+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Devons-nous « regarder ce qui nous rassemble » ?

On entend souvent qu’il ne faut pas prêter attention aux différences qui nous séparent des autres religions, spécialement des religions « chrétiennes non-catholiques », mais plutôt « ce que nous avons en commun » ou encore « ce qui nous rassemble ». Mais en réalité il s’agit là d’une erreur qui peut avoir deux sources.

La première est la volonté louable elle-même de garantir la paix, ou même de travailler ensemble dans un monde devenu anti-religieux. Disons tout de suite qu’il est bon de vouloir la paix, et qu’il faut toujours traiter son prochain avec charité. Cependant ce n’est pas par les compromis religieux que ce but sera atteint. Il faut proposer la foi catholique à ceux qui ne l’ont pas de manière charitable et intelligente. Mais comment espérer garantir la paix sur un autre fondement que celui du Christ au travers de la seule Eglise qu’il ait fondé ? Jésus-Christ n’est-il pas la seule source de la seule vraie paix (Isaïe IX, 6 ; Jean XIV, 27 ; Ephésiens II, 14-15) ? Rappelons ces sages mots du Pape Benoît XV qui affirma que « les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des États » et que cela était la cause des maux et des guerres. Ainsi, ce Pape enseigne que les Etats doivent se mettre au diapason de la foi catholique :

« Mais ce n’est pas seulement la guerre actuelle avec ses horreurs, qui est la cause du malheur des peuples, et qui provoque Nos anxiétés et Nos alarmes. Il y a un autre mal, inhérent aux entrailles mêmes de la société humaine, un mal funeste, qui épouvante toutes les personnes sensées, car, en outre des ravages qu’il a déjà produits et qu’il produira encore dans les différents Etats, on peut le considérer à bon droit comme la véritable cause de la terrible guerre présente. En effet, depuis que les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des Etats, ceux-ci ont commencé, par une conséquence nécessaire, à chanceler sur leurs bases, et il s’en est suivi dans les idées et dans les mœurs une telle perturbation, que la société humaine court à sa ruine, si Dieu ne se hâte de lui venir en aide. […] Mais cette doctrine de la Foi, doctrine si importante, est négligée par le plus grand nombre, et beaucoup semblent même l’avoir complètement oubliée. Il est donc nécessaire, vénérables Frères, de la faire revivre dans l’esprit de tous : sans cela l’homme et la société humaine n’auront point de paix. » (Encyclique Ad Beatissimi Apostolorum Principis, 1er novembre 1914)

Aussi, il y a ceux qui veulent « regarder ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous sépare » car ils relativisent la Vérité, et qu’ils affirment que « toutes les religions sont plus ou moins bonnes et louables« . Mais c’est là une grave erreur car s’est oublier que la Vérité est un tout insécable et que renoncer à un seul point ou permettre aux autres de se passer ne serait que de la plus infime partie de la Vérité revient à être complétement dans l’erreur : car la foi est une confiance absolue en Dieu qui ne saurait souffrir la moindre restriction. Du reste, plus une erreur est proche de la vérité, plus elle est dangereuse et perverse, comme nous allons le voir.

Ajoutons que les deux sources de cette erreur oublient chacune que la Vérité et la loi morale que Dieu nous a donné sont un tout cohérent qui, comme une machine, n’a qu’un seul mode de fonctionnement et que la moindre liberté prise par rapport au Bien objectif a pour effet de causer tôt ou tard des catastrophes. Ce n’est pas pour rien que la Pape Pie XII n’a pas craint de déclarer :

« Ce qui ne répond pas à la vérité et à la loi morale n’a objectivement aucun droit à l’existence, ni à la propagande, ni à l’action. » (Allocution Ci riesce à des juristes italiens du 6 décembre 1953)

Je ne parlerai pas plus de moi-même et je vais immédiatement laisser la parole à nos Papes qui nous ont magistralement enseigné sur cette question :

Benoît XIV

Parlant des rapports avec les orientaux « orthodoxes« , au sujet desquels on dit souvent qu’étant les plus proches des catholiques, on devrait être moins exigeant avec eux. C’est exactement l’inverse qu’enseigne l’Eglise :

« En premier lieu, le missionnaire qui essaie, avec l’aide de Dieu, de ramener dans l’unité les schismatiques grecs et orientaux, devrait concentrer tous ses efforts dans l’unique objectif de les délivrer des doctrines en désaccord avec la foi catholique. » (Encyclique Allatae sunt, 26 juillet 1755 – Sur l’observance des rites orientaux)

Clément XIII

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« Il arrive parfois que facilement un mensonge diabolique, avec une certaine apparence de vérité, soit recouvert de mensonges colorés, tandis que l’efficacité des sentences est corrompue par un ajout ou un changement très bref, de sorte que le témoignage qui a apporté le salut, parfois avec une transition subtile conduit à la mort. […]

Les Pontifes romains Nos prédécesseurs, le sachant parfaitement, ont mis tous leurs efforts pour écraser non seulement avec le glaive de l’anathème les germes empoisonnés des erreurs dès leur naissance, mais aussi pour amputer certaines idées effervescentes qui, peut-être par excès, empêchaient dans le peuple chrétien une plus généreuse fécondité de la foi, ou pouvaient nuire aux âmes des fidèles par une trop grande proximité avec l’erreur. C’est pourquoi, après la condamnation par le Concile de Trente des hérésies qui avaient alors cherché à ternir la splendeur de l’Église, et la mise en lumière de la vérité catholique, ayant en quelque sorte banni le brouillard de l’erreur. […] Car là où il n’y a pas de midi, et où donc la lumière n’est pas si claire que la vérité soit ouvertement connue, facilement à sa place le faux est reçu à cause d’une certaine vraisemblance, qui dans l’obscurité est à peine discernée du vrai. Car ils savaient qu’il y avait eu auparavant, et qu’il y aurait à l’avenir, ceux qui pouvaient inviter les bergers et promettre des pâturages plus abondants de sagesse et de connaissance : vers ceux-ci, beaucoup afflueraient, car les eaux furtives sont plus douces et le pain caché est plus doux (Pr 9, 17). » (Encyclique In Dominico Agro, 14 juin 1761 – Sur le discours que doivent tenir les évêques et l’utilisation du catéchisme du concile de Trente, n° 2 et 4)

Saint Célestin Ier et Pie VI

« Ils [les Papes ses prédécesseurs et les Conciles Généraux] connaissaient l’artifice insidieux que mettent en œuvre les Novateurs pour réussir à tromper : ces perfides, pour ne pas choquer les oreilles Catholiques, s’appliquent le plus souvent à couvrir, sous une enveloppe trompeuse de paroles, les pièges qu’ils tendent, afin qu’à l’aide des divers sens dont elles sont susceptibles, l’erreur cachée s’insinue plus doucement dans les esprits, et qu’une doctrine vraie en elle-même étant corrompue par une addition légère en apparence, ou par un changement inaperçu des confessions de foi qui devaient opérer le salut conduisent à la mort d’une manière, pour ainsi dire, insensible. Or cette manière trompeuse de s’exprimer en termes équivoques, qui est un vice dans toute espèce de discours, est surtout intolérable dans un Synode dont le principal mérite est d’employer, en enseignant, une façon de parler si claire, qu’elle ne laisse aucun danger de s’y méprendre. Si donc, on vient à pécher ici en ce point, on ne peut pas, pour se justifier, recourir frauduleusement à cette excuse qu’on a coutume d’apporter, à savoir, que les passages trop durs qui sont échappés se trouvent expliqués dans un meilleur sens, ou même corrigés en d’autres endroits : comme si cette liberté effrontée que l’on se donne de dire tour à tour le oui ou le non, ou même de se contredire, quand on le juge expédient à sa cause (méthode qui fut toujours la ressource astucieuse et trompeuse des Novateurs pour insinuer l’erreur), n’accusait pas l’intention de tromper, bien plutôt qu’elle n’en justifiait; comme si les gens simples surtout qui tomberont sur tel ou tel endroit du Synode exposé aux yeux de tous en langue vulgaire, avaient toujours présents les autres passages disséminés auxquels il faudrait aussi faire attention; ou comme si, même en tenant compte de ces autres passages, chacun était capable de les expliquer les uns par les autres, de manière à ne courir aucun danger d’erreurs, ainsi que le prétendent vainement ces mêmes Novateurs! Artifice souverainement funeste, sans nul doute, pour insinuer l’erreur. Célestin, notre Prédécesseur, l’avait autrefois découvert, par sa pénétration, dans les lettres de Nestorius, Évêque de Constantinople, et en avait fait l’objet du reproche le plus sévère : car ce grand pontife poursuit le fourbe dans ses faux-fuyants, l’atteint et le saisit, découvre son venin dans ce flux de paroles, où enveloppant des vérités dans des choses obscures, puis mêlant ensuite les unes avec les autres, il se réservait de pouvoir confesser ce qu’il avait nié, ou nier ce qu’il venait de confesser. Pour prévenir ces artifices trop souvent renouvelés dans tous les âges, la voie la plus sûre qu’on a trouvée a été que, pour éclaircir les propositions où, sous l’enveloppe de l’ambiguité, les Novateurs cachent cette diversité dangereuse et suspecte de sens, on notât le sens pervers qui renfermait l’erreur et qui était opposé au sens Catholique.

Nous avons embrassé d’autant plus volontiers cette méthode pleine de modération, que nous avons reconnu qu’elle nous offrait un secours plus puissant pour réconcilier les esprits et les ramener à l’unité de sentiment dans le lien de la paix : ce qu’à notre grande satisfaction, nous avons vu déjà s’effectuer heureusement dans plusieurs, par la grâce de Dieu. Nous avons donc pensé que notre premier soin devait être d’ôter à ceux qui auraient encore l’obstination de s’attacher aux doctrines du Synode, si, ce qu’à Dieu ne plaise, il en restait encore, tout subterfuge dont ils pourraient se prévaloir désormais, pour exciter de nouveaux troubles, en prétextant qu’ils étaient unis avec des Écoles Catholiques, et que la juste condamnation dont on les a frappés, tombe sur ces Écoles elles-mêmes, puisqu’elles partageaient leurs sentiments : il n’est pas, en effet, d’efforts qu’ils ne fassent pour les représenter comme leur étant associées d’opinions et de pensées, malgré la résistance et l’opposition qu’elles manifestent. Ils font, pour cela, violence des expressions qui ont, dans ces écoles, un sens tout contraire, pour leur donner une certaine ressemblance autant qu’elles paraissent pouvoir s’y prêter, avec les sentiments qu’ils ont adoptés eux- mêmes. En second lieu, si quelques-uns sont encore trompés par des préventions trop favorables, à l’égard du Synode, par suite d’une opinion imprudemment adoptée, nous leur ôtons tout motif légitime de se plaindre : car s’ils ont des sentiments orthodoxes, comme ils prétendent, sans doute, le faire croire, ils ne pourront voir avec peine que l’on ait condamné des doctrines qui, dans le sens de la censure, renferment ostensiblement les erreurs qu’elles énoncent, et dont ils font profession d’être bien éloignés. » (Bulle Auctorem Fidei, 28 août 1794 – Condamnation des erreurs du concile de Pistoie)

Or, parler d’articles de foi plus ou moins fondamentaux, c’est tomber droit dans ce piège. On retrouve la même affirmation plus développée par les Papes ultérieurs.

Les hérétiques ont toujours eu recours à l’ambigüité et la tromperie pour insinuer leurs hérésies et les faire apparaître comme pas si mauvaises voire acceptables. En réalité, plus l’hérétique est trompeur plus il a du succès pour le Diable. L’hérétique Arius répandait efficacement son reniement de la divinité du Christ parce qu’il impressionnait les gens avec son apparence de dévotion et d’ascétisme. Pie XI faisait remarquer que :

« Personne n’ignore, Vénérables Frères, en quelle difficile et cruelle époque vécut saint François. La foi chrétienne, il est vrai, poussait alors de profondes racines dans le cœur des peuples ; on le voit non seulement à ces armées de soldats, mais à ces multitudes de citoyens de toute condition qui d’un saint élan coururent vers la Palestine pour libérer le tombeau du Christ. Et cependant le reptile de l’hérésie se glissait peu à peu dans le champ du Seigneur ; tantôt des hommes connus, tantôt des agents occultes s’entendaient à la propager ; faisant parade d’austérité, se couvrant des apparences de la vertu et d’une vie réglée, ils égaraient facilement les simples et les faibles ; ainsi couvaient dans les foules les feux de la haine et de la révolte. Imputant à l’Église de Dieu les souillures privées de quelques hommes, d’orgueilleux réformateurs se crurent chargés par Dieu de purifier l’Église ; mais rejetant bientôt les enseignements et l’autorité du Siège Apostolique, ils montrèrent clairement leurs desseins ; la plupart d’entre eux, on le sait, ne tardèrent pas à tomber dans la débauche et la luxure. » (Encyclique Rite expiatis, 30 avril 1926, à l’occasion du septième centenaire de la mort de Saint François d’Assise)

Pie XI précise même au sujet du protestantisme :

« Et voici que se présente fort à propos le troisième centenaire de la naissance au ciel d’un saint éminent, célèbre non seulement pour avoir excellé dans la pratique de toutes les vertus, mais encore pour avoir formulé les principes et la méthode de docteur de l’Église : lui aussi, comme ces modèles éclatants de perfections et de sagesse chrétienne que Nous rappelions tout à l’heure, il semble que Dieu ait voulu l’opposer à l’hérésie des réformés, ce point de départ du mouvement qui a séparé la société d’avec l’Église, et dont, encore de nos jours, tout homme de bien déplore à juste titres les tristes et funestes conséquences. » (Encyclique Rerum omnium perturbationem, 26 janvier 1923, A l’occasion du troisième centenaire de la mort de saint François de Sales)

Grégoire XVI

Image illustrative de l’article Grégoire XVI

Encylique Summo Iugiter Studio, 27 mai 1832, aux Évêques de Bavière sur les mariages mixtes

« Enfin, il s’en trouve parmi eux, qui cherchent à se persuader, et faire croire aux autres, que ce n’est pas dans le sein de la religion catholique seule qu’on peut se sauver ; que les hérétiques qui vivent et meurent dans l’hérésie aussi obtenir la vie éternelle.

[Consolations apportées au Pape par l’attitude d’un grand nombre de catholiques bavarois. — Sa confiance dans les dispositions du Roi.]

Le fondement de la doctrine de l’Église : l’unité de la foi

Pour en venir à l’affaire présente, il Nous faut d’abord Nous occuper de la foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu (Hébreux XI, 6) et qui est mise en péril, comme Nous l’avons remarqué, dans le système de ceux qui veulent étendre au delà de certaines bornes la liberté des mariages mixtes ; car enfin, vous savez comme Nous avec quelle constance nos Pères se sont appliqués à inculquer cet article de foi que ces novateurs osent nier, à savoir la nécessité de la foi et de l’unité catholique pour obtenir le salut.

C’est ce qu’enseignait un des plus célèbres disciples des apôtres, saint Ignace martyr, dans son épitre aux Philadelphiens : « Ne vous trompez pas, leur mandait-il, celui qui adhère à l’auteur d’un schisme n’obtiendra pas le royaume de Dieu » (PG, V, 699). Saint Augustin et les autres évêques d’Afrique, réunis en 412 dans le Concile de Cirte, s’exprimaient ainsi à ce sujet : « Quiconque est hors du sein de l’Eglise Catholique, quelque louable que paraisse d’ailleurs sa conduite, ne jouira point de la vie éternelle, et la colère de Dieu demeure sur lui à cause du crime dont il est coupable en vivant séparé de Jésus-Christ » (Lettre 141). Et sans rapporter ici les témoignages presque innombrables d’autres anciens Pères, nous nous bornerons citer à celui de Notre glorieux Prédécesseur saint Grégoire le Grand, qui atteste expressément que telle est la doctrine de l’Eglise catholique sur cette matière. « La sainte Eglise Universelle, dit-il, enseigne que Dieu ne peut être véritablement adoré que dans son sein elle affirme que tous ceux qui en sont séparés ne seront point sauvés » (Morales sur Job, XIV, 5).

