+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Saint Cyprien témoigne de la Papauté dans l’affaire des lapsi

Notre dossier sur la Papauté : ici

L’épisode de l’histoire de l’Eglise dite des lapsi, qui eut lieu au milieu du IIIè siècle nous fournit une preuve que l’Eglise de se temps là reconnaissait l’autorité doctrinale et gouvernementale universelle de l’Evêque de Rome. C’est principalement par la plume de saint Cyprien (vers 200-258) que cela nous est démontré. Nous allons également traiter de l’argument anti-papiste souvent utilisé de l’opposition dans la question baptismale du IIIè siècle de saint Cyprien et de son confrère saint Firmilien, évêque de Césarée en Asie mineure au Pape saint Etienne (parfois appelé par la version originel de son prénom : Stéphane).

Voici le plan de notre étude :

I) Qu’est-ce que les lapsi ?

II) Réaction de saint Cyprien : se tourner vers Rome

III) Réponse de Rome : impossible de régler le problème dans l’immédiat car Rome n’a plus d’Evêque or il n’y a que l’Evêque de Rome « qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse »

IV) Observations sur cet échange de lettres

A) Saint Cyprien reconnaît l’autorité doctrinale suprême du Siège de Rome

B) Malgré la gravité et l’urgence de la situation, ainsi que l’évidence de l’issue qui devait être la sienne, aucune décision ne sera prise avant l’élection dans un futur indéterminé d’un nouvel Evêque de Rome

C) C’est uniquement l’Evêque de Rome « qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse »

D) Le clergé romain nie-t-il l’autorité du Pape au profit d’un concile ?

1) Une  affirmation à comprendre dans son contexte

2) La situation demeure bloquée « avant l’élection d’un évêque » de Rome malgré la présence sur place « des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines »

3) Si les conciles ne sont pas nécessaires ils n’en sont pas moins très utiles

4) Témoignages de l’antiquité chrétienne unissant infaillibilité du Pape et recours au conseil externe

V) La lettre du clergé romain fit autorité dans toute l’Eglise

1) Le fait tel que le rapporte saint Cyprien

2) Une question de bon sens : l’Eglise universelle aurait-elle été ainsi liée si elle n’avait pas cru en la Papauté ?

VI) Le concile de Carthage eut besoin de la confirmation romaine

VII) Saint Cyprien témoigne que les Evêques de Rome assument le même rôle que Pierre

VIII) Cela explique peut-être l’attitude de l’empereur persécuteur Dèce

A) Dèce « aurait plutôt supporté d’apprendre qu’un empereur rival s’élevait contre lui que de voir établir dans Rome même un évêque de Dieu »

B) Dèce était pourtant beaucoup moins dérangé par la présence « des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines » à l’intérieur de Rome

C) Peut-être est-ce un empêchement du fait de Dèce qui fit écrire au clergé romain que « les difficultés des circonstances nous ont empêchés d’avoir un évêque »

D) Les païens savaient reconnaître les vrais des faux chrétiens en particulier par leur obéissance à l’Evêque de Rome

1) Les païens savaient qu’il y avait des vrais chrétiens et des hérétiques

2) Ils savaient que le critère du vrai christianisme était la communion et l’obéissance à l’Évêque de Rome

Annexe : Le cas de l’opposition dans la question baptismale du IIIè siècle de saint Cyprien et de son confrère saint Firmilien, évêque de Césarée en Asie mineure au Pape saint Etienne

A) Livres écrits par des érudits

B) Saint Cyprien commença par en référer à Rome puis se rebella

C) Lès Pères ultérieurs lui donnèrent tort

D) Cette attitude de saint Cyprien n’est pas un argument contre la Papauté

1) A l’adresse des orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité de la Tradition et de l’Eglise : ils ne peuvent pas utiliser cet argument car la même occasion fit ruiner à saint Cyprien toute la règle de la foi par le « sola scriptura » et le libre examen pour ne avoir à obéir

2) A l’adresse des protestants : ils ne peuvent pas utiliser cet argument car saint Cyprien et saint Firmilien avaient perdu le sens des réalités et contredirent leur propre doctrine

a) Ils prétendent que la rebaptisation venait des apôtres

b) Saint Firmilien affirmait que la rebatpisation était la pratique de toute l’Eglise

c) Saint Cyprien contredit l’autorité de la Tradition alors qu’il l’avait enseigné toute sa vie

d) Saint Cyprien promeut le libre examen alors qu’il avait toujours enseigné la stricte soumission aux évêques en matière de foi

e) Saint Cyprien et saint Firmilien contredisent l’autorité du Pape contrairement à leurs propres propos

c) Comment Cyprien de Carthage et Firmilien de Césarée peuvent-ils donc être des saints catholiques ?

I) Qu’est-ce que les lapsi ?

Lorsque saint Cyprien était Evêque à Carthage, eut lieu la persécution de l’empereur Dèce (250). Celui-ci fut brève et violente. Elle sévit à l’encontre des religions rompant avec la paix des dieux, surtout le christianisme. L’alternative suivante était proposée : offrir un grain d’encens à une idole afin d’obtenir un « certificat », ou la mort (mais dans les faits la mort pouvait être commuée en torture ou en bagne). De nombreux chrétiens qu’on appelle les « lapsi » (ceux qui sont tombés) sacrifièrent aux idoles pour avoir la vie sauve. Mais la plupart d’entre eux n’apostasièrent que de bouche, et demandèrent leur réintégration à l’Eglise dès la fin de la persécution. Les apostasies nombreuses désolaient saint Cyprien. Certains apostats allaient même jusqu’à exiger de ce saint d’être réadmis à la réception des sacrements sans pénitence et sur la seule présentation de billets d’absolution donnés par des chrétiens ayant résisté au bourreau.

II) Réaction de saint Cyprien : se tourner vers Rome

C’est évidemment à Rome que saint Cyprien écrivit pour connaître la conduite qu’il devait tenir dans cette circonstance. Or à cette époque, le Saint-Siège était vacant, le Pape saint Fabien (Fabianus), martyrisé, n’ayant pu être remplacé.

III) Réponse de Rome : impossible de régler le problème dans l’immédiat car Rome n’a plus d’Evêque or il n’y a que l’Evêque de Rome « qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse »

Le clergé de Rome, les prêtres Moïse et Maxime et les diacres Nicostrate et Ruffin, qui administraient alors l’Eglise Romaine, répondirent ce qui suit à saint Cyprien :

« Depuis la mort de Fabianus, de très illustre mémoire, les difficultés des circonstances nous ont empêchés d’avoir un évêque, qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse. D’ailleurs, dans une cause si importante nous aimons ce que vous avez dit, à savoir qu’il faut attendre d’abord que la paix soit rendue à l’Église et alors régler l’affaire des lapsi après en avoir délibéré en commun avec les évêques, les prêtres, les diacres, les confesseurs et les laïcs restés fidèles. C’est, en effet, une charge facilement impopulaire et un lourd fardeau que d’avoir, sans être en nombre, à examiner la faute d’un grand nombre et d’être seul à prononcer la sentence, quand beaucoup de personnes ont commis le crime ; d’ailleurs, une décision ne peut avoir grande force, qui ne semblerait pas avoir réuni les suffrages d’un grand nombre de délibérants. Considérez que le monde presque entier a été ravagé et que l’on voit partout à terre des débris et des ruines, et qu’ainsi la situation réclame pour le jugement des assises aussi considérables que la propagation même du délit. Que le remède ne soit pas moindre que la blessure, ni les moyens de salut moindre que les morts. […]

