+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

L’autorité du successeur de Pierre d’après saint Léon le Grand

Notre dossier sur la Papauté : ici

L’un des plus éclatants témoins antiques de al foi de l’Eglise en la Papauté est sans conteste saint Léon le Grand (vers 395-461). A travers ses sermons et ses lettres, il montra aussi bien en théorie qu’en pratique les prérogatives données par le Christ à saint Pierre, et comment ces dernières sont passées à ses successeurs. Nous allons ici exposer ces faits.

Voici le plan de notre étude :

I) Ses sermons pour les anniversaires de son élévation au souverain pontificat

A) Sermon du 29 septembre 441

B) Sermon du 29 novembre 443

1) Chapitre II : Jésus-Christ continue à veiller sur son troupeau ; l’Eglise est bâtie sur saint Pierre

2) Chapitre III : En la personne du Pontife son successeur, c’est l’Apôtre qui continue à gouverner l’Eglise du Christ et à la fortifier par sa foi inébranlable

3) Chapitre IV

a) Primauté de l’Eglise de Rome

b) L’Evêque de Rome est l’héritier juridique des prérogatives de saint Pierre

c) L’exemple que l’Eglise de Rome, « citadelle du roc apostolique », doit donner

C) Sermon du 29 septembre 444

1) Chapitre I : Action de grâces ; la fête du pasteur est  celle de tout le troupeau dans l’unité du corps mystique

2) Chapitre II : C’est sur la foi de Pierre que repose l’Église entière

3) Chapitre III : Pierre a privilège et grâce pour transmettre son pouvoir aux autres Apôtres

4) Chapitre IV : Intercession de l’Apôtre pour l’Église universelle et pour les Romains en particulier

D) Sermon du 29 septembre 452

1) Chapitre II : Le premier pasteur partage les soucis de tous les autres pasteurs

2) Chapitre IV : Saint Pierre participe au gouvernement de l’Eglise par délégation du Christ

II) Sermons sur saint Pierre et saint Paul

A) Premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul (29 juin 441)

1) Chapitre I : Le souvenir des apôtres Pierre et Paul doit être honoré à un titre spécial par la ville de Rome

2) Chapitre II : La grandeur de l’Empire romain a été voulue par la divine Providence

2) Chapitre III : Mission de saint Pierre

B) Sermon sur l’anniversaire du martyre de saint Pierre (29 juin 443)

1) Chapitre I :  La gloire de saint Pierre est la récompense de sa foi manifestée lors de sa confession du Fils de Dieu ; l’Eglise est fondée sur lui

2) Chapitre II : Le privilège dans le collège apostolique ; être la fermeté de l’Eglise et avoir le pouvoir universel de lier et délier

2) Chapitre III : Tous les pasteurs de l’Eglise sont appuyés sur l’indéfectibilité et l’universalité de juridiction de saint Pierre

III) « Le bienheureux Apôtre Pierre, après avoir reçu les clefs du Royaume, se voit confier, de préférence aux autres, la garde du bercail du Seigneur »

IV) Nomination d’un légat en Orient pour exercer l’autorité apostolique universelle du siège de Rome

V) Le successeur de Pierre doit veiller sur tout le troupeau

VI) Les évêques de la province d’Arles adressent une demande à saint Léon car « par le bienheureux Pierre, chef des Apôtres, la sainte Eglise romaine détient la principauté sur toutes les églises du monde entier »

VII) Saint Léon impose son enseignement au Concile de Chalcédoine (451)

VIII) Saint Léon réhabilite en raison de son autorité apostolique Théodoret de Cyr, injustement déposé par le brigandage d’Ephèse (449)

IX) Sa célèbre Lettre aux évêques de la province de Vienne en Gaule (450)

A) La solidarité de l’Église bâtie sur le roc de saint Pierre doit être partout maintenue

B) Hilaire trouble la paix de l’Église par son insubordination en contradiction avec les pouvoirs de saint Pierre de porter les clés du Royaume des Cieux (Matthieu XVI, 19) et de paître le troupeau du Christ (Jean XXI, 15-17)

C) La façon dont Hilaire traite Projectus n’est pas à son honneur

D) Saint Léon décide qu’Hilaire est dépossédé non seulement de sa juridiction usurpée, mais aussi de ce qui lui appartient de droit, et est limité à son seul évêché

E) Saint Léon nomme Léontius est nommé à la place d’Hilaire

I) Ses sermons pour les anniversaires de son élévation au souverain pontificat

Parmi les célèbres monuments de l’antiquité chrétienne témoignant de la Papauté, certains sermons de saint Léon le Grand tiennent une bonne place. Il s’agit de ceux qu’il prononçait chaque année lors du jour anniversaire de son élection à la Papauté. Ces sermons sont intitulés « Sermons pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat ». Nous pourrions dire que tout est dans le titre et qu’il n’est même pas nécessaire d’en produire les passages les plus significatifs, cependant nous ne voudrions pas priver nos lecteurs de ces morceaux d’anthologie de la littérature patristique où saint Léon va même jusqu’à dire que saint Pierre vivait et enseignait par la bouche de ses successeurs :

A) Sermon du 29 septembre 441

« A cette réunion, j’en ai la confiance, ne manque pas non plus la pieuse bienveillance et le sincère amour de saint Pierre, pas plus qu’il n’est absent de votre dévotion, lui dont la vénération vous a rassemblés. C’est pourquoi il se réjouit, lui aussi, de votre amour et il aime avec tendresse, en ceux qui partagent sa dignité, l’obéissance à l’institution du Seigneur ; et il approuve donc cette charité parfaitement ordonnée [Cantique II, 4] de toute l’Eglise qui accueille Pierre sur le siège de Pierre et ne laisse pas s’attiédir son amour envers un si grand pasteur, même quand il porte sur la pardonne d’un héritier si inégal au modèle. Afin donc, bien-aimés, que cette piété que vous manifestez unanimement envers mon humble personne obtienne le fruit qu’elle désire, priez et suppliez la clémence très miséricordieuse de notre Dieu ; […] quant à moi, son humble serviteur, dont il a voulu qu’il préside au gouvernement de son Eglise pour manifester les richesses de sa grâces [cf. Ephésiens II, 7]. » (Sermon 1 [alias 2] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 441, chapitre 2, PL, 54/143-144)

B) Sermon du 29 novembre 443

1) Chapitre II : Jésus-Christ continue à veiller sur son troupeau ; l’Eglise est bâtie sur saint Pierre

« […] En outre, comme suite à cette assistance essentielle et éternelle, nous avons reçu la protection et l’appui de l’apôtre qui, certes, ne se relâche pas de sa fonction ; et ce solide fondement sur lequel s’élève de toute sa hauteur l’édifice de l’Eglise ne se lasse aucunement de porter la masse du temple qui repose sur lui. En effet, elle ne défaille pas, la fermeté de cette foi qui fut louée dans le Prince des apôtres ; et de même que demeure ce que Pierre a cru dans le Christ, ainsi demeure ce que le Christ a établi en Pierre. En effet, comme l’a exposé la lecture de l’Évangile, le Seigneur avait demandé à ses disciples ce qu’ils croyaient de lui, les opinions de beaucoup divergeant en tous sens, « Simon Pierre, prenant la parole, dit : « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Jésus lui répondit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. » » [Matthieu XVI, 16-19]. » (Sermon 2 [alias 3] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 novembre 443, chapitre 2 PL, 54/145-146)

2) Chapitre III : En la personne du Pontife son successeur, c’est l’Apôtre qui continue à gouverner l’Eglise du Christ et à la fortifier par sa foi inébranlable

« La disposition de la vérité demeure donc, et le bienheureux Pierre, persévérant dans la fermeté de la pierre, dont il a reçu la vertu, n’a point quitté le gouvernail de l’Eglise, mis dans sa main. Car il a été institué [ndlr : le mot ici traduit par institué est dans latin original ordinatus appliqué à saint Pierre est celui-là même qui se dit de la consécration épiscopale ; ce rapprochement est certainement voulu par saint Léon ; la traduction le rend imparfaitement] avec les autres pour que le fait d’être appelé Pierre, proclamé fondement [Matthieu XVI, 18], constitué portier du Royaume des cieux, préposé comme arbitre pour lier et délier les jugements dont la décision doit demeurer jusque dans les cieux [Matthieu XVI, 19, pour que tout cela nous apprenne, par les mystères mêmes de ces appellations, quelle était on intimité avec le Christ.