Il est également déclaré dans le décret sur la foi, publié par un autre de Nos Prédécesseurs, Innocent III, de concert avec le quatrième Concile œcuménique de Latran, « qu’il n’y a qu’une seule Eglise Universelle, hors de laquelle nul absolument ne sera sauvé » (1er canon). Enfin dogme est exprimé dans les foi qui ont été proposées par le Siège Apostolique ; dans celle qui est à l’usage de toutes les Eglises latines dans les deux autres, dont l’une est reçue par les Grecs (Cf. Grégoire XIII, Profession de foi Sanctissimus) et la dernière par les autres catholiques de l’Orient (Benoît XIV, Lettre Nuper ad no.). » (Encylique Summo Iugiter Studio, 27 mai 1832, aux Évêques de Bavière sur les mariages mixtes, n° 2 et 5)

Lire également à ce sujet notre article Les mariages entre catholiques et non-catholiques sont à proscrire !

Encyclique Mirari vos, 15 août 1832 – Sur les erreurs modernes

« Nous venons maintenant à une cause, hélas ! trop féconde des maux déplorables qui affligent à présent l’Église. Nous voulons dire l’indifférentisme, ou cette opinion funeste répandue partout par la fourbe des méchants, qu’on peut, par une profession de foi quelconque, obtenir le salut éternel de l’âme, pourvu qu’on ait des mœurs conformes à la justice et à la probité. Mais dans une question si claire et si évidente, il vous sera sans doute facile d’arracher du milieu des peuples confiés à vos soins une erreur si pernicieuse. L’Apôtre nous en avertit : « Il n’y a qu’un Dieu, qu’une foi, qu’un baptême » (Ad Ephes. IV, 5) ; qu’ils tremblent donc ceux qui s’imaginent que toute religion conduit par une voie facile au port de la félicité ; qu’ils réfléchissent sérieusement sur le témoignage du Sauveur lui-même : « qu’ils sont contre le Christ dès lors qu’ils ne sont pas avec le Christ » (LUC. XI, 23) ; qu’ils dissipent misérablement par là même qu’ils n’amassent point avec lui, et que par conséquent, « ils périront éternellement, sans aucun doute, s’ils ne gardent pas la foi catholique et s’ils ne la conservent entière et sans altération » (Symb. S. Athanas.). Qu’ils écoutent saint Jérôme racontant lui-même, qu’à l’époque où l’Église était partagée en trois partis, il répétait sans cesse et avec une résolution inébranlable, à qui faisait effort pour l’attirer à lui : « Quiconque est uni à la chaire de Pierre est avec moi » (S. Hier. Ep. XVI/LVIII). En vain essayerait-on de se faire illusion en disant que soi-même aussi on a été régénéré dans l’eau, car saint Augustin répondrait précisément : « Il conserve aussi sa forme, le sarment séparé du cep ; mais que lui sert cette forme, s’il ne vit point de la racine ? » (S. Aug. in Psal. contra part. Donat.) » (Encyclique Mirari vos, 15 août 1832 – Sur les erreurs modernes)

Léon XIII

Lettre Epistola Tua, 17 juin 1885 – Au Cardinal Joseph-Hippolyte GUIBERT, Archevêque de Paris, au sujet de l’affaire Dom PITRA

« Et il n’est pas nécessaire pour manquer à un devoir si saint, de faire acte d’opposition manifeste, soit aux évêques, soit au chef de l’Eglise ; il suffit que cette opposition se fasse par des moyens indirects, d’autant plus dangereux qu’on se préoccupe de les mieux cacher par des apparences contraires. On manque aussi à ce devoir sacré lorsque, tout en se montrant jaloux du pouvoir et des prérogatives du Souverain Pontife, on ne respecte pas les évêques qui sont en communion avec lui, ou on ne tient pas le compte voulu de leur autorité, ou on en interprète défavorablement les actes et les intentions avant tout jugement du Siège Apostolique. […]

Par l’oubli de ces principes, il advient qu’on voit s’amoindrir parmi les catholiques le respect, la vénération et la confiance envers qui leur a été donné pour guide, et qu’on voit se relâcher ce lien d’amour et de soumission qui doit river tous les fidèles à leurs pasteurs, les fidèles et les pasteurs au Pasteur suprême, lien dans lequel résident principalement la sécurité et le salut commun.

De même, par l’oubli ou par la négligence de ces mêmes principes, la voie la plus large reste ouverte aux divisions et aux dissensions entre catholiques, au grave détriment de l’union, qui est la marque des distinctive fidèles de Jésus-Christ, et qui, de tout temps, mais plus particulièrement aujourd’hui, en raison de la puissance coalisée de tous les ennemis, devrait être l’intérêt suprême et universel, devant lequel il conviendrait de faire taire tout sentiment de satisfaction personnelle ou d’avantage privé.

Ce devoir, s’il incombe généralement à tous, incombe d’une manière plus rigoureuse aux journalistes qui, s’ils n’étaient pas animés de cet esprit de docilité et de soumission, si nécessaire à tout catholique, contribueraient à répandre et à aggraver l’inconvénient que nous déplorons. La tâche qui leur appartient, dans tout ce qui touche aux intérêts religieux et l’action de l’Eglise dans la société, de se soumettre pleinement, d’intelligence et de volonté, comme tous les autres fidèles, à leurs propres évêques et au Souverain Pontife ; d’en suivre et d’en reproduire les enseignements ; d’en suivre l’impulsion avec un entier bon vouloir ; d’en respecter et d’en faire respecter les décisions. Quiconque ferait autrement, en vue de servir les intentions et les intérêts de ceux dont Nous avons, dans cette lettre, repoussé l’esprit et les tendances, faillirait à sa noble mission ; et en vain se ferait-il l’illusion de croire qu’il sert ainsi le bien de la cause de l’Eglise, non moins que celui qui chercherait à atténuer où à scinder la vérité catholique ou qui s’en ferait trop timidement l’ami. »

Lettre Eximia Nos laetitia, 19 juillet 1893 – A Mgr Augustin-Hubert JUTEAU, évêque de Poitiers, au sujet du schisme de la « Petite Eglise »

« Il ne peut donc y avoir aucune cause prouvée en droit, pour que ces hommes, quels qu’aient été d’ailleurs les premiers chefs de ceux dont il s’agit aujourd’hui, se soient séparés de la très sainte communion de l’univers catholique. Qu’ils ne s’appuient ni sur l’honnêteté de leurs mœurs ni sur leur fidélité à la discipline, ni sur leur zèle à garder la doctrine et la stabilité de la religion. L’apôtre ne dit-il pas ouvertement que tout cela ne sert de rien sans la charité ? Absolument aucun évêque ne les considère et ne les gouverne comme ses brebis. Ils doivent conclure de là, avec certitude et évidence, qu’ils sont des transfuges du bercail du Christ. Qu’ils entendent ce cri de saint Ignace, homme des temps apostoliques et martyr illustre : « Je vous écrirai de nouveau si, par faveur de Dieu, j’apprends que vous tous et chacun sans aucune exception, vous êtes unis dans une même foi sous le seul Jésus-Christ, obéissant à l’évêque et à ses prêtres, rompant dans l’unité d’un même esprit le pain unique dans lequel se trouve la source de l’immortalité » [Lettre aux Ephésiens, XX]. Ou encore : « Abstenez-vous des herbes nuisibles que ne cultive point Notre-Seigneur Jésus-Christ ; elles n’ont point été plantées par le Père. Quiconque est de Dieu et de Jésus-Christ est avec l’évêque, et quiconque revient, conduit par la pénitence, à l’unité de l’Église, est de Dieu et est selon Jésus-Christ. Ne vous y trompez pas, mes Frères, si quelqu’un suit les fauteurs du schisme, celui-là n’est point héritier du royaume de Dieu. » » [Lettre à Polycarpe, VI].

A cela revient aussi qu’ils ne se peuvent rien promettre des grâces et des fruits du perpétuel sacrifice et des sacrements qui, tout en étant administrés avec sacrilège, étaient cependant valides et servaient en quelque manière à cette forme et apparence de la piété, que désigne saint Paul [II Timothée III, 5] et dont parle plus longuement saint Augustin : « La forme de la branche, dit très justement ce dernier, peut être visible, même en dehors de la vigne, mais la vie invisible de la racine ne peut être conservée que dans l’union avec le cep. C’est pourquoi les sacrements corporels, que d’aucuns conservent et prônent en dehors de l’unité du Christ, peuvent garder l’apparence de la piété. Mais la vertu invisible et spirituelle de la vraie piété ne peut y résider, pas plus que la sensibilité ne demeure dans un membre amputé » [Sermon 71 sur le péché contre l’Esprit Saint, sur Matthieu XXXII, n°32]. »

Lettre Apostolique Praeclara Gratulationis, le 20 juin 1894 – Aux peuples et aux princes de l’Univers

« Nous souhaitons vivement que vous méditiez en vous-mêmes ces graves et tendres paroles que Bessarion adressait à vos Pères : Qu’aurons-nous à répondre à Dieu, quand il nous demandera compte de cette rupture avec nos frères, lui qui, pour nous assembler dans l’unité d’un même bercail, est descendu du ciel, s’est incarné, a été crucifié ? Et quelle sera notre excuse auprès de notre postérité ? Oh ! Ne souffrons pas cela, n’y donnons pas notre assentiment, n’embrassons pas un parti si funeste pour nous et pour les nôtres. — Considérez bien ce que nous demandons, pesez-le mûrement devant Dieu. Sous l’empire, non pas certes de quelque motif humain, mais de la charité divine et du zèle du salut commun, Nous vous demandons le rapprochement et l’union : Nous entendons une union parfaite et sans réserve : car telle ne saurait être aucunement celle qui n’impliquerait pas autre chose qu’une certaine communauté de dogmes et un certain échange de charité fraternelle. L’union véritable entre les chrétiens est celle qu’a voulue et instituée Jésus-Christ et qui consiste dans l’unité de foi, de gouvernement. Il n’est rien d’ailleurs qui soit de nature à vous faire craindre, comme conséquence de ce retour, une diminution quelconque de vos droits, des privilèges de vos patriarcats, des rites et des coutumes de vos Églises respectives. Car il fut et il sera toujours dans les intentions du Siège Apostolique, comme dans ses traditions les plus constantes, d’user avec chaque peuple d’un grand esprit de condescendance, et d’avoir égard, dans une large mesure, à ses origines et à ses coutumes, — Tout au contraire, que l’union vienne à se rétablir, et il sera certainement merveilleux le surcroît de lustre et de grandeur qui, sous l’action de la grâce divine, en rejaillira sur vos Églises. Que Dieu daigne entendre cette supplication que vous lui adressez vous-mêmes : Abolissez toute division entre les Églises ; et cette autre : Rassemblez les dispersés, ramenez les égarés, et réunissez-les à votre sainte Église catholique et apostolique. Qu’il daigne vous ramener à cette foi une et sainte, qui, par le canal d’une tradition constante nous vient, et à vous et à Nous, de l’antiquité la plus reculée, cette foi dont vos ancêtres gardèrent inviolablement le dépôt, qu’illustrèrent à l’envi, par l’éclat de leurs vertus, la sublimité de leur génie, l’excellence de leur doctrine, les Athanase, les Basile, les Grégoire de Nazianze, les Jean Chrysostome, les deux Cyrille et tant d’autres grands docteurs dont la gloire appartient à l’Orient et à l’Occident comme un héritage commun. » (Lettre Apostolique Praeclara Gratulationis, le 20 juin 1894 – Aux peuples et aux princes de l’Univers ; Lettres apostoliques de S.S. Léon XIII, encycliques, brefs, etc., tome 4, page 91)

Encyclique Satis Cognitum du 29 juin 1896 – De l’unité de l’Eglise

« Non seulement l’origine de l’Eglise, mais tous les traits de sa constitution appartiennent à l’ordre des choses qui procèdent d’une volonté libre : toute la question consiste donc à savoir ce qui, en réalité, a eu lieu, et il faut rechercher non pas de quelle façon l’Eglise pourrait être une, mais quelle unité a voulu lui donner son Fondateur.

Or, si nous examinons les faits, nous constaterons que Jésus-Christ n’a point conçu ni institué une Eglise formée de plusieurs communautés qui se ressembleraient par certains traits généraux, mais seraient distinctes les unes des autres, et non rattachées entre elles par ces liens, qui seuls peuvent donner à l’Eglise l’individualité et l’unité dont nous faisons profession dans le symbole de la foi : « Je crois à l’Eglise… une ». elle est une, quoique les hérésies essayent de la déchirer en plusieurs sectes. Nous disons que l’antique et catholique Eglise est une : elle a l’unité de nature, de sentiment, d’excellence… (Clemens Alexandrinus, Stromatum, lib. VII, cap.17). […]

Pénétrée à fond de ses principes et soucieuse de son devoir, l’Eglise n’a jamais rien eu de plus à coeur, rien poursuivi avec plus d’effort, que de CONSERVER DE LA FAÇON LA PLUS PARFAITE L’INTÉGRITÉ DE LA FOI. C’est pourquoi elle a regardé comme des rebelles déclarés, et chassé loin d’elle tous ceux qui ne pensaient pas comme elle, sur n’importe quel point de sa doctrine. Les Ariens, les Montanistes, les Novatiens, les Quartodécimans, les Eutychiens n’avaient assurément pas abandonné la doctrine catholique tout entière, mais seulement telle ou telle partie : et pourtant qui ne sait qu’ils ont été déclarés hérétiques et rejetés du sein de l’Eglise ? Et un jugement semblable a condamné tous les fauteurs de doctrines erronées qui ont apparu dans la suite aux différentes époques de l’histoire. « Rien ne saurait être plus dangereux que ces hérétiques qui, conservant en tout le reste l’intégrité de la doctrine, par un seul mot, comme par une goutte de venin, corrompent la pureté et la simplicité de la foi que nous avons reçue de la tradition dominicale, puis apostolique » [Grégoire d’Elvire, Traité de la Foi orthodoxe contre les Ariens]. Telle a été toujours la coutume de l’Eglise, appuyée par le jugement unanime des saints Pères, lesquels ont toujours regardé comme exclu de la communion catholique et hors de l’Eglise quiconque se sépare le moins du monde de la doctrine enseignée par le magistère authentique. Epiphane, Augustin, Théodoret ont mentionné chacun un grand nombre des hérésies de leur temps. Saint Augustin remarque que d’autres espèces d’hérésies peuvent se développer, et que, si quelqu’un adhère à une seule d’entre elles, par le fait même, il se sépare de l’unité catholique. « De ce que quelqu’un, dit-il, ne croit point ces croire et se dire chrétien catholique. Car il peut y avoir, il peut surgir d’autres hérésies qui ne soient pas mentionnées dans cet ouvrage, et quiconque catholique » (De Hæresibus, n. 88). […]

Il est donc évident, d’après tout ce qui vient d’être dit, que Jésus-Christ a institué dans l’Eglise un magistère vivant, authentique et, de plus, perpétuel (Conc. Vat. sess. III. cap. 3), qu’Il a investi de Sa propre autorité, revêtu de l’esprit de vérité, confirmé par des miracles, et Il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les Siens propres. Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu Lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes.