Désirant tenir la juste balance en ces matières, il y a longtemps qu’à plusieurs, avec des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines d’où la violence de la persécution les avait chassés, nous avons pensé qu’il ne fallait rien faire de nouveau avant l’élection d’un évêque. Nous avons estimé qu’il convenait de tenir à l’égard des lapsi, une ligne de conduite moyenne : en attendant que Dieu nous donne un évêque, laisser en suspens les causes de ceux qui peuvent attendre ; quant à ceux qui sont au terme de leur vie, et dont la fin prochaine ne permet pas de délai, quand ils auront manifesté leur repentir et déclaré à plusieurs reprises regretter leur conduite, donné par leurs larmes, leurs gémissements, leurs sanglots, les marques d’une âme véritablement pénitente, à l’heure où humainement il ne restera aucun espoir de salut, alors, mais alors seulement, leur venir en aide avec prudence et discrétion. Dieu sait ce qu’Il doit faire de ceux qui sont dans ce cas, et comment Il les doit peser dans les balances de sa Justice. Quant à nous, en agissant ainsi, nous éviterons un double écueil : que des pervers ne louent chez nous une facilité trop grande, ou que des lapsi vraiment pénitents ne nous accusent d’une dureté cruelle. Nous souhaitons, pape bienheureux et très glorieux, que vous vous portiez toujours bien et que vous vous souveniez de nous. » (Lettre 31 [alias 30], PL, tome IV, colonnes 307 à 315)

IV) Observations sur cet échange de lettres

A) Saint Cyprien reconnaît l’autorité doctrinale suprême du Siège de Rome

Saint Cyprien savait pertinemment que Rome était sans Evêque, puisqu’il adressa ses lettres « aux prêtres Moïse et Maxime, aux autres confesseurs ses frères très chers » (lettre 25 [alias 28], PL tome IV, colonne 288) ainsi qu’« aux prêtres, aux diacres, qui sont à Rome » (Lettre 27, PL tome IV, colonne 300). Aussi cela reflète qu’à l’époque les chrétiens avaient déjà conscience de la nécessité de recourir à Rome pour régler les questions doctrinales, que celle-ci ait un évêque, ou que l’évêque précédent ait donné des instructions qui se seraient trouvées impératives pour toute l’Eglise.

B) Malgré la gravité et l’urgence de la situation, ainsi que l’évidence de l’issue qui devait être la sienne, aucune décision ne sera prise avant l’élection dans un futur indéterminé d’un nouvel Evêque de Rome

Le sujet était d’une importance brûlante et urgente. En effet, de nombreux lapsi risquaient de mourir sans avoir été absouts. Et pourtant saint Cyprien considère pouvoir et devoir prendre le temps d’écrire à Rome et d’en attendre la réponse, malgré le risque que cela ne mette en danger des lapsi repentants. Bien sûr la situation des lapsi repentants n’était pas laissée « sans issue » puisque comme le dit le clergé romain dans sa réponse, il y avait une d’ores et déjà une absolution possible à l’article de la mort :

« nous avons pensé qu’il ne fallait rien faire de nouveau avant l’élection d’un évêque. Nous avons estimé qu’il convenait de tenir à l’égard des lapsi, une ligne de conduite moyenne : en attendant que Dieu nous donne un évêque, laisser en suspens les causes de ceux qui peuvent attendre ; quant à ceux qui sont au terme de leur vie, et dont la fin prochaine ne permet pas de délai, quand ils auront manifesté leur repentir et déclaré à plusieurs reprises regretter leur conduite, donné par leurs larmes, leurs gémissements, leurs sanglots, les marques d’une âme véritablement pénitente, à l’heure où humainement il ne restera aucun espoir de salut, alors, mais alors seulement, leur venir en aide avec prudence et discrétion. »

Nous le voyons : il faut que le pénitent soit à l’article de la mort et qu’il ait manifesté de multiples et fortes demandes de pardon, ce n’est pas rien. D’autant plus que par définition, à l’article de la mort, on est jamais sûr que le prêtre appelé arrive à temps !

Aussi cette réponse du clergé de Rome est significative pour la même raison : si l’Evêque de Rome n’est qu’un Evêque égal aux autres, s’il n’a pas d’autorité intrinsèque supérieure par mandat divin, pourquoi remettre à plus tard (et à une date indéterminée !) le règlement d’une question aussi grave !? D’autant plus que si l’Evêque de Rome, comme tout Evêque, était sans doute choisi pour ses compétences, il n’en demeure pas mois que celui-ci ne se trouverait pas forcément être le meilleur Evêque de la Chrétienté. Alors pourquoi repousser la fin d’une affaire aussi grave en attendant l’élection d’un Evêque dont on avait même pas la garantie qu’il soit humainement le meilleur ?

De plus l’issue de cette affaire était évidente puisqu’il ne faisait pas de doute que l’Eglise accepterait d’accepter à la communion les vrais repentants en leur imposant à chacun une pénitence proportionnée à leur faute.

C) C’est l’Evêque de Rome « qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse »

Le clergé de Rome affirme l’autorité, le mandat dont est investi l’Evêque de leur Eglise (qui encore une fois, n’est pas forcément humainement le meilleur) pour être juge en matière de doctrine :

« Depuis la mort de Fabianus, de très illustre mémoire, les difficultés des circonstances nous ont e, qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse. »

L’Evêque doit donc s’occuper avec autorité et sagesse (données par l’Esprit Saint) pour s’occuper des lapsi, même au-delà de la Méditerranée.

D) Le clergé romain nie-t-il l’autorité du Pape au profit d’un concile ?

Les anti-romains pourraient croire lire une affirmation contraire à la Papauté lorsque le clergé romain affirme vouloir :

« régler l’affaire des lapsi après en avoir délibéré en commun avec les évêques, les prêtres, les diacres, les confesseurs et les laïcs restés fidèles. C’est, en effet, une charge facilement impopulaire et un lourd fardeau que d’avoir, sans être en nombre, à examiner la faute d’un grand nombre et d’être seul à prononcer la sentence, quand beaucoup de personnes ont commis le crime ; d’ailleurs, une décision ne peut avoir grande force, qui ne semblerait pas avoir réuni les suffrages d’un grand nombre de délibérants. Considérez que le monde presque entier a été ravagé et que l’on voit partout à terre des débris et des ruines, et qu’ainsi la situation réclame pour le jugement des assises aussi considérables que la propagation même du délit. Que le remède ne soit pas moindre que la blessure, ni les moyens de salut moindre que les morts. »

En effet, ils penseraient y lire que le clergé romain affirme la nécessité d’un concile, ce qui signifierait que l’autorité individuelle de l’Evêque de Rome ne suffit pas. Mais il n’en est rien.

1) Une  affirmation à comprendre dans son contexte

Cela ne contredit pas l’autorité du seul Evêque de Rome parce que cela ne saurait pas « effacer » les deux premiers éléments que nous avons soulignées. De plus avec ce que nous allons dire immédiatement, il serait même facile de conclure le contraire : pourquoi attendre un Evêque de Rome pour tenir un concile alors que beaucoup d’Evêques sont déjà réunis ?

