’ordination. On ne réitère pas le baptême à ceux qui, rentrant dans l’unité, avaient reçu ce sacrement avant de tomber dans le schisme; de même on ne réitère pas l’ordination à ceux qui, rentrant dans l’unité,avaient été ordonnés avant de tomber dans le schisme: si l’Eglise le juge utile, elle leur permet d’administrer ce qu’ils administraient; et si, pour les punir, elle leur refuse cette autorisation, elle ne laisse pas de les regarder comme réellement ordonnés et s’abstient de leur imposer les mains,comme elle les impose aux laïques. Félicianus, par exemple, avait-il donc perdu le baptême et l’ordination, en quittant les Donatistes pour embrasser la secte de Maximien? Est-ce que ces mêmes Donatistes n’ont pas ouvert leurs rangs à tous ceux que Félicianus avait baptisés pendant qu’il appartenait au schisme de Maximien? Ainsi donc, des hommes qui n’avaient jamais appartenu à l’Eglise, ont pu recevoir de la main des Donatistes et des Maximianistes ce que ceux-ci n’avaient pas perdu en se séparant de l’unité. J’en conclus que c’est une impiété sacrilège de vouloir rebaptiser l’unité catholique, et que nous sommes parfaitement dans la vérité lorsque nous refusons d’invalider les sacrements, alors même qu’il ont été conférés dans le schisme. En effet, les schismatiques sont avec nous dans les points sur lesquels ils pensent comme nous; comme aussi ils se séparent de nous dans les points sur lesquels ils ont une doctrine différente de la nôtre. Rappelons-nous qu’il s’agit ici de matières essentiellement spirituelles, et qu’il serait absurde de vouloir leur appliquer les lois qui régissent les mouvements corporels dans leur rapprochement ou leur éloignement. L’union des corps s’opère par la conjonction des mêmes lignes; de même le contact des esprits s’opère par la conjonction des volontés. Si donc, celui qui s’est séparé de l’unité, prétend faire autre chose et user de pouvoirs qu’il n’a pas reçus dans l’unité, par cela même il s’éloigne et se sépare; au contraire, tant qu’il ne fait que ce qui se fait dans l’unité, et observe les conditions essentielles qui lui ont été enseignées, en cela du moins il reste et persévère dans l’unité. » (Du baptême : contre les donatistes, Livre 1, chapitre 1, n°2, PL tome 43, colonnes 109-110)

Saint Vincent de Lérins (mort vers 450)

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Ce saint moine rédigea en 434 un Commonitorium où il énonce les critères qui permettent de savoir si une doctrine est orthodoxe ou hérétique. Il écrit en son chapitre VI :

« C’est un grand exemple que celui de ces bienheureux, et tout à fait divin, digne aussi d’être repris par tous les vrais catholiques dans une infatigable méditation : en effet, rayonnant, comme le chandelier à sept branches, des sept lumières du Saint Esprit, ils ont en effet révélé à la postérité le principe très lumineux grâce auquel, plus tard, dans tous les vains propos des erreurs, l’audace d’une nouveauté profane serait laminée par l’autorité de la sainte antiquité. La méthode à coup sûr, n’est pas nouvelle, puisque ce fut dans l’Église une coutume toujours en vigueur que, plus chacun était religieux, plus rapidement il s’opposait aux inventions nouvelles. Tout est rempli de tels exemples. Pour faire court, nous n’en citerons qu’un seul, emprunté de préférence au siège apostolique, afin que tous voient, plus clairement que le jour, avec quelle vigueur, quelle ardeur, quels efforts, les bienheureux successeurs des bienheureux apôtres, ont défendu l’intégrité de la religion traditionnelle. Jadis Agrippinus, de vénérable mémoire, évêque de Carthage, fut le premier de tous les mortels qui pensa, contrairement au canon divin, contrairement à la règle de l’Église universelle, contrairement à l’opinion de tous ses confrères, contrairement aux usages et aux institutions des aïeux, que l’on devait rebaptiser [les hérétiques]. Cette théorie trompeuse apporta tant de mal qu’elle fournit non seulement une procédure sacrilège aux hérétiques, mais en outre à certains catholiques une occasion d’erreur. Comme, de toute part, tous protestaient contre la nouveauté de ce rite et que tous les évêques, en tous pays, résistaient chacun dans la mesure de sa vigueur, le pape Étienne, de bienheureuse mémoire, qui occupait le siège apostolique, y fit opposition, avec tous ses autres collègues il est vrai, mais plus qu’eux néanmoins, car il trouvait normal, je pense, de surpasser tous les autres par le dévouement de sa foi autant qu’il les dominait par l’autorité de sa charge. » (Commonitorium, VI)