« Seigneur, si nous sommes dans l’erreur, c’est Vous-même qui nous avez trompés » (Richardus de S. Victore, De Trin., lib. I, cap. 2). Tout motif de doute étant ainsi écarté, peut-il être permis à qui que ce soit de repousser quelqu’une de ces vérités, sans se précipiter ouvertement dans l’hérésie, sans se séparer de l’Eglise et sans répudier en bloc toute la doctrine chrétienne ? Car telle est la nature de la foi que rien n’est plus impossible que de croire ceci et de rejeter cela. L’Eglise professe, en effet, que la foi est une vertu surnaturelle par laquelle, sous l’inspiration et avec le secours de la grâce de Dieu, nous croyons que ce qui nous a été révélé par Lui est véritable : nous le croyons, non point à cause de la vérité intrinsèque des choses vue dans la lumière naturelle de notre raison, mais à cause de l’autorité de Dieu Lui-même qui nous révèle ces vérités, et qui ne peut ni Se tromper ni nous tromper. Si donc il y a un point qui ait été évidemment révélé par Dieu et que nous refusions de le croire, nous ne croyons absolument rien de la foi divine. Car le jugement que porte saint Jacques au sujet des fautes dans l’ordre moral, il faut l’appliquer aux erreurs de pensée dans l’ordre de la foi.

« Quiconque se rend coupable en un seul point, devient transgresseur de tous » (Jacques II, 10). Cela est même beaucoup plus vrai des erreurs de la pensée. Ce n’est pas, en effet, au sens le plus propre qu’on peut appeler transgresseur de toute la loi celui qui a commis une faute morale ; car s’il peut sembler avoir méprisé la majesté de Dieu, auteur de toute la loi, ce mépris n’apparaît que par une sorte d’interprétation de la volonté du pécheur. Au contraire, celui qui, même sur un seul point, refuse son assentiment aux vérités divinement révélées, très réellement abdique tout à fait la foi, puisqu’il refuse de se soumettre à Dieu en tant qu’il est la souveraine vérité et le motif propre de foi. « En beaucoup de points ils sont avec Moi, en quelques-uns seulement, ils ne sont pas avec Moi ; mais à cause de ces quelques points dans lesquels ils se séparent de Moi, il ne leur sert de rien d’être avec Moi en tout le reste » (S. Augustinus, in Psal. LIV, n. 19).

Rien n’est plus juste : car ceux qui ne prennent de la doctrine chrétienne que ce qu’ils veulent, s’appuient sur leur propre jugement et non sur la foi ; et, refusant de « réduire en servitude toute intelligence sous l’obéissance du Christ » (II Corinth., X, 5), ils obéissent en réalité à eux-mêmes plutôt qu’à Dieu. « Vous qui dans l’Evangile croyez ce qui vous plaît et refusez de croire ce qui vous déplaît, vous croyez à vous-mêmes, beaucoup plus qu’à l’Evangile » (S. Augustinus, lib. XVII, Contra Faustum Manichæum, cap. 3). Les Pères du Concile du Vatican n’ont donc rien édicté de nouveau, mais ils n’ont fait que se conformer à l’institution divine, à l’antique et constante doctrine de l’Eglise et à la nature même de la foi, quand ils ont formulé ce décret : « On doit croire, de foi divine et catholique, toutes les vérités qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition et que l’Eglise, SOIT PAR UN JUGEMENT SOLENNEL, SOIT PAR SON MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL, propose comme divinement révélée » (Sess. III, cap. 3).

Pour conclure, puisqu’il est évident que Dieu veut absolument dans Son Eglise l’unité de foi, puisqu’il a été démontré de quelle nature Il a voulu que fût cette unité et par quel principe Il a décrété d’en assurer la conservation, qu’il nous soit permis de nous adresser à tous ceux qui n’ont point résolu de fermer l’oreille à la vérité et de leur dire avec saint Augustin : « Puisque nous voyons là un si grand secours de Dieu, tant de profit et d’utilité, hésiterons-nous à nous jeter dans le sein de cette Eglise, qui, de l’aveu du genre humain tout entier, tient du siège apostolique, et a gardé, par la succession de ses évêques, l’autorité suprême, en dépit des clameurs des hérétiques qui l’assiègent et qui ont été condamnés soit par le jugement du peuple, soit par les solennelles décisions des Conciles, soit par la majesté des miracles ? Ne pas vouloir lui donner la première place, c’est assurément le fait ou d’une souveraine impiété ou d’une arrogance désespérée. Et si toute science, même la plus humble et la plus facile, exige, pour être acquise, le secours d’un docteur ou d’un maître, peut-on imaginer un plus téméraire orgueil, lorsqu’il s’agit des livres des divins mystères, que de refuser d’en recevoir la connaissance de la bouche de leurs interprètes, et, sans les connaître, de vouloir les condamner ? » (De utilitate credendi, cap. XVII, n. 35).

C’est donc, sans aucun doute, le devoir de l’Eglise de CONSERVER et de propager la doctrine chrétienne DANS TOUTE SON INTÉGRITÉ ET SA PURETÉ. » (Encyclique Satis Cognitum du 29 juin 1896 – De l’unité de l’Eglise)

Saint Pie X

Encyclique E Supremi Apostolatus,  4 octobre 1903 Sur la charge du Souverain Pontife

Ce saint Pape écrivait dans son encyclique inaugurale, revêtant donc une importance particulière :

« Accomplir ces devoirs, n’est pas seulement obéir aux lois de la nature, c’est travailler aussi à l’avantage du genre humain. Qui pourrait, en effet, Vénérables Frères, ne pas sentir son âme saisie de crainte et de tristesse à voir la plupart des hommes, tandis qu’on exalte par ailleurs et à juste titre les progrès de la civilisation, se déchaîner avec un tel acharnement les uns contre les autres, qu’on dirait un combat de tous contre tous ? Sans doute, le désir de la paix est dans tous les coeurs, et il n’est personne qui ne l’appelle de tous ses voeux. Mais cette paix, insensé qui la cherche en dehors de Dieu ; car, chasser Dieu, c’est bannir la justice ; et, la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère. La paix est l’oeuvre de la justice (Isaïe XXXII, 17). Il en est, et en grand nombre, Nous ne l’ignorons pas, qui, poussés par l’amour de la paix, c’est-à-dire de la tranquillité de l’ordre, s’associent et se groupent pour former ce qu’ils appellent le parti de l’ordre. Hélas ! vaines espérances, peines perdues ! De partis d’ordre capables de rétablir la tranquillité au milieu de la perturbation des choses, il n’y en a qu’un : le parti de Dieu. C’est donc celui-là qu’il nous faut promouvoir ; c’est à lui qu’il nous faut amener le plus d’adhérents possible, pour peu que nous ayons à coeur la sécurité publique. » (Encyclique E Supremi Apostolatus,  4 octobre 1903 Sur la charge du Souverain Pontife, §12)

Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 – Sur les erreurs du modernisme

Saint Pie X avertissait au sujet des modernistes :

« Ce que Nous voulons observer ici, c’est que la doctrine de l’expérience, jointe à l’autre du symbolisme, consacre comme vraie toute religion, sans en excepter la religion païenne. Est-ce qu’on ne rencontre pas dans toutes les religions, des expériences de ce genre? Beaucoup le disent. Or, de quel droit les modernistes dénieraient-ils la vérité aux expériences religieuses qui se font, par exemple, dans la religion mahométane? Et en vertu de quel principe attribueraient-ils aux seuls catholiques le monopole des expériences vraies? Ils s’en gardent bien : les uns d’une façon voilée, les autres ouvertement, ils tiennent pour vraies toutes les religions.

C’est aussi bien une nécessité de leur système. Car, posés leurs principes, à quel chef pourraient-ils arguer une religion de fausseté? Ce ne pourrait être évidemment que pour la fausseté du sentiment, ou pour celle de la formule. Mais, d’après eux, le sentiment est toujours et partout le même, substantiellement identique; quant à la formule religieuse, tout ce qu’on lui demande, c’est l’adaptation au croyant – quel que soit par ailleurs son niveau intellectuel – en même temps qu’à sa foi. Tout au plus, dans cette mêlée, des religions, ce qu’ils pourraient revendiquer en faveur de la religion catholique, c’est qu’elle est plus vraie, parce qu’elle est plus vivante; c’est encore qu’elle est plus digne du nom de chrétienne, parce qu’elle répond mieux que toute autre aux origines du christianisme. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 – Sur les erreurs du modernisme, n°16)

« Et d’abord pour la foi. Commune à tous les hommes et obscure, disent-ils,, fut la forme primitive de la foi: parce que précisément elle prit naissance dans la nature même et dans la vie de l’homme. Ensuite elle progressa, et ce fut par évolution vitale, c’est-à-dire non pas par adjonction de nouvelles formes venues du dehors et purement adventices, mais par pénétration croissante du sentiment religieux dans la conscience. Et ce progrès fut de deux sortes: négatif, par élimination de tout élément étranger, tel que le sentiment familial ou national; positif, par solidarité avec le perfectionnement intellectuel et moral de l’homme, ce perfectionnement ayant pour effet d’élargir et d’éclairer de plus en plus la notion du divin, en même temps que d’élever et d’affiner le sentiment religieux.

Pour expliquer ce progrès de la foi, il n’y a pas à recourir à d’autres causes qu’à celles-là mêmes qui lui donnèrent origine, si ce n’est qu’il faut y ajouter l’action de certains hommes extraordinaires, ceux que nous appelons prophètes, et dont le plus illustre a été Jésus-Christ. Ils concourent au progrès de la foi soit parce qu’ils offrent dans leur vie et dans leur discours quelque chose de mystérieux dont la foi s’empare et qu’elle finit par attribuer à la divinité, soit parce qu’ils sont favorisés d’expériences originales, en harmonie avec les besoins des temps où ils vivent. Le progrès du dogme est dû surtout aux obstacles que la foi doit surmonter, aux ennemis qu’elle doit vaincre, aux contradictions qu’elle doit écarter. Ajoutez-y un effort perpétuel pour pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères.

Ainsi est-il arrivé, pour nous borner à un seul exemple que, ce quelque chose de divin que la foi reconnaissait en Jésus-Christ, elle est allée l’élevant et l’élargissant peu à peu et par degrés, jusqu’à ce que de lui finalement elle a fait un Dieu. Le facteur principal de l’évolution du culte est la nécessité d’adaptation aux coutumes et traditions populaires, comme aussi le besoin de mettre à profit la valeur que certains actes tirent de l’accoutumance. Pour l’Eglise enfin, c’est le besoin de se plier aux conjonctures historiques, de s’harmoniser avec les formes existantes des sociétés civiles. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 – Sur les erreurs du modernisme, n°33)

Rappelons la gravité du modernisme :

« Ce qui exige surtout que Nous parlions sans délai, c’est que, les artisans d’erreurs, il n’y a pas à les chercher aujourd’hui parmi les ennemis déclarés. Ils se cachent et c’est un sujet d’appréhension et d’angoisse très vives, dans le sein même et au coeur de l’Eglise, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins ouvertement. Nous parlons, Vénérables Frères, d’un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres, qui, sous couleur d’amour de l’Eglise, absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses, imprégnés au contraire jusqu’aux moelles d’un venin d’erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l’Eglise; qui, en phalanges serrées, donnent audacieusement l’assaut à tout ce qu’il y a de plus sacré dans l’oeuvre de Jésus-Christ, sans respecter sa propre personne, qu’ils abaissent, par une témérité sacrilège, jusqu’à la simple et pure humanité.

Ces hommes-là peuvent s’étonner que Nous les rangions parmi les ennemis de l’Eglise. Nul ne s’en étonnera avec quelque fondement qui, mettant leurs intentions à part, dont le jugement est réservé à Dieu, voudra bien examiner leurs doctrines, et, conséquemment à celles-ci, leur manière de parler et d’agir.

Ennemis de l’Eglise, certes ils le sont, et à dire qu’elle n’en a pas de pires on ne s’écarte pas du vrai. Ce n’est pas du dehors, en effet, on l’a déjà noté, c’est du dedans qu’ils trament sa ruine; le danger est aujourd’hui presque aux entrailles mêmes et aux veines de l’Eglise; leurs coups sont d’autant plus sûrs qu’ils savent mieux où la frapper. Ajoutez que ce n’est point aux rameaux ou aux rejetons qu’ils ont mis la cognée, mais à la racine même, c’est-à-dire à la foi et à ses fibres les plus profondes. Puis, cette racine d’immortelle vie une fois tranchée, ils se donnent la tâche de faire circuler le virus par tout l’arbre: nulle partie de la foi catholique qui reste à l’abri de leur main, nulle qu’ils ne fassent tout pour corrompre. Et tandis qu’ils poursuivent par mille chemins leur dessein néfaste, rien de si insidieux, de si perfide que leur tactique: amalgamant en eux le rationaliste et le catholique, ils le font avec un tel raffinement d’habileté qu’ils abusent facilement les esprits mal avertis. D’ailleurs, consommés en témérité, il n’est sorte de conséquences qui les fasse reculer, ou plutôt qu’ils ne soutiennent hautement et opiniâtrement. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 – Sur les erreurs du modernisme, n°2 et 3)

« Quelqu’un pensera peut-être, Vénérables Frères, que cette exposition des doctrines des modernistes Nous a retenu trop longtemps. Elle était pourtant nécessaire, soit pour parer à leur reproche coutumier, que Nous ignorerions leurs vraies idées, soit pour montrer que leur système ne consiste pas en théories éparses et sans lien, mais bien en un corps parfaitement organisé, dont les parties sont si bien solidaires entre elles qu’on n’en peut admettre une sans les admettre toutes. C’est pour cela aussi que Nous avons dû donner à cette exposition un tour quelque peu didactique, sans avoir peur de certains vocables barbares en usage chez eux. Maintenant, embrassant d’un seul regard tout le système, qui pourra s’étonner que Nous le définissions le rendez-vous de toutes les hérésies ? Si quelqu’un s’était donné la tâche de recueillir toutes les erreurs qui furent jamais contre la foi et d’en concentrer la substance et comme le suc en une seule, véritablement il n’eût pas mieux réussi. Ce n’est pas encore assez dire : ils ne ruinent pas seulement la religion catholique, mais, comme Nous l’avons déjà insinué, toute religion. » (Pascendi, n° 53)

« Il est encore du devoir des évêques, en ce qui regarde les droits entachés de modernisme et propagateurs de modernisme, d’en empêcher la publication, et, publiés, d’en entraver la lecture. Que tous les livres, journaux, revues de cette nature, ne soient pas laissés aux mains des élèves, dans les Séminaires ou dans les Universités: ils ne sont pas, en effet, moins pernicieux que les écrits contre les bonnes mœurs, ils le sont même davantage, car ils empoisonnent la vie chrétienne dans sa source. Il n’y a pas à juger autrement certains ouvrages publiés par des catholiques, hommes dont on ne peut suspecter l’esprit, mais qui, dépourvus de connaissances théologiques et imbus de philosophie moderne, s’évertuent à concilier celle-ci avec la foi, et à l’utiliser, comme ils disent, au profit de la foi. Lus de confiance, à cause du nom et du bon renom des auteurs, ils ont pour effet, et c’est ce qui les rend plus dangereux, de faire glisser lentement vers le modernisme. » (Pascendi, n° 68)

Dans la même veine, saint Pie X prononça une allocution dans laquelle il déclara :

« Pour conserver l’union dans l’intégrité de la doctrine, mettez en garde, particulièrement les prêtres, contre la fréquentation des personnes de foi suspecte, contre la lecture des livres et des journaux, je ne dirai pas des très mauvais que repousse tout homme honnête, mais aussi de ceux qui n’ont pas la pleine approbation de l’Eglise, parce que l’air qu’on y respire est mortel et qu’il est impossible de toucher la poix sans se salir. » (Allocution à l’occasion de l’imposition de la barrette aux nouveaux cardinaux, le 27 mai 1914)

Saint Pie X va même jusqu’à viser une attitude de bienveillance pratique envers les modernistes de la part de gens qui ne le sont pas :

« Ce qui est fort étrange, c’est que des catholiques, c’est que des prêtres, dont Nous aimons à penser que de telles monstruosités leur font horreur, se comportent néanmoins, dans la pratique, comme s’ils les approuvaient pleinement: c’est que des catholiques, des prêtres, décernent de telles louanges, rendent de tels hommages aux coryphées de l’erreur, qu’ils prêtent à penser que ce qu’ils veulent honorer par là, c’est moins les hommes eux-mêmes, non indignes peut-être de toute considération, que les erreurs par eux ouvertement professées et dont ils se sont faits les champions. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 – Sur les erreurs du modernisme, n°16)