2) La situation demeure bloquée « avant l’élection d’un évêque » de Rome malgré la présence sur place « des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines »

Le clergé romain dit lui-même que :

« Désirant tenir la juste balance en ces matières, il y a longtemps qu’à plusieurs, avec des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines d’où la violence de la persécution les avait chassés, nous avons pensé qu’il ne fallait rien faire de nouveau avant l’élection d’un évêque. »

Or il parle plus haut de vouloir délibérer « en commun avec les évêques, les prêtres, les diacres, les confesseurs et les laïcs restés fidèles ». Or, si l’Evêque de Rome n’a pas d’autorité particulière de droit divin, que faudrait-il de plus pour caractériser une telle assemblée lorsqu’on a à Rome des prêtres, diacres, confesseurs et laïcs resté fidèles, plus « des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines » ? Ces derniers pouvaient même décider de consulter par voie épistolaire saint Cyprien (la preuve est qu’ils ont eu de fait un échange de lettres !) et même tous les Evêques du monde puisque comme saint Cyprien l’écrivit lui-même :

« Ces lettres ont été envoyées dans le monde entier et portées à la connaissance de toutes les églises et de tous les frères. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 5, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

Au contraire, ces évêques ont décidé « depuis longtemps » qu’ils ne pouvaient pas juger cette affaire aussi pressante sans l’approbation de l’Evêque de Rome !

3) Si les conciles ne sont pas nécessaires ils n’en sont pas moins très utiles

Ensuite rien n’interdit au Pape de prendre conseil pour les affaires graves, puisqu’il a toujours été entendu que si le Pape était toujours protégé dans son enseignement, fut-il négligent, la prise de conseil pour prendre une décision plus précise, plus pastorale et plus efficace lui était toujours recommandée !

Les décisions prises par les conciles généraux au cours de l’histoire auraient aussi bien pu être prises par les Papes seuls, mais on fit appel aux conciles pour ces raisons. Nous développons cela dans notre article :

L’autorité souveraine et infaillible du Pape est-elle contradictoire avec l’existence des Conciles ?

Aussi, avec ce que nous disons dans cet article, nous pouvons établir le raisonnement suivant : le clergé de Rome répondit que l’affaire ne pourrait être tranchée que par un Evêque de Rome et qu' »une décision ne peut avoir grande force, qui ne semblerait pas avoir réuni les suffrages d’un grand nombre de délibérants » (Lettre 31 [alias 30], PL, tome IV, colonnes 307 à 315). De fait, une fois un nouvel Evêque de Rome élu, l’affaire fut réglée dans les assises de Conciles tenus à Rome et à Carthage, celui de Rome sous l’autorité du nouveau Pape (saint Corneille) qui confirma celui de Carthage.

Aussi ce cas est une bonne illustration de l’autorité infaillible des Papes couplée à la grande utilité, et parfois de fait la quasi-nécessité des Conciles. En effet, cette affaire était grave et urgente, et son issue ne faisait guère de doute (les apostats seraient réadmis à la communion moyennant une pénitence proportionnée à la faute). La chose avait même été débattue, comme le dit le clergé romain : « délibéré en commun avec les évêques, les prêtres, les diacres, les confesseurs et les laïcs restés fidèles« , et pouvait même être délibéré à distance par lettres avec saint Cyprien et même avec les Evêques du « monde entier » comme nous l’avons vu, et pourtant il fut constaté qu’on ne pouvait pas trancher la question avant « d’avoir un évêque [de Rome], qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse. », alors même que celui-ci ne serait pas nécessairement le mieux qualifié humainement parlant. Et en même temps il fut constaté comme nous l’avons dit qu' »une décision ne peut avoir grande force, qui ne semblerait pas avoir réuni les suffrages d’un grand nombre de délibérants« , appelant ainsi des Conciles qui eurent lieu.

Mais nous pouvons alors nous demander : pourquoi en appeler à de futurs Conciles qui réuniraient « un grand nombre de délibérants« , alors que l’affaire avait déjà été « délibéré en commun avec les évêques, les prêtres, les diacres, les confesseurs et les laïcs restés fidèles » et pouvait même l’être avec saint Cyprien ? La réponse est simple : seule le Pape possède de droit divin, indépendamment de ses qualifications humaines, le pouvoir d’enseigner infailliblement l’Eglise, ce qui rend impossible de prendre une décision ferme en son absence, et en même temps, l’affaire suscitant de grandes passions et causaient de grands scandales, « une décision ne peut avoir grande force, qui ne semblerait pas avoir réuni les suffrages d’un grand nombre de délibérants« , car comme nous le rapportons dans l’article, le Cardinal Louis BILLOT disait : « ce consentement ne donne aucune force d’obliger et n’ajoute rien la valeur intrinsèque du décret, mais apporte quand même un certain éclat l’autorité de cette définition ou de ce décret. ce qui agit beaucoup sur les esprits, poussant les hommes à l’obéissance ou du moins au respect, et écarte les obstacles qui pourraient s’opposer la soumission ».

Aussi nous renvoyons dans l’article indiqué à la section « III) Témoignages de l’antiquité chrétienne unissant infaillibilité du Pape et recours au conseil externe => E) La soumission au Pape du IIIè Concile de Constantinople (681) => 3) Le Pape saint Léon II ne confirme souverainement le Concile que parce qu’il s’est conformé à l’enseignement romain => b) Ce que signifie examiner « avec une minutieuse attention […] chacune des pièces écrites » du Concile », où on trouve un exemple du profit qu’un Pape seul infaillible peut tirer des lumières naturelles et surnaturelles des évêques assemblés en Concile.

4) Témoignages de l’antiquité chrétienne unissant infaillibilité du Pape et recours au conseil externe

Nous en fournissons plusieurs exemples dans notre article déjà cité :

L’autorité souveraine et infaillible du Pape est-elle contradictoire avec l’existence des Conciles ?

V) La lettre du clergé romain fit autorité dans toute l’Eglise

1) Le fait tel que le rapporte saint Cyprien

Comme nous l’avons dit plus haut, cette lettre envoyée par le clergé romain à saint Cyprien n’allait pas rester confidentielle ! Comme saint Cyprien l’écrivit lui-même :

« Ces lettres ont été envoyées dans le monde entier et portées à la connaissance de toutes les églises et de tous les frères. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 5, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

C’est dire l’autorité doctrinale de l’Eglise de Rome, et le rôle de son Evêque sur l’Eglise universelle, puisque c’était l’Eglise universelle, touchée en toutes ses régions par l’apostasie, qui se trouvait empêchée de prendre une décision urgente avant l’élection d’un Evêque de Rome.

2) Une question de bon sens : l’Eglise universelle aurait-elle été ainsi liée si elle n’avait pas cru en la Papauté ?

Résumons l’affaire depuis le début jusqu’à la présente lettre : saint Cyprien demande à Rome ce qu’il doit faire avec les lapsi, alors même que leur cas est urgent, grave, et assez évident quant à son issue, prenant le risque que les concernés meurent sans absolution. Le clergé romain lui répond qu’on ne peut rien décider tant qu’un nouvel évêque de Rome n’a pas été élu, au motif que malgré la gravité de la situation, c’est lui « qui dirige toutes ces affaires, et qui puisse s’occuper des lapsi avec autorité et sagesse« , et ce alors même qu' »il y a longtemps qu’à plusieurs, avec des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines d’où la violence de la persécution les avait chassés« , ils se sont concertés sur la conduite à tenir, mais que même eux ont « pensé qu’il ne fallait rien faire de nouveau avant l’élection d’un évêque » ! Et cette décision de ne rien faire sans le jugement d’un évêque de Rome, est communiquée « dans le monde entier et portées à la connaissance de toutes les églises et de tous les frères », en sachant que l’élection d’un évêque de Rome était repoussé à une échéance indéterminée, puisque le clergé romain parle des : « difficultés des circonstances nous ont empêchés d’avoir un évêque« , celles-ci étant sans doute les pressions impériales (voir plus bas).