Commentaire de l’abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI (1803-1859) :

« Tout l’ensemble de ce passage, où il n’est question ni du sénat ni de l’empereur, mais du siège spécialement nommé apostolique, tout ce passage montre que l’autorité du lieu, grâce à laquelle le pape surpassait les autres évêques, était l’autorité religieuse de Rome et non son autorité politique. Le choix même du mot autorité le prouve ; s’il s’agissait du relief donné à Etienne par la capitale du monde, on aurait parlé de la splendeur, de la célébrité, de la majesté de cette ville, expressions ne risquant pas de devenir amphibologiques comme celle dont a usé saint Vincent, qui, en rapprochant les idées de supériorité dans Etienne et d’autorité dans le lieu, nous porte nécessairement à croire que les deux choses corrélatives étaient de même nature et de l’ordre ecclésiastique. D’ailleurs, son second extrait expliquera le premier. » (Abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI, Défense de l’Eglise contre les erreurs historiques, troisième édition, Lyon 1864, tome 1, page 118-119, note de bas de page)

A la fin du Commonitorium, saint Vincent de Lérins récapitule les preuves que lui ont fournies la Bible et l’usage constant des conciles, puis il ajoute :

« Tout cela suffit abondamment et surabondamment, sans doute, à l’extinction totale des profanes nouveautés ; cependant, afin qu’il ne parût rien manquer à la plénitude des preuves, quelque grande qu’elle soit déjà, nous avons rapporté, en ter-minant, deux autorités du siège apostolique, l’une du saint pape Sixte, qui fait aujourd’hui l’ornement de l’église romaine, et une autre de son prédécesseur, le pape Célestin, de bienheureuse mémoire, que nous avons jugé nécessaire de répéter encore ici. » (Commonitorium, XXIII)

NB : ce Commonitorium peut prêter à confusion, nous suggérons de lire cet article pour l’appréhender correctement.

« C’est ainsi que l’ouvrage du moine de Lérins commence et se termine par deux passages élogieux en l’honneur de la papauté ; le premier nous apprend que l’évêque de Rome surpasse tous les autres évêques par l’autorité que donne à cette ville la présence du siège de saint Pierre ; le second montre saint Vincent qui, après avoir cité la Bible et les conciles, après avoir terrassé l’hérésie sous ses coups, appréhende, tout victorieux qu’il est, de paraître n’avoir pas su employer toutes ses armes. Qu’a-t-il donc oublié, lui qui a invoqué les témoignages de l’Eglise universelle et de l’Ecriture sainte ? Pour quelle autorité y a-t-il donc place entre ces deux oracles du christianisme ? Quelle est donc cette autre parole sacrée que les fidèles regretteraient de n’avoir pas entendue, même à la suite de tant de paroles infaillibles et divines ? C’est la décision de la papauté. Saint Vincent la donne, et se réjouit en voyant que rien ne manque plus à sa triomphante démonstration.

Par conséquent, ce que saint Vincent dit des papes suppose en eux une prééminence, et ce que, d’accord avec tous les chrétiens et les papes eux-mêmes, il leur dénie, ne touche en rien aux privilèges dont on croit le Saint-Siège investi. » (Abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI, Défense de l’Eglise contre les erreurs historiques, troisième édition, Lyon 1864, tome 1, page 119-120)

Saint Léon le Grand (vers 395-461)

« Mais s’il était établi que quelqu’un a été baptisé par les hérétiques, le sacrement de la régénération ne doit d’aucune manière être réitéré pour lui, et il ne doit être conféré que ce que qui y a fait défaut : que par l’imposition des mains de l’évêque il obtienne la force du Saint-Esprit. » (Lettre Frequenter quidem à l’évêque Néo de Ravenne, 24 octobre 458)

