+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Histoire et doctrine de saint Clément de Rome

Conférence dans la série « Connaissance des Pères de l’Église » prononcée par l’abbé Jean BAYOT le 24 novembre 1986 : cliquer ici

Les pères apostoliques et leur époque de Mgr Charles-Emile FREPPEL (cliquer ici)

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Le texte suivant est extrait du Dictionnaire de Théologie Catholique, article « CLEMENT Ier DE ROME (Saint) » de P. GODET, afin de faire connaître à nos lecteurs la personne de saint Clément de Rome, ainsi que sa doctrine qui est parfaitement catholique (elle nous est connu par sa Lettre aux Corinthiens qu’il écrivit à la fin du Ier siècle) :

I. VIE. Le souvenir traditionnel du pape saint Clément est, après celui des patres, le plus imposant de toute l’antiquité chrétienne. Moins de cent ans après sa mort, la figure de Clément est déjà entourée d’une auréole merveilleuse ; et nul doute que ses qualités personnelles, mais plus encore ses fonctions de chef de l’Eglise romaine ne lui aient valu de son temps une influence de premier ordre. De sa vie pourtant, du matin et du soir de sa vie en particulier, nous ne savons presque rien ; car nos informations ressortent plus en définitive de la légende que de l’histoire. Saint Irénée, Cont hær., III, 3, II, 3, P. G., t. VII, col. 849, nous apprend que Clément de Rome « avait connu saint Pierre et saint Paul et s’était entretenu avec eux  » ; à cela près, il n’y a sur la jeunesse de Clément que ténèbres et incertitudes. Origène le premier, In Joa., VI, 36, P. G., t. XIV, col. 293, a confondu, sans doute de la similitude des noms, Clément de Rome avec le Clément que saint Paul, Phil., IV, 3, s’est plu à nommer parmi ses auxiliaires ; on est allé depuis jusqu’à faire de la ville de Philippes la patrie du futur pape. Celui-ci, au dire des Pseudo-Clémentines, aurait été de la race sénatoriale et apparenté à la dynastie des Flaviens. Quelques critiques modernes se sont mêmes avisés d’identifier Clément de Rome et le consul Titus Flavius Clemens, ce cousin de Domitien que l’empereur fit exécuter pour cause d’athéisme, c’est-à-dire très probablement de christianisme. Mais comment s’expliquer, en ce cas, le silence que les Pères ont gardé sur l’élévation d’un membre de la famille impériale à la tête de l’Eglise romaine ? Voir Lightfoot, The Apostolic Fathers, Londres, 1890, part. I, t. I, p. 16-61 ; Funk, Kirchengesch. Abhandl. und Unters., Paderborn, 1897, t. I, p. 309-329. Il est plutôt à croire que saint Clément était un affranchi ou le fils d’un affranchi de la maison du consul. Etait-ce un judéo-chrétien ou un païen converti ? On ne sait. Il semble néanmoins que la lettre aux Corinthiens, fond et forme, décèle un Juif d’origine. Voir Tillemont, Mémoires, t. I ; De Rossi, Bullet. di arch. crist., 1863, p. 27, 39 ; 1865, p. 20 ; Lightfoot, op. cit., t. I, p. 58-61 ; Nestle, dans Zeitschrift für die neutest. Wissenschaft und die Kunde der Urchristentums, t. I (1900), p. 178-180. Dans saint Clément on a salué quelquefois, selon Origène, Eusèbe, H. E., VI, 25, P. G., t. XX, col. 585, le principal rédacteur de l’Epître aux Hébreux, quelquefois aussi, selon Eusèbe, op. cit., III, 38, col. 293, le traducteur du texte araméen de cette Epître de saint Paul.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que Clément fut évêque de Rome. Mais quant à l’ordre de succession des premiers pontifes romains, l’antiquité chrétienne n’est plus unanime. Tandis que Tertullien, De præscript., 32, P. L., t. II, col. 45, et une bonne partie des Latins tiennent Clément pour le successeur immédiat de saint Pierre à Rome, saint Irénée, loc. cit., Eusèbe, III, 15, n. 34, P. G., t. XX, col. 249, 285 ; saint Jérôme, De vir., 15, P. L., t. XXIII, col. 631 ; saint Epiphane, Hær., XXVII, 6, P. G., t. XLI, col. 373, rangent avant lui Lin et Anaclet ou Clet ; et, s’éloignant également des uns et des autres, saint Augustin, Epist., LIII, ad Generos, n. 2, P. L., t. XXXIII, col. 196 ; Optat de Milève, De Schism. donat., II, 3, P. L., t. XI, col. 948 ; les Constitutions apostoliques, VII, 46, P. G., t. I, col. 1053, etc., assignent à Clément le troisième rang, de sorte que Lin aurait succédé à saint Pierre, Clément à Lin, et Anaclet à Clément. On a cherché, dès le IVe siècle, à concilier ces trois opinions. Suivant Rufin, préface des Recognitions, P. G., t. I, col. 1207-1208, Lin et Anaclet auraient été sacrés évêques du vivant même de saint Pierre, qui, absorbé par les travaux de l’apostolat, se serait déchargé sur eux du soin d’administrer l’Eglise de Rome ; en sorte qu’il serait vrai de dire à la fois que Lin et Anaclet ont été les prédécesseurs de Clément et que celui-ci a été le successeur immédiat du prince des apôtres. Saint Epiphane, de son côté, loc. cit., s’appuyant sur I Clem., LIV, 2, Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. I, p. 168, tient que saint Pierre avait ordonné Clément pour lui succéder, mais que Clément, par amour de la paix, avait abandonné son siège à Lin et qu’il n’y était remonté qu’après la mort du successeur de Lin, Anaclet. Au reste, et sans insister sur ces essais de conciliation, qui se sont prolongés vainement jusque dans le moyen âge, le témoignage de saint Irénée paraît à tous les égards le plus recevable. L’opinion contraire est évidemment puisée dans les Pseudo-Clémentines, ce qui la rend très suspecte. Outre son antiquité, l’évêque de Lyon mérité ici d’autant plus de créance qu’il s’est attaché, dans sa lutte contre les gnostiques, à dresser des premiers papes un catalogue parfaitement exact. Voir L. Duchesne, Le Liber pontificalis, Paris, 1886, t. I, p. LXXI-LXXIII. De la date et la durée du pontificat de saint Clément, l’évêque ne nous dit rien. Eusèbe, loc. cit., place le pontificat de Clément dans la dernière décade du Ier siècle, de 92 à 101. M. Harnack, toutefois, Die Chronologie der altchristl. Litter., Leipzig, 1897, t. I, p. 144 sq., 266, révoque en doute l’authenticité de ces chiffres.