Plus bas dans l’encyclique, saint Pie X dit comment il faut traiter non seulement les modernistes, mais encore ceux qui les défendent pour de faux motifs, furent-ils de bonne foi, tellement le danger est mortel :

« On devra avoir ces prescriptions, et celles de Notre Prédécesseur et les Nôtres, sous les yeux, chaque fois que l’on traitera du choix des directeurs et professeurs pour les Séminaires et les Universités catholiques. Qui, d’une manière ou d’une autre, se montre imbu de modernisme sera exclu, sans merci, de la charge de directeur ou de professeur; l’occupant déjà, il en sera retiré; de même, qui favorise le modernisme, soit en vantant les modernistes ou en excusant leur conduite coupable, soit en critiquant la scolastique, les saints Pères, le magistère de l’Eglise, soit en refusant obéissance à l’autorité ecclésiastique, quel qu’en soit le dépositaire; de même qui, en histoire, en archéologie, en exégèse biblique, trahit l’amour de la nouveauté; de même enfin, qui néglige les sciences sacrées ou paraît leur préférer les profanes. Dans toute cette question des études, Vénérables Frères, vous n’apporterez jamais trop de vigilance ni de constance, surtout dans le choix des professeurs: car, d’ordinaire, c’est sur le modèle des maîtres que se forment les élèves. Forts de la conscience de votre devoir, agissez en tout ceci prudemment, mais fortement. » (Encyclique Pascendi Dominici Gregis du 8 septembre 1907 – Sur les erreurs du modernisme, n°66)

Encyclique Editæ Sæpe, 26 mai 1910 – Sur saint Charles Borromée

« Les actes ayant pour principe la seule honnêteté naturelle ne sont pas autre chose que des apparences de la vertu ; ils ne sont ni durables en eux-mêmes ni suffisants pour procurer le salut. » (Encyclique Editæ Sæpe, 26 mai 1910 – Sur saint Charles Borromée)

Allocution à l’occasion de l’imposition de la barrette aux nouveaux cardinaux, le 27 mai 1914

Dans cette allocution prononcée à la fin de sa vie, saint Pie répète ne peu de mots ce qu’il avait déjà dit de manière plus développée et que nous verrons juste en dessous : autant que possible, l’action sociale catholique doit être intégralement catholique, y compris au détriment d’une partie de son efficacité matérielle, et il met sévèrement en garde quant à la catholicité de ceux qui chercheraient des prétextes pour désobéir.  Il dit également que sinoon ce serait un danger pour la foi des concernés, spécialement si les erreurs au contact desquelles ils seraient exposés est peu visible :

« Pour conserver l’union dans l’intégrité de la doctrine, mettez en garde, particulièrement les prêtres, contre la fréquentation des personnes de foi suspecte, contre la lecture des livres et des journaux, je ne dirai pas des très mauvais que repousse tout homme honnête, mais aussi de ceux qui n’ont pas la pleine approbation de l’Eglise, parce que l’air qu’on y respire est mortel et qu’il est impossible de toucher la poix sans se salir.

Si jamais vous rencontriez des gens qui se vantent d’être croyants, dévoués au Pape, et veulent être catholiques mais considéreraient comme la plus grande insulte d’être appelés cléricaux, dites solennellement que les fils dévoués du Pape sont ceux qui obéissent à sa parole et le suivent en tout, non ceux qui étudient les moyens d’éluder ses ordres ou de l’obliger par des instances dignes d’une meilleure cause à des exemptions ou des dispenses d’autant plus douloureuses qu’elles causent plus de mal et de scandale. Ne cessez jamais de répéter que, si le Pape aime et approuve les associations catholiques qui ont en vue même le bien matériel, il a toujours répété que chez elles le bien moral et religieux doit toujours l’emporter et qu’à l’intention juste et louable d’améliorer le sort de l’ouvrier et du paysan doivent toujours être unis l’amour de la justice et l’emploi des moyens légitimes de maintenir entre les différentes classes sociales l’harmonie et la paix. Dites clairement que les associations mixtes et les alliances avec de non-catholiques pour le bien-être matériel sont permises sous des conditions déterminées, mais que les prédilections du Pape vont aux unions de fidèles qui, ayant banni tout respect humain et fermé les oreilles à toute flatterie ou menace en sens contraire, se serrent autour du drapeau qui, si combattu qu’il soit, est le plus beau et le plus glorieux, parce qu’il est le drapeau de l’Eglise. »

Encyclique Singulari quadam caritate, 24 septembre 1912 – Sur les Associations ouvrières catholiques et mixtes

Il mettait en garde contre les dangers des associations ouvrières multiconfessionnelles :

« Une spéciale affection et bienveillance pour les catholiques d’Allemagne, qu’un grand esprit de foi et d’obéissance unit à ce Siège apostolique et qui ont accoutumé de lutter avec force et générosité pour l’Eglise, Nous a poussé, Vénérables Frères, à consacrer tout Notre zèle et Notre sollicitude à l’examen de leur controverse sur les associations ouvrières; controverse dont Nous avaient entretenu plusieurs fois déjà, ces dernières années, la plupart d’entre vous, ainsi que des hommes prudents et graves des deux parties en cause. Et Nous y avons apporté d’autant plus d’application que, dans la pleine conscience de Notre charge apostolique, Nous comprenons que le plus sacré de Nos devoirs est de tendre et d’aboutir à ce que la doctrine catholique demeure chez Nos bien-aimés Fils dans sa pureté et son intégrité, et de ne permettre d’aucune manière que leur foi même soit mise en danger.

S’ils ne sont excités à temps à la vigilance, il n’est pas douteux qu’ils soient exposés à adhérer peu à peu, et presque sans s’en apercevoir, à une sorte de christianisme vague et non défini que l’on appelle d’ordinaire interconfessionnel et qui se répand sous la fausse étiquette d’une, foi chrétienne commune, alors que manifestement il n’est rien de plus contraire à la prédication de Jésus-Christ. En outre, le plus ardent de Nos désirs étant de favoriser et d’affermir la concorde parmi les catholiques, Nous voulons écarter toutes les causes de dissension qui, divisant les forces des bons, ne peuvent servir que les adversaires de la religion. Bien plus, Nous désirons et souhaitons que Nos Fils gardent avec leurs concitoyens étrangers à la foi catholique la paix indispensable au gouvernement de la société et à la prospérité de la cité. Quoique, Nous l’avons dit, l’état de la question Nous fût connu, il Nous plut, avant de porter un jugement, de Nous enquérir de l’opinion de chacun d’entre vous, Vénérables Frères ; et chacun de vous a répondu à Notre demande avec la promptitude et le soin que comportait la gravité de la question.

Aussi, tout d’abord, Nous proclamons hautement que le devoir de tous les catholiques — devoir qu’il faut remplir religieusement et inviolablement dans toutes les circonstances tant de la vie privée que de la vie sociale et publique — est de garder fermement et de professer sans timidité les principes de la vérité chrétienne, enseignés par le magistère de l’Eglise catholique, ceux-là particulièrement que Notre prédécesseur a formulés avec tant de sagesse dans l’Encyclique Rerum novarum; principes, du reste, que les évêques de Prusse, réunis à Fulda en 1900, appliquèrent, Nous le savons, avec le plus grand soin dans leurs décisions [cf. dans Questions Actuelles t. LVII, p.34-41, traduction française de la lettre que l’épiscopat de Prusse adressa de Fulda à son clergé le 22 août 1900] et dont vous-mêmes, en Nous faisant connaître votre sentiment sur cette controverse, avez exposé les points principaux, à savoir :

Quoi qu’il fasse, même dans l’ordre des choses temporelles, le chrétien n’a pas le droit de mettre au second rang les intérêts surnaturels ; bien plus, les règles de la doctrine chrétienne l’obligent à tout diriger vers le souverain bien comme vers la fin dernière ; toutes ses actions, en tant que moralement bonnes ou mauvaises, c’est-à-dire en accord ou en désaccord avec le droit naturel et divin, tombent sous le jugement et la juridiction de l’Eglise. Quiconque, qu’il s’agisse des individus pris isolément ou des membres d’une association comme tels, se glorifie du titre de chrétien doit, s’il n’oublie point ses devoirs, entretenir non les inimitiés et les jalousies entre les classes sociales, mais la paix et la charité mutuelle. La question sociale et les controverses qui s’y rattachent relativement à la nature et à la durée du travail, à la fixation du salaire, à la grève, ne sont pas purement économiques et susceptibles, dès lors, d’être résolues en dehors de l’autorité de l’Eglise, « attendu que, bien au contraire, et en toute vérité, la question sociale est avant tout une question morale et religieuse, et que, pour ce motif, il faut surtout la résoudre d’après les règles de la morale et le jugement de la religion » (Encycl. Graves de communi).

Quant aux associations ouvrières, bien que leur but soit de procurer des avantages temporels à leurs membres, celles-là cependant méritent une approbation sans réserve et doivent être regardées comme les plus propres de toutes à assurer les intérêts vrais et durables de leurs membres, qui ont été fondées en prenant pour principale base la religion catholique et qui suivent ouvertement les directions de l’Eglise; Nous l’avons fréquemment déclaré Nous-même lorsque l’occasion s’en est offerte dans un pays ou l’autre. II s’ensuit qu’il est nécessaire d’établir et de favoriser de toute manière ce genre d’associations confessionnelles catholiques, comme on les appelle, dans les contrées catholiques, certes, et, en outre, dans toutes les autres régions, partout où il paraîtra possible de subvenir par elles aux besoins divers des associés.

Que s’il s’agisse d’associations touchant directement ou indirectement à la religion et à la morale, ce serait faire œuvre qui ne pourrait être approuvée d’aucune façon, dans les pays susmentionnés, que de vouloir favoriser et propager des associations mixtes, c’est-à-dire composées de catholiques et de non-catholiques. En effet, pour Nous borner à ce point, c’est incontestablement à de graves périls que les associations de cette nature exposent ou peuvent certainement exposer l’intégrité de la foi de nos catholiques et la fidèle observance des lois et préceptes de l’Eglise catholique. Et ces périls, Vénérables Frères, beaucoup parmi vous Nous les ont expressément signalés dans leurs réponses sur ce sujet.

En conséquence, à toutes les associations purement catholiques d’ouvriers existant en Allemagne, c’est du fond du coeur que Nous adressons tous Nos éloges ; Nous faisons des vœux pour le succès de toutes leurs entreprises en faveur des ouvriers, et leur souhaitons des développements toujours plus heureux. Cependant, en parlant ainsi, Nous ne nions pas qu’il soit permis aux catholiques, tonte précaution prise, de travailler au bien commun avec les non-catholiques, pour ménager à l’ouvrier un meilleur sort, arriver à une plus juste organisation du salaire et du travail, ou pour toute autre cause utile et honnête. Mais, en pareil cas, Nous préférons la collaboration de Sociétés catholiques et non-catholiques unies entre elles au moyen de ce pacte heureusement imaginé qu’on appelle un Cartel.

A ce sujet, Vénérables Frères, beaucoup d’entre vous Nous demandent que, en ce qui concerne les Syndicats dits chrétiens, tels qu’ils sont établis aujourd’hui dans vos diocèses, Nous vous permettions de les tolérer, parce que le nombre des ouvriers qu’ils comprennent est bien supérieur à celui des associations catholiques et que de graves inconvénients résulteraient du refus de cette permission. Cette demande, eu égard à la situation particulière du catholicisme en Allemagne, Nous croyons devoir l’accueillir, et Nous déclarons qu’on peut tolérer et permettre que les catholiques entrent aussi dans les Syndicats mixtes existant dans vos diocèses, tant que de nouvelles circonstances n’auront pas rendu cette tolérance ou inopportune ou illégitime; à condition, toutefois, que des précautions spéciales soient prises pour éviter les dangers qui, ainsi que Nous l’avons dit, sont inhérents aux associations de cette nature.

De ces garanties, voici les principales. Avant tout, il est nécessaire de veiller à ce que les ouvriers catholiques membres de ces Syndicats soient inscrits aussi dans les associations catholiques d’ouvriers appelées Arbeitervereine. Que si, pour cela, ils doivent faire quelque sacrifice, surtout un sacrifice d’argent, Nous sommes convaincu que, dans leur zèle pour la pureté de leur foi, ils le feront sans peine. Car c’est un fait d’heureuse expérience que les associations catholiques, sous l’impulsion du clergé qui les conduit et gouverne avec vigilance, contribuent puissamment à sauvegarder la pureté de la foi et l’intégrité des mœurs de leurs membres, comme elles fortifient leur esprit religieux par de multiples exercices de piété. Aussi n’est-il point douteux que les directeurs de ces associations, conscients des besoins de notre époque, voudront enseigner aux ouvriers, en particulier sur les devoirs de justice et de charité, les préceptes et lois qu’il leur est nécessaire ou utile de bien connaître pour se comporter dans les Syndicats selon le droit et les principes de la doctrine catholique.

En outre, il est nécessaire que ces mêmes Syndicats — pour qu’ils soient tels que les catholiques puissent s’y inscrire — s’abstiennent de toute théorie et de tout acte ne concordant pas avec les enseignements et les ordres de l’Eglise ou de l’autorité religieuse compétente, et qu’il ne s’y rencontre rien de tant soit peu répréhensible de ce chef ou dans leurs écrits, ou dans leurs paroles, ou dans leurs actes. Aussi, que les évêques placent au rang de leurs devoirs les plus sacrés d’observer avec soin la manière dont se comportent ces Syndicats, et de veiller à ce que les catholiques ne souffrent aucun dommage de leurs rapports avec eux. Quant aux catholiques inscrits dans les Syndicats, qu’ils ne permettent jamais aux Syndicats, même comme tels, dans la recherche des avantages temporels de leurs membres, de professer ou de faire quoi que ce soit en opposition d’une manière ou de l’autre avec les principes enseignés par le suprême magistère de l’Eglise, ceux-là particulièrement que Nous avons rappelés plus haut. Dans ce dessein, chaque fois que seront soulevées des discussions sur les questions qui ont trait à la morale, c’est-à-dire à la justice ou à la charité, les évêques veilleront avec la plus grande attention à ce que les fidèles ne négligent point la morale catholique ni ne s’en écartent si peu que ce soit.