Alors se pose une question de bon sens : est-il envisageable qu’une Eglise se soit spontanément interdite de prendre toute décision, aussi bien saint Cyprien qui demande à Rome ce qu’il doit faire, que « plusieurs, avec des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines d’où la violence de la persécution les avait chassés » réfugiés à Rome, et enfin « le monde entier […] toutes les églises et de tous les frères », sans susciter la moindre contestation, pour une affaire aussi grave urgente et évidente, tout cela pour attendre l’élection d’un évêque de Rome qui, d’après nos contradicteurs n’avait qu’une primauté d’honneur et pouvait même rendre un jugement erroné (car bien évidemment, pour eux, le Pape n’est même pas infaillible), si cette Eglise n’avait pas cru en l’institution divine de la Papauté avec son universalité de juridiction et son infaillibilité ?

VI) Le concile de Carthage eut besoin de la confirmation romaine

Après l’élection de saint Corneille, successeur de saint Fabien, la question fut résolue par des conciles locaux. Il est à noter que ceux de Carthage en référèrent à Rome pour obtenir confirmation des leurs. Saint Cyprien dit dans la lettre que nous venons de citer :

« Cependant, conformément aux résolutions antérieurement prises, quand l’ardeur de la persécution se fut assoupie, avec un grand nombre d’évêques que leur foi et la Protection de Dieu avait maintenus sains et saufs, nous nous sommes réunis [Au concile du printemps de 251]. Après avoir lu les textes de l’Écriture dans les deux sens, nous avons adopté, avec un sage tempérament, un moyen terme : d’une part, l’espérance de la communion ne serait point totalement refusée aux lapsi, de peur que le désespoir ne les portât davantage au mal, et que voyant l’Église fermée devant eux, ils ne suivissent le siècle pour vivre en païens; d’autre part, la sévérité évangélique ne serait pas non plus énervée par une admission en bloc et à la légère à la communion; mais plutôt la pénitence durerait longtemps; on invoquerait, avec le regret des fautes, la paternelle bonté, on examinerait les cas un à un, les intentions, les circonstances atténuantes, conformément au texte de l’opuscule, que, je crois, vous est parvenu, et où les points du règlement sont détaillés. Et, de peur que le nombre des évêques d’Afrique ne parût insuffisant, nous avons encore écrit à Rome sur ce sujet à Corneille, notre collègue, qui lui aussi a tenu un concile avec un grand nombre de collègues dans l’épiscopat, et traitant l’affaire avec le même sérieux et les mêmes ménagements, a adopté les mêmes solutions que nous. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 5, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

Cela signifie que la question, pour être définitivement réglée, avait besoin que les conciles qui en traitèrent reçoivent l’approbation de celui que saint Cyprien désigne dans la même lettre comme le successeur de Pierre !

VII) Saint Cyprien témoigne que les Evêques de Rome assument le même rôle que Pierre

Dans la même lettre où il demande confirmation de son concile à Rome, il appelle l’Evêque de Rome le successeur de Pierre

« Corneille a été élu évêque par le Jugement de Dieu et de son Christ, par le témoignage favorable de la presque unanimité des clercs, par l’accord avec eux de la portion du peuple fidèle qui était présente, par la communauté des évêques vénérables et des gens de bien, personne ne l’ayant été avant lui, la place de Fabianus (ndlr : Fabianus était décédé en janvier 250. L’élection de Corneille eut lieu dans la première quinzaine de mars), c’est-à-dire la place de Pierre et le siège épiscopal étant vacants. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 7, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

On notera que saint Cyprien écrit le mot « vacants » au pluriel. Cela signifie que ce n’est pas seulement le siège épiscopal de Rome, qui se trouve avoir été celui de Pierre qui était vacant, mais aussi « la place de Pierre », c’est-à-dire son rôle d’enseignant et de gouverneur de l’Eglise qu’il avait au sein du collège apostolique et qui se continue à travers les siècles par l’Evêque de Rome.

Dans le texte latin original, le mot « vacant » n’est pas au pluriel, mais il est écrit : « cum Fabiani locus, id est, cum locus Petri et gradus cathedrae sacerdotalis vacaret« . Aussi le mot « vacant » ne se rapporte pas à la place de Pierre et au siège épiscopal, mais à la place de Fabianus. Et c’est la place de Fabianus (donc l’office d’évêque de Rome), qui consiste en « la place de Pierre » et « le grade de la chaire sacerdotale ». C’est aussi comme cela que ce passage est traduit en anglais (lettre numérotée 51) : « when the place of Fabian, that is, when the place of Peter and the degree of the sacerdotal throne was vacant« .

VIII) Cela explique peut-être l’attitude de l’empereur persécuteur Dèce

A) Dèce « aurait plutôt supporté d’apprendre qu’un empereur rival s’élevait contre lui que de voir établir dans Rome même un évêque de Dieu »

C’est sans doute pour cela que l’empereur Dèce, persécuteur, aurait préféré, comme le dit saint Cyprien toujours dans la même lettre, avoir un rival politique à la tête d’une armée devant lui, plutôt qu’il y ait un Evêque à Rome :

« L’épiscopat obtenu, non point par brigue, ni par violence, mais de par la Volonté de Dieu, qui fait les évêques, quelle vertu n’a-t-il point montrée dans l’épiscopat même, quelle force d’âme, quelle fermeté de foi, que nous devons d’un coeur droit reconnaître et louer ! Il a siégé sans peur sur le siège épiscopal, au temps où un tyran [Dèce] ennemi des évêques de Dieu, jetait feu et flammes, et aurait plutôt supporté d’apprendre qu’un empereur rival s’élevait contre lui que de voir établir dans Rome même un évêque de Dieu. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 8, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

Et pourquoi cela si l’Evêque de Rome n’était qu’un Evêque parmi les autres ?

B) Dèce était pourtant beaucoup moins dérangé par la présence « des évêques de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines » à l’intérieur de Rome

Pourquoi redoutait-il tant que Rome ait un Evêque canoniquement en charge de ce diocèse, alors que la présence à Rome de beaucoup d’autres Evêques, ceux « de régions voisines, et d’autres venus de provinces lointaines », n’avaient pas l’air de le gêner, ou en tout cas beaucoup moins que « d’apprendre qu’un empereur rival s’élevait contre lui » ? C’est sans doute parce qu’il savait quel était le rôle de l’Evêque de Rome dans l’Eglise universelle.

C) Peut-être est-ce un empêchement du fait de Dèce qui fit écrire au clergé romain que « les difficultés des circonstances nous ont empêchés d’avoir un évêque »

C’est peut-être aussi lui qui empêcha l’élection d’un nouvel Evêque aussi longtemps. Cela expliquerait que le clergé de Rome dise à saint Cyprien : « Depuis la mort de Fabianus, de très illustre mémoire, les difficultés des circonstances nous ont empêchés d’avoir un évêque« , et que comme le dit saint Cyprien dans la lettre que nous avons cité de lui, il ne fut procédé à l’élection d’un Evêque que « quand l’ardeur de la persécution se fut assoupie« . Sans doute l’Eglise savait-elle qu’il lui serait matériellement impossible de précéder à cette élection, ou qu’elle occasionnerait des persécutions, permettant à Dèce de capturer ou tuer nombre d’Evêques présents au même endroit.