Les dernières années de Clément de Rome s’enfoncent dans la nuit. Les Actes grecs du saint pape, une œuvre du IVe siècle peut-être et qui foisonne en miracles, Funk, Patres apostolici, Tubingue, 1901, t. II, p. 28-45, nous racontent que Clément fut relégué, sous Trajan, au-delà du Pont-Euxia, dans une ville de la Chersonèse Taurique, et plus tard, en punition du succès de son apostolat parmi les condamnés aux mines, précipité dans la mer, une ancre au cou. Les fouilles considérables faites en Crimée n’ont pas encore répandu sur ces Actes la lumière que M. De Rossi en attendait. Voir P. Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1885, p. 169-176. Quoi qu’il faille penser du silence des anciens auteurs, saint Irénée, Eusèbe, saint Jérôme, il est indéniable que la tradition du martyre de saint Clément était établie à Rome dès la fin du IVe siècle, et que Clément n’a subi à Rome le martyre. L’Eglise latine, qui a inscrit son nom dans le canon de la messe, célèbre sa fête le 23 novembre.

II. OUVRAGE AUTHENTIQUE. Le seul écrit d’une authenticité irrécusable est la longue et belle lettre aux Corinthiens, ordinairement et improprement appelée Ia Clementis, P. G., t. I, col. 201-328. Le texte grec, publié par Junius, en 1633, avec une grave lacune, est intégralement restitué par Ph. Bryennios, dans son édition de 1875. Une bonne version syriaque, conservée dans un manuscrit de la bibliothèque de l’université de Cambridge, a été éditée à Cambridge en 1899. Enfin, dom Germain Morin a retrouvé, au séminaire de Namur, une traduction de cette lettre en latin populaire, dans le latin de l’Itala, qui date du IIIe ou peut-être du IIe siècle, et qui nous rend mot à mot un excellent texte grec. Voir Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1894, t. II, fasc. 1. La Ia Clementis ne porte pas le nom de son auteur. Suivant l’usage de ces temps primitifs, elle est écrite au nom de l’Eglise toute entière, clercs et fidèles, et adressée à l’Eglise de Corinthe, envisagée de la même façon collective. Mais il n’y a qu’une voix dans l’antiquité chrétienne pour y reconnaître la plume et l’esprit du pape saint Clément, et, parmi les critiques modernes, il règne là-dessus, nonobstant les objections soulevées par des préjugés confessionnels, une rare unanimité. Sur la date précise de la lettre, l’unanimité cesse. De la lettre même, c. I, il appert qu’elle fut écrite au sortir d’une persécution de l’Eglise de Rome. Mais de quelle persécution s’agit-il ? de la persécution de Domitien ou celle de Néron ? Le plus vieil historien de l’Eglise, Hégésippe, vers le milieu du IIe siècle, plaçait cette lettre vers la fin du règne de Domitien. Eusèbe, H. E., III, 16 ; IV, 22, P. G., t. XX, col. 249, 377. Ce que nous savons de l’époque du pontificat de saint Clément, et le soin particulier que prend Clément de faire ressortir la longue durée des deux Eglises de Rome et de Corinthe, c. XLII-XLIV, XLVII, LXIII, tout s’accorde avec la donnée d’Hégésippe, et reporte la composition de cette lettre à la dernière année du règne de Domitien, sinon au début du règne de Nerva, 96-98. Voir Harnack, Die Chronologie, t. I, p. 251-255 ; Bardenhewer, Geschichte, t. I, p. 102.