Certes, Nous n’en doutons pas, Vénérables Frères, ces prescriptions, vous veillerez à leur observation religieuse et inviolable, et vous serez zélés et assidus à Nous informer sur une question d’une telle gravité. Mais puisque Nous avons évoqué cette cause et que, les évêques consultés, c’est à Nous de prononcer le jugement, Nous enjoignons à tous les hommes de bien qui comptent dans les rangs catholiques- de s’abstenir désormais de toute controverse sur ce point ; et il Nous plait d’augurer que, zélés pour la charité fraternelle et pleinement soumis à Notre autorité ainsi qu’à celle de leurs pasteurs, ils se conformeront entièrement et sincèrement à Nos prescriptions. Que si une difficulté s’élève entre eux, ils ont à leur disposition le moyeu de la trancher : ils iront consulter leurs évêques, et ceux-ci déféreront le litige au Siège apostolique, qui rendra le jugement. Au surplus — on le déduit aisément de ce que Nous avons dit, — de môme que, d’une part, il ne serait permis à personne d’accuser de foi suspecte et de combattre à ce titre ceux qui, fermes dans la défense des doctrines et des droits de l’Eglise, veulent cependant, avec des intentions droites, appartenir aux Syndicats mixtes et en font partie, là où les circonstances locales ont conduit l’autorité religieuse à permettre l’existence de ces Syndicats sous certaines conditions; de même, d’un autre côté, il faudrait réprouver hautement ceux qui poursuivraient de sentiments hostiles les associations purement catholiques — alors qu’au contraire on doit de toute manière aider les associations de ce genre et les propager, — ainsi que ceux qui voudraient établir et presque imposer le Syndicat interconfessionnel, et cela même sous le spécieux prétexte de réduire • à un seul et même type toutes les Sociétés catholiques de chaque diocèse. » (Encyclique Singulari quadam caritate, 24 septembre 1912 – Sur les Associations ouvrières catholiques et mixtes)

Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, 25 août 1910

Et il était extrêmement sévère contre le Sillon de Marc SANGNIER :

« Réfutation du système sillonniste

[…] Il en est de même de la notion de fraternité, dont ils mettent la base dans l’amour des intérêts communs, ou, par delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans la simple notion d’humanité, englobant ainsi dans le même amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que physiques et temporelles. Or, la doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité n’est pas dans la tolérance des convictions erronées, quelques sincères qu’elles soient, ni dans l’indifférence théorique ou pratique pour l’erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères, mais dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale non moins que pour leur bien-être matériel. Cette même doctrine catholique nous enseigne aussi que la source de l’amour du prochain se trouve dans l’amour de Dieu, père commun et fin commune de toute la famille humaine, et dans l’amour de Jésus-Christ, dont nous sommes les membres au point que soulager un malheureux, c’est faire du bien à Jésus-Christ lui-même. Tout autre amour est illusion ou sentiment stérile et passager. Certes, l’expérience humaine est là, dans les sociétés païennes ou laïques de tous les temps, pour prouver qu’à certaines heures la considération des intérêts communs ou de la similitude de nature pèse fort peu devant les passions et les convoitises du coeur. Non, Vénérables Frères, il n’y a pas de vraie fraternité en dehors de la charité chrétienne, qui, par amour pour Dieu et son Fils Jésus-Christ notre Sauveur, embrasse tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener tous à la même foi et au même bonheur du ciel. En séparant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue, la démocratie, loin d’être un progrès, constituerait un recul désastreux pour la civilisation. Car si l’on veut arriver, et Nous le désirons de toute Notre âme, à la plus grande somme de bien être possible pour la société et pour chacun de ses membres par la fraternité, ou, comme on dit encore, par la solidarité universelle, il faut l’union des esprits dans la vérité, l’union des volontés dans la morale, l’union des coeurs dans l’amour de Dieu et de son Fils, Jésus-Christ. Or, cette union n’est réalisable que par la charité catholique, laquelle seule, par conséquent, peut conduire les peuples dans la marche du progrès, vers l’idéal de la civilisation.

Enfin, à la base de toutes les falsifications des notions sociales fondamentales, le Sillon place une fausse idée de la dignité humaine. D’après lui, l’homme ne sera vraiment homme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pouvant se passer de maître, ne s’obéissant qu’à elle-même et capable d’assumer et de porter sans forfaire les plus graves responsabilités. Voilà de ces grands mots avec lesquels on exalte le sentiment de l’orgueil humain ; tel un rêve qui entraîne l’homme, sans lumière, sans guide et sans secours, dans la voie de l’illusion, où, en attendant le grand jour de la pleine conscience, il sera dévoré par l’erreur et les passions. Et ce grand jour, quand viendra-t-il ? À moins de changer la nature humaine (ce qui n’est pas au pouvoir du Sillon), viendra-t-il jamais ? Est-ce que les saints, qui ont porté la dignité humaine à son apogée, avaient cette dignité-là ? Et les humbles de la terre, qui ne peuvent monter si haut et qui se contentent de tracer modestement leur sillon, au rang que la Providence leur a assigné, en remplissant énergiquement leurs devoirs dans l’humilité, l’obéissance et la patience chrétiennes, ne seraient-ils pas dignes du nom d’hommes, eux que le Seigneur tirera un jour de leur condition obscure pour les placer au ciel parmi les princes de son peuple ?

Nous arrêterons là nos réflexions sur les erreurs du Sillon, Nous ne prétendons pas épuiser le sujet, car il y aurait encore à attirer votre attention sur d’autres points également faux et dangereux, par exemple, sur la manière de comprendre le pouvoir coercitif de l’Église. Il importe maintenant de voir l’influence de ces erreurs sur la conduite pratique du Sillon et sur son action sociale. […]

Le plus grand Sillon

Il fut un temps où le Sillon, comme tel était formellement catholique. En fait de force morale, il n’en connaissait qu’une, la force catholique, et il allait proclamant que la démocratie serait catholique ou qu’elle ne serait pas. Un moment vint où il se ravisa. Il laissa à chacun sa religion ou sa philosophie. Il cessa lui-même de se qualifier de « catholique » et, à la formule « La démocratie sera catholique« , il substitua cette autre « La démocratie ne sera pas anticatholique« , pas plus d’ailleurs qu’anti-juive ou antibouddhiste. Ce fut l’époque du plus grand Sillon. On appela à la construction de la cité future tous les ouvriers de toutes les religions et de toutes les sectes. On ne leur demanda que d’embrasser le même idéal social, de respecter toutes les croyances et d’apporter un certain appoint de forces morales. Certes, proclamait-on, « les chefs du Sillon mettent leur foi religieuse au-dessus de tout. Mais peuvent-ils ôter aux autres le droit de puiser leur énergie morale là où ils peuvent ? En revanche, ils veulent que les autres respectent leur droit, à eux de la puiser dans la foi catholique. Ils demandent donc à tous ceux qui veulent transformer la société présente dans le sens de la démocratie de ne pas se repousser mutuellement à cause des convictions philosophiques ou religieuses qui peuvent les séparer, mais de marcher la main dans la main, non pas en renonçant à leurs convictions, mais en essayant de faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l’excellence de leurs convictions personnelles. Peut-être sur ce terrain de l’émulation entre âmes attachées à différentes convictions religieuses ou philosophiques l’union pourra se réaliser. » [Marc Sangnier, Discours de Rouen, 1907] Et l’on déclara en même temps (comment cela pouvait-il s’accomplir ?) que le petit Sillon catholique serait l’âme du grand Sillon cosmopolite.

Récemment, le nom du plus grand Sillon a disparu, et une nouvelle organisation est intervenue, sans modifier, bien au contraire, l’esprit et le fond des choses : « pour mettre de l’ordre dans le travail et organiser les diverses formes d’activité. Le Sillon reste toujours une âme, un esprit, qui se mêlera aux groupes et inspirera leur activité« . Et tous les groupements nouveaux, devenus en apparence autonomes : catholiques, protestants, libres-penseurs, sont priés de se mettre à l’oeuvre. « Les camarades catholiques travailleront entre eux dans une organisation spéciale à s’instruire et à s’éduquer. Les démocrates protestants et libres-penseurs en feront autant de leur côté. Tous, catholiques, protestants et libres-penseurs, auront à coeur d’armer la jeunesse non pas pour une lutte fratricide, mais pour une généreuse émulation sur le terrain des vertus sociales et civiques. » [Marc Sangnier, Paris, mai 1910] Ces déclarations et cette nouvelle organisation de l’action sillonniste appellent de bien graves réflexions.

Voici, fondée par des catholiques, une association interconfessionnelle, pour travailler à la réforme de la civilisation, oeuvre religieuse au premier chef, car pas de vraie civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civilisation morale sans la vraie religion : c’est une vérité démontrée, c’est un fait d’histoire. Et les nouveaux sillonnistes ne pourront pas prétexter qu’ils ne travailleront que « sur le terrain des réalités pratiques » où la diversité des croyances n’importe pas. Leur chef sent si bien cette influence des convictions de l’esprit sur le résultat de l’action qu’il les invite, à quelque religion qu’ils appartiennent, à « faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l’excellence de leurs convictions personnelles« . Et avec raison car les réalisations pratiques revêtent le caractère des convictions religieuses, comme les membres d’un corps jusqu’à leurs dernières extrémités reçoivent leur forme du principe vital qui l’anime.

Ceci dit, que faut-il penser de la promiscuité où se trouveront engagés les jeunes catholiques avec des hétérodoxes et des incroyants de toute sorte dans une oeuvre de cette nature ? N’est-elle pas mille fois plus dangereuse pour eux qu’une association neutre ? Que faut-il penser de cet appel à tous les hétérodoxes et à tous les incroyants à prouver de leurs convictions sur le terrain social, dans une espèce de concours apologétique, comme si ce concours ne durait pas depuis dix-neuf siècles, dans des conditions moins dangereuses pour la foi des fidèles et tout en l’honneur de l’Église catholique ? Que faut-il penser de ce respect de toutes les erreurs et de l’invitation étrange, faite par un catholique à tous les dissidents, de fortifier leurs convictions par l’étude et d’en faire des sources toujours plus abondantes de forces nouvelles ? Que faut-il penser d’une association où toutes les religions et même la libre-pensée peuvent se manifester hautement à leur aise ? Car les sillonnistes qui, dans les conférences publiques et ailleurs, proclament fièrement leur foi individuelle, n’entendent certainement pas fermer la bouche aux autres et empêcher le protestant d’affirmer son protestantisme et le sceptique son scepticisme. Que penser, enfin, d’un catholique qui, en entrant dans son cercle d’études, laisse son catholicisme à la porte, pour ne pas effrayer les camarades qui, « rêvant d’une action sociale désintéressée, répugnent de la faire servir au triomphe d’intérêts, de coteries ou même de convictions quelles qu’elles soient » ? Telle est la profession de foi du nouveau Comité démocratique d’action sociale, qui a hérité de la plus grande tâche de l’ancienne organisation, et qui, dit-il, « en brisant l’équivoque entretenue autour du plus grand Sillon, tant dans les milieux réactionnaires que dans les milieux anticléricaux« , est ouvert à tous les hommes « respectueux des forces morales et religieuses et convaincus qu’aucune émancipation sociale véritable n’est possible sans le ferment d’un généreux idéalisme« .

Condamnation du Sillon

Oui, hélas ! l’équivoque est brisée ; l’action sociale du Sillon n’est plus catholique ; le sillonniste, comme tel, ne travaille pas pour une coterie, et « l’Église, il le dit, ne saurait à aucun titre être bénéficiaire des sympathies que son action pourra susciter« . Étrange insinuation, vraiment ! On craint que l’Église ne profite de l’action sociale du Sillon dans un but égoïste et intéressé, comme si tout ce qui profite à l’Église ne profitait pas à l’humanité ! Étrange renversement des idées : c’est l’Église qui serait la bénéficiaire de l’action sociale, comme si les plus grands économistes n’avaient pas reconnu et démontré que c’est l’action sociale, qui, pour être sérieuse et féconde, doit bénéficier de l’Église.

Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique « le règne de la justice et de l’amour« , avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises « où ils peuvent« . Quand on songe à tout ce qu’il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l’Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s’acharner à faire mieux avec la mise en commun d’un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l’oeil fixé sur une chimère. […]

Le Sillon et l’Evangile

Nous voulons attirer votre attention, Vénérables Frères, sur cette déformation de l’Évangile et du caractère sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et Homme, pratiquée dans le  » Sillon  » et ailleurs. Dès que l’on aborde la question sociale, il est de mode, dans certains milieux, d’écarter d’abord la divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations à l’amour du prochain et à la fraternité. Certes, Jésus nous a aimés d’un amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l’amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais, à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel, il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l’on fasse partie de son troupeau, que l’on accepte sa doctrine, que l’on pratique la vertu et qu’on se laisse enseigner et guider par Pierre et ses successeurs. Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n’a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu’elles parussent ; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. S’il a appelé à lui pour les soulager, ceux qui peinent et qui souffrent, ce n’a pas été pour leur prêcher la jalousie d’une égalité chimérique. S’il a relevé les humbles, ce n’a pas été pour leur inspirer le sentiment d’une dignité indépendante et rebelle à l’obéissance. Si son coeur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, il a su également s’armer d’une sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi fort que doux ; il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu’il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps. Enfin, il n’a pas annoncé pour la société future le règne d’une félicité idéale, d’où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la croix. Ce sont là des enseignements qu’on aurait tort d’appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu’un humanitarisme sans consistance et sans autorité. » (Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, 25 août 1910)

Il est à noter que la même encyclique frappe des reproches suivants ceux qui adhèrent aux idées qui y sont condamnées, ou qui refusent les enseignements qui y sont professés :

« Les conseils ne leur ont pas manqué, les admonestations vinrent après les conseils : mais nous avons eu la douleur de voir et les avis et les reproches glisser sur leurs âmes fuyantes et demeurer sans résultat. Les choses en sont venues à ce point que Nous trahirions notre devoir si nous gardions plus longtemps le silence. Nous devons la vérité à nos chers enfants du Sillon, qu’une ardeur généreuse a emportés dans une voie aussi fausse que dangereuse. Nous la devons à un grand nombre de séminaristes et de prêtres que le Sillon a soustraits sinon à l’autorité, au moins à la direction et à l’influence de leurs évêques. Nous la devons, enfin à l’Église, où le Sillon sème la division et dont il compromet les intérêts. […]

Ce rapide exposé, vénérables Frères, vous montre déjà clairement combien Nous avions raison de dire que le Sillon oppose doctrine à doctrine, qu’il bâtit sa cité sur une théorie contraire à la vérité catholique et qu’il fausse les notions essentielles et fondamentales qui règlent les rapports sociaux dans toute société humaine. Cette opposition ressortira davantage encore des considérations suivantes. […]

Le Sillon qui enseigne de pareilles doctrines et les met en pratique dans sa vie intérieure, sème donc parmi votre jeunesse catholique des notions erronées et funestes sur l’autorité, la liberté et l’obéissance. Il n’en est pas autrement de la justice et de l’égalité. Il travaille, dit-il, à réaliser une ère d’égalité, qui serait par là-même une ère de meilleure justice. Ainsi, pour lui, toute inégalité de condition est une injustice ou, au moins, une moindre justice ! Principe souverainement contraire à la nature des choses, générateur de jalousie et d’injustice et subversif de tout ordre social. Ainsi la démocratie seule inaugurera le règne de la parfaite justice ! […]

Enfin, à la base de toutes les falsifications des notions sociales fondamentales, le Sillon place une fausse idée de la dignité humaine. D’après lui, l’homme ne sera vraiment homme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pouvant se passer de maître, ne s’obéissant qu’à elle-même et capable d’assumer et de porter sans forfaire les plus graves responsabilités. Voilà de ces grands mots avec lesquels on exalte le sentiment de l’orgueil humain ; tel un rêve qui entraîne l’homme, sans lumière, sans guide et sans secours, dans la voie de l’illusion, où, en attendant le grand jour de la pleine conscience, il sera dévoré par l’erreur et les passions. Et ce grand jour, quand viendra-t-il ? À moins de changer la nature humaine (ce qui n’est pas au pouvoir du Sillon), viendra-t-il jamais ? Est-ce que les saints, qui ont porté la dignité humaine à son apogée, avaient cette dignité-là ? Et les humbles de la terre, qui ne peuvent monter si haut et qui se contentent de tracer modestement leur sillon, au rang que la Providence leur a assigné, en remplissant énergiquement leurs devoirs dans l’humilité, l’obéissance et la patience chrétiennes, ne seraient-ils pas dignes du nom d’hommes, eux que le Seigneur tirera un jour de leur condition obscure pour les placer au ciel parmi les princes de son peuple ? […]

Le souffle de la Révolution a passé par là, et nous pouvons conclure que si les doctrines sociales du Sillon sont erronées, son esprit est dangereux et son éducation funeste.

Mais alors, que devons-nous penser de son action dans l’Église, lui dont le catholicisme est si pointilleux que d’un peu plus, à moins d’embrasser sa cause, on serait à ses yeux un ennemi intérieur du catholicisme et l’on ne comprendrait rien à l’Évangile et à Jésus-Christ ? Nous croyons bon d’insister sur cette question parce que c’est précisément son ardeur catholique qui a valu au Sillon, jusque dans ces derniers temps, de précieux encouragements et d’illustres suffrages. Eh bien ! devant les paroles et les faits, Nous sommes obligé de dire que, dans son action comme dans sa doctrine, le Sillon ne donne pas satisfaction à l’Église. […]

Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique  » le règne de la justice et de l’amour « , avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises  » où ils peuvent « . Quand on songe à tout ce qu’il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l’Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s’acharner à faire mieux avec la mise en commun d’un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère.