A présent il remplit plus pleinement et plus efficacement les tâches qui lui ont été confiées et tout ce qui ressortit à ses fonctions et à sa sollicitude, il l’accomplit en celui et avec celui par qui il l’a été glorifié. C’est pourquoi s’il est quelque chose que nous décidons bien, quelque chose que nous obtenions  de la miséricorde de Dieu par nos prières quotidiennes,  tout cela est le fait du travail et des mérites de celui  de qui, en son Siège, le pouvoir continue à vivre, l’autorité  à se manifester. Telle est, en effet, bien-aimés, la récompense de cette profession de foi qui, inspirée par Dieu  le Père au cœur de l’Apôtre, s’éleva plus haut que toutes  les incertitudes des opinions humaines et reçut la fermeté  d’un roc qu’aucune secousse n’ébranlerait [Matthieu XVI, 18]. Car c’est  dans I’Eglise entière que Pierre dit chaque jour : « Tu es  le Christ, le Fils du Dieu vivant » [Matthieu XVI, 17] et que toute langue  qui conteste le Seigneur est instruite par l’enseignement de cette parole. C’est cette foi qui vainc le diable et dénoue les chaînes et ses prisonniers. C’est elle qui introduit au ciel ceux qu’elle a arrachés au monde et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Elle est, en effet, assurée divinement d’une telle solidité que jamais ni la perversité des hérétiques ne pourra la corrompre, ni la perversité des païens avoir raison d’elle. » (Sermon 2 [alias 3] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 novembre 443, chapitre 3 PL, 54/146-147)

3) Chapitre IV

a) Primauté de l’Eglise de Rome

« Ainsi, mes bien-aimés, avec une obéissance raisonnable, nous célébrons la fête d’aujourd’hui par des méthodes qui permettent de reconnaître et d’honorer en mon humble personne celui en qui réside le soin de tous les bergers, ainsi que la charge des brebis qui lui sont confiées, et dont la dignité n’est pas diminuée même chez un héritier aussi indigne. C’est pourquoi la présence de mes vénérables frères et confrères prêtres, que j’ai tant désirée et estimée, sera d’autant plus sacrée et précieuse, qu’ils transmettront le principal honneur de ce service auquel ils ont daigné prendre part celui qu’ils savent non seulement être le maître de ce Siège, mais aussi le primat de tous les évêques. Qui par conséquent, croient qu’il parle par son représentant que nous sommes, car c’est son avertissement que nous donnons, ce n’est rien d’autre que son enseignement que nous prêchons, en vous exhortant à « ceindre les reins de votre esprit » [I Pierre I, 13], à mener une vie chaste et sobre dans la crainte de Dieu, à ne pas laisser votre esprit oublier sa suprématie et à consentir aux convoitises de la chair. […] Car si toute l’Église, qui est dans le monde entier, doit abonder en toutes les vertus, c’est à vous surtout qu’il appartient d’exceller dans les actes de piété, parce que, fondés comme vous l’êtes sur la citadelle même du Rocher apostolique, non seulement notre Seigneur Jésus-Christ vous a rachetés en commun avec tous les hommes, mais le bienheureux Apôtre Pierre vous a instruits bien au-delà de tous les hommes. Par le même Christ notre Seigneur. » (Sermon 2 [alias 3] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 novembre 443, chapitres 4, PL, 54/147-148)

b) L’Evêque de Rome est l’héritier juridique des prérogatives de saint Pierre

« C’est donc dans cette perspective, bien-aimés, que la d’aujourd’hui reçoit un hommage raisonnable [Cf. Romains XII, 1], en sorte que, en mon humble personne, on voie, on honore celui en qui le souci de tous les pasteurs [Cf. II Corinthiens XI, 28] persévère dans  la garde des brebis à eux confiées et de qui la dignité ne disparait pas, même dans un héritier indigne » (Sermon 2 [alias 3] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 novembre 443, chapitres 4, PL, 54/147-148)

L’historien juif Walter ULLMAN a mis en relief la plénitude de sens juridique que présentait, pour un Romain du Vè siècle le mot haeres, traduit par indigne, employé intentionnellement par saint Léon pour donner une expression personnelles et singulièrement forte à la tradition relative à la primauté du Pontife romain (« Leo I and the theme of the papal primacy », dans Journal of Theological Studies, 1960, pp. 25-51). Ce sens se résumait dans scet axiome : « Haereditas est in universum ». Juridiquement l’héritier occupait réellement la place du dérunt (locum defuncti, selon Gaïus ; domini loco habetur, selon Pompinus). L’Apôtre saint Pierre continue donc parler, agir et son héritier le pontife romain. Mais y a aussi dans le droit romain la notion de l' »indigne heritier », indignus haeres, celui qui, principalement pour des raisons morales, était incapable d’agir en héritier ; il était alors indignus haeres pronuntiatus, comme s’exprime Modestin. Saint Léon se considère donc comme l’héritier de l’Apôtre, en ce qui concerne les prérogatives de saint Pierre, mais comme un indigne héritier, en tant que personne, dans le domaine des qualités morales requises.

c) L’exemple que l’Eglise de Rome, « citadelle du roc apostolique », doit donner

« C’est  pourquoi la présence souhaitée et honorable de mes  vénérables frères et de mes associés dans le sacerdoce  est encore plus sacrée et plus chargée de religion s’ils  offrent le pieux hommage auquel ils ont daigné participer  celui-là principalement qu’ils savent être non seulement  l’évêque de ce siège, mais encore le primat de tous les évêques. […] Car, même si c’est toute l’Église, répandue  dans le monde entier, qui doit fleurir de toutes les vertus, il convient cependant que vous vous distinguiez particulièrement parmi les autres peuples par les mérites de la vous qui, établis sur la citadelle du roc apostolique, avez été rachetés avec tous par notre Seigneur Jésus-Christ, mais avez été instruits avant tous par le saint apôtre Pierre. par le même Christ notre Seigneur. Amen. » (Sermon 2 [alias 3] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 novembre 443, chapitres 4, PL, 54/147-148)

C) Sermon du 29 septembre 444

1) Chapitre I : Action de grâces ; la fête du pasteur est  celle de tout le troupeau dans l’unité du corps mystique