Des troubles avaient éclatés ? en somme, on ne sait pas au juste pourquoi, ? dans l’Eglise de Corinthe ; des membres du collège presbytéral avaient été déposés. L’Eglise de Rome, instruite de ces troubles, jugea de son devoir d’intervenir. Elle fit partir pour Corinthe deux de ses membres, Claudius Ephebus et Valerius Vito, avec un certain Fortunatus, un Corinthien peut-être, porteurs de la lettre qui nous occupe et qui est d’un bout à l’autre une exhortation à la concorde. Indépendamment de l’exorde et de la conclusion de la lettre, on y distingue deux parties, la première avec le caractère homilétique plus prononcé. Après avoir dépeint dans l’exorde, c. I-VI, l’ancienne prospérité de l’Eglise de Corinthe et l’état déplorable où ses dissensions l’ont réduite, saint Clément, dans la Ire partie, c. VII-XXXVI, prémunit contre l’envie et la jalousie, rappelle l’obligation de la pénitence, recommande énergiquement l’humilité, la soumission, et, d’une façon générale, la pratique de toutes les vertus chrétiennes ; partout il emprunte à l’Ancien Testament des exemples ou des figures de ces vertus. Avec la IIe partie, c. XXXVIII-LXI, l’auteur serre de plus près son sujet. Il y met en relief l’institution divine de la hiérarchie ecclésiastique et le précepte de l’obéissance à l’autorité légitime de l’Eglise ; il adjure tous les fidèles de s’entraimer, les fauteurs des désordres de se repentir et de se soumettre.

Dans les derniers chapitres enfin, c. LXII-LXV, il résume les traits essentiels de sa lettre, recommande ses envoyés à la bienveillance des Corinthiens, exprime l’espoir de voir bientôt la paix refleurir dans l’Eglise de Corinthe. L’espoir de saint Clément ne fut pas déçu. Eusèbe, H. E., IV, 22, P. G., t. XX, col. 377. Ecrite d’un style clair, simple et grave, tout à fait en rapport avec le sujet, empreinte à la fois d’onction et de fermeté, d’une bonté paternelle et de ce sens du pouvoir qui était le caractère distinctif de l’ancienne Rome, la lettre aux Corinthiens est un modèle d’éloquence pastorale. Aussi, à peine a-t-elle paru qu’on la voit entourée dans l’Asie Mineure et dans l’Egypte d’un éclatant prestige. Mais, dès le IVe siècle, ce prestige s’évanouit, du moins en Occident. Les écrivains latins, sauf saint Ambroise et saint Jérôme, ne sont, lorsqu’ils en parlent, que les échos d’Eusèbe traduit par Rufin. Jean, diacre de l’Eglise romaine, dans la seconde moitié du VIe siècle en avait cité un passage, Expositum in Heptateuchum, 43, 44, dans Pitra, Spicilegium Solesmense, t. I, p. 293. Le moyen âge l’ignora complètement. On ne l’a retrouvée qu’au XVIIe siècle dans le célèbre Codex Alexandrinus, avec des lacunes que le Codex Hierosolymitanus a comblées en 1875. L’édition d’une version syriaque, contenu dans un ms. de Cambridge, addit. 1700, du XIIe siècle, a été préparée par Bensly et publiée par Robert Kennett, The Epistles of St. Clement to the Corinthians in syriac, Cambridge, 1899. Sur la version latine très ancienne découverte par dom Morin dans un ms. du XIe siècle, de Namur, voir col. 50.