D) Les païens savaient reconnaître les vrais des faux chrétiens en particulier par leur obéissance à l’Evêque de Rome

1) Les païens savaient qu’il y avait des vrais chrétiens et des hérétiques

Saint Justin Martyr (vers 100-165) écrivait :

« Mais nous le savons bien, vous n’avez ni persécuté ni fait mourir à cause de leurs opinions les disciples de Simon le magicien et de Marcion. » (Première apologie pour les chrétiens, adressés à l’empereur Antonin, n°26, dans PG, 6/370)

Et Origène (vers 185-vers 254) :

« Celse a revendiqué pour ces hérétiques, qui pourtant n’ont rien subi de pareil, ce que nous autres catholiques accomplissons, lorsque, poussées, pour ainsi dire, par une piété débordante, nous allons au-devant de toute espèce de mort et affrontons le supplice de la croix. » (Contre Celse, VII, 40, PG, 11/1478-1479)

Et lorsque le l’empereur Constance II commença à persécuter l’Eglise, à partir du moment où il prit parti pour les ariens, Ammien Marcellin, qui était pourtant païen, ne put s’empêcher de remarquer que l’empereur s’était écarté du droit chemin, puisqu’il avait abandonné la pure et simple expression de la religion chrétienne :

« La simple unité du christianisme était chez lui dénaturée par un mélange de superstitions de vieille femme. Il intervint dans les discussions de dogme, plutôt pour raffiner sur les questions que pour concilier les esprits, et multiplia conséquemment les dissidences. Lui-même il prit une part active aux verbeuses subtilités de la controverse. Ce n’étaient sur les routes que nuées de prêtres, allant disputer dans ce qu’ils appellent leurs synodes, pour faire triompher telle ou telle interprétation. Et ces allées et venues continuelles finirent par épuiser le service des transports publics.  » (Histoire de Rome, XXI, XVI, 18)

2) Ils savaient que le critère du vrai christianisme était la communion et l’obéissance à l’Évêque de Rome

Comme nous l’exposons dans notre article La Papauté depuis les apôtres ! à la section « L’affaire Paul de Samosate (272)« , les païens savaient reconnaître les vrais chrétiens des hérétiques.

Dans la fameuse affaire, un litige immobilier qui opposait l’Eglise à des hérétiques fut porté devant le tribunal de l’empereur, puisqu’à cette époque il n’y avait pas de persécution, et l’empereur Aurélien ordonna de livrer la maison à ceux à qui les évêques d’Italie et de Rome adressaient leurs lettres ; sa sentence manifeste une reconnaissance de l’ordre établit chez les chrétiens :

« l’empereur Aurélien, auquel on recourut, rendit une décision très heureuse sur ce qui devait être fait ; il ordonna que la maison fût attribuée à ceux à qui les évêques d’Italie et de la ville de Rome l’auraient adjugée. Ce fut donc ainsi que l’homme susdit fut chassé de l’église avec la dernière honte par le pouvoir séculier. » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique VII, 27)

Que signifie cette formulation sinon que même les païens savaient que le critère essentiel et formel de l’appartenance à la véritable Eglise était la soumission à l’Evêque de Rome ? En effet, dans le cas contraire, pourquoi ne pas avoir attribué le bâtiment à ceux qui étaient en communion avec les Evêques immédiatement voisin, au motif que ces derniers gardaient le vrai christianisme (puisque Paul de Samosate était seul dans son hérésie avec quelques partisans) ? Ou à ceux qui croient en la divinité de Jésus-Christ (puisque la négation de cette dernière était l’objet de l’hérésie de Paul de Samosate) ? Ou à ceux qui acceptaient les deux conciles locaux le concernant dont le deuxième l’avaient excommuniés et qui réunissait pourtant beaucoup d’évêques (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, VII, 29, 30, 1-18) ? Ou à ceux qui partageaient la même foi que tous les autres chrétiens répandus dans l’empire ?

Il n’y a aucune échappatoire : la Papauté était un fait tellement notoire en 272 que même l’évidence éclatait même aux yeux des païens que le vrai christianisme se définissait par la soumission à l’Evêque de Rome !

Nous avons encore un autre exemple : le Pape Libère fut persécuté par l’Empereur hérétique arien Constance II. Ce premier subit un interrogatoire par ce second. L’historien païen et anti-chrétien Ammien Marcellin rapporte de la manière suivante de la demande de Constance II à Libère de confirmer la condamnation de saint Athanase, ce qu’il refusa :

« Celui-ci, qui avait toujours détesté Athanase, tenait singulièrement, tout en regardant la condamnation comme valide, à ce qu’elle fût confirmée par l’autorité prépondérante de l’évêque de la ville éternelle. Cette satisfaction lui étant refusée, il fit enlever Libère. Mais l’attachement du peuple pour son évêque apporta de grandes difficultés à son arrestation, qui ne put s’opérer que de nuit. » (Histoire de Rome, Livre XV, Chapitre 7, n°10 ; Traduction sous la direction de M. Nisard, Paris Firmin Didot, 1860)

L’autrorité universelle dans l’Eglise de l’évêque de Rome était donc un fait notoire, même pour les païens.

Il est à noter que dans le monde francophone, cette oeuvre historique d’Ammien Marcellin est assez connue via la version intitulée Ammien Marcellin, ou les dix-huit livres de son histoire qui nous sont restés, Bruyet, 1778. Cette oeuvre est anonyme. Mais étant donné son origine (la France) et son époque (1778), il est probable que son auteur ait été gallicane et/ou janséniste. Aussi, dans beaucoup de versions françaises de ce passage, il est seulement dit : « Quoique Constance, qui de tout temps avait haï Athanase, fût bien que la condamnation prononcée contre lui avait eu tout son effet, il souhaitait pourtant avec ardeur la confirmation de l’Evêque de la capitale : n’ayant pu l’obtenir, Libère fut à grand peine enlevé de nuit, tant on craignait le peuple dont il était chéri » (orthographe modernisée). On remarquera que le traducteur a « habillement oublié » de traduire les mots latins « tamen auctoritate quoque potiore aeternae urbis episcopi« , qui figurent pourtant bien dans le texte original, et qui doivent donc être traduits par « par l’autorité prépondérante de l’évêque de la ville éternelle« .

Annexe : Le cas de l’opposition dans la question baptismale du IIIè siècle de saint Cyprien et de son confrère saint Firmilien, évêque de Césarée en Asie mineure au Pape saint Etienne

A) Livres écrits par des érudits

Chanoine Pierre CORGNEDissertation théologique sur la célèbre dispute entre le pape S. Estienne et S. Cyprien, évêque de Carthage, où l’on explique la véritable pensée de S. Augustin, touchant la même dispute (1725) : cliquer ici.

Père Adhémar d’ALÈS, SJ, La Question Baptismale au temps de Saint Cyprien (1907) dans la Revue des questions historiques : cliquer ici.

B) Saint Cyprien commença par en référer à Rome puis se rebella

Lors de la querelle des rebaptisants, saint Cyprien convoqua un concile réunissant 71 Evêques d’Afrique Latine. A son issu le concile envoya la Lettre Synodale suivante au pape saint Etienne pour lui demander de confirmer leurs canons :

« Quelques dispositions qui réclamaient une délibération commune, frère bien-aimé, nous ont forcé de réunir et de célébrer un concile auquel nous avons appelé plusieurs évêques. Un grand nombre de questions y ont été proposées et résolues ; mais il en est une surtout au sujet de laquelle nous croyons devoir vous écrire pour en conférer avec votre sagesse et votre autorité, car elle intéresse à un haut degré le pouvoir sacerdotal, l’unité de l’Église catholique et l’honneur qui découle pour elle de sa divine organisation. » (Lettre 72 au pape Etienne)

Devant le refus du Pape saint Etienne auquel il s’était référer et donc soumis, d’approuver sa doctrine sur la rebaptisation, il se rebella. Mais en plus d’avoir tort, il avait alors perdu le sens des réalités comme nous allons le voir.