Nous craignons qu’il n’y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu’une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion (car le sillonnisme, les chefs l’ont dit, est une religion) plus universelle que l’Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans  » le règne de Dieu « .-  » On ne travaille pas pour l’Église, on travaille pour l’humanité « .

Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu’est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas, lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l’Église et ne forme plus dorénavant qu’un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé, dans tous les pays, pour l’établissement d’une Église universelle qui n’aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l’oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.

Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l’on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants. Les chefs du Sillon n’ont pu s’en défendre : l’exaltation de leurs sentiments, l’aveugle bonté de leur cœur, leur mysticisme philosophique, mêlé d’une part d’illuminisme, les ont entraînés vers un nouvel Évangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Évangile du Sauveur, au point qu’ils osent traiter Notre-Seigneur Jésus-Christ avec une familiarité souverainement irrespectueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l’Évangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n’ont pas l’excuse d’avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse. » (Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, 25 août 1910)

Pie XI

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Encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925 – De l’institution d’une fête du Christ-Roi

Le Pape Pie XI enseigne qu’il est impossible d’établir la paix sans reconnaître le règne de Jésus-Christ, et donc la vérité de sa seule vraie Eglise, l’Eglise catholique :

« Dans la première Encyclique qu’au début de Notre Pontificat Nous adressions aux évêques du monde entier [ndlr : l’encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS, XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629, qui mérite d’être lue dans son intégralité et qui est disponible en cliquant ici], Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.

Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses: l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C’est pourquoi, après avoir affirmé qu’il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ, Nous avons déclaré Notre intention d’y travailler dans toute la mesure de Nos forces ; par le règne du Christ, disions-Nous, car, pour ramener et consolider la paix, Nous ne voyions pas de moyen plus efficace que de restaurer la souveraineté de Notre Seigneur. » (Encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925 – De l’institution d’une fête du Christ-Roi, n°1)

Encyclique Mortalium animos, 6 janvier 1928 – Sur l’unité de la véritable Eglise

Pie XI condamne enfin mot pour mot les positions iréniques de ceux que nous avons pointé plus haut :

« Jamais peut-être dans le passé, les esprits des hommes n’ont été saisis aussi fort que nous le voyons de nos jours, du désir de renforcer et d’étendre pour le bien commun de la société humaine, les relations fraternelles qui nous lient à cause de notre communauté d’origine et de nature.

Les peuples, en effet, ne jouissent pas encore pleinement des bienfaits de la paix; et même, çà et là, de vieilles et de nouvelles discordes provoquent l’éruption de séditions et de guerres civiles. Par ailleurs, la plupart, assurément, des controverses qui touchent à la tranquillité et à la prospérité des peuples ne peuvent d’aucune manière recevoir de solution sans l’action concertée et les efforts des chefs des Etats et de ceux qui en gèrent et poursuivent les intérêts. On comprend donc aisément, et cela d’autant mieux que plus personne ne refuse d’admettre l’unité du genre humain, pourquoi la plupart des hommes désirent voir, au nom de cette fraternité universelle, les divers peuples s’unir entre eux par des liens chaque jour plus étroits.

C’est un résultat semblable que d’aucuns s’efforcent d’obtenir dans les choses qui regardent l’ordre de la Loi nouvelle, apportée par le Christ Notre Seigneur. Convaincus qu’il est très rare de rencontrer des hommes dépourvus de tout sens religieux, on les voit nourrir l’espoir qu’il serait possible d’amener sans difficulté les peuples, malgré leurs divergences, religieuses, à une entente fraternelle sur la profession de certaines doctrines considérées comme un fondement commun de vie spirituelle. C’est pourquoi, ils se mettent à tenir des congrès, des réunions, des conférences, fréquentés par un nombre appréciable d’auditeurs, et, à leurs discussions, ils invitent tous les hommes indistinctement, les infidèles de tout genre comme les fidèles du Christ, et même ceux qui, par malheur, se sont séparés du Christ ou qui, avec âpreté et obstination, nient la divinité de sa nature et de sa mission.

De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. La conclusion est claire : se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée.

Il est vrai, quand il s’agit de favoriser l’unité entre tous les chrétiens, certains esprits sont trop facilement séduits par une apparence de bien. N’est-il pas juste, répète-t-on, n’est-ce pas même un devoir pour tous ceux qui invoquent le nom du Christ, de s’abstenir d’accusations réciproques et de s’unir enfin un jour par les liens de la charité des uns envers les autres ? Qui donc oserait affirmer qu’il aime le Christ s’il ne cherche de toutes ses forces à réaliser le voeu du Christ lui-même demandant à son Père que ses disciples soient « un » (Joan. XVII, 21) ? Et de plus le Christ n’a-t-il pas voulu que ses disciples fussent marqués et distingués des autres hommes par ce signe qu’ils s’aimeraient entre eux : « C’est à ce signe que tous connaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Joan. XIII, 35) ?

Plaise à Dieu, ajoute-t-on, que tous les chrétiens soient « un » ! Car par l’unité, ils seraient beaucoup plus forts pour repousser la peste de l’impiété qui, s’infiltrant et se répandant chaque jour davantage, s’apprête à ruiner l’Évangile. […]

Mais en fait, sous les séductions et le charme de ces discours, se cache une erreur assurément fort grave, qui disloque de fond en comble les fondements de la foi catholique.

Avertis par la conscience de notre charge apostolique de ne pas laisser circonvenir par des erreurs pernicieuses le troupeau du Seigneur, nous faisons appel, vénérables frères, à votre zèle pour prendre garde à un tel malheur. Nous avons, en effet, la confiance que, par l’écrit et par la parole, chacun de vous pourra plus facilement atteindre son peuple et lui faire comprendre les principes et les raisons que nous allons exposer et que les catholiques pourront y trouver une règle de pensée et de conduite pour les entreprises visant à réunir, de quelque manière que ce soit, en un seul corps, tous ceux qui se réclament du nom chrétien.

Dieu, Auteur de toutes choses, nous a créés pour le connaître et le servir; étant notre Créateur, il a donc un droit absolu à notre sujétion. Certes, Dieu aurait pu n’imposer à l’homme, comme règle, que la loi naturelle qu’il a, en le créant, gravée dans son coeur, et dans la suite en diriger les développements par sa providence ordinaire; mais en fait il préféra promulguer des préceptes à observer, et, au cours des âges, c’est-à-dire depuis les débuts de l’humanité jusqu’à la venue du Christ Jésus et sa prédication, il enseigna lui-même aux hommes les obligations dues à lui, Créateur, par tout être doué de raison :  » Dieu, qui, à diverses reprises et en plusieurs manières, parla jadis à nos pères par les prophètes, nous a, une dernière fois, parlé en ces jours-ci par son Fils  » (Hebr. I, 1-2).

Il en résulte qu’il ne peut y avoir de vraie religion en dehors de celle qui s’appuie sur la parole de Dieu révélée: cette révélation, commencée à l’origine et continuée sous la Loi Ancienne, le Christ Jésus lui-même l’a parachevée sous la Loi Nouvelle. Mais, si Dieu a parlé – et l’histoire porte témoignage qu’il a de fait parlé, il n’est personne qui ne voie que le devoir de l’homme, c’est de croire sans réserve à Dieu qui parle et d’obéir totalement à Dieu qui commande.

Pour que nous remplissions convenablement ce double devoir en vue de la gloire de Dieu et de notre salut, le Fils unique de Dieu a établi sur terre son Eglise. Or, ceux qui se déclarent chrétiens ne peuvent pas, pensons-nous, refuser de croire que le Christ a fondé une Eglise, et une Eglise unique; mais si, en outre, on leur demande de quelle nature doit être, suivant la volonté de son Fondateur, cette Eglise, alors tous ne s’entendent plus. Par exemple, un bon nombre d’entre eux nient que l’Eglise doive être visible et décelable extérieurement, en ce sens, du moins, qu’elle doive se présenter comme un seul corps de fidèles unanimes à professer une seule et même doctrine sous un seul magistère et un seul gouvernement; pour eux, au contraire, l’Eglise visible n’est rien d’autre qu’une fédération réalisée entre les diverses communautés de chrétiens malgré leurs adhésions à des doctrines différentes et même contradictoires.

Or, en vérité, son Eglise, le Christ Notre Seigneur l’a établie en société parfaite, extérieure par nature et perceptible aux sens, avec la mission de continuer dans l’avenir l’oeuvre de salut du genre humain, sous la conduite d’un seul chef (Matth. XVI, 18; Luc. XXII, 32; Joan. XXI, 15-17), par l’enseignement de vive voix (Marc. XVI, 15) et par l’administration des sacrements, sources de la grâce céleste (Joan. III, 5; VI, 48-59; XX, 22; cf. Matth. XVIII, 18; etc.); c’est pourquoi, dans les paraboles, il l’a déclarée semblable à un royaume (Matth. XIII), à une maison (cf. Matth. XVI, 18), à un bercail (Joan. X, 16) et à un troupeau (Joan. XXI, 15-17). Sans aucun doute, cette Eglise, si admirablement établie, ne pouvait finir ni s’éteindre à la mort de son Fondateur et des Apôtres qui furent les premiers chargés de la propager, car elle avait reçu l’ordre de conduire, sans distinction de temps et de lieux, tous les hommes au salut éternel:  » Allez donc et enseignez toutes les nations  » (Matth. XXVIII, 19). Dans l’accomplissement ininterrompu de cette mission, l’Eglise pourra-t-elle manquer de force et d’efficacité, quand le Christ lui-même lui prête son assistance continuelle:  » Voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles  » (Matth. XXVIII, 20) ?

Il est, par conséquent, impossible, non seulement que l’Eglise ne subsiste aujourd’hui et toujours, mais aussi qu’elle ne subsiste pas absolument la même qu’aux temps apostoliques; – à moins que nous ne voulions dire – à Dieu ne plaise ! – ou bien que le Christ Notre Seigneur a failli à son dessein ou bien qu’il s’est trompé quand il affirma que les portes de l’enfer ne prévaudraient jamais contre elle (Matth. XVI, 18).

C’est ici l’occasion d’exposer et de réfuter la fausse théorie dont visiblement dépend toute cette question et d’où partent les multiples activités concertées des non-catholiques en vue de confédérer, comme nous l’avons dit, les églises chrétiennes.

Les auteurs de ce projet ont pris l’habitude d’alléguer, presque à l’infini, les paroles du Christ :  » Qu’ils soient un… Il n’y aura qu’un bercail et qu’un pasteur  » (Joan. XVII, 21; X, 15), mais en voulant que, par ces mots, soient signifiés un voeu et une prière du Christ Jésus qui, jusqu’à ce jour, auraient été privés de résultat. Ils soutiennent, en effet, que l’unité de foi et de gouvernement, caractéristique de la véritable et unique Eglise du Christ, n’a presque jamais existé jusqu’à présent et n’existe pas aujourd’hui; que cette unité peut, certes, être souhaitée et qu’elle sera peut-être un jour établie par une entente commune des volontés, mais qu’il faut entre-temps la tenir pour une sorte de rêve. Ils ajoutent que l’Eglise, en elle-même, de sa nature, est divisée en parties, c’est-à-dire constituée de très nombreuses églises ou communautés particulières, encore séparées, qui, malgré quelques principes communs de doctrine, diffèrent pour tout le reste; que chaque église jouit de droits parfaitement identiques; que l’Eglise ne fut une et unique que tout au plus depuis l’âge apostolique jusqu’aux premiers conciles oecuméniques.

Il faut donc, disent-ils, négliger et écarter les controverses même les plus anciennes et les divergences de doctrine qui déchirent encore aujourd’hui le nom chrétien, et, au moyen des autres vérités doctrinales, constituer et proposer une certaine règle de foi commune: dans la profession de cette foi, tous sentiront qu’ils sont frères plus qu’ils ne le sauront; seulement, une fois réunies en une fédération universelle, les multiples églises ou communautés pourront s’opposer avec force et succès aux progrès de l’impiété.

C’est là, vénérables frères, leur opinion commune. Il en est, toutefois, qui affirment et concèdent que le protestantisme a rejeté trop inconsidérément certains dogmes de foi et plusieurs pratiques du culte extérieur, agréables et utiles sans aucun doute, que l’Eglise Romaine, au contraire, conserve encore. Ils se hâtent, d’ailleurs, d’ajouter que cette Eglise Romaine, elle aussi, s’est égarée, qu’elle a corrompu la religion primitive en lui ajoutant certaines doctrines moins étrangères que contraires à l’Evangile et en obligeant à y croire; parmi ces doctrines, ils citent en premier lieu celle de la primauté de juridiction attribuée à Pierre et à ses successeurs sur le siège romain. Dans ce nombre, il en est, assez peu, il est vrai, qui concèdent au Pontife romain soit une primauté honorifique, soit une certaine juridiction ou pouvoir, qui, estiment-ils toutefois, découle non du droit divin mais, d’une certaine façon, du consentement des fidèles; d’autres vont jusqu’à désirer que leurs fameux congrès, qu’on pourrait qualifier de bariolés, soient présidés par le Pontife lui-même. Pourtant, si on peut trouver des non-catholiques, d’ailleurs nombreux, qui prêchent à pleine voix une communion fraternelle dans le Christ Jésus, on n’en trouverait pas à qui vienne la pensée de se soumettre et d’obéir au Vicaire de Jésus-Christ quand il enseigne et quand il commande. Entre-temps, ils affirment qu’ils traiteront volontiers avec l’Eglise Romaine, mais à droits égaux, c’est-à-dire en égaux avec un égal; mais s’ils pouvaient traiter, il ne semble pas douteux qu’ils le feraient avec la pensée de ne pas être tenus, par le pacte éventuellement conclu, à renoncer aux opinions en raison desquelles, encore maintenant, ils restent dans leurs errements et dans leurs erreurs hors de l’unique bercail du Christ.

Dans ces conditions, il va de soi que le Siège Apostolique ne peut, d’aucune manière, participer à leurs congrès et que, d’aucune manière, les catholiques ne peuvent apporter leurs suffrages à de telles entreprises ou y collaborer; s’ils le faisaient, ils accorderaient une autorité à une fausse religion chrétienne, entièrement étrangère à l’unique Eglise du Christ.

Pouvons-nous souffrir – ce serait le comble de l’iniquité – que soit mise en accommodements la vérité, et la vérité divinement révélée? Car, en la circonstance, il s’agit de respecter la vérité révélée. Puisque c’est pour instruire de la foi évangélique tous les peuples que le Christ Jésus envoya ses Apôtres dans le monde entier et que, pour les garder de toute erreur, il voulut qu’ils fussent auparavant instruits de toute vérité par l’Esprit-Saint (Joan. XVI, 13), est-il vrai que, dans l’Eglise que Dieu lui-même assiste comme chef et gardien, cette doctrine des Apôtres a complètement disparu ou a été jamais falsifiée? Si notre Rédempteur a déclaré explicitement que son Evangile est destiné non seulement aux temps apostoliques, mais aussi aux âges futurs, l’objet de la foi a-t-il pu, avec le temps, devenir si obscur et si incertain qu’il faille aujourd’hui tolérer même les opinions contradictoires?

Si cela était vrai, il faudrait également dire que tant la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres que la présence perpétuelle de ce même Esprit dans l’Eglise et la prédication elle-même de Jésus-Christ ont perdu, depuis plusieurs siècles, toute leur efficacité et tout leur utilité: affirmation évidemment blasphématoire.