III. DOCTRINE.

La lettre aux Corinthiens, qui reflète la connaissance des hommes, l’habileté à manier les esprits et les cœurs, l’art de la composition et une rare culture intellectuelle, n’a cependant rien d’un corps de doctrine, d’une synthèse théologique. N’en attendez pas une exposition de la foi ; le premier écrit chrétien non inspiré n’est au fond qu’un récit de circonstance. L’auteur y veut faire œuvre pratique, œuvre d’utilité actuelle et immédiate. Partant, des vérités de la foi il n’allèguera que celles qui rentrent dans son cadre et concourent à son but. En revanche, il appuiera sur les vérités de la foi ses leçons et ses exhortations, qui toutes vont ramener les Corinthiens à l’obéissance de leurs pasteurs légitimes, et, en dernière analyse, à la soumission aux vouloirs divins. Il en appellera tour à tour, selon la marche de sa pensée et les besoins de sa cause, aux dogmes de l’unité et de l’infinité de Dieu, à ceux de la création, de la trinité, de l’incarnation, de la rédemption, de la grâce et de l’Eglise. En sorte qu’à tout prendre, il nous offre un tableau des croyances chrétiennes vers la fin du Ier siècle. Tableau raccourci, mais tableau fidèle. Nulle préoccupation en effet, chez l’écrivain, soit de dire du neuf, soit d’imposer aux Corinthiens ses idées personnelles. Aussi bien, la seule apparence d’une divergence doctrinale entre l’évêque de Rome et l’Eglise de Corinthe eût infailliblement ôté à la parole de Clément tout crédit, à sa tentative toute chance de succès.

Mais saint Clément n’est pas un homme de parti non plus qu’un novateur. Il ne puise qu’aux deux sources authentiques et surnaturelles de l’Ecriture et de la tradition ; toutefois, par un contraste frappant avec saint Ignace et saint Polycarpe, pénétrés l’un et l’autre des pensées, des figures, des expressions du Nouveau Testament, c’est dans l’Ancien de préférence que Clément puise à pleines mains. Au reste la Ia Clementis, dans tous les dogmes qu’elle énonce, insinue ou présuppose, n’est que le miroir et l’écho de l’enseignement des apôtres.

Saint Clément, en parlant de Dieu, fait ressortir ses principaux attributs, sa bonté, sa miséricorde, sa puissance créatrice ; c’est un Dieu prodigue de son amour et de ses bienfaits, c. XIX, un père, c. XXIII, XXIV, XXXV, en même temps qu’un maître, […]. Non content de combler l’homme de ses dons, il prépare aux justes une récompense qui sera un épanouissement des biens de la grâce, c. XXXV, 2. Avec saint Pierre et saint Paul, les justes iront aussitôt après la mort dans le lieu saint, c. V, 7, et leurs mérites seront manifestés au jour du jugement, c. L, 3. Les corps mêmes ressusciteront au dernier jour. Saint Clément fait voir dans les phénomènes de la nature plus d’un symbole de la résurrection de la chair, dans l’exemple de Jésus-Christ, notre chef, un clair présage, dans la parole de Dieu, un sûr garant, c. XXIV-XXVI. Notons qu’en paraissant croire à la fin prochaine du monde, saint Clément s’est gardé de verser dans les illusions du millénarisme.