C) Lès Pères ultérieurs lui donnèrent tort

Saint Cyprien ne se soumettra finalement que tardivement au refus du Pape d’approuver ces canons. Mais cela ne découle pas d’une négation de l’autorité papale (tout ce qui vient d’être dit suffira à en convaincre quiconque) mais d’un empressement déréglé à défendre un ancien usage d’Afrique Latine. Aussi lui-même et saint Firmilien dont il sera question plus bas, déchaîneront leurs passions dans un acharnement d’une rare violence contre les décisions du Pape sans pour autant jamais remettre en cause le principe de son autorité. C’est une marque de l’enracinement indéfectible de la doctrine de la Papauté chez les saints de tous les siècles, malgré les oppositions injustifiées qu’ils ont eu avec les Papes. On lira également avec profit un mise au point au sujet de la querelle sur le baptême des hérétiques entre saint Cyprien et le Pape saint Etienne Ier : cliquer ici. Notons déjà que plus tard les autres Pères de l’Eglise lui donnèrent tort. Voir notre page :

Les Pères de l’Eglise sur la validité du baptême des hérétiques

D) Cette attitude de saint Cyprien n’est pas un argument contre la Papauté

Les non-catholiques veulent utiliser cet épisode comme une « preuve » que la Papauté n’existait pas encore au milieu du IIIè siècle. Ce n’est pas du baptême des hérétiques dont il est ici question entre papistes et non-papistes, mais de l’occasion que cet épisode a été pour Cyprien de montrer son attitude envers la Papauté. En effet, la Papauté touche directement à la règle de la foi, ce qui conditionne tout le reste de la théologie, tandis ce que le baptême des hérétiques est en elle-même une question particulière qui peut être traîtée indépendamment des autres. Aussi ces non-papistes peuvent bien penser de fait comme l’Eglise catholique sur la question particulière du baptême des hérétiques, ils ne prétendent pas moins tirer de l’attitude de saint Cyprien un argument, celui-ci ayant dû, de droit, dans une logique catholique, se plier à l’enseignement romain.

Mais cela ne tient pas.

En effet, saint Cyprien affirma du même coup les futures doctrines protestantes du « sola scriptura » et du libre examen, ce qui touche également à la règle de la foi, et donc aussi à tout le reste de la théologie. Aussi cela entraîne l’inopérance de cet argument de la part des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité de la Tradition et de l’ecclésiastique. Cet épisode ayant conduit saint Cyprien à contredire la règle de la foi même de ces derniers, ils ne peuvent donc pas utiliser cet argument puisque la réaction de saint Cyprien l’a mis en dehors même de leur propre théologie fondamentale : en bref cette affaire ne serait pas plus « gênante » pour les Catholiques que pour eux !

De plus, comme nous allons voir, saint Cyprien et son compère saint Firmilien, avaient en cette occasion complétement le sens des réalités et ont contredit ce qui avait été leur propre doctrine toute leur vie, aussi cela non seulement discrédite la témoignage contre la Papauté que leur comportement aurait pu avoir, mais en plus cela interdit aux  protestants d’utiliser cet argument pour la même raison.

1) A l’adresse des orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité de la Tradition et de l’Eglise : ils ne peuvent pas utiliser cet argument car la même occasion fit ruiner à saint Cyprien toute la règle de la foi par le « sola scriptura » et le libre examen pour ne avoir à obéir

Saint Cyprien tient les propos suivants qui sont absolument inacceptables pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité de la Tradition et de l’ecclésiastique :

« Bien que nous ayons traité pleinement toute la question du baptême des hérétiques dans les lettres dont nous vous envoyons des copies, pourtant, frère très cher, comme vous désirez connaître ce qu’a répondu Étienne, notre frère, à notre lettre, je vous envoie une copie de sa réponse. En la lisant, vous verrez de plus en plus l’erreur où il est, lui qui entreprend de soutenir la cause des hérétiques contre les chrétiens et contre l’Église de Dieu. Car, entre autres choses, ou hautaines, ou étrangères au sujet, ou contradictoires, qu’il a écrites, maladroitement et imprudemment, il a encore ajouté ceci : « Si donc des hérétiques viennent à nous, de quelque secte que ce soit, que l’on n’innove point, mais qu’on suive seulement la tradition, en leur imposant les mains pour les recevoir à pénitence, d’autant que les hérétiques eux-mêmes, d’une secte à l’autre, ne baptisent point suivant leur rite particulier ceux qui viennent à eux, mais les admettent simplement à leur communion.

Il défend de baptiser dans l’Église « ceux qui viennent de quelque hérésie que ce soit », c’est-à-dire qu’il tient les baptêmes de tous les hérétiques pour légitimes et authentiques. Et comme chaque secte a son baptême et ses péchés, en admettant le baptême de tous les hérétiques, ce sont les péchés de tous qu’il assemble et accumule sur sa tête. Il prescrit « de n’innover en rien, mais de suivre seulement la tradition », comme si celui-là innovait, qui, restant fidèle à l’unité, réclamefir pour l’Église unique un unique baptême, et non pas plutôt celui qui, oubliant l’unité, use du mensonge d’une ablution profane. « Qu’on n’innove en rien, dit-il, mais qu’on suive seulement la tradition. » Mais, d’où vient cette tradition ? A-t-elle pour elle l’autorité du Seigneur et de l’Évangile ? Vient-elle des apôtres et de leurs Épîtres ? C’est en effet ce qui est écrit que l’on doit faire. Dieu l’atteste, et nous en avertit, lorsqu’Il dit à Josué, fils de Navé : « Le livre de cette loi ne s’éloignera point de votre bouche, mais vous le méditerez jour et nuit, afin d’être attentif à faire ce qui y est écrit ». De même le Seigneur, envoyant ses apôtres, leur prescrit de baptiser les nations et de les instruire à garder tous ses préceptes. Si donc il est prescrit dans l’Évangile, ou dans les Épîtres des apôtres, ou dans les Actes, de ne point baptiser a ceux qui viennent de quelque hérésie que ce soit, mais de leur imposer seulement les mains pour les admettre à la pénitence, que l’on observe cette tradition divine et sainte. Mais si les hérétiques n’y ont jamais que le nom « d’adversaires », et « d’antichrists », s’ils y sont déclarés « gens à éviter, pervers, condamnés par eux-mêmes », comment peut-on trouver que ceux-là ne doivent pas être condamnés par nous, que le témoignage apostolique nous montre condamnés par eux-mêmes ? De sorte que personne ne doit faire tort aux apôtres, en laissant croire qu’ils aient approuvé les baptêmes des hérétiques, ou les aient admis à leur communion sans le baptême de l’Église, alors que les apôtres ont parlé de la sorte contre les hérétiques; et cela, à une époque où les plus dangereuses hérésies ne s’étaient pas encore déchaînées, ou Marcion le Pontique n’était pas encore sorti du Pont, lui dont le maître Cerdon ne vint à Rome que sous l’épiscopat d’Hygin, le neuvième évêque de cette ville. Marcion, suivit son maître, en ajoutant à ses crimes. Il blasphéma contre Dieu le Père, le Créateur, avec plus d’impudence et de violence que les autres, et mit une plus grande scélératesse à munir d’armes sacrilèges la fureur hérétique en révolte contre l’Église. » (Lettre 74 à Pompéius, chapitres I et II)

2) A l’adresse des protestants : ils ne peuvent pas utiliser cet argument car saint Cyprien et saint Firmilien avaient perdu le sens des réalités et contredirent leur propre doctrine

Nous pouvons résumer en plusieurs points la perte de notion de la réalité qui avait alors frappé saint Cyprien et son compère saint Firmilien sur lequel nous reviendrons plus bas, ainsi que leur propre contradiction. Une telle perte du sens des réalités à propos de quelque chose d’aussi « palpable » et pourtant sur une question aussi fondamentale (l’appartenance à l’Eglise et le salut) rend nulle et non-avenue les prises de positions faites à cette occasion au sujet de la règle de la foi !

