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« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

La confusion antique entre les Conciles de Nicée (235) et de Sardique (343)

Le IVè siècle chrétien fut, entre autres, marqués par le Concile général de Nicée en 325, et le Concile non-général certes, mais d’un très grande importance et réunissant de nombreux évêques issus d’Orient et d’Occident de Sardique en 343. Ces deux Conciles furent parfois confondus par les auteurs de l’Eglise anciennes.

Origine de la confusion

Cette confusion vient de ce que pendant longtemps les canons des conciles de Nicée et de Sardique ont circulé dans une seule collection de canons, les uns à la suite des autres, suivant une numérotation continue et sous le seul titre de Nicée. Cette confusion a été fréquente dans les manuscrits (Pietro et Girolamo BALLERINI, Disquisitiones de antiquis collectionibus et collectoribus canonum, p. 380 ; Pierre COUSTANT, Dissertatio de antiquis canonum collectionibus, dans Andrea GALLANDI, De vetustis canonum collectionibus dissertationum sylloge, page 78). Il existe même des manuscrits contenant les canons de Sardique sans ceux de Nicée, portant le nom de Nicée. Une explication possible de cette confusion est que les deux Conciles eurent pour points communs d’avoir été présidés par Osius de Cordoue et d’avoir été anti-ariens.

Cela explique peut-être que plusieurs auteurs antiques affirment que le Concile de Nicée se tint sous le Pape saint Jules au lieu de saint Sylvestre

Peut-être que cette confusion explique pourquoi Sozomène de Constantinople (375-450) affirme que le l’évêque de Rome à l’époque du Concile de Nicée était saint Jules et non saint Sylvestre :

« Osius ayant trouvé les contesterions trop aigries pour les pouvoir apaiser, et étant revenu sans rien faire, l’Empereur convoqua à Nicée ville de Bithynie, les Evêques de toutes les Eglises. Les Pasteurs de trois Églises fondées par les Apôtres, se trouvèrent à ce Concile, savoir Macaire Evêque de Jérusalem, Eustate Evêque d’Antioche ville assise sur le fleuve Oronte, et Alexandre Evêque d’Alexandrie. Jules Evêque de Rome ne pût s’y trouver à cause de son grand âge ; mais Viton et Vincent Prêtres de on Eglise, s’y trouvèrent en sa place. » (Histoire ecclésiastique, livre I, chapitre 17)

Ou encore que le coryphée l’église orthodoxe, Photius, est plus explicite que Socrate. Dans une lettre à l’empereur Michel, prince bulgare, parlant des sept premiers conciles généraux, il dit sur celui de Nicée :

« Les princes de cette assemblée furent Alexandre, qui avait obtenu le siège archiépiscopal de Constantinople (naturellement Photius lui assigne la première place), ainsi que Sylvestre et (son successeur) Jules, insignes et célèbres Pontifes de l’Eglise romaine. Ces deux derniers ne purent assister personnellement au concile ; mais ils s’y firent représenter, pendant le temps correspondant du pontificat de chacun d’eux, par Victor et Vincent, auxquels était associé (Osius) l’évêque de Cordoue. » (Canisius, Lectiones antiquae, t. II, pars secunda, p. 381. Voir Labbe, à la suite des pièces relatives au premier concile œcuménique)

Pour répondre à cette insinuation de Photius il faut répondre que :

« nous n’accordons point que les légats eussent, pour associés, comme le prétend Photius, Alexandre de Constantinople. Simple prêtre à Nicée, Alexandre y représentait son évêque Métrophanès et n’arriva lui-même que plus tard à l’épiscopat. De plus, en 325, Constantinople n’existait pas, ou du moins, elle n’était encore que la pauvre Byzance, ruinée par l’empereur Sévère, réduite à l’état de bourgade et siège suffragant d’Héraclée [Gélase de Cyzique, ubi supra ; Lebeau, Hist. du Haut-Empire, liv. XI, n° 68; Fleury, Hist. eccl., liv. XI, n° 44, à l’an 330.] » (Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 1, page 459)

« Pourquoi cet anachronisme de Photius ? Peut-être a-t-il voulu donner une brillante généalogie à son schisme, en présentant celui qui fut le premier évêque de la nouvelle Rome comme l’égal de l’évêque de la Rome ancienne, et même comme lui étant supérieur dans la nomenclature ecclésiastique ; peut-être ne s’est-il pas moins trompé de bonne foi dans ce cas, que lorsqu’il fait régner le pape Jules Ier au temps du concile de Nicée. » (Abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI, Défense de l’Eglise, tome III, page 234)

Au IXè siècle les Fausses décrétales commettent également la même erreur. Elles mettent sous le nom du pape saint Jules Ier un Rescrit contre les orientaux en faveur d’Athanase et des autres victimes de l’hérésie arienne (PL, tome 130, colonnes 617-622), dans lequel ce qui est une évidente glose du 4è Canon du Concile de Sardique est cité comme le « 19è Canon du Concile de Nicée » (Chapitre III), et où ce qui ressemble fortement au 5è Canon du Concile de Sardique est cité comme le « 18è Canon du Concile de Nicée » (Chapitre II).