Concile de Chalcédoine (451)

« Comme dans quelques éparchies on a permis aux lecteurs et aux chantres de se marier, le saint concile a décidé qu’il n’était permis à aucun d’eux d’épouser une femme hérétique. Ceux qui ont eu des enfants de pareils mariages, s’ils ont déjà fait baptiser leurs progénitures chez les hérétiques, doivent les conduire à la communion de l’Eglise catholique ; si ces enfants ne sont pas encore baptisés, ils ne peuvent pas les faire baptiser chez les hérétiques, ni les donner en mariage à un hérétique, à un juif ou à un païen, à moins naturellement que la personne qui doit se marier à la partie orthodoxe ne promette de passer à la foi orthodoxe. Si quelqu’un transgresse cette décision du saint concile, qu’il soit soumis aux peines canoniques. » (Canon 14)

Les enfants baptisés par des hérétiques doivent seulement être menés à la communion de l’Eglise, pas rebaptisés.

Anastase II (mort en 498)

Image illustrative de l’article Anastase II (pape)

« (Chap. 7) Conformément à l’usage de l’Eglise catholique, ta très sainte sérénité voudra bien reconnaître qu’aucun de ceux qu’a baptisés Acace ou qu’il a ordonnés prêtres ou lévites conformément aux canons, n’est affecté par quelque dommage en raison du nom d’Acace, en sorte que peut-être la grâce du sacrement transmise par un homme inique paraîtrait moins assurée. En effet, même si le baptême… a été conféré par un adultère ou par un voleur, il parvient comme un don intact à celui qui le reçoit, car cette voix qui a parlé par la colombe exclut toute tache provenant d’une souillure humaine lorsqu’elle dit :  » C’est lui qui baptise…  » Lc 3,16. Car si les rayons de ce soleil visible, même en traversant les lieux les plus répugnants, ne sont tachés par aucune souillure provenant d’un contact, à plus forte raison la force de ce soleil qui a fait le soleil visible ne sera-t-elle pas limitée par l’indignité du ministre…

(Chap. 9, autres 8) C’est pourquoi celui-là aussi…, en administrant en mal des choses bonnes, ne s’est nui qu’à lui-même. Car le sacrement inviolable qui a été donné par lui a gardé pour les autres la perfection de sa vertu. » (Lettre Exordium pontificatus mei à l’empereur Anastase 1er, fin de 496 – La validité des sacrements conférés par des schismatiques)

Saint Grégoire le Grand (vers 540-604)

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« Nous avons appris de l’enseignement ancien des Pères que tous ceux qui ont été baptisé dans l’hérésie au nom de la Trinité, lorsqu’ils reviennent à la sainte Eglise, doivent être rappelés dans le sein de la mère Eglise soit par l’onction du chrême, soit par l’imposition de la main, soit par la simple profession de la foi. C’est pourquoi l’Occident régénère les ariens par l’imposition de la main, l’Orient par l’onction du saint chrême en vue de l’entrée dans l’Eglise catholique. Mais les monophysites et d’autres, elle les reçoit par la seule profession vraie de la foi, parce que le saint baptême qu’ils ont obtenu chez les hérétiques reçoit alors en eux les forces de la purification lorsque les uns ont reçu l’Esprit Saint par l’imposition de la main, et que les autres ont été unis au sein de l’Eglise sainte et universelle par la profession de la vraie foi.

Quant aux hérétiques qui n’ont pas été baptisés au nom de la Trinité, comme par exemple les bonosiens et les cataphrygiens, parce que les uns ne croient pas au Christ Seigneur, et que les autres croient faussement que le Saint-Esprit est un homme dépravé du nom de Montan, on les baptise lorsqu’ils viennent à la sainte Eglise parce que ce qu’ils ont reçu, lorsqu’ils étaient dans l’erreur, sans le nom de la Sainte Trinité, n’était pas un baptême. Et on ne peut pas non plus appeler cela un baptême réitéré, puisque, comme il a été dit, le premier n’était pas donné au nom de la Trinité…

Votre Sainteté doit les (les nestoriens) recevoir sans aucune hésitation dans sa communauté en gardant leurs ordres, afin que…en ne suscitant pas par votre mansuétude, d’opposition ou de difficulté au sujet de leurs ordres, vous les arrachiez à la gueule de l’antique ennemi. » (Lettre Quia caritati nihil aux évêques d’Ibérie (Géorgie))