« Je me réjouis, bien-aimés, de votre religieuse affection  et de votre dévouement et je rends grâce Dieu de ce  que je reconnais en vous la piété, signe de l’unité chrétienne.  En effet — votre affluence en est par elle-même le témoignage vous comprenez que le retour de ce jour intéresse  la joie de tous et qu’à travers la fête annuelle du pasteur,  on honore tout le troupeau. Il est vrai, l’Église universelle  de Dieu est ordonnée selon des degrés distincts les uns des  autres, afin que saint corps garde son intégrité à  travers Se différents membres ; cependant, comme le  dit l’Apôtre, nous ne faisons tous qu’un dans le Christ [Cf. Galates III, 28] et nul n’est ce point séparé d’un autre dans sa fonction  qu’un membre quelconque, tout humble qu’il soit, ne soit pas rattaché la tête. Dans l’unité de foi et de baptême [Cf. Ephésiens IV, 5], la société qui existe entre nous, bien-aimés, ne présente donc pas de failles et la dignité de tous est la  même, selon la bonne nouvelle annoncée par le très saint apôtre Pierre en ces mots infiniment sacrés : « Et vous mêmes comme des pierres vivantes, prêtez-vous l’édification d’un édifice spirituel, un sacerdoce saint, en vue d’offrir de sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ », et plus loin : « Mais vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis » [I Pierre II, 5 et 9]. De tous les régénérés dans le Christ, en effet, le signe de la croix fait des rois, l’onction du Saint-Esprit  les consacre comme prêtres, afin que, mis à part le service particulier de notre ministère [ndlr : nette distinction entre le « Sacerdoce royal » de tous les fidèles et le sacerdoce ministériel et institutionnel des prêtres], tous les chrétiens spirituel et usant de leur raison se reconnaissent membres de cette  race royale et participants de la fonction sacerdotale. Qu’y a-t-il, en effet, d’aussi royal pour une âme que de gouverner son Corps dans la soumission à Dieu ? Et qu’y a-t-il d’aussi sacerdotal que de vouer au Seigneur une conscience pure et d’offrir sur l’autel de son cœur les victimes sans taches de la piété [Cf. I Pierre II, 5] ? Cela étant devenu commun à tous par la grâce de Dieu, c’est de votre part un acte religieux et louable que de vous réjouir du jour de notre élévation Comme de votre propre honneur ; ainsi, c’est dans tout le corps de l’Église que l’on célèbre l’unique sacrement qui confère le pouvoir du Pontife [ndlr : ce Pontife unique est jésus-Christ dont l’unique pouvoir sacerdotal est transmis par l’ordination, quant il s’agit des prêtres, par le baptême, en ce qui concerne les fidèles], sacrement dont la grâce se répand plus abondamment, certes, sur les membre supérieurs, lorsque coule l’huile odorante de la bénédiction, mais qui ne descend pas pour autant parcimonieusement sur les membres inférieurs [Cf. Psaume 132/133, 2]. » (Sermon 3 [alias 4] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 444, chapitre 1 – PL, 54 / 148-149)

2) Chapitre II : C’est sur la foi de Pierre que repose l’Église entière

« Aussi, bien-aimés, quelque grande que soit la matière  de notre joie du fait que nous partageons tous ce don,  il y aura un motif plus authentique et plus excellent  cette joie si vous ne vous arrêtez pas à considérer notre ; il et, en effet, beaucoup plus utile et beaucoup plus justifié d’élever le regard de nos âmes vers la contemplation de la gloire du saint apôtre Pierre et de célébrer ce jour en vénérant principalement celui qu’inonda de flots si abondants la source même de tous les charismes : ce fut à ce point que, ayant été  le seul à recevoir des dons multiples, il ne s’en transmet rien à personne sans son intervention . Le Verbe fait chair habitait déjà parmi nous [Cf. Jean I, 14] et le Christ s’était dépensé entièrement à la restauration du genre humain. Rien n’était imprévu pour sa sagesse, rien n’était ardu pour sa puissance ; les éléments étaient à son service [Cf. Matthieu VIII, 27], les esprits lui obéissaient [Cf. Marc I, 27], les anges le servaient [Cf. Marc I, 13] et l’action mystérieuse qu’exécutaient ensemble l’unité et la trinité d’une même Divinité ne pouvait en aucune façon être inopérante. Et pourtant, du sein du monde tout entier, Pierre seul est élu pour être mis à la tête de toutes les nations appelées, de tous les apôtres, de tous les Pères de l’Eglise ; de telle sorte que, bien qu’il y ait dans le peuple de Dieu beaucoup de pasteurs, cependant Pierre régit proprement tous ceux qui sont aussi principalement régis par le Christ. Si la divine bonté a voulu que les autres princes de l’Eglise eussent quelque chose de commun avec Pierre, ce qu’elle n’avait pas refusé aux autres, elle ne leur a jamais donné que par lui. Il a reçu seul beaucoup de choses, mais rien n’a été accordé à qui que ce soit sans sa participation. Or voici que le Seigneur demande tous à tous les Apôtres ce que les hommes pensent de lui. Leur réponse est unanime aussi longtemps qu’il s’agit d’exposer les hésitations de l’intelligence humaine. Mais, dès que la question vient sur le sentiment des disciples, le premier à confesser le Seigneur est celui qui est le premier dans la dignité d’apôtre. Il avait dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant« , Jésus lui répondit « Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais Mon Père qui est dans les Cieux » [Matthieu XVI, 16-17]. Autrement dit, tu es heureux, car c’est mon Père qui t’a enseigné et ce n’est pas une opinion de la terre qui t’aurait trompé, mais une inspiration du ciel qui t’a instruit ; et ni la chair ni le sang ne m’ont désigné à toi, mais celui-là dont je suis l’unique engendré. « Et moi« , dit-il, « je te dis » ; ce qui signifie : de même qu’à toi mon Père a manifesté ma divinité, ainsi moi, à toi, je fais connaître ton excellence : « Car tu es Pierre« , c’est-à-dire : bien que je sois moi, la pierre indestructible, moi, la pierre angulaire [Cf. Ephésiens II, 20] « qui, des deux, ne fais qu’un seul » [Cf. Ephésiens II, 14], bien que je sois le fondement en dehors duquel nul n’en peut poser d’autre [I Corinthiens III, 11], toi aussi, cependant, tu pierre, car ma force t’affermit, en sorte que ce qui m’appartient en propre par puissance te soit commun avec moi par participation. « Et, tu es Pierre, et que sur cette pierre Je bâtirai Mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » [Matthieu XVI, 18]. Sur la solidité de ce fondement, dit-il, je construirai un temple éternel et mon Église, dont la hauteur doit être introduite au ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi. » (Sermon 3 [alias 4] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 444, chapitre 2 – PL, 54 / 149-150)

3) Chapitre III : Pierre a privilège et grâce pour transmettre son pouvoir aux autres Apôtres

« Les portes de renter n’auront pas raison de cette confession, les  liens de la mort ne l’enchaineront pas : cette parole, effet, est une parole de vie [Cf. Jean VI, 68]. Et, de même qu’elle élève aux cieux ceux qui la confessent, de même plonge-t-elle aux enfers ceux qui la nient. C’est pourquoi il est dit à saint Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les Cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aussi dans les Cieux » [Matthieu XVI, 19]. Certes, le droit d’exercer ce pouvoir a passé aussi aux autre Apôtres et l’institution née de cette décision s’est étendue à tous les princes de l’Eglise ; mais ce n’est pas en vain qu’est confié à un seul ce qui doit être signifié à tous. Si, en effet, ce pouvoir est remis à Pierre d’une façon personnelle, c’est que la règle de Pierre est proposée à tous les chefs de l’Eglise. Le privilège de Pierre demeure donc partout où un jugement est rendu en vertu de son équité. Et il n’y a d’excès ni dans la sévérité ni dans l’indulgence là où rien ne se trouvera lié, rien délié, que ce que saint Pierre aura soit délié, soit lié. Or, à l’approche de sa Passion, qui allait troubler la constance des disciples, le Seigneur déclara : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment ;’mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » [Luc XXII, 31-32, 46]. Le danger que leur ferait courir la tentation de crainte était était commun à tous les Apôtres et ils avaient tous également besoin du secours de la protection divine, car le diable désirait les tourmenter tous, les faire tous ; et pourtant c’est de Pierre que le Seigneur prend un soin particulier et c’est pour la foi de Pierre qu’il prie spécialement, comme si les autres allaient trouver plus en sécurité si l’âme du chef n’était pas vaincue. En Pierre, c’est donc la vigueur de tous qui est fortifiée et le secours de la grâce divine est ainsi ordonné que la fermeté accordée par le Christ à Pierre soit conférée par Pierre aux Apôtres. » (Sermon 3 [alias 4] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 444, chapitre 3 – PL, 54 /150-152)

4) Chapitre IV : Intercession de l’Apôtre pour l’Église universelle et pour les Romains en particulier