De plus, quand le Fils unique de Dieu a commandé à ses envoyés d’enseigner toutes les nations, il a en même temps imposé à tous les hommes le devoir d’ajouter foi à ce qui leur serait annoncé par les  » témoins préordonnés par Dieu  » (Act. X, 41), et il a sanctionné cet ordre par ces mots :  » Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; mais celui qui ne croira pas sera condamné  » (Marc. XVI, 16). Or, l’un et l’autre de ces deux commandements, qui ne peuvent pas ne pas être observés, celui d’enseigner et celui de croire pour obtenir la vie éternelle, ces deux commandements ne peuvent même pas se comprendre si l’Eglise n’expose pas intégralement et visiblement la doctrine évangélique et si, dans cet exposé, elle n’est à l’abri de tout danger d’erreur. Aussi, ils s’égarent également, ceux qui pensent que le dépôt de la vérité existe quelque part sur terre, mais que sa recherche exige de si durs labeurs, des études et des discussions si prolongées que, pour le découvrir et entrer en sa possession, à peine la vie de l’homme y suffirait; comme si le Dieu très bon avait parlé par les prophètes et par son Fils unique à cette fin que seulement un petit nombre d’hommes enfin mûris par l’âge pût apprendre les vérités révélées par eux, et nullement pour donner une doctrine de foi et de morale qui dirigerait l’homme pendant tout le cours de sa vie mortelle.

Il est vrai, ces panchrétiens qui cherchent à fédérer les églises, semblent poursuivre le très noble dessein de promouvoir la charité entre tous les chrétiens; mais comment la charité pourrait-elle tourner au détriment de la foi? Personne sans doute n’ignore que saint Jean lui-même, l’Apôtre de la charité, que l’on a vu dans son Evangile, dévoiler les secrets du Coeur Sacré de Jésus et qui ne cessait d’inculquer dans l’esprit de ses fidèles le précepte nouveau:  » Aimez-vous les uns les autres « , interdisait de façon absolue tout rapport avec ceux qui ne professaient pas la doctrine du Christ, entière et pure :  » Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez même pas  » (Joan. II, 10). C’est pourquoi, puisque la charité a pour fondement une foi intègre et sincère, c’est l’unité de foi qui doit être le lien principal unissant les disciples du Christ.

Comment, dès lors, concevoir la légitimité d’une sorte de pacte chrétien, dont les adhérents, même dans les questions de foi, garderaient chacun leur manière particulière de penser et de juger, alors même qu’elle serait en contradiction avec celles des autres? Et par quelle formule, Nous le demandons, pourraient-ils constituer une seule et même société de fidèles, des hommes qui divergent en opinions contradictoires? Par exemple, au sujet de la sainte Tradition, ceux qui affirment qu’elle est une source authentique de la Révélation et ceux qui le nient? De même, pour la hiérarchie ecclésiastique, composée d’évêques, de prêtres et de ministres, ceux qui pensent qu’elle est d’institution divine et ceux qui déclarent qu’elle a été introduite peu à peu selon les temps et les circonstances? Egalement au sujet de la très sainte Eucharistie, ceux qui adorent le Christ véritablement présent en elle grâce à cette merveilleuse transformation du pain et du vin appelée transsubstantiation, et ceux qui affirment que le corps du Christ ne s’y trouve présent que par la foi ou par un signe et la vertu du Sacrement; ceux qui reconnaissent à la même Eucharistie à la fois la nature de sacrifice et celle de sacrement, et ceux qui n’y voient rien d’autre que le souvenir et la commémoraison de la Cène du Seigneur? Et aussi, quant aux Saints régnant avec le Christ et spécialement Marie Mère de Dieu, ceux qui croient qu’il est bon et utile de les invoquer par des supplications et de vénérer leurs images, et ceux qui prétendent que ce culte ne peut être rendu, parce qu’opposé à l’honneur de Jésus-Christ  » seul médiateur entre Dieu et les hommes  » (I Tim. II, 5)?

En vérité, nous ne savons pas comment, à travers une si grande divergence d’opinions, la voie vers l’unité de l’Eglise pourrait être ouverte, quand cette unité ne peut naître que d’un magistère unique, d’une règle unique de foi et d’une même croyance des chrétiens. En revanche, nous savons très bien que, par là, une étape est facilement franchie vers la négligence de la religion ou indifférentisme et vers ce qu’on nomme le modernisme, dont les malheureuses victimes soutiennent que la vérité des dogmes n’est pas absolue, mais relative, c’est-à-dire qu’elle s’adapte aux besoins changeants des époques et des lieux et aux diverses tendances des esprits, puisqu’elle n’est pas contenue dans une révélation immuable, mais qu’elle est de nature à s’accommoder à la vie des hommes.

De plus, quant aux vérités à croire, il est absolument illicite d’user de la distinction qu’il leur plaît d’introduire dans les dogmes de foi, entre ceux qui seraient fondamentaux et ceux qui seraient non fondamentaux, comme si les premiers devaient être reçus par tous tandis que les seconds pourraient être laissés comme matières libres à l’assentiment des fidèles: la vertu surnaturelle de foi a en effet, pour objet formel l’autorité de Dieu révélant, autorité qui ne souffre aucune distinction de ce genre. C’est pourquoi tous les vrais disciples du Christ accordent au dogme de l’Immaculée Conception de la Mère de Dieu la même foi que, par exemple, au mystère de l’Auguste Trinité, et de même ils ne croient pas à l’Incarnation de Notre Seigneur autrement qu’au magistère infaillible du Pontife Romain dans le sens, bien entendu, qu’il a été défini par le Concile oecuménique du Vatican. Car, de la diversité et même du caractère récent des époques où, par un décret solennel, l’Eglise a sanctionné et défini ces vérités, il ne s’ensuit pas qu’elles n’ont pas la même certitude, qu’elles ne sont pas avec la même force imposées à notre foi : n’est-ce pas Dieu qui les a toutes révélées ?

En effet, le magistère de l’Eglise – lequel, suivant le plan divin, a été établi ici-bas pour que les vérités révélées subsistent perpétuellement intactes et qu’elles soient transmises facilement et sûrement à la connaissance des hommes – s’exerce chaque jour par le Pontife Romain et par les évêques en communion avec lui ; mais en outre, toutes les fois qu’il s’impose de résister plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou d’imprimer dans l’esprit des fidèles des vérités expliquées avec plus de clarté et de précision, ce magistère comporte le devoir de procéder opportunément à des définitions en formes et termes solennels.

Certes, cet usage extraordinaire du magistère n’introduit aucune nouveauté à la somme des vérités qui sont contenues, au moins implicitement, dans le dépôt de la Révélation confié par Dieu à l’Eglise ; mais ou bien il rend manifeste ce qui jusque là pouvait peut-être paraître obscur à plusieurs, ou bien il prescrit de regarder comme de foi ce que, auparavant, certains mettaient en discussion.

On comprend donc, Vénérables Frères, pourquoi ce Siège Apostolique n’a jamais autorisé ses fidèles à prendre part aux congrès des non-catholiques : il n’est pas permis, en effet, de procurer la réunion des chrétiens autrement qu’en poussant au retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ, puisqu’ils ont eu jadis le malheur de s’en séparer.

Le retour à l’unique véritable Eglise, disons-Nous, bien visible à tous les regards, et qui, par la volonté de son Fondateur, doit rester perpétuellement telle qu’il l’a instituée lui-même pour le salut de tous. Car jamais au cours des siècles, l’Epouse mystique du Christ n’a été souillée, et elle ne pourra jamais l’être, au témoignage de saint Cyprien : « L’Epouse du Christ ne peut commettre un adultère: elle est intacte et pure. Elle ne connaît qu’une seule demeure; par sa chaste pudeur, elle garde l’inviolabilité d’un seul foyer » (De cath. Ecclesiae unitate, VI). Et le saint martyr s’étonnait vivement, et à bon droit, qu’on pût croire « que cette unité provenant de la stabilité divine, consolidée par les sacrements célestes, pouvait être déchirée dans l’Église et brisée par le heurt des volontés discordantes » (ibid.). Le corps mystique du Christ, c’est-à-dire l’Eglise, étant un (I Cor., XII, 12), formé de parties liées et coordonnées (Eph. IV, 16) à l’instar d’un corps physique, il est absurde et ridicule de dire qu’il peut se composer de membres épars et disjoints; par suite, quiconque ne lui est pas uni n’est pas un de ses membres et n’est pas attaché à sa tête qui est le Christ (Eph.V, 30; 1,22).

Or, dans cette unique Eglise du Christ, personne ne se trouve, personne ne demeure, si, par son obéissance, il ne reconnaît et n’accepte l’autorité et le pouvoir de Pierre et de ses légitimes successeurs. N’ont-ils pas obéi à l’Evêque de Rome, Pasteur suprême des âmes, les ancêtres de ceux qui, aujourd’hui, sont enfoncés dans les erreurs de Photius et des novateurs ? Des fils ont, hélas ! déserté la maison paternelle, laquelle ne s’est point pour cela effondrée et n’a pas péri, soutenue qu’elle était par l’assistance perpétuelle de Dieu. Qu’ils reviennent donc au Père commun, qui oubliera les insultes proférées jadis contre le Siège Apostolique et les recevra avec la plus grande affection. Si, comme ils le répètent, ils désirent se joindre à nous et aux nôtres, pourquoi ne se hâteraient-ils pas d’aller vers l’Eglise, « mère et maîtresse de tous les fidèles du Christ » (Conc. Latran IV, c. 5).

Qu’ils écoutent Lactance s’écriant : « Seule… l’Eglise catholique est celle qui garde le vrai culte. Elle est la source de vérité, la demeure de la foi, le temple de Dieu; qui n’y entre pas ou qui en sort, se prive de tout espoir de vie et de salut. Que personne ne se flatte d’une lutte obstinée. Car c’est une question de vie et de salut; si l’on n’y veille avec précaution et diligence, c’est la perte et la mort » (Divin. Instit., IV. 30, 11-12).

Que les fils dissidents reviennent donc au Siège Apostolique, établi en cette ville que les princes des Apôtres, Pierre et Paul, ont consacrée de leur sang, au Siège  » racine et mère de l’Eglise catholique  » (S. Cypr., Ep. 48 ad Cornelium, 3).

Qu’ils y reviennent, non certes avec l’idée et l’espoir que « l’Eglise du Dieu vivant, colonne et fondement de la vérité » (I Tim. II, 15) renoncera à l’intégrité de la foi et tolérera leurs erreurs, mais, au contraire, pour se confier à son magistère et à son gouvernement. Plaise à Dieu que cet heureux événement, que tant de nos prédécesseurs n’ont pas connu, Nous ayons le bonheur de le voir, que nous puissions embrasser avec un coeur de père les fils dont nous déplorons la funeste séparation; plaise à Dieu notre Sauveur, « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (I Tim. II,4), d’entendre Notre ardente supplication pour qu’il daigne appeler tous les égarés à l’unité de l’Eglise. En cette affaire certainement très importante, Nous faisons appel et Nous voulons que l’on recoure à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de la divine grâce, victorieuse de toutes les hérésies et Secours des chrétiens, afin qu’elle Nous obtienne au plus tôt la venue de ce jour tant désiré où tous les hommes écouteront la voix de son divin Fils « en gardant l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix » (Eph. IV, 3).

Vous comprenez, Vénérables Frères, combien nous souhaitons cette union. Nous désirons que Nos fils le sachent aussi, non seulement ceux qui appartiennent à l’univers catholique, mais aussi tous ceux qui sont séparés de nous. Si, par une humble prière, ces derniers implorent les lumières célestes, il n’est pas douteux qu’ils ne reconnaissent la seule vraie Église de Jésus-Christ et qu’ils n’y entrent enfin, unis à Nous par une charité parfaite. Dans cette attente, comme gage des bienfaits divins et en témoignage de Notre bienveillance paternelle, Nous vous accordons de tout coeur, Vénérables Frères, ainsi qu’à votre clergé et à votre peuple, la bénédiction apostolique. » (Encyclique Mortalium animos, 6 janvier 1928 – Sur les véritables principes de l’unité des chrétiens)

Notons que Pie XI parlait aussi des catastrophes morales véhiculées par le culte des faux dieux :

« [Saint Augustin] qui connaissait si bien la misérable vie que menaient ses contemporains oublieux de Dieu, rappelle, parfois en phrases mordantes et d’autres fois en termes indignés, tout ce qui s’était infiltré de violence, de méchanceté, de cruauté, de luxure, dans les moeurs des hommes par l’action des démons grâce au culte des faux dieux. » (Encyclique Ad Salutem Humani, 20 avril 1930, à l’occasion du 1 500e anniversaire de la mort de saint Augustin ; Actes de S. S. Pie XI, Maison de la Bonne Presse, tome 6 (Année 1929 — 2e semestre. Année 1930), page 187)

Encyclique Divini Redemptoris du 19 mars 1937 – Sur la condamnation du communisme athée

Pour répondre à l’attitude qui consiste à regarder avant tout ce que les fausses religions contiennent de vrai, Pie XI répond :

« LA DIFFUSION

Promesses éblouissantes.

15. Mais comment se fait-il qu’un tel système, depuis longtemps dépassé scientifiquement, et démenti par la réalité des faits, puisse se répandre aussi rapidement dans toutes les parties du monde ? C’est que bien peu de personnes ont su pénétrer la vraie nature du communisme; le plus souvent on cède à la tentation habilement présentée sous les plus éblouissantes promesses. Sous prétexte de ne vouloir que l’amélioration du sort des classes laborieuses, de supprimer les abus réels provoqués par l’économie libérale et d’obtenir une réparation plus équitable des richesses (objectifs parfaitement légitimes, sans aucun doute), en profitant de la crise économique mondiale, le communisme réussit à faire pénétrer son influence même dans les milieux sociaux où par principe on rejette le matérialisme et le terrorisme. Et comme toute erreur contient une part de vrai, cet aspect de la vérité, auquel Nous avons fait allusion, a été mis habilement en relief suivant les temps et les lieux pour cacher au besoin la brutalité repoussante et inhumaine des principes et des méthodes du communisme ; on séduit ainsi des esprits distingués au point d’en faire à leur tour des apôtres auprès des jeunes intelligences trop peu averties pour découvrir les erreurs intrinsèques au système. Les fauteurs de communisme ne manquent pas non plus de mettre à profit les antagonismes de race, les divisions et les oppositions qui proviennent des différents systèmes politiques, enfin le désarroi qui règne dans le camp de la science séparée de Dieu, pour s’insinuer dans les Universités et appuyer les principes de leur doctrine sur des arguments pseudo-scientifiques. » (Encyclique Divini Redemptoris du 19 mars 1937 – Sur la condamnation du communisme athée, n°15)

Pie XII

Encyclique Orientalis Ecclesiae, 9 avril 1944 Sur saint Cyrille, Patriarche d’Alexandrie

« Or, pour tendre avec ardeur à l’obtention de cette vraie concorde, pour la conserver avec vaillance, Nous désirons que le patriarche d’Alexandrie soit aujourd’hui, comme il le fut dans son époque orageuse, maître et exemple illustre pour tous. Et pour commencer par l’unité de la foi chrétienne, il n’est personne qui ignore son ardeur inébranlable à la défendre sans relâche : « Nous, affirme-t-il, qui avons pour amis la vérité et les dogmes de la vérité, jamais nous ne les suivrons (les hérétiques) ; mais, marchant sur les traces des saints Pères, nous garderons le dépôt de la Révélation divine contre toutes les erreurs. » (Cf. in Ioan., 1. 10 ; Migne, P. G., LXXIV, 419) Pour combattre jusqu’à la mort ce bon combat, il était prêt à supporter les épreuves les plus amères : « Pour moi, écrit-il, mon plus grand désir est de travailler, de vivre et de mourir pour la foi qui est dans le Christ. » (Ep. X ; Migne, P. G., LXXVI1, 78) « Aucune injure, aucun outrage, aucune invective ne m’émeuvent… pourvu que la foi soit entière et sauve. » (Ep. IX ; ibid., 62) Et aspirant d’un coeur noble et fort à la palme du martyre, il prononça ces mots pleins de générosité : « J’ai décidé de braver pour la foi du Christ n’importe quel labeur, de supporter n’importe quel tourment, même ceux que l’on répute parmi les supplices les plus douloureux, jusqu’à ce qu’enfin je subisse la mort, qui pour cette cause me sera agréable. » (Ep. X ; ibid., 70) « En effet, si nous avions craint de prêcher la vérité pour la gloire de Dieu afin de ne pas nous exposer à quelques désagréments, de quel front, je le demande, exalterions-nous devant le peuple les combats et les triomphes des martyrs ? » (Ep. IX ; ibid., 63).