a) Ils prétendent que la rebaptisation venait des apôtres

Nous l’avons vu dans la Lettre 72 à Pompéius de saint Cyprien, et nous le voyons à plusieurs endroit de la longue Lettre à Cyprien, de saint Firmilien, conservée par saint Cyprien : Lettre 75 (74), 16. Mais la réalité est tout autre : c’était à l’époque une invention de l’évêque de Carthage Agrippinus qui vécut quelques années seulement avant saint Cyprien :

« Jadis Agrippinus, de vénérable mémoire, évêque de Carthage, fut le premier de tous les mortels qui pensa, contrairement au canon divin, contrairement à la règle de l’Église universelle, contrairement à l’opinion de tous ses confrères, contrairement aux usages et aux institutions des aïeux, que l’on devait rebaptiser [les hérétiques]. Cette théorie trompeuse apporta tant de mal qu’elle fournit non seulement une procédure sacrilège aux hérétiques, mais en outre à certains catholiques une occasion d’erreur. Comme, de toute part, tous protestaient contre la nouveauté de ce rite et que tous les évêques, en tous pays, résistaient chacun dans la mesure de sa vigueur, le pape Étienne, de bienheureuse mémoire, qui occupait le siège apostolique, y fit opposition, avec tous ses autres collègues il est vrai, mais plus qu’eux néanmoins, car il trouvait normal, je pense, de surpasser tous les autres par le dévouement de sa foi autant qu’il les dominait par l’autorité de sa charge. » (Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, VI)

b) Saint Firmilien affirmait que la rebatpisation était la pratique de toute l’Eglise

Comme nous pouvons le lire dans sa lettre précédemment indiquée, saint Firmilien affirmait que saint Etienne était le seul a tenir sa position puisqu’il s’adresse à lui à travers les mots qu’il adresse à saint Cyprien de la manière suivante :

« Vous avez pensé pouvoir excommunier tout le monde, et c’est vous seul que vous avez excommunié. »

Mais c’est une folie d’aveuglement ! Saint Vincent de Lérins a bien rappelé la vérité qu’à l’époque « de toute part, tous protestaient contre la nouveauté de ce rite et que tous les évêques, en tous pays, résistaient chacun dans la mesure de sa vigueur« , et saint Denys d’Alexandrie témoigne de la majorité de non-rebaptisants en Orient !

c) Saint Cyprien contredit l’autorité de la Tradition alors qu’il l’avait enseigné toute sa vie

En effet, durant toute sa vie saint Cyprien avait enseigné que la foi et l’interprétation de l’Ecriture Sainte nous venaient par la Tradition et non l’inverse :

« Il est facile aux âmes religieuses et simples de fuir l’erreur et de trouver la vérité, car, en nous adressant à la source de la tradition divine, l’erreur disparaît. » (Lettre 63 à Cécilius)

Plus tard, saint Augustin (354-430), évêque d’Hippone et par conséquent, au fait de l’héritage des anciens évêques d’Afrique du Nord, et donc de saint Cyprien, évêque de Carthage, déclara :

« En effet, si la science de Cyprien pouvait se prononcer sur un grand nombre de sujets, son humilité lui permettait d’apprendre chaque jour quelque chose. Suivons surtout cet excellent conseil qu’il nous donne: « Remontons aux sources, c’est-à-dire à la tradition apostolique, et suivons-en le cours jusqu’à l’époque où nous sommes ». » (Du baptême, contre les donatistes, V, 26)

d) Saint Cyprien promeut le libre examen alors qu’il avait toujours enseigné la stricte soumission aux évêques en matière de foi

Voici ce qu’avait toujours enseigné saint Cyprien :

« Notre Seigneur, dont nous devons révérer et garder les commandements, réglant ce qui concerne les égards dus à l’évêque, et le plan de son Église, parle dans l’évangile et dit à Pierre : « Je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans le ciel, et que tu auras délié sur la terre sera délié dans le ciel ». (Mt 16,18-19). De là découle, à travers la série des temps et des successions, l’élection des évêques et l’organisation de l’Église : l’Église repose sur les évêques et toute sa conduite obéit à la direction de ces mêmes chefs. Les choses ayant été ainsi établies par Disposition divine, je m’étonne de l’audace téméraire de certains qui m’ont écrit, en affectant de parler au nom de l’Église, alors que l’Église est établie sur les évêques, le clergé et ceux qui sont restés fidèles. » (Lettre 27 [al. 28 ou 33])

« Mais qui donc de nous deux manque d’humilité, de moi qui chaque jour accueille avec bonté, avec plaisir, avec joie, chacun des frères qui viennent à l’Église, ou de vous qui vous faites l’évêque de l’évêque et le juge du juge que Dieu a établi pour un temps, alors que le Seigneur dit dans le Deutéronome : « L’homme qui aura agi avec orgueil, n’écoutant point le prêtre ou le juge qui sera en fonction ces jours-là, cet homme sera mis à mort, et tout le peuple en l’apprenant sera saisi de crainte et ils n’agiront plus en impies à l’avenir ». (Dt 17,12-13) […]

Est-ce donc qu’évêque à vos yeux avant la persécution, j’aurais, après la persécution, cessé d’être évêque ? La persécution est venue vous élever aux sublimes hauteurs du martyre, tandis que moi elle m’a accablé du poids de la proscription. On pouvait lire en effet l’affiche suivante : « Si quelqu’un détient et possède des biens de Cécilius Cyprianus, évêque des chrétiens. » Ainsi celui qui ne croyait pas Dieu quand Il m’a établi évêque, pouvait du moins croire le diable quand il me proscrivait comme évêque. Ici, loin de moi la vaine gloire et la jactance ! Je ne parle qu’à regret, parce que vous vous constituez le juge de Dieu et de son Christ, qui a dit aux apôtres, et dans leurs personnes, aux successeurs des apôtres : Celui qui vous écoute, m’écoute ; et celui qui m’écoute, écoute celui qui m’a envoyé ; celui qui vous rejette, au contraire, me rejette moi-même, et rejette avec moi celui qui m’a envoyé. […]

Pierre Lui répondit : « Seigneur, à qui irions nous : c’est Toi qui as la parole de la vie éternelle, et nous Te croyons et reconnaissons que Tu es le Fils du Dieu vivant ». (Jn 6,67-69). Celui qui parle là, c’est Pierre, sur qui l’Église avait été bâtie, et au nom de l’Église, il fait voir que quand bien même une multitude en révolte et refusant d’obéir s’éloignerait, l’Église cependant ne s’éloigne pas du Christ; il montre que l’Église, c’est pour lui le peuple uni à son pontife, et le troupeau resté près du pasteur. Par là, vous devriez comprendre que l’évêque est dans l’Église et l’Église dans l’évêque, et que si quelqu’un n’est pas avec l’évêque, il n’est pas dans l’Église; que ceux-là se flattent et se font illusion qui, subrepticement et en cachette, veulent communiquer avec certains, puisque l’Église qui, tout entière est une, n’est pas en plusieurs morceaux séparés, mais ne forme qu’un tout dont l’union des évêques est le lien. » (Lettre 66 [69] à Florentius)

Notons que cela aurait dû faire accepter à saint Cyprien que la rebaptisation était une erreur, car tous les évêques étaient contre, comme nous l’avons déjà rapporté plus haut sous la plume de saint Vincent de Lérins, preuve supplémentaire que saint Cyprien avait perdu le sens des réalités :