Pour en savoir plus sur la prépondérance romaine au Concile de Nicée, lire notre article :

La Papauté au concile de Nicée (325)

Aussi le Pape saint Zosime est tombé en toute bonne foi dans une confusion répandue par beaucoup d’auteurs grecs contemporains.

Un cas célèbre de cette confusion : l’appel de son excommunication par le prêtre Apiarius de Sicca

En 419, d’Apiarius de Sicca, un prêtre de la province proconsulaire qui avait été excommunié par son évêque, et que le Pape saint Zosime, auprès de qui il avait fait appel, avait réhabilité. Zosime ayant fait valoir des canons de Nicée sur le droit d’appel a Rome, les africains ne trouvaient pas ces canons dans l’exemplaire grec des actes du premier concile œcuménique conservé à Carthage. Ce cas fut traité lors de plusieurs rencontres des évêques africains auxquelles participèrent aussi les envoyés de Rome et dont on a conservés les Canones in causa Apiarii (Charles MUNIER, Corpus Christianorum, Series Latina, Volume 149, Turnhout 1974, 149, 98 et suivantes). Aussi, il firent une enquête en envoyant des ambassadeurs à Constantinople, Antioche et Alexandrie : ils n’eurent de cesse que toute la lumière soit faite, et demandèrent aux évêques des principaux sièges d’Orient de leur envoyer les verissima exemplaria du concile de Nicée, ce que firent Cyrille d’Alexandrie et Atticus de Constantinople. Les canons litigieux invoqués par Rome ne s’y trouvaient pas ! Il s’avéra finalement qu’il s’agissait de deux canons du concile de Sardique, et le pape Boniface, successeur de Zosime, dut donner raison aux Africains.

Pour en savoir plus sur cette confusion antique entre les Concile de Nicée et de Sardique, consultez notre page :

La confusion antique entre les Conciles de Nicée (235) et de Sardique (343)

Il est à noter que l’Eglise d’Afrique latine n’en reconnaissait pas moins l’autorité de droit divin de l’évêque de de Rome, voir notre article :

Un Papiste nommé saint Augustin

On y verra un autre exemple similaire : la déposition de l’évêque Cécilien de Carthage par 70 de ses collègues d’Afrique du Nord, annulé par la seule décision du Pape saint Miltiade car, selon les mots de saint Augustin :

« Il pouvait ne pas prendre souci de la multitude de ceux qui conspiraient contre lui, en se voyant uni de communion avec l’Eglise de Rome où la chaire apostolique a toujours gardé sa forte primauté. […] Mais voyant que l’univers demeurait en communion avec Cécilien, et que c’était à lui et non pas à l’évêque criminellement ordonné par eux que s’adressaient les lettres des Eglises d’outre-mer, ils eurent honte de garder toujours le silence. » (Lettre 162 alias 43 aux évêques donatistes, n°3, 4, 7, 14, 16 et 19 ; Cf. Opera S. Augustini, t. II, p. 136, édit. de Gaume ; p. 90, édit. de Montfaucon ou PL, 33/162 à 169)

Il ne s’agissait donc pour l’Eglise d’Afrique du Nord que d’une contestation de procédure et non d’un contestation de fond quant à l’autorité du Pape.

Et on ne peut même pas répliquer que dans le cas de Cécilien, il était faut usage du 3è canon du Concile de Sardique (343), puisque 1) Cécilien a été excommunié et déposé lors d’un concile africain en 393, c’est-à-dire 26 ans avant 419 et l’affaire Apiarius, donc si l’Afrique latine connaissait le 3è canon du Concile de Sardique (343) pour Cécilien, elle n’aurait pas mené d’enquête pour Apiarius et aurait directement reconnu la vraie origine du canon ; 2) les mots de saint Augustin sont clairs, il dit que « la chaire apostolique a toujours gardé sa forte primauté« , il n’est pas question du Concile de Sardique (434).

Conséquence connexe : preuve de l’origine apostolique du célibat des prêtres

Cet attachement extrême de l’Afrique latine a l’exactitude des actes antiques, prouve que ses témoignages concernant le célibat des prêtres sont bel et bien le reflet d’une doctrine apostolique, car dans le IIIè Concile de Carthage (390), cette Afrique latine a à la fois proclamée cette origine apostolique, et mené une grande enquête sur les actes du Concile de Nicée. Nous traitons cela, entre autres beaucoup de choses, dans notre article :

Le célibat des prêtres vient des apôtres !