Alors que dans les monastères d’Egypte il y avait de fréquentes et très âpres disputes autour de la nouvelle hérésie de Nestorius, en pasteur très vigilant il avertit les moines des erreurs et des dangers de cette doctrine, non pour attiser les querelles et les discussions, « mais afin que si quelques-uns devaient vous attaquer, leur écrit-il, opposant la vérité à leurs futilités, vous échappiez vous-mêmes au fléau de l’erreur et ameniez les autres fraternellement par des arguments opportuns à garder avec constance, comme une pierre précieuse sertie dans leurs âmes, la foi confiée autrefois aux Eglises par les saints apôtres » (Ep. I ; ibid., 14). Comme l’avoueront sans difficulté tous ceux qui ont lu ses lettres sur l’affaire d’Antioche, il met en pleine lumière le fait que cette foi chrétienne, que nous devons garder et défendre de toutes nos forces, nous a été donnée par la Sainte Ecriture et la doctrine des saints Pères (Cf. Ep. LV ; ibid., 292-293), et qu’elle nous est proposée clairement et légitimement par le magistère vivant et infaillible de l’Eglise. En effet, quand les évêques de la province d’Antioche prétendaient, pour établir et conserver la paix, qu’il suffisait de retenir seulement la foi de Nicée, saint Cyrille, tout en adhérant fermement au Symbole de Nicée, réclama aussi de ses frères dans l’épiscopat, pour affermir l’unité, la réprobation et la condamnation de l’hérésie nestorienne. Car il savait très bien qu’il ne suffit pas d’accepter avec soumission les documents anciens du magistère ecclésiastique, mais qu’il faut encore embrasser d’un esprit humble et fidèle tous ceux que par la suite l’Eglise, en vertu de son autorité suprême, nous ordonne de croire. Bien plus, même sous prétexte de ranimer la concorde, il n’est pas permis de dissimuler un seul dogme ; en effet, comme nous en avertit le patriarche d’Alexandrie : « Désirer la paix, c’est vraiment le plus grand bien et le principal ; cependant, ce n’est pas à cause de cela qu’il faut mépriser la vertu de piété dans le Christ. » C’est pourquoi elle ne conduit pas au retour si désiré des fils égarés à la vraie et juste unité dans le Christ, cette méthode qui adopte seulement les chefs de doctrine sur lesquels tombent d’accord toutes ou presque toutes les 16 communautés qui se glorifient du nom de chrétiennes, mais bien plutôt celle qui pose, comme fondement de la concorde et de l’accord des fidèles du Christ, toutes les vérités divinement révélées dans leur intégrité. » (Encyclique Orientalis Ecclesiae, 9 avril 1944 – Sur saint Cyrille, Patriarche d’Alexandrie)

Encyclique Humani generis du 12 août 1950, sous-titré « Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique »

Dans l’Encyclique Humani generis du 12 août 1950, sous-titré « Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique », ce qui en dit long sur la gravité du sujet, Pie XII enseigne :

« De fait, parmi ceux qui déplorent la mésentente entre les hommes et la confusion des esprits, il en est plusieurs qui se montrent remués par un zèle imprudent des âmes : dans leur ardeur, ils brûlent d’un désir pressant d’abattre les enceintes qui séparent d’honnêtes gens : on les voit adopter alors un « irénisme » tel que, laissant de côté tout ce qui divise, ils ne se contentent pas d’envisager l’attaque contre un athéisme envahissant par l’union de toutes les forces, mais ils vont jusqu’à envisager une conciliation des contraires, seraient-ils même des dogmes. Et de même que certains jadis avaient déjà demandé si l’apologétique traditionnelle de l’Église ne constituait pas un obstacle plutôt qu’un secours pour gagner les âmes au Christ, aujourd’hui il en est encore qui ne craignent pas de soulever, avec sérieux, la question de savoir si la théologie et Sa méthode, telles qu’elles sont enseignées dans nos écoles avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique, ne doivent pas être non seulement perfectionnées, mais en tous points réformées. Ils pensent qu’ainsi le règne du Christ serait plus efficacement propagé dans toutes les parties du monde parmi les hommes de toute culture, et de toute opinion religieuse.

Et si ceux-là ne prétendaient qu’à accommoder aux conditions et aux nécessités de notre temps la science ecclésiastique et sa méthode en nous offrant un plan nouveau, il n’y aurait pour ainsi dire pas de raison de nous alarmer; mais emportés par un irénisme imprudent, quelques-uns semblent prendre pour des obstacles à la restauration de l’unité fraternelle tout ce qui s’appuie sur les lois et les principes mêmes que donna le Christ, et sur les institutions qu’il a établies, sur tout ce qui se dresse, en somme, comme autant de défenses et de soutiens pour l’intégrité de la foi : l’écroulement de l’ensemble assurerait l’union, pensent-ils, mais, disons-le, ce serait pour la ruine.

Ces opinions nouvelles, qu’elles s’inspirent d’un désir condamnable de nouveauté ou de quelque raison fort louable, ne sont pas exposées toujours avec la même hâte, la même précision et dans les mêmes termes; ajoutons qu’elles sont loin d’obtenir l’accord unanime de leurs auteurs. En effet ce que certains aujourd’hui enseignent d’une façon voilée avec des précautions et des distinctions, d’autres le proposeront demain avec plus d’audace, en plein jour et sans mesure aucune, causant ainsi le scandale de beaucoup, surtout dans le jeune clergé, et un grave tort à l’autorité de l’Eglise. Si l’on montre plus de prudence en s’exprimant dans les ouvrages édités, on est plus libre en privé dans les dissertations qu’on se communique, dans les conférences et les assemblées. Et ces opinions ne sont pas seulement divulguées parmi le clergé séculier et régulier, dans les Séminaires et les instituts religieux, mais aussi parmi les laïques et principalement parmi ceux qui se consacrent à l’instruction de la jeunesse.

En ce qui concerne la théologie, le propos de certains est d’affaiblir le plus possible la signification des dogmes et de libérer le dogme de la formulation en usage dans l’Eglise depuis si longtemps et des notions philosophiques en vigueur chez les Docteurs catholiques, pour faire retour, dans l’exposition de la doctrine catholique, à la façon de s’exprimer de la Sainte Ecriture et des Pères. Ils nourrissent l’espoir que le dogme, ainsi débarrassé de ses éléments qu’ils nous disent extrinsèques à la révélation, pourra être comparé, avec fruit, aux opinions dogmatiques de ceux qui sont séparés de l’unité de l’Eglise : on parviendrait alors à assimiler au dogme catholique tout ce qui plaît aux dissidents.

Bien plus, lorsque la doctrine catholique aura été réduite à un pareil état, la voie sera ouverte, pensent-ils, pour donner satisfaction aux besoins du jour en exprimant le dogme au moyen des notions de la philosophie moderne, de l’immanentisme, par exemple, de l’idéalisme, de l’existentialisme ou de tout autre système à venir. Que cela puisse et doive même être fait ainsi, de plus audacieux l’affirment pour la bonne raison, disent-ils, que les mystères de la foi ne peuvent pas être signifiés par des notions adéquatement vraies, mais par des notions, selon eux, approximatives et toujours changeables, par lesquelles la vérité est indiquée sans doute jusqu’à un certain point, mais fatalement déformée. C’est pourquoi ils ne croient pas absurde, mais absolument nécessaire que la théologie qui a utilisé au cours des siècles différentes philosophies comme ses instruments propres substitue aux notions anciennes des notions nouvelles, de telle sorte que, sous des modes divers et souvent opposés, et pourtant présentés par eux comme équivalents, elle nous exprime les vérités divines, sous le mode qui sied à des êtres humains. Ils ajoutent que l’histoire des dogmes consiste à exprimer les formes variées qu’a revêtues la vérité successivement selon les diverses doctrines et selon les systèmes qui ont vu le jour tout au long des siècles.

Or, il ressort, avec évidence, de ce que nous avons dit, que tant d’efforts non seulement conduisent à ce qu’on appelle le « relativisme » dogmatique, mais le comportent déjà en fait : le mépris de la doctrine communément enseignée et le mépris des termes par lesquels on le signifie le favorisent déjà trop. Certes il n’est personne qui ne sache que les mots qui expriment ces notions, tels qu’ils sont employés dans nos écoles et par le magistère de l’Église, peuvent toujours être améliorés et perfectionnés : on sait d’ailleurs que l’Eglise n’a pas eu recours toujours aux mêmes termes. Et puis, il va de soi que l’Eglise ne peut se lier à n’importe quel système philosophique dont la vie est de courte durée: ce que les docteurs catholiques, en parfait accord, ont composé au cours des siècles pour parvenir à une certaine intelligence du dogme, ne s’appuie assurément pas sur un fondement aussi caduc. En effet, il n’est pas d’autre appui que les principes et les notions tirés de l’expérience des choses créées; et dans la déduction de ces connaissances, la vérité révélée a, comme une étoile, brillé sur l’intelligence des hommes grâce au ministère de l’Eglise. On ne s’étonne donc pas que les Conciles oecuméniques aient employé et aussi sanctionné certaines de ces notions: aussi, s’en écarter n’est point permis.

Voilà pourquoi négliger, rejeter ou priver de leur valeur tant de biens précieux qui au cours d’un travail plusieurs fois séculaire des hommes d’un génie et d’une sainteté peu commune, sous la garde du magistère sacré et la conduite lumineuse de l’Esprit-Saint, ont conçus, exprimés et perfectionnés en vue d’une présentation de plus en plus exacte des vérités de la foi, et leur substituer des notions conjecturales et les expressions flottantes et vagues d’une philosophie nouvelle appelées à une existence éphémère, comme la fleur des champs, ce n est pas seulement pécher par imprudence grave, mais c’est faire du dogme lui-même quelque chose comme un roseau agité par le vent. Le mépris des mots et des notions dont ont coutume de se servir les théologiens scolastiques conduit très vite à énerver la théologie qu’ils appellent spéculative et tiennent pour dénuée de toute véritable certitude, sous prétexte qu’elle s’appuie sur la raison théologique. » (Encyclique Humani generis, 12 août 1950, Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique)

Et Pie XII conclut son encyclique en montrant qu’il entend la couvrir de l’infaillibilité :

« Aussi, après avoir mûrement pesé et considéré la chose devant Dieu, pour ne pas manquer à Notre devoir sacré, Nous enjoignons aux Evêques et aux Supérieurs de familles religieuses, leur en faisant une très grave obligation de conscience, de veiller avec le plus grand soin à ce que ces opinions ne soient pas exposées dans les écoles, dans les réunions, dans n’importe quels écrits, et qu’elles ne soient pas enseignées en quelque manière que ce soit aux clercs et aux fidèles.

Que ceux qui sont professeurs d’instituts ecclésiastiques sachent qu’ils ne peuvent exercer en toute tranquillité de conscience la charge d’enseigner qui leur est confiée, s’ils n’acceptent pas religieusement les normes doctrinales que Nous avons édictées, et s’ils ne les suivent pas exactement au cours de la formation de leurs élèves. Le respect et l’obéissance qu’ils doivent professer envers le magistère de l’Eglise dans leur travail quotidien, ils les doivent inculquer aussi au coeur et à l’esprit de leurs élèves.

Oui, qu’ils travaillent, usant de toutes leurs forces et de toute leur application, à faire avancer les disciplines qu’ils enseignent, mais qu’ils se gardent aussi d’outrepasser les limites que nous avons fixées en vue de protéger les vérités de la foi et la doctrine catholique. » (Encyclique Humani generis, 12 août 1950 – Sur les opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique)

Le Père SPIAZZI, O.P., professeur à l’Angelicum à Rome, rapportera plusieurs années plus tard :

« Je me souviens que quelques mois après la publication d’Humani generis, j’y fis allusion lors d’une audience avec Pie XII, et je l’entendis dire : « Si l’on n’était pas intervenu, on pouvait en arriver au point ou presque plus rien ne serait resté debout« . »

Discours un groupe de pères de familles provenant de différents diocèses de France, 18 septembre 1951

« Ce n’est pas tout. Cette propagande menace encore le peuple catholique d’un double fléau, pour ne pas employer une expression plus forte. En premier lieu, elle exagère outre mesure l’importance et la portée, dans la vie, de l’élément sexuel. Accordons que ces auteurs, du point de vue purement théorique, maintiennent encore les limites de la morale catholique ; il n’en est pas moins vrai que leur façon d’exposer la vie sexuelle est de nature à lui donner, dans l’esprit du lecteur moyen et dans son jugement pratique, le sens et la valeur d’une fin en soi. Elle fait perdre de vue la vraie fin primordiale du mariage, qui est la procréation et l’éducation de l’enfant, et le grave devoir des époux vis-à-vis de cette fin, que les écrits dont Nous parlons laissent par trop dans l’ombre. » (Discours un groupe de pères de familles, catholiques, provenant de différents diocèses de France, 18 septembre 1951)

Encyclique Cupimus Imprimis du 18 janvier 1952 – Aux catholiques de Chine

Pie XII enseigne l’inefficacité totale des éléments de sanctifications utilisés en dehors de l’Eglise catholique :

« L’Eglise catholique n’appelle pas à elle un seul peuple ou une seule nation, mais ce sont tous les hommes, à quelque race qu’ils appartiennent, qu’elle aime de la divine charité du Christ, qui doit les unir tous par des liens fraternels. Personne ne peut donc prétendre qu’elle est au service d’une puissance particulière ; de même qu’on ne peut exiger d’elle que, brisant l’unité dont son divin Fondateur lui-même a voulu la marquer, elle laisse se constituer dans chaque nation des églises séparées, qui pour leur malheur, soient détachées du Siège Apostolique où Pierre, Vicaire de Jésus-Christ, vit dans ses successeurs jusqu’à la fin des siècles. Une communauté chrétienne qui agirait ainsi, se desséchera comme le sarment coupé du cep et ne pourra pas produire de fruits de salut. » (Encyclique Cupimus Imprimis du 18 janvier 1952 – Aux catholiques de Chine)

Décret du Saint-Office De motione oeucumenica du 20 août 1949

Sous Pie XII, le Décret du Saint-Office De motione oeucumenica du 20 août 1949 traita lui aussi du sujet :

« Quant à la méthode à suivre dans ce travail, les évêques eux-mêmes prescriront ce qu’il faut faire, ce qu il faut éviter et ils exigeront que tous se conforment à leurs prescriptions. Ils veilleront de même à ce que, sous le faux prétexte qu’il faut beaucoup plus considérer ce qui nous unit que ce qui nous sépare, on ne nourrisse pas un dangereux indifférentisme, surtout chez ceux qui sont moins instruits des questions théologiques et dont la pratique religieuse est moins profonde. On doit éviter, en effet, que dans un esprit que l’on appelle aujourd’hui irénique, la doctrine catholique, qu’il s’agisse de dogme ou de vérités connexes, ne soit elle-même, par une étude comparée et un vain désir d’assimilation progressive des différentes professions de foi, assimilée ou accommodée en quelque sorte aux doctrines des dissidents, au point que la pureté de la doctrine catholique ait à en souffrir ou que son sens véritable et certain en soit obscurci.

Ils écarteront aussi cette manière dangereuse de s’exprimer qui donnerait naissance à des opinions erronées et à des espoirs fallacieux qui ne pourront jamais se réaliser, en disant par exemple que l’enseignement des Souverains Pontifes, dans les Encycliques sur le retour des dissidents à l’Eglise, sur la constitution de l’Eglise, sur le Corps mystique du Christ, ne doit pas être tellement pris en considération puisque tout n’est pas de foi ou, ce qui est pire encore, que dans les matières dogmatiques, même l’Eglise catholique ne possède pas la