« Jadis Agrippinus, de vénérable mémoire, évêque de Carthage, fut le premier de tous les mortels qui pensa, contrairement au canon divin, contrairement à la règle de l’Église universelle, contrairement à l’opinion de tous ses confrères, contrairement aux usages et aux institutions des aïeux, que l’on devait rebaptiser [les hérétiques]. Cette théorie trompeuse apporta tant de mal qu’elle fournit non seulement une procédure sacrilège aux hérétiques, mais en outre à certains catholiques une occasion d’erreur. Comme, de toute part, tous protestaient contre la nouveauté de ce rite et que tous les évêques, en tous pays, résistaient chacun dans la mesure de sa vigueur, le pape Étienne, de bienheureuse mémoire, qui occupait le siège apostolique, y fit opposition, avec tous ses autres collègues il est vrai, mais plus qu’eux néanmoins, car il trouvait normal, je pense, de surpasser tous les autres par le dévouement de sa foi autant qu’il les dominait par l’autorité de sa charge. » (Saint Vincent de Lérins, Commonitorium, VI)

e) Saint Cyprien et saint Firmilien contredisent l’autorité du Pape contrairement à leurs propres propos

En plus de sa désobéissance de fait, saint Cyprien, suite à un concile tenu à Carthage en 256, fit la déclaration suivante souvent utilisée par les non-catholiques :

« Vous avez entendu, mes chers collègues, ce que notre confrère Jubaïen m’a écrit touchant le baptême profane des hérétiques, et ce que je lui ai répondu conformément à ce que nous avons ordonné dans deux conciles, qu’il faut que les hérétiques qui viennent à l’Eglise soient baptisés et sanctifiés du baptême de l’Eglise. On voit aussi une autre lettre de Jubaïen, par laquelle répondant à la mienne, non-seulement il y a consenti, mais, suivant le mouvement de sa piété, il m’a remercié de l’avoir instruit. Il reste que chacun de nous dise son avis sur le même sujet, sans juger personne, ou séparer de la communion celui qui serait d’une opinion différente de la nôtre. Car aucun de nous ne se constitue évêque des évêques, et ne réduit ses collègues à lui obéir par une terreur tyrannique, puis que tout évêque a une pleine liberté de sa volonté et une entière puissance ; et comme il ne peut être jugé par un autre, il ne le peut aussi juger. Attendons tous le jugement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui seul a le pouvoir de nous préposer au gouvernement de son Eglise et de juger de notre conduite. »

Quant à saint Firmilien, nous renvoyons à la section qui lui est consacrée plus bas dans le présent article.

Or, saint Cyprien avait abondamment prêché le dogme de la Papauté ! Nous renvoyons à ce que nous avons dit plus haut et à ce que nous dirons plus bas. Mais nous mentionnerons dès ici quatre faits significatifs. Le premier est son attitude de soumission à la Papauté pendant l’afffaire des lapsi lors de laquelle il a attendu pendant une durée indéterminée que Rome ait enfin un nouvel Evêque, afin qu’il puisse trancher avec autorité la question brûlante, urgente et grave de la réconciliation des lapsi. Et saint Cyprien témoigne lui-même que toute l’Eglise s’est soumise à cette nécessité de ne rien pouvoir décider sans l’approbation de l’Evêque de Rome. Nous exposons tout cela dans notre page que nous avons déjà indiqué : Saint Cyprien témoigne de la Papauté dans l’affaire des lapsi. Le deuxième est l’attitude de saint Cyprien dans l’affaire de l’évêque schismatique Marcianus d’Arles, où il demande, et par-là même reconnaît le pouvoir au Pape saint Corneille de déposer l’évêque d’Alres et de lui nommer un remplaçant. Nous exposons dans notre article La Papauté depuis les apôtres ! section intitulée « Le cas de l’évêque schismatique Marcianus d’Arles (vers 254)« . Le troisième est cette fameuse phrase qui en vaut des milliers, où saint Cyprien reconnaît l’infaillibilité et l’universalité de juridiction de l’évêque de Rome :

« Après tout cela, ils se sont encore fait sacrer un pseudo-évêque par des hérétiques, et c’est dans ces conditions qu’ils osent passer la mer, pour venir au siège de Pierre et l’Église principale, d’où l’unité épiscopale est sortie, et y apporter des lettres de schismatiques et de profanes. Ils ne réfléchissent donc pas que ce sont là les mêmes Romains dont l’Apôtre a loue la foi et auprès de qui la perfidie ne saurait avoir accès. [cela signifie que pour lui, l’Église romaine est infaillible]. » (Lettre 59 [55] au pape Corneille)

Le quatrième est que saint Cyprien témoigne lors de l’affaire des lapsi que même l’empereur païen persécuteur Dèce craint les Evêques de Rome plus que tout :

« L’épiscopat obtenu, non point par brigue, ni par violence, mais de par la Volonté de Dieu, qui fait les évêques, quelle vertu n’a-t-il point montrée dans l’épiscopat même, quelle force d’âme, quelle fermeté de foi, que nous devons d’un coeur droit reconnaître et louer ! Il a siégé sans peur sur le siège épiscopal, au temps où un tyran [Dèce] ennemi des évêques de Dieu, jetait feu et flammes, et aurait plutôt supporté d’apprendre qu’un empereur rival s’élevait contre lui que de voir établir dans Rome même un évêque de Dieu. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 8, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

Si tout cela ne signifie pas reconnaître l’Evêque de Rome comme « évêque des évêques« , alors qu’est-ce donc ? Nous voyons que les prises de position anti-romaines de saint Cyprien ont été prise dans une période d’incohérence et de perte du sens des réalités et n’ont donc aucune valeur.

Nous rappelons qu’une génération avant saint Cyprien, en Afrique du Nord, Tertullien, qui avait alors quitté l’Eglise, appelait l’Evêque de Rome « évêque des évêques« , certes pour se moquer de lui, mais en faisant par-là témoignage de la foi de la véritable Eglise. Voir à ce sujet notre article Comment Tertullien (vers 155-vers 230) témoigna, après en être sorti, que la véritable Eglise obéissait à l’Evêque de Rome. De plus saint Cyprien « déjà d’un âge avancé, ne pouvait. passer un seul jour sans lire Tertullien, et que quand il demandait ses ouvrages, il disait « Apportez-moi le maître. » » (Saint Jérôme, Des hommes illustres, chapitre 53). Aussi saint Cyprien ne pouvait pas ne pas connaître ce passage où Tertullien témoigne de la foi de la véritable Eglise. Son attitude était donc un déni de réalité.

Qu’en est-il de saint Firmilien ? Dans la lettre même où il insulte le Pape, il ne peut pas s’empêcher de mentionner l’office de l’Evêque de Rome d’être « la pierre sur laquelle l’Eglise est bâtie », sans oser critiquer cet article de foi (alors qu’il y aurait eu tout intérêt) ! C’est donc lui qui était en parfaite incohérence avec ses propres principes et son attitude anti-romaine ne saurait servir à personne ! Nous expliquons cela en détail plus bas dans la section lui étant consacrée.

c) Comment Cyprien de Carthage et Firmilien de Césarée peuvent-ils donc être des saints catholiques ?

La question qui se pose alors est : comme Cyprien et Firmilien peuvent-ils être des saints de l’Eglise catholique ?

Réponse : sans aucun doute, de la même manière que Hippolyte de Rome qui vécut une génération avant eux et qui fut schismatique durant toute sa vie épiscopale, mérita son titre de saint en se réconciliant avec l’Eglise juste avant son martyre. Saint Cyprien fut martyre, nous ignorons ce qu’il en est de saint Firmilien. Mais même s’il ne le fut pas, cela ne change pas grand-chose puisque la simple réconciliation avec l’Eglise suffisait. D’autant plus que dans leur cas cela n’aurait eu pour effet que d’effacer une certaine période d’égarement, qui vint après une vie sainte.