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« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

La crise du Monothélisme

Remarque liminaire : certains anti-catholiques veulent nier la Papauté en affirmant que le Pape Honorius fut lui-même monothélite condamné par le IIIè concile de Constantinople (680-681). Mais c’est une erreur comme nous le démontrons dans notre article L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?

Les grandes questions qui sont nées autour de la Personne du Christ sont nombreuses, mais toutes ne sont pas correctes ; et, pour dire vrai, souvent elles tombent sous l’ordre de l’hérésie. Dans cet article, nous allons nous intéresser à une thèse fort intéressante sur le Christ : Il s’agit de savoir si en Christ, il y a deux ou une seule Volonté…: c’est ce que nomme la crise monothélite. Le mot ‘monothélisme’ est formé du grec monos, « seul » et ethelô, « vouloir ». Comme la quasi-totalité des crises, si ce n’est la totalité, le monothélisme est une crise christologique. Elle consistait à reconnaître dans la Personne du Christ une seule Volonté.

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Saint Maxime le confesseur

Nous sommes au début du VIIe siècle. Mais des siècles précédents, des débats houleux avaient eu lieu sur la personne du Christ. Les questions de savoir si cet Homme était Dieu ou non ont été discutées. Les questions autour des deux Natures de ce Christ ont été discutées gravement… La question de la Trinité a déjà été tranchée. La question de savoir si Marie est mère de Dieu ou non a déjà été tranchée à Ephèse au Ve siècle – contrairement à ce qu’on peut croire, la déclaration de « Marie mère de Dieu », n’a rien à voir avec un culte à la Mère du Christ, il s’agissait avant tout d’un débat, une querelle christologique. Les adoptianistes, l’arianisme, Marcion, les ébionites, le docétisme et d’autres hétérodoxies telles que le pélagianisme ont déjà été réfutées !

De nombreux débats ont déjà eu lieu, mais seulement il reste des problèmes inextricables dans la foi chrétienne. La personne du Christ ne fait pas accorder tous les camps. D’où proviennent les divisions ? Tout simplement de l’année 451 : année du concile de Chalcédoine. Le sujet ici n’étant pas le concile de Chalcédoine (nous en reparlerons dans l’avenir), nous montrons simplement ses conclusions. Le concile avait en effet affirmé un duophysisme, c’est-à-dire qu’il avait reconnu en Christ deux Natures distinctes en une seule Personne. La formule de Chalcédoine (Ve session) s’exprime ainsi :

« Un seul et même Christ, Fils, Seigneur, l’unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, la différence des natures n’étant nullement supprimée à cause de l’union, la propriété de l’une et l’autre nature étant bien plutôt gardée et concourant à une seule personne et une seule hypostase[…] »

Cependant, cette conclusion ne fait pas l’unanimité. Les Eglises des trois conciles, encore connues sous le nom d’Eglises orthodoxes orientales, rejettent la conclusion du concile de Chalcédoine. Eglises des trois conciles, car elles ne reconnaissaient que le premier concile de Nicée (325), le premier concile de Constantinople (381), et le concile d’Ephèse (431). Ce qu’il faut retenir, c’est tout simplement que les Eglises des trois conciles, n’admettant pas les conclusions de Chalcédoine, se séparent ainsi de l’Eglise officielle. Pour ces Eglises, le Christ n’a qu’une seule nature, et elle est divine. En fait, ces Eglises professent qu’il y a deux natures dans le Christ, mais que la nature Divine a, en quelque sorte, absorbé la nature humaine – c’était la formule d’un certain Eutychès. Cependant, les Eglises des trois conciles ne sont pas vraiment partisanes du monophysisme d’Eutychès, mais elles adoptent une position plus subtile : le miaphysisme. Cette doctrine affirme qu’il y a dans le Christ une seule Nature (humaine et Divine). On peut donc ici observer la subtilité. Et donc, pour elles, la définition de Chalcédoine d’une personne en Deux natures distinctes ne convient pas. Le séparatisme est donc inévitable. Cependant, une alternative est proposée, par Serge, patriarche de Constantinople en ce temps : le monothélisme, énoncé en 616.

La doctrine monothélite avait pour but d’unifier l’Eglise officielle (l’Eglise chalcédonienne, notre Eglise donc), et les Eglises des trois conciles (non-chalcédoniennes, ou encore, Eglises orthodoxes orientales). Le monothélisme accepte le duophysisme de Chalcédoine, mais ajoute que le Christ réalise ses actions par une seule Volonté et une seule activité théandrique. Mais des théologiens tels que Sophrone de Jérusalem s’opposent à cette formule. La question n’est pas réglée de suite. Il faudra du temps pour répondre. Mais, attardons nous sur l’argumentation proposée par chaque camp…

En ce qui concerne le monoénergisme, Cyrus, Patriarche d’Alexandrie affirme :« L’unique et même Christ opérant ce qui est divin et ce qui est humain par une seule activité théandrique, comme le dit saint Denys »[1]. Cependant, il faut relever que Denys n’avait pas parlé d’une seule activité, mais plutôt d’une nouvelle activité.

Pour ce qui est du monothélisme, Sergius, Patriarche de Constantinople écrit :

« De même l’expression ‘deux opérations’ [dio-énergisme] scandalise un grand nombre parce qu’elle n’a jamais été employée par aucun des saints et recommandables prédicateurs des mystères de l’Eglise et qu’elle aurait pour conséquence que l’on confesserait deux volontés se comportant de façon contraire l’une par rapport à l’autre, comme si d’une part le Dieu Verbe avait voulu accomplir la passion salvatrice, et que d’autre part l’humanité qui est en lui avait résisté à sa volonté en lui étant contraire. Ce faisant, on introduirait deux êtres qui veulent des choses contraires – ce qui est impie – car il est impossible que, pour un seul et même sujet, deux volontés subsistent en même temps et par rapport au même objet »[2].