Saint Bède le Vénérable (672/673-735)

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« Le fait que l’eau du déluge ne sauve pas, mais tue ceux qui sont situés hors de l’arche, préfigure sans aucun doute que tout hérétique, bien qu’il possède le sacrement de baptême, n’est pas plongé dans les enfers par d’autres eaux, mais précisément par celles qui soulèvent l’arche aux cieux. » (Commentaire sur la première épître de saint Pierre (I Pierre III, 21), PL, tome 93, colonne 60)

« Si vous faites le bien sous l’inspiration de la charité, la grâce divine vous retirera des erreurs involontaires dans lesquelles vous pourriez tomber. Nous en avons un exemple illustre dans l’histoire du bienheureux Cyprien. A la tête des évêques d’Afrique, ses collègues, il avait, contrairement à la coutume de l’Eglise, décrété qu’il fallait réitérer le baptême aux hérétiques. Tel était son sentiment ; il y abondait, comme dit l’Apôtre. Mais il était de bonne foi, et, dans cette erreur involontaire, il continuait les œuvres de son zélé et de sa charité. Ainsi il mérita la divine faveur de comprendre enfin le vérité. Ou le vit se ranger à la foi de l’Eglise universelle et au sentiment des saints. » (Aliquot quaest. liber., V)

Le IIIè concile de Constantinople : une preuve définitive pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

A l’occasion du IIIè concile de Constantinople (680-681), le Pape saint Agathon envoya deux lettres aux empereurs. Nous lisons, entre autres, dans la première lettre :

« Que Votre Clémence considère donc cet avertissement de Notre-Seigneur et Sauveur, l’auteur de notre foi : en promettant à saint Pierre que sa foi ne défaillirait pas, il l’engagea à confirmer ses frères. Tout le monde sait bien que les pontifes du siège apostolique, ceux qui ont précédé mon humble personne, ont réalisé cette tache sans douter de cette parole. » (Lettre 1 Consideranti mihi aux empereurs, PL, 87/1168-1169)

Puis :

« Saint Pierre a reçu du Rédempteur lui-même par une triple recommandation qui lui en a été faite, la charge de paître les brebis spirituelles qui composent son Eglise ; et c’est grâce à l’appui qu’il continue de lui prêter, que cette Eglise apostolique n’a jamais déviée par une erreur quelconque de la voie de la vérité ; aussi, de tout temps, toute l’Eglise catholique et les conciles généraux ont-ils fidèlement adhéré à son autorité comme à celle du prince de tous les apôtres, s’attachant à la suivre en tout, et tous les saints Père en ont embrassé et soutenu avec zèle la doctrine comme venant des apôtres […] Que votre auguste clémence veuille donc bien considérer que le maître et le Sauveur de tous, qui est l’auteur de la foi, et qui a promis que la foi de Pierre ne défaillira jamais, l’a averti d’affermir ses frères : charge dont se sont acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait, les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs ; et quoique bien inférieur à leurs mérites je veux, puisque la grâce divine m’a appelé à leur succéder, m’acquitter à leur exemple de ce même ministère. » (Lettre 1 Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivants)

Et dans la seconde, signée des cent-vingt-cinq Évêques d’un concile tenu à Rome :

« Nous croyons que Dieu fera à votre trône, qu’il a élevé lui-même, la faveur si rare, et qui est le privilège du très-petit nombre, d’être le moyen dont il se servira pour faire briller aux yeux de tous la lumière de la foi catholique et apostolique, qui, ayant pour principe la source même de la vraie lumière dont elle est comme le rayon, nous a été transmise par le ministère des princes des apôtres saint Pierre et saint Paul, et par les hommes apostoliques leurs disciples et leurs successeurs, et est parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à notre médiocrité, sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer, et Dieu veuille bénir les efforts que fait votre autorité providentielle pour la conserver toujours inaltérable ! Tel a été aussi l’objet constant de la sollicitude du siège apostolique, et de tant de pontifes auxquels nous succédons malgré notre indignité. » (Lettre 3 Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682)

Le pape évoque « les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs » comme s’étant « acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait » à affermir leurs frères selon les paroles du Sauveur. Il est enfin question de la saine doctrine « parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à [saint Agathon], sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer ». Aussi si tous se sont acquittés de cette tache, cela signifie qu’aucun n’a failli.