Un dans sa nature, le Dieu de la lettre aux Corinthiens n’est pas le Dieu solitaire et abstrait du monothéisme populaire juif. Il peut porter et porte la Trinité chrétienne. De ce mystère de la Trinité, la lettre parle en termes aussi simples que nets, comme d’un dogme connu de tous les fidèles, c. XLVI, LVIII. Saint Basile de Césarée, De Spiritu sancto, c. XXIX, P. G., t. XXXII, col. 201, opposera précisément aux pneumatologues un texte du c. LVIII de la Ia Clementis : « Dieu vit et le Seigneur Jésus-Christ, et le Saint-Esprit aussi.  » Ainsi, dans l’unité numérique de la nature divine, Clément reconnaît très nettement trois personnes. A côté de Dieu, il place Jésus-Christ et le Saint-Esprit. C’est par cet esprit qu’ont parlé les écrivains sacrés, c. VIII, 1 ; XLV, 2 ; c’est par cet esprit que Clément lui-même écrit, c. LXIII, 2. Nous n’avons dit-il, c. XLVI, 6, « qu’un Dieu, un Christ, un seul Esprit de grâce répandu sur nous. » Dans une formule de serment, il invoque comme garants de sa parole, […], c. LVIII, 2. Sans insister sur les relations intimes des trois personnes, saint Clément ne laisse pas d’énoncer, c. XXXVI, 2, 5, en citant l’Epître aux Hébreux, I, 3-13, le dogme de la génération du Fils, et l’on peut dire qu’en plaçant toujours le Saint-Esprit après le Père et le Fils, non au-dessus d’eux, et en saluant le Saint-Esprit comme l’organe de Jésus-Christ dans l’Ecriture, c. XXII, LIII, il insinue la procession du Saint Esprit ex utroque.

Toute imprégnée de la doctrine et parfois même du langage de saint Paul, la lettre aux Corinthiens proclame implicitement comme explicitement la divinité de Jésus-Christ, c. II, XXXVI, XL, XLII, XLIV. Ainsi en Jésus-Christ deux natures, l’une divine, puisqu’il est le Fils de Dieu, c. XXXV, 4, l’autre humaine, qu’il a prise, corps et âme, dans le temps, puisqu’il vient d’Abraham, […], c. XXXII, 2, et qu’il s’est inséparablement unie, c. XVI, XXXI, XLIX. Avec l’intégrité des deux natures, saint Clément visiblement présuppose l’unité de la personne, c. XLVI. Jésus-Christ, exempt de péché, nous a été sur la terre un modèle achevé de toutes les vertus, c. III, XVI, XVII, et passim, et par sa mort sanglante, il a racheté tous les hommes, c. VII. La mort de Jésus-Christ n’a pas été seulement un modèle d’humilité, de patience, etc., elle a été le grand sacrifice de réconciliation entre le ciel et la terre, c. XLIX, un sacrifice que le mourant a librement offert à Dieu et dans lequel il était à la fois prêtre et victime, c. VII, XLIX. Par son sang Jésus a racheté tous les hommes, c. XII, 7. IL est donc notre salut, le pontife de nos offrandes, l’avocat de nos faiblesses, c. XXXVI, 1, notre grand-prêtre, c. LXIV. C’est par lui qui nous rendons gloire à Dieu et que nous le prions, c. LVIII, 2 ; LXIV, 3. Nous devons aussi l’honorer lui-même, c. XXI, 6. La résurrection du Sauveur, c. XXIV, est la clef de voûte du christianisme, c. XLII ; par là Jésus est glorifié, c. XXXVI, et, à la fin des temps, il jugera souverainement le monde, c. XLVI, XLIX, L.

Le sang de Jésus-Christ, rançon du genre humain, mérite à tous ceux et à ceux-là seuls qui ne le rejettent pas, le pardon des péchés, la sainteté, l’amitié de Dieu. L’homme peut toujours faire pénitence et se repentir, c. VII, 5-7 ; VIII, 2, 5. La justification est le fruit de la foi et des œuvres tout ensemble. Avec saint Paul, Clément enseigne que les élus n’ont pas obtenu la gloire par leurs œuvres, mais par la volonté de Dieu. Ils ont été justifiés par la foi, c. XXXII, 3, 4. La foi, telle que le saint l’entend, est au premier chef un acte d’obéissance, qui implique l’espérance et, au moins dans un certain degré, la charité. La foi est la base de notre justification c. XXXII, mais elle n’y suffit point, c. IX-XX XXX. Sans la foi, pas de salut pour l’homme. Mais la foi requiert et inspire les œuvres, c. XXXIII, XXXV, 2 ; XLIX. Les œuvres sont la preuve extérieure de la foi, l’attestation de sa vitalité. Si Abraham a été béni, c’est qu’il a accompli, par la foi, la justice et la vérité, c. XXXI. Saint Clément se place ainsi au point de vue de saint Jacques et regarde comme inefficace la foi sans les œuvres.