« Aussi, bien-aimés, à la vue d’un si grand secours découlant pour nous de l’institution divine, il est raisonnable et juste que nous nous réjouissions des mérites et de la dignité de notre chef, rendant grâce au Roi éternel, notre Rédempteur le Seigneur Jésus-Christ, d’avoir donné celui qu’il a fait prince de toute toute l’Eglise une puissance telle que si, même de nos jours, il est quelque chose que nous fassions bien, quelque chose dont nous décidions il le faut rapporter à l’action et au gouvernement de celui à qui il a été dit : « et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères » [Luc XXII, 32] ; et c’est aussi à lui qu’après sa résurrection, le Seigneur répondit par trois fois, confiant à sa triple déclaration d’un éternel amour cette mystérieuse consigne : « Pais mes brebis » [Jean XXI, 15-17]. Cela, ce bon Pasteur le fait sans nul doute, maintenant aussi et il obéit au commandement du Seigneur en nous par ses exhortations et en ne cessant pas de prier nous, afin que nulle tentation n’ait raison de nous. Mais si, comme il faut le croire, il étend cette sollicitude de sa bonté partout et à tout le peuple de Dieu, combien plus daignera-t-il prodiguer son secours à nous, ses enfants, auprès de qui il repose sur la couche sacrée d’un bienheureux sommeil, et dans le corps même avec lequel il nous gouverna ! A lui donc rapportons ce jour anniversaire de notre entrée en fonction, à lui cette tête, puisque c’est par sa protection que nous avons mérité d’être associé son Siège ; et que nous aide en toute chose la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne avec Dieu le Père et l’Esprit-Saint dans le siècle des siècles. Amen. » (Sermon 3 [alias 4] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 444, chapitre 4 – PL, 54 /152)

D) Sermon du 29 septembre 452

1) Chapitre II : Le premier pasteur partage les soucis de tous les autres pasteurs

« […] On accourt au siège du saint apôtre Pierre et cet amour de l’Église universelle que lui recommanda le Seigneur, on réclame aussi que nous le dispensions ; c’est pourquoi nous sentons d’autant plus le fardeau nous presser que nous devons donner davantage tous. […] » (Sermon 4 [alias 5] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 452, chapitre 4, PL, 54/153)

2) Chapitre IV : Saint Pierre participe au gouvernement de l’Eglise par délégation du Christ

[…] Au motif de notre fête s’ajoute aussi la dignité non seulement apostolique, mais encore épiscopale, de saint Pierre qui ne cesse de présider à son siège et conserve une participation sans fin avec le souverain prêtre. La fermeté qu’il a reçu de la pierre qui est le Christ, lui, devenu également Pierre [Matthieu XVI, 18], il la transmet aussi à ses héritiers ; et, partout où paraît quelque fermeté, se manifeste indubitablement la force du pasteur. […] Qui sera assez ignorant ou assez envieux pour mésestimer la gloire de saint Pierre et croire qu’il y ait des portions de l’Eglise qui échappent à la sollicitude de son gouvernement et ne s’accroissent pas avec lui ? » (Sermon 4 [alias 5] pour l’anniversaire de son élévation au souverain pontificat, 29 septembre 452, chapitre 4, PL, 54/153-155)

II) Sermons sur saint Pierre et saint Paul

A) Premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul (29 juin 441)

1) Chapitre I : Le souvenir des apôtres Pierre et Paul doit être honoré à un titre spécial par la ville de Rome

« […] Ce sont ces deux apôtres qui t’ont élevée à un tel degré de gloire, que tu es devenue la nation sainte, le peuple choisi, la cité sacerdotale et royale, et, par le siège sacré du bienheureux Pierre, la capitale du monde ; en sorte que la suprématie qui te vient de la religion divine, s’étend plus loin que jamais ne s’est portée ta domination terrestre; ans doute, d’innombrables victoires ont fortifié ta puissance et étendu les droits de ton autorité sur terre comme sur mer ; et cependant tu dois moins de conquêtes aux travaux de la guerre, que la paix chrétienne ne t’a procuré de sujets. […] » (Sermon 82 [alias 80] : Premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul, 29 juin 441, chapitre 1, PL 54/422-423)

2) Chapitre II : La grandeur de l’Empire romain a été voulue par la divine Providence

« Mais, pour que l’effet de cette grâce inénarrable [l’Incarnation] se répandît à travers le monde entier, la divine Providence prépara l’Empire romain qui, en s’accroissant, étendit tellement ses limites que celles-ci rendirent ses voisins et contigus tous les peuples de l’univers. D’ailleurs, il s’accordait on ne peut mieux avec le plan de l’œuvre divine, que divers états fussent unis sous un même empire, pour que la prédication eût facile accès et prompte diffusion parmi les peuples soumis au gouvernement d’une même ville. Mais, alors que cette ville, ignorant l’auteur de son élévation, dominait sur presque toutes les nations, elle était esclave de toutes leurs erreurs, et parce qu’elle n’en rejetait aucune, croyait pouvoir s’attribuer beaucoup de religion. De sorte que le Christ l’a délivrée d’autant plus miraculeusement que le démon l’avait plus étroitement enchainée. » (Sermon 82 [alias 80] : Premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul, 29 juin 441, chapitre 2, PL 54/423-424)

3) Chapitre III : Mission de saint Pierre

« Lorsqu’en effet les douze Apôtres, ayant reçu  par l’action du Saint-Esprit la faculté de parler toutes  les langues, prirent le monde en charge pour lui enseigner l’Évangile et se furent distribué entre eux les diverses  parties de la terre, saint Pierre, chef du corps apostolique, envoyé citadelle de l’Empire romain : ainsi la lumière de la vérité, révélée pour le salut de tous les peuples, se répandit plus efficacement, à partir de la tête elle-même, à travers le corps entier du monde. Or quelle était la nation qui n’eût pas alors de représentant dans ? cette ville Ou quels étaient les peuples, en quelque lieu que ce fût, qui puissent ignorer ce que Rome avait appris ? C’est ici que devaient être foulées aux pieds les raisons de la philosophie, ici que devaient être anéantis les mensonges de la sagesse terrestre, ici que devait être confondu le culte des démons, ici que devait être détruite l’impiété de tous les sacrifices, ici même où trouvait par la plus active des superstitions tout ce  que le erreurs les plus variées avaient en tout lieu inventé.  » (Sermon 82 [alias 80] : Premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul, 29 juin 441, chapitre 3, PL 54/424)

B) Sermon sur l’anniversaire du martyre de saint Pierre (29 juin 443)

Dans le présent sermon saint Léon ne fait pas de connexion entre ce qu’il dit à propos de saint Pierre et l’exercice de l’épiscopat romain. Mais cela n’était pas nécessaire à l’époque, car cette connexion était tellement dite et répétée que chacun savait que ce qui était dit de saint Pierre était dit de l’évêque de Rome. De plus les très nombreuses connexions qu’il manifeste par ailleurs comme nous l’avons déjà vu et allons continuer à le voir suffisent à nous faire savoir que ce qu’il dit dans ce sermon de l’un, il le dit de l’autre.