On peut d’emblée, remarquer que dans l’affirmation du Patriarche de Constantinople, il y a deux paralogismes. D’abord, le fait qu’une expression n’ait jamais été employée par les saints et les prédicateurs recommandables ne permet pas de déduire que cette expression est fausse. Le second paralogisme. Celui-ci est basé sur le fait que, s’il y avait en Christ deux volontés, la volonté humaine s’opposerait à la volonté Divine. C’est un raisonnement qui, loin d’être un simple à priori, est un argument à posteriori se basant sur le fait la Volonté humaine a une tendance à s’opposer à la volonté Divine. Sans tenir compte que, justement, le Christ était un homme parfait. Et l’opposition de la volonté humaine à la volonté Divine est due, entre autre, au fait que l’homme est pécheur, ce que le Christ, lui n’était pas. Car, il avait tout assumé de l’Homme, sauf le péché. Donc, vous l’avez compris, le monothélisme sera condamné ! Car, la doctrine de l’Eglise officielle reconnaîtra qu’il y a, effectivement, dans le Christ deux Volontés.

« Père, si tu voulais transporter cette coupe loin de moi ; toutefois que ma volonté ne soit point faite, mais la tienne ». (S† Luc, 22, 42 ; Bible Martin)

La réponse de s† Maxime le Confesseur, apparaît ainsi : Le Christ (une seule et même hypostase), par sa volonté Divine (qu’il a en commun avec le Père et le Saint-Esprit), et par sa volonté humaine (qui lui est propre) ; les deux volontés étant en accord ; veut notre Salut. Par sa volonté Divine, le Christ veut notre Salut ; par sa volonté humaine, le Christ veut notre Salut. Il y a donc, en Christ Jésus, deux volontés ; celles-ci veulent la même chose : le Bien (le Salut de l’Humanité). La Volonté humaine du Christ ne s’oppose pas à la Volonté Divine, mais est soumise à celle-ci.

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En 649, saint Martin Ier, successeur de Théodore Ier,  convoque un concile de Latran, dans lequel le monothélisme est condamné. L’affirmation de la dualité des volontés est maintenue, et Martin anathématise les Patriarches défendant la doctrine qui soutient une seule Volonté dans le Christ… Dans le canon 10 du Concile de Latran :

« Si quelqu’un ne confesse pas, selon les saints Pères, en un sens propre et véritable, deux volontés [thelèmata] du même et unique Christ notre Dieu unies ans un plein accord [sumphuôs], la divine et l’humanité, puisque selon chacune de ses deux natures il était, par nature, à même de vouloir notre Salut, qu’il soit anathème ».

Le pape s† Martin Ier, pour avoir refusé le monothélisme et avoir prononcé l’anathème sur ceux qui défendaient cette doctrine, sera traduit en justice, lors d’un procès considéré comme violent. Mal traité, s† Maxime le Confesseur quant à lui,  on lui coupera la main (car, c’est elle qui servait à écrire), et la langue (car, c’est elle qui servait à parler). D’où le nom « le Confesseur ». Peu importe, au IIIe concile de Constantinople (680-681), le monothélisme sera anathématisé ! En définitive donc, il faut reconnaître (selon la formule orthodoxe) qu’en Christ, il y a deux Volontés ! La volonté humaine ne s’opposant pas à la volonté Divine. C’est la position actuelle de l’Eglise. Mais, attention à ne pas mêler les choses en ce qui concerne la Sainte Trinité. Il y a, en Elle, une et une seule Volonté.

« (…) et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix » (Philippiens 2, 8)


  • [1] F.-X Murphy et P. Sherwood, Constantinople II et Constantinople III, Paris, 1974, p. 305.
  • [2] Ekthèsis, en 638; Théologie de l’agonie du Christ, trad. F.-M. Léthel, Paris, 1979, p. 37.

À propos de Le Saker D'Ahala

Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu (Hugues de saint Victor).

13 commentaires sur “La crise du Monothélisme

  1. Kisito
    22 mars 2016

    Salut cher frère en Christ
    Cet article est intéressant, mais me laisse toujours sur ma faim, surtout à propos de l’agonie de Jésus à la montagne des oliviers.
    « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas, mais la tienne. » Luc 22:42
    Ici on a plutôt l’impression que la volonté humaine de Jésus, était opposée à sa volonté divine, sinon comment expliquer cette phrase?

  2. francois
    3 novembre 2016

    Le pape Honorius 1er fût convaincu de monothélisme, au point qu’un concile en union avec le pape Leon II le déclara anathème. (non seulement cette déclaration mais l’ensemble de son pontificat supposé couvert par l’infaillibilité).

    Il fut réhabilité pour le besoin de la déclaration d’infaillibilité du concile Vatican I.

    Sachant qu’un concile en union avec un pape est réputé infaillible c’est une situation compliquée.

    En outre, on suppose donc que la condamnation qui a eu lieu 40 ans après les faits était une erreur alors que la réhabilitation 1500 ans après était une vérité. Sur quelles critères nouveaux et plus pertinent 1500 ans après ?

    Clairement c’est encore un signe évident de la non infaillibilité des conciles catholiques romain et/ou des papes d’un point de vue logique.

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