D’ailleurs, l’homme a besoin de la grâce de Dieu, c. VIII, XXVI. Cette grâce, c’est l’action surnaturelle de Dieu au-dedans de nous ; elle éclaire l’intelligence réconforte la volonté, transforme l’âme, c. XXXVI, XXXVIII, et passim. Impossible, sans cette grâce, de nous sauver, c. XVI, XVII et XVIII, L, et passim. Cette grâce nous précède et nous escorte dans toutes les étapes de notre justification, c. XXXII, XXXIII. Elle ne nous est pas due. Nécessaire, elle est entièrement gratuite, c. VII, VIII, XLIX, L. Dieu toutefois ne l’a jamais refusée, même en dehors d’Israël, c. XXIX, LXIII, ni ne la refuse à qui la demande et n’en abuse point. Personne, dès l’origine du monde, qui n’ait pu se sauver par la foi, c. XXXII.

Outre l’indication des caractères généraux de l’Eglise, unité foncière, c. XLVI, visibilité, c. XLVI-XLVII, indestructibilité, c. XLVI, nécessité pour le salut, c. LVII, la lettre aux Corinthiens met en pleine lumière l’institution divine de la hiérarchie ecclésiastique et la primauté du Saint-Siège. Il y a dans l’Eglise deux éléments distincts, le clergé et les laïques, c. XL. Les apôtres, dépositaires de l’autorité de Jésus-Christ, se sont donné des successeurs, afin de s’assurer dans l’Eglise la perpétuité de leurs pouvoirs, c. XLII. Bien que saint Clément, au c. XLII, ne parle que des évêques et des diacres, et qu’ailleurs, il se serve indifféremment des termes d’évêque et de prêtre, il ne laisse pas de distinguer trois ordres dans la hiérarchie sacrée : celui des évêques, c. XLIV, dont l’office principal est de présenter « l’offrande des dons » ; celui des prêtres, πρεσϐύτεροι, qui ont remplacé les prêtres, Ιερεῖϛ, des Juifs, c. XL ; celui des diacres, qui sont préposés au soin des choses extérieures, et qui sont aussi les ministres du sacrifice. Voir de Smedt, S. J., Congrès scient. internat. des cathol., Paris, 1888, t. II, p. 303 sq.

Il faut être soumis aux prêtres ; ils sont les chefs, c. I, 3 ; les guides des âmes, c. LXIII, 1. Il faut les honorer au lieu de les priver sans raison de l’exercice de leur charge, comme ont fait les Corinthiens, c. XLIV, 3, 4, 6 ; XLVII, 6. C’est l’envie qui a produit chez eux les dissentiments, c. III, 4-VI. Point de division dans le corps du Christ, c. XLVI, 6. L’obéissance et la charité, c. XLIX, s’imposent à tout chrétien. Cf. A. Michiels, L’origine de l’épiscopat, Louvain, 1900, p ; 157-161, 266-270.

L’intervention de la communauté romaine dans les troubles de Corinthe atteste enfin la suprématie de l’Eglise de Rome. Témoignage d’autant plus éclatant et décisif que l’intervention, selon toute apparence, était spontanée. Au premier siècle, du vivant de l’apôtre saint Jean, le successeur de saint Pierre, c. V, se reconnaît le droit et le devoir de rétablir l’ordre dans toutes les églises particulières où l’ordre est troublé. Le ton de sa lettre respire d’un bout à l’autre cette intime conviction. Quand, par exemple, saint Clément exprime le regret de n’avoir pu s’occuper plus tôt de l’Eglise de Corinthe, c. I, XLVII, quand il déclare qu’au cas où la révolte continuerait, il aura, lui, la conscience d’avoir rempli sa mission, c ; LIX ; n’est-ce pas l’attitude d’un juge qui tient la place de Dieu ? N’est-ce pas là le langage d’un supérieur à ses subordonnés ? Cf. Schwane, Dogmengeschichte, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, t. I, p. 441-442 ; Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1894, t. I, p. 444.

Dans les c. LIX-LXI, saint Clément formule une longue prière, qui nous fournit un exemple remarquable de la prière liturgique à la fin du Ier siècle.

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Cette entrée a été publiée le 16 octobre 2015 par dans Foi Catholique, La Bible, Le Salut, Papauté, Pères de l'Eglise, Protestantisme.