1) Chapitre I :  La gloire de saint Pierre est la récompense de sa foi manifestée lors de sa confession du Fils de Dieu ; l’Eglise est fondée sur lui

« Exultons de joie dans le Seigneur, bien-aimés, et soyons remplis d’allégresse spirituelle, car le Fils unique du Père, notre Seigneur Jésus-Christ, a daigné, pour nous faire connaître les mystères de son plan de salut et de sa divinité, députer cette ville saint Pierre, le chef du corps apostolique ; c’est en son honneur que nous célébrons aujourd’hui, au jour anniversaire de son triomphal martyre, une fête qui a apporté à la terre entière un modèle et une gloire. Telle est, en effet, bien-aimés, la récompense de cette profession de foi qui, inspirée par le Père au cœur de l’Apôtre [Cf. Matthieu XVI, 17], s’éleva plus haut que toutes les incertitudes des opinions humaines et reçut la fermeté d’un roc qu’aucune secousse n’ébranlerait. Selon le récit  évangélique [Cf. Matthieu XVI, 13], voici que le Seigneur demande à tous les Apôtres ce que les hommes pensent, de lui. Mais, dès que la question vient sur le sentiment des disciples, celui-là est, le premier à confesser le Seigneur qui est le premier dans la dignité d’apôtre. Il avait, dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » [Matthieu XVI, 16] Jésus lui répond : « Tu es bienheureux, Simon, fils de Jonas, parce que ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais Mon Père qui est dans les Cieux » [Matthieu XVI, 17] ; autrement dit, tu es heureux, car c’est mon Père qui t’a enseigné et ce n’est pas une opinion de la terre qui t’aurait trompé, mais c’est une inspiration du ciel qui t’a instruit ; et ni la chair ni le sang ne m’ont désigné à toi, mais celui-là dont je suis l’unique engendré. « Et moi, dit-il, je te dis » ; ce qui signifie : de même qu’à toi mon Père a manifesté ma divinité, ainsi moi, à toi, je fais connaître ton excellence : « Car tu es Pierre » ; c’est-à-dire : bien que je sois, moi, la pierre indestructible, moi, la pierre angulaire [Cf. Ephésiens II, 20] qui des deux ne fais qu’un seul [Cf. Ephésiens II, 14], toi aussi, cependant, tu es pierre, car ma force t’affermit, en sorte que ce qui m’appartient, en propre par puissance te soit commun avec moi par participation. » (Sermon 83 (alias 80) en l’anniversaire du martyre de saint Pierre, chapitre 1, 29 juin 443, PL 54/429-430)

2) Chapitre II : Le privilège dans le collège apostolique ; être la fermeté de l’Eglise et avoir le pouvoir universel de lier et délier

« « Sur cette pierre, je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elles » [Matthieu XVI, 18]. Sur la solidité de ce fondement, dit—il, je construirai un temple éternel et la sublimité de mon Église, qui doit être introduite au ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi. Les portes de l’enfer n’auront pas raison de cette confession, les liens de la mort ne l’enchaineront pas. Cette parole, en effet, est une parole de vie [Cf. Jean VI, 63 et 68] et, de même qu’elle élève aux cieux ceux qui la confessent, de même plonge-t-elle aux enfers ceux qui la nient. C’est pourquoi il est dit à saint Pierre : « Je te donnerai les clefs d la terre se trouvera lié dans les cieux que tu auras lié sur et tout ce que tu auras délié sur la terre se trouvera délié les cieux » [Matthieu XVI, 19]. Certes, le droit d’exercer ce pouvoir est passé aussi aux autres Apôtres, mais ce n’est pas en vain qu’est confié à un seul ce qui doit être signifié à tous. Si, en effet, ce pouvoir est remis à Pierre d’une façon personnelle, c’est que la règle de Pierre est proposée à tous les chefs de l’Église. Le privilège de Pierre demeure donc partout où un jugement est rendu en vertu de son équité et il n’y a d’excès ni dans la sévérité ni dans l’indulgence là où rien ne se trouvera lié, rien délié, que ce que saint Pierre aura soit lié, soit délié. » » (Sermon 83 (alias 80) en l’anniversaire du martyre de saint Pierre, chapitre 2, 29 juin 443, PL 54/430)

2) Chapitre III : Tous les pasteurs de l’Eglise sont appuyés sur l’indéfectibilité et l’universalité de juridiction de saint Pierre

« Or, à l’approche de sa Passion, qui allait troubler la constance de ses disciples, le Seigneur déclara : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères, de peur que vous n’entriez en tentation » [Luc XXII, 31-32 et 46 ; Saint Léon groupe en une seule citation des versets voisins de Saint Luc. Il faut cependant noter que certaines versions du troisième Evangile présentent le même texte long que notre auteur, ajoutant aux versets 31-32 de notre Vulgate : Et rogate ne intretis in temptationem (cf. N.T. éd. Wordsworth-White). Saint Léon a pu utiliser une de ces versions]. Le danger que leur ferait courir la tentation de crainte était commun à tous les Apôtres et ils avaient, tous également besoin du secours de la protection divine, car le diable désirait les tourmenter tous, les faire tomber tous ; et pourtant c’est de Pierre que le Seigneur prend un soin particulier et c’est pour la foi de Pierre qu’il prie spécialement, comme si les autres allaient se trouver plus en sécurité si l’âme du chef n’était pas vaincue. En Pierre, c’est donc la vigueur de tous qui est fortifiée et le secours de la grâce divine est ainsi ordonné que la fermeté accordée par le Christ à Pierre soit conférée par Pierre aux Apôtres. Car, après sa résurrection, le Seigneur, qui avait remis les clefs du royaume à l’apôtre saint Pierre [Matthieu XVI, 19], lui dit par trois fois, confiant à sa triple déclaration d’un éternel amour une mystérieuse consigne : « Pais mes brebis » [Jean XXI, 15-17]. Cela, ce bon pasteur [Saint Pierre] le fait, sans nul doute, maintenant aussi et il obéit au commandement du Seigneur en nous fortifiant par ses exhortations et en ne cessant pas de prier pour nous, afin que nulle tentation n’ait raison de nous. Mais si, comme il faut le croire, il étend cette sollicitude de sa bonté partout et à tout le peuple de Dieu, combien plus daigne-t-il prodiguer son secours à nous, ses enfants, auprès de qui il repose sur la couche sacrée d’un bienheureux sommeil, et dans le corps même avec lequel il nous gouverna ! Aussi, bien-aimés, à la vue d’un si grand secours découlant pour nous de l’institution divine, il est raisonnable et juste que nous nous réjouissions des mérites et de la dignité de notre chef, rendant grâces au Roi éternel, notre Rédempteur le Seigneur Jésus-Christ, d’avoir donné une telle puissance à celui qu’il a fait prince de toute l’Eglise, à la gloire et louange de son nom [Cf. Philippiens I, 11] ; à lui honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. » (Sermon 83 (alias 80) en l’anniversaire du martyre de saint Pierre, chapitre 3, 29 juin 443, PL 54/431-432)

III) « Le bienheureux Apôtre Pierre, après avoir reçu les clefs du Royaume, se voit confier, de préférence aux autres, la garde du bercail du Seigneur »

De la même manière que pour le sermon précédent, il n’est pas fait de connexion directe entre saint Pierre et le Pape, mais tout le monde savait que ce qui était dit de l’un était dit de l’autre :

« Les jours qui s’écoulèrent entre la résurrection du Seigneur et son ascension, mes bien-aimés, n’ont pas été dépourvus d’événements : de grands mystères y ont reçu leur confirmation, de grandes vérités y ont été révélées.

C’est alors que la crainte d’une mort amère est écartée, et que l’immortalité, non seulement de l’âme mais aussi de la chair, est manifestée. C’est alors que, par le souffle du Seigneur, le Saint-Esprit est communiqué à tous les Apôtres ; le bienheureux Apôtre Pierre, après avoir reçu les clefs du Royaume [Matthieu XVI, 19], se voit confier, de préférence aux autres, la garde du bercail du Seigneur [Jean XXI, 15-17].

En ces jours-là, le Seigneur se joint à deux disciples et les accompagne en chemin ; et, afin de dissiper en nous toute l’obscurité du doute, il reproche à ces hommes apeurés leur lenteur à comprendre. Les cœurs qu’il éclaire voient s’allumer en eux la flamme de la foi ; ils étaient tièdes, et ils deviennent brûlants lorsque le Seigneur leur fait comprendre les Écritures. À la fraction du pain, les yeux des convives s’ouvrent. Ils ont un bonheur bien plus grand, eux qui voient se manifester la glorification de leur nature humaine, que nos premiers parents qui conçoivent de la honte pour leur désobéissance. ~

Pendant tout ce temps qui s’est écoulé entre la résurrection du Seigneur et son ascension, voilà, mes bien-aimés, de quoi la providence divine s’est occupée, voilà ce qu’elle a enseigné, voilà ce qu’elle a fait comprendre aux yeux et aux cœurs de ses amis : on reconnaîtrait que le Seigneur Jésus était vraiment ressuscité, lui qui vraiment était né, avait souffert et était mort vraiment.

Aussi les bienheureux Apôtres et tous les disciples que la mort de la croix avait apeurés et qui doutaient de la foi en la résurrection furent-ils raffermis par l’évidence de la vérité ; si bien que, lorsque le Seigneur partit vers les hauteurs des cieux, ils ne furent affectés d’aucune tristesse, mais comblés d’une grande joie.

Certes, c’était pour eux un motif puissant et indicible de se réjouir puisque, devant le groupe des Apôtres, la nature humaine recevait une dignité supérieure à celle de toutes les créatures célestes ; elle allait dépasser les chœurs des anges et monter plus haut que les archanges ; les êtres les plus sublimes ne pourraient mesurer son degré d’élévation, car elle allait être admise à trôner auprès du Père éternel en étant associée à sa gloire, puisque la nature divine lui était unie dans la personne du Fils. » (Sermon 73 ; Premier sermon pour l’Ascension, II-IV)

IV) Nomination d’un légat en Orient pour exercer l’autorité apostolique universelle du siège de Rome

« Comme mes prédécesseurs l’ont fait pour les vôtres, j’ai moi-même délégué à votre charité le pouvoir de représenter mon propre gouvernement, afin que vous puissiez me venir en aide dans la charge qui nous incombe en vertu de l’institution divine à veiller sur toutes les église. Vous serez ainsi présent aux églises qui sont les plus éloignées de nous, comme si vous les visitiez à notre place. […]

Cette union demande sans doute l’unanimité de sentiments dans le corps entier, mais surtout le concert entre les évêques. Quoique ceux-ci aient une même dignité, ils ne sont pas cependant tous placés au même rang, puisque parmi les apôtres eux-mêmes il y avait différence d’autorité avec ressemblance d’honneur, et que, quoiqu’ils fussent tous également choisis, un d’entre eux néanmoins jouissait de la prééminence sur tous les autres. C’est sur ce modèle qu’on a établi une distinction entre les évêques, et qu’on a très-sagement réglé que tous ne s’attribueraient pas indistinctement tout pouvoir, mais qu’il y en aurait dans chaque province qui auraient le droit d’initiative par-dessus leurs confrères, et que les évêques établis dans les villes les plus considérables, auraient aussi une juridiction plus étendue, en servant ainsi comme d’intermédiaire pour concentrer dans le siège de Pierre le gouvernement de l’Eglise universelle, et maintenir tous les membres en parfait accord avec leur chef. » (Lettre 14 à Anastase, évêque de Thessalonique, chapitres 11 et 12, PL, 54/668, 675-676)

V) Le successeur de Pierre doit veiller sur tout le troupeau

« Les préceptes de Dieu et les avertissements de l’Apôtre nous incitent à surveiller attentivement l’état de toutes les Églises ; et, s’il faut trouver quelque chose à blâmer, à rappeler les hommes avec diligence […] Car, dans la mesure où nous sommes avertis par l’ordre du Seigneur lui-même, par lequel le bienheureux Apôtre Pierre a reçu trois fois l’injonction mystique répétée de faire paître les brebis du Christ par celui qui aime le Christ [Cf. Jean XXI, 15-17], nous sommes contraints par le respect pour ce Siège qui, par la grâce divine, nous revient […] il [Pierre], par notre intermédiaire, nourrit le troupeau si souvent recommandé. » (Lettre XVI aux Evêques de Sicile)

VI) Les évêques de la province d’Arles adressent une demande à saint Léon car « par le bienheureux Pierre, chef des Apôtres, la sainte Eglise romaine détient la principauté sur toutes les églises du monde entier »

Les évêques de la province d’Arles demandèrent à saint Léon de confirmer les privilèges de cette ville, qui, selon eux, datent de la mission de saint Trophime, envoyé par saint Pierre, et plus récemment ratifiés par l’empereur Constantin. Ils lui demandent :

« Par le bienheureux Pierre, chef des Apôtres, la sainte Eglise romaine détient la principauté sur toutes les églises du monde entier. » (Lettre 65, PL 54/879)

Et dans sa lettre en réponse, saint Léon juge cette question de privilèges ecclésiastiques comme un supérieur :

« En effet, après avoir examiné les arguments avancés par les clercs présents de part et d’autre, nous constatons que les villes de Vienne et d’Arles, dans votre province, ont toujours été si célèbres que, dans certaines questions de privilèges ecclésiastiques, l’une et l’autre ont tour à tour pris le pas, bien que la tradition nationale veuille qu’elles aient eu autrefois des droits communs. C’est pourquoi nous ne permettons pas que la ville de Vienne soit tout à fait dépourvue d’honneur en ce qui concerne la juridiction ecclésiastique, d’autant plus qu’elle possède déjà l’autorité de notre décret pour la jouissance de son privilège, à savoir le pouvoir que nous avons cru bon de conférer à l’évêque de Vienne lorsqu’il a été retiré à Hilaire. » (Lettre 66 : réponse à la sollicitation des évêques de la province d’Arles)

VII) Saint Léon impose son enseignement au Concile de Chalcédoine (451)

Saint Léon écrivait dans sa lettre de mission à ses légats au Concile de Chalcédoine (451) qu’ils ne devaient pas tolérer que quiconque discute de la définition dogmatique qu’il avait adressé à l’évêque Flavien :

« C’est pourquoi, très chers frères, nous récusons absolument l’audace de ceux qui contestent la foi divinement révélée et nous voulons que cesse cette vaine infidélité des partisans de l’erreur. Nous interdisons de défendre ce qu’il n’est pas permis de croire. Nous avons en effet parfaitement et très clairement déclaré dans notre lettre adressée à l’évêque Flavien de bienheureuse mémoire quelle doit être la sainte et authentique profession de foi dans le mystère de l’Incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et nous l’avons fait en nous appuyant sur l’autorité des Evangiles, sur les paroles des prophètes et sur l’enseignement des apôtres. » (Lettre 93, chapitre 2, PL, 54/937-939)

Contrairement à ce que beaucoup pensent, le Concile de Chalcédoine s’y soumit parfaitement et ne nia nullement la Papauté. Nous couvrons ce sujet dans notre article :

Le 28è canon du Concile de Chalcédoine (451)

VIII) Saint Léon réhabilite en raison de son autorité apostolique Théodoret de Cyr, injustement déposé par le brigandage d’Ephèse (449)

Condamné comme plusieurs évêques catholiques par le conciliabule ou brigandage d’Ephèse (449) sous la conduite de Dioscore d’Alexandrie sans avoir été appelé ni jugé, l’illustre évêque de Cyr s’empressa d’en appeler au Pape. Il commence par affirmer la supériorité de saint Pierre sur saint Paul, alors même que ce dernier était « le héraut de la vérité, la trompette de l’Esprit Saint« , et dit qu’il dut recourir à saint Pierre pour certaines questions, malgré son assistance divine. Puis il fait un parallèle a fortiori avec l’obligation des évêques de recourir au successeur de Pierre pour juger les affaires ecclésiastiques  :

« Si Paul, le héraut de la vérité, la trompette de l’Esprit Saint, recourut à Pierre pour répondre aux doutes des chrétiens d’Antioche sur les observances légales, c’est à bien plus juste titre que nous, les humbles et les petits, nous recourons à votre trône apostolique pour recevoir de vous le remède aux blessures des Eglises. C’est à vous, en effet, qu’il convient d’avoir la primauté en tout. Votre siège est orné de nombreuses supériorités. Les autres villes se glorifient de leur grandeur, de leur beauté, du nombre de leurs habitants ; d’autres villes, privées de ces avantages, sont ornées de certains privilèges spirituels. La vôtre a reçu de Dieu l’affluence des biens : c’est la plus grande et la plus illustre, elle préside à l’univers, elle regorge d’habitants. Mais ce qui l’orne bien plus, c’est sa foi que le divin Apôtre atteste dignement quand il s’écrie : Votre foi est annoncée dans tout le monde. Si, aussitôt après avoir reçu les semences de la prédication salutaire, elle produisit de si merveilleux fruits, quel discours pourrait célébrer comme il convient la piété qui y règne aujourd’hui ? Elle possède aussi les tombeaux des pères et maîtres communs de la vérité, Pierre et Paul, qui éclairent les âmes des fidèles. Ce couple divin et trois fois bienheureux s’est levé en Orient et a projeté partout ses rayons; mais c’est l’Occident qu’il a choisi pour le couchant de sa vie, et de là maintenant il illumine l’univers. Maintenant, de la région du coucher du soleil, où ils ont volontiers accueilli le décor de cette vie, ils illuminent le monde. Ils ont rendu votre siège très glorieux ; c’est le couronnement et l’achèvement de vos biens ; mais en ces jours, leur Dieu a orné leur trône en y plaçant votre sainteté, qui émet, comme vous, les rayons de l’orthodoxie. Je pourrais en donner de nombreuses preuves, mais il suffit de mentionner le zèle dont votre sainteté a fait preuve dernièrement contre les mal famés Manichéens, prouvant ainsi que votre piété s’attache sincèrement aux choses divines. Vos écrits récents, eux aussi, suffisent à indiquer votre caractère apostolique. En effet, nous avons pris connaissance de ce que votre sainteté a écrit sur l’incarnation de notre Dieu et Sauveur, et nous avons été émerveillés par la justesse de vos expressions. […]

Nous avons admiré votre sagesse spirituelle, loué la grâce du Saint-Esprit exprimée par votre intermédiaire, et nous invoquons, supplions et implorons votre Altesse de protéger les églises de Dieu qui sont maintenant assaillies par la tempête. […]

Mais en ce qui me concerne, j’attends la décision de votre siège apostolique, priant et attestant Votre Sainteté de me venir en aide, et faisant appel à votre tribunal pour obtenir une sentence droite et juste.  » (Lettre 113 au Pape saint Léon le Grand dans PG, 83/1311-1315)

Théodoret parle ensuite des événements d’Ephèse, de l’injustice dont il a été victime, des travaux de son apostolat :

« Il y a vingt-six ans que je suis évêque sans avoir reçu aucun reproche J’ai ramené à l’Eglise plus de mille marcionites et quantité d’ariens et d’eunoméens. Il ne reste pas un hérétique dans les huit cents paroisses que je gouverne. Dieu sait combien j’ai reçu de coups de pierres, et quels combats j’ai soutenus dans plusieurs villes d’Orient contre les païens, les Juifs et toutes sortes d’hérétiques. Et après tant de sueurs et de fatigues, j’ai été condamné sans avoir été jugé. Mais j’attends la sentence de ‘votre Siège apostolique ; je prie, je conjure Votre Sainteté, au juste tribunal de qui j’en appelle, de me prêter secours, de m’ordonner d’aller lui rendre compte de ma doctrine et de montrer qu’elle est conforme à celle des apôtres. » (Lettre 113 au Pape saint Léon le Grand dans PG, 83/1316)

Il énumère ses ouvrages qu’il soumit à l’examen du Saint-Siège, et, un peu plus loin, il en appelle en ces termes au pape saint Léon de la condamnation qu’il juge injuste qu’il avait subie de la part de Dioscore d’Alexandrie, en précisant que si le Pape lui demandait de se soumettre à ce jugement, il le ferait :

« Je demande avant tout à recevoir votre instruction, pour savoir si je dois ou non m’incliner devant cette injuste déposition. J’attends votre jugement. Si vous me demandez de m’en tenir à ce qui a déjà été jugé, j’en resterai là et loin de m’en prendre jamais à quiconque, j’attendrai de notre Dieu et Sauveur un jugement juste. » (Lettre 113 au Pape saint Léon le Grand dans PG, 83/1318)

Saint Léon répondit :

« Nous avons appris par nos frères et collègues, qui sont de retour du saint concile, où le Siège du bienheureux Pierre les avait envoyés, que, protégé comme nous par le Bras du Tout- Puissant, tu es resté victorieux de l’impiété de Nestorius et de la fureur des eutychéens. […]

Il ne faut point parler comme si nous avions à traiter des sujets douteux, ce qui ne se présente pas ici, mais nous baser sur des autorités qui ont été mûrement définies. Nous savons que dans la lettre du saint Siège apostolique, confirmée par l’approbation du saint concile universel, sont réunis des témoignages d’une autorité si divine, que nul ne peut élever le moindre doute sur leur validité, à moins qu’il ne préfère se plonger dans les ténèbres de l’erreur; et les actes du concile, soit ceux qui renferment la définition de foi qui fut composée, soit ceux où se trouvent les lettres précitées du Siège apostolique, lettres que tu as défendues avec tant de zèle, et principalement l’allocution de tout le concile, à nos princes très pieux, sont appuyés par un si grand nombre de témoignages des anciens pères de l’Église, qu’ils suffisent pour convaincre un esprit, quelque imprudent et quelque opiniâtre qu’il soit, à moins qu’il ne soit déjà condamné avec le démon pour son impiété. […]

Tu as éprouvé naguère la vérité de ce que j’avance, quoique je n’aie à adresser d’admonition qu’à ta prudence, car notre Seigneur très saint, dans sa Vérité invincible, a démontré par le jugement du saint Siège que tu étais pur de toute souillure des hérétiques. Tu Lui rendras de grandes actions de grâces pour tant d’épreuves qu’Il t’a fait subir, si tu t’es conservé tel que nous t’avons reconnu et tel que nous te reconnaissons, pour la défense de l’Église universelle. En ce que le Seigneur a confondu les mensonges de tous les calomniateurs, je reconnais que le bienheureux Pierre a intercédé pour nous tous: après avoir confirmé dans la définition de foi le jugement de son Siège, il n’a pas permis qu’on pût trouver rien de condamnable dans la personne de ceux qui avaient combattu avec nous pour la foi catholique; au jugement du saint Esprit, ceux-là ne pouvaient être que triomphants dont la foi avait déjà triomphé.

Pour terminer, je t’exhorterai à collaborer avec le Siège apostolique; car nous avons appris qu’il existait encore dans vos contrées quelques restes de l’erreur eutychéenne et nestorienne. […] Hâte-toi donc d’instruire le Siège apostolique, afin que nous puissions prêter secours, autant qu’il me sera convenable et nécessaire, aux prêtres de la religion. […] Nous voulons que cette lettre, pour l’utilité de toute l’Église, soit rendue publique par notre frère et collègue Maxime; et comme nous ne doutons point qu’il ne s’empresse de remplir cette recommandation, nous n’avons pas voulu joindre une copie à la présente. » (Lettre 120 à Théodoret de Cyr)

Quand il se présenta à l’ouverture du Concile de Chalcédoine (451) il lui fut dit : « Que le très pieux Théodoret prenne part au Concile, parce que le très saint archevêque Léon lui a rendu son épiscopat ». Il dut s’y présenter comme accusateur de Dioscore (MANSI, t. VI, col. 589 et 591).

A la session VIIIè, Théodoret est requis d’anathématiser Nestorius, et il s’exécute. Le bureau prononce alors :

« Tout doute est levé au sujet du très théophile Théodoret, puisqu’il a anathématisé devant nous Nestorius, et qu’il a été reconnu par le très théophile et très saint archevêque Léon de la vieille Rome. […] Il ne reste plus à votre piété qu’à prononcer que Théodoret doit recouvrer son Église, ainsi que le très saint archevêque Léon a jugé. »

Les acclamations éclatent qui approuvent la proposition du bureau des magistrats de l’Empereur :

« Théodoret est digne de son siège ! Nombreuses années à l’archevêque Léon ! Après Dieu, Léon a jugé ! »

Plus tard Théodoret écrivit aussi au prêtre René (Renatus), l’un des légats de saint Léon au conciliabule ou brigandage d’Ephèse (449). Il ignorait qu’il fût mort avant d’atteindre les côtes d’Asie. Il se recommandait à ses bons offices :

« Je prie Votre Sainteté de décider le très saint archevêque d’user de sa puissance apostolique pour m’ordonner d’accourir à son synode, car ce siège très saint a la direction (ήγεμονίαν) des Églises qui sont par tout l’univers pour plusieurs raisons dont la principale est qu’il n’a jamais été infecté d’aucune hérésie. Il n’a jamais été occupé par un ennemi de la vraie foi, mais a conservé intacte la grâce apostolique. Quoi que vous décidiez, nous y acquiescerons, convaincus de votre équité. Nous demandons à être jugés d’après nos écrits, car nous avons composé plus de trente livres. » (Lettre 116, à Renatus (René) ; PG, t. 83, col. 1324)

IX) Sa célèbre Lettre aux évêques de la province de Vienne en Gaule (450)

Saint Léon montra l’identification de l’autorité de l’apôtre saint Pierre sur tous les apôtres à l’autorité de l’occupant du Siège apostolique (le Pape) sur tous les évêques dans sa célèbre Lettre X aux évêques de la province de Vienne, écrite en 450 :

A) La solidarité de l’Église bâtie sur le roc de saint Pierre doit être partout maintenue

« Notre Seigneur Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, a institué l’observance de la religion divine dont il a voulu, par la grâce de Dieu, répandre l’éclat sur toutes les nations et sur tous les peuples, de telle sorte que la Vérité, qui auparavant était confinée aux annonces de la Loi et des Prophètes, puisse, par le son de la trompette des Apôtres, se répandre pour le salut de tous les hommes, comme il est écrit : Leur son s’est répandu en tout pays, et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde.  Mais cette fonction mystérieuse, le Seigneur a voulu qu’elle soit en effet l’affaire de tous les apôtres, mais de telle sorte qu’il en a confié la charge principale au bienheureux Pierre, chef de tous les apôtres : et c’est de lui, comme de la tête, qu’il veut que ses dons se répandent dans tout le corps : de sorte que celui qui oserait s’écarter du roc solide de Pierre comprendrait qu’il n’a ni part ni lot dans le mystère divin. Il a voulu, en effet, que celui qui avait été reçu comme associé à son unité indivise soit nommé ce qu’il était lui-même, lorsqu’il a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » [Matthieu XVI, 18] : afin que l’édification du temple éternel par le don merveilleux de la grâce de Dieu repose sur le roc solide de Pierre, affermissant son Église si sûrement que ni la témérité humaine ne pourrait l’assaillir ni les portes de l’enfer prévaloir contre elle. Mais cette très sainte fermeté du rocher, élevé, comme nous l’avons dit, par la main constructrice de Dieu, l’homme doit vouloir la détruire dans une méchanceté trop grande, quand il essaie d’en briser la puissance, en favorisant ses propres désirs, et en ne suivant pas ce qu’il a reçu des hommes d’autrefois : car il ne se croit soumis à aucune loi, et retenu par aucune règle des ordonnances de Dieu, et il s’écarte, dans son avidité de nouveauté, de votre usage et du nôtre, en adoptant des pratiques illégales, et en laissant tomber en désuétude ce qu’il doit garder. » (Lettre X aux évêques de la province de Vienne, écrite en 450)

B) Hilaire trouble la paix de l’Église par son insubordination en contradiction avec les pouvoirs de saint Pierre de porter les clés du Royaume des Cieux (Matthieu XVI, 19) et de paître le troupeau du Christ (Jean XXI, 15-17)

« Mais, avec l’approbation, comme nous le croyons, de Dieu, et conservant envers vous la plénitude de l’amour que le Siège Apostolique a toujours, vous vous en souvenez, dépensé pour vous, saints frères, nous nous efforçons de corriger ces choses par de mûrs conseils, et de partager avec vous la tâche de mettre de l’ordre dans vos églises, non par des innovations, mais par la restauration de l’ancien, afin de persévérer dans l’état habituel que nos pères nous ont transmis, et de plaire à notre Dieu par le ministère d’une bonne œuvre en écartant les scandales des troubles. Nous voulons donc que vous vous souveniez, frères, comme nous le faisons, que le Siège Apostolique, quelle que soit la vénération qu’on lui porte, a été maintes fois saisi et consulté par les prêtres de votre province comme par d’autres, et que dans les diverses affaires d’appel, comme l’ancien usage l’exigeait, il a infirmé ou confirmé des décisions : « C’est ainsi qu’a été maintenue l’unité de l’esprit par le lien de la paix  » [Éphésiens IV, 3], et que, par l’échange de lettres, nos démarches honorables ont favorisé une affection durable : « car, ne cherchant pas nos propres choses, mais celles du Christ » [Philippiens II, 21], nous avons eu soin de ne pas porter atteinte à la dignité que Dieu a donnée aux Églises et à leurs prêtres. Mais cette voie qui, chez nos pères, a toujours été si bien gardée et si sagement maintenue, Hilaire l’a quittée, et il risque de troubler la position et l’accord des prêtres par sa nouvelle arrogance : voulant vous soumettre à son pouvoir de manière à ne pas vous laisser soumettre au bienheureux apôtre Pierre, il s’arroge les ordinations de toutes les églises des provinces de la Gaule, et se transfère la dignité qui est due aux prêtres métropolitains ; il diminue même par ses paroles orgueilleuses la vénération que l’on porte au bienheureux Pierre lui-même : car non seulement le pouvoir de délier et de lier fut donné à Pierre [Matthieu XVI, 19] avant les autres [Matthieu XVIII, 18], mais encore c’est à Pierre plus spécialement que fut confié le soin de paître les brebis [Jean XXI, 15-17]. Or, celui qui soutient que la fonction de chef doit être refusée à Pierre ne peut pas vraiment diminuer sa dignité, mais il se gonfle du souffle de son orgueil et s’enfonce dans les profondeurs les plus basses. […] » (Lettre X aux évêques de la province de Vienne, écrite en 450)

C) La façon dont Hilaire traite Projectus n’est pas à son honneur

« […] Alors que cette même position qui semblait avoir été temporairement accordée à Patrocle par le Siège Apostolique fut ensuite retirée par une décision plus sage. […] » (Lettre X aux évêques de la province de Vienne, écrite en 450)

D) Saint Léon décide qu’Hilaire est dépossédé non seulement de sa juridiction usurpée, mais aussi de ce qui lui appartient de droit, et est limité à son seul évêché

« […] Il peut maintenant être maintenu par notre ordre, conformément à la clémence du Siège apostolique, au sacerdoce de sa seule ville. Il n’assistera donc à aucune ordination : il ne pourra pas ordonner parce que, conscient de ses mérites, lorsqu’on lui a demandé de répondre de ses actes, il a cherché à s’échapper par une fuite honteuse et s’est mis hors de la communion apostolique, à laquelle il ne méritait pas de participer : et nous croyons que c’est la providence de Dieu qui l’a amené à notre cour, alors que nous ne l’attendions pas, et qui l’a fait se retirer furtivement au milieu de l’enquête, afin qu’il ne soit pas associé à notre communion. […] » (Lettre X aux évêques de la province de Vienne, écrite en 450)

E) Saint Léon nomme Léontius est nommé à la place d’Hilaire

« […] Nous vous avertissons, dans l’intérêt de votre paix et de votre dignité, de garder ce que nous avons décrété sous l’inspiration de Dieu et du très bienheureux Apôtre Pierre, après avoir passé au crible et testé toutes les questions en jeu, étant assurés que ce que nous sommes connus avoir décidé de cette manière n’est pas tant à notre propre avantage qu’au vôtre. […] Nous reconnaissons en effet qu’il ne peut y avoir que du mérite à ce que la diligence du Siège apostolique reste intacte parmi vous, et à ce que, dans le maintien de la discipline apostolique, nous ne laissions pas tomber à terre ce qui appartient à votre position par des agressions sans scrupules. » » (Lettre X aux évêques de la province de Vienne, écrite en 450)

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Cette entrée a été publiée le 21 janvier 2022 par dans Foi Catholique.