Aussi, cela signifie que les propos de saint Sirice, saint Innocent Ier, saint Léon le Grand, Anastase II et saint Grégoire le Grand sur la validité du baptême des hérétiques, que nous avons cité, se trouvent ainsi « validés » en tant que tels par ces lettres.

Par la suite, le 15 novembre 680, lors de la 4è session du IIIè concile de Constantinople (680-681) réunissant surtout des évêques Orientaux, une lecture fut donnée de la première lettre (PL, 87/1168-1169 et MANSI, 11/239-254). Puis, lors de la 18è session, le 16 septembre 681, ce fut au tour de la seconde lettre lue en public et les Pères du concile l’approuvèrent et l’insérèrent dans les actes du concile. Ils déclarèrent :

« C’est le souverain prince des apôtres qui a agi de concert avec nous. Nous avons eu, pour nous aider, le pape dont la conduite est conforme à la sienne et qui lui succède sur son siège, le pape qui dans ses lettres déclare le mystère de la vérité divine et sacrée. Rome, cette ville antique, nous a transmis la profession de foi que Dieu avait dictée à saint Pierre. La feuille sur laquelle fut inscrit le dogme a honoré la fin de ce jour ; sur cette feuille on voyait de l’encre, mais c’est réalité c’est saint Pierre qui parlait au travers de l’écriture du pape Agathon. […] C’est à toi, évêque du premier siège de l’Eglise universelle, que nous nous abandonnons pour savoir ce que nous devons faire, puisque tu es établi sur le ferme rocher de la foi. […] Tous unis sous l’inspiration du Saint Esprit, tous d’accord et tous du même avis, acquiesçant tous aux lettres que Notre Très Saint Père et Souverain pontife le pape Agathon a envoyées à Votre Puissance [ndlr : les empereurs], reconnaissant la sainte décision du concile qui dépend de lui et qui rassemble cent-vingt-cinq prélats, etc. » (MANSI, 11/666, 684 et 686)

Le déroulé des événements est décrit dans cet article.

Le concile donc, fait non seulement sienne la doctrine de l’infaillibilité Papale de droit et de la perfection de fait de l’enseignement des Papes précédents, ce qui implique l’approbation de ce que nous avons cité des Papes, mais en plus, dans son approbation, le concile identifie lui-même la promesse faite par le Christ a saint Pierre d’être le rocher de l’Église, à l’exercice de l’épiscopat romain : « C’est à toi, évêque du premier siège de l’Eglise universelle, que nous nous abandonnons pour savoir ce que nous devons faire, puisque tu es établi sur le ferme rocher de la foi ».

Nous pouvons et devons souligner à l’attention des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tos ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes, qui liraient notre article, que cette décision conciliaire confirmant la doctrine de la Papauté est non seulement un témoignage parmi les autres de la Tradition, mais encore une sentence infaillible selon les normes théologiques de leurs propres églises. Aussi, après avoir lu cela, ils sont obligés, en conscience, d’accepter la doctrine de la Papauté exprimée dans ces lettres et approuvées par le concile, ainsi que l’intégralité de ce qu’ont enseigné les Papes sur la Papauté (aussi bien son existence en tant que dogme apostolique que la réponse à l’argument que les anti-romains pensent pouvoir tirer de ce même concile contre la Papauté, à travers le cas d’Honorius) et le Filioque puisque ces lettres affirment aussi la perfection de la doctrine de tous les Papes antérieurs.

C’est le Pape saint Léon II qui ratifia les décret du IIIè concile de Constantinople et qui lui donna sa forme de concile général, lui donnant force obligatoire pour l’Eglise universelle. Il y proclame encore l’infaillibilité du Pape, ratifiant définitivement les sentences précédentes. Voici ses mots :

« Nous avons donc parcouru d’abord avec un extrême empressement les lettres synodiques, dont le langage plein d’élévation nous a frappés. Puis, avec une minutieuse attention, examinant chacune des pièces écrites, les conférant avec les récits des légats apostoliques, nous avons reconnu que le saint, grand et œcuménique concile sixième, réuni avec la grâce de Dieu par décret impérial à Constantinople, s’est conformé dans sa profession de foi dogmatique aux décisions rendues dans le synode œcuménique précédemment tenu à Rome [le concle romain de 680], sous la présidence directe du trône apostolique sur lequel nous sommes maintenant assis. [Saint Léon II expose ensuite en détail la doctrine apostolique proclamée par le concile sur les deux volontés du Christ]. Telle fut en effet la règle de la tradition apostolique et vraie, tracée dans son concile par mon prédécesseur Agathon, d’apostolique mémoire. Cette règle, il la fixa dans la lettre que ses légats remirent de sa part à votre piété, en l’appuyant par les témoignages conformes des Pères et des Docteurs de l’Eglise ; cette règle, le concile général de Constantinople l’a reçue comme un oracle émané du bienheureux Pierre, prince des apôtres ; il y a reconnu la doctrine pure et les marques d’une foi immaculée. Ainsi ce grand, saint et œcuménique concile que votre clémence a réuni, et auquel, pour le service de Dieu, elle a voulu présider, ayant embrassé en tout la doctrine des apôtres et des Pères, ayant reçu avec révérence la définition dogmatique promulguée par le Siège du bienheureux apôtre Pierre, dont, malgré notre indignité, nous tenons la place, à notre tour, nous et par notre ministère le vénérable Siège apostolique lui-même, nous approuvons le décret du concile ; par l’autorité du bienheureux Pierre nous le confirmons comme sur la solidité immuable de la pierre posée par Jésus-Christ pour fondement à l’Eglise. La vénération qui s’attache aux précédents conciles généraux de Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine et Constantinople (deuxième), nous voulons qu’elle soit rendue à cette récente assemblée œcuménique, où le Saint-Esprit vient encore de se manifester pour le salut des âmes et dont toute la gloire dans le Seigneur sera jusqu’à la fin des siècles attribuée à votre piété impériale. » (Lettre III Regi regum, à l’empereur Constantin IV, vers août 682 ; MANSI, XI, 730 et suivants ; PL 96, 404 et 405 ; Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 3, page 487, cite ce passage de saint Léon II mais se trompe dans la référence : il indique la colonne 464 au lieu de 404)

Nous avons ici plusieurs éléments. Le premier est que c’est en vertu de l’autorité de l’apôtre Pierre qu’il confirme le concile. Preuve qu’il était clair non seulement pour lui mais aussi pour ses destinataires qu’il était le chef visible et infaillible de droit divin de l’Eglise de Jésus-Christ, et que rien ne pouvait avoir cours sans son approbation expresse ou tacite. Le deuxième est qu’il appelle « oeucuménique » le concile de Rome de 680, réunissant 125 Evêques autour du Pape saint Agathon qui, comme nous l’avons vu, affirme l’infaillibilité des Papes (Saint Agathon, Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682), et en conséquence, d’une part qu’il y croit aussi et ne saurait donc pas condamner Honorius comme hérétique au sens strict, et d’autre part que la confirmation du concile de Constantinople que porte la lettre ne saurait faire de même. Le troisième est le constat que le IIIè concile de Constantinople « pense de même » que ce concile de Rome qui affirme l’infaillibilité des Papes, et qu’il a reçu « comme un oracle émané de la bouche même de Pierre, prince des apôtres », la règle de foi promulguée par saint Agathon, et l’approuve par ce seul motif qu’il a reçu avec révérence cette règle, ce type de la vraie foi, de la tradition apostolique. Pour mieux accentuer encore sa pensée, saint Léon II déclare œcuménique le synode romain tenu par saint Agathon comme nous l’avons dit. Enfin le quatrième, prenant le contrepied du décret conciliaire qui avait mêlé à la définition de la foi les anathématismes, le Pontife donne à la définition de la foi son approbation absolue, quant aux anathématismes, il en détache soigneusement Honorius en spécifiant bien un motif de blâme différent et grandement inférieur à celui des autres, interprétant ainsi de manière authentique l’intention de l’assemblée conciliaire, conformément à ce que ses légats n’auront pas manqué de lui rapporter. Nous démontrons cela dans notre article précité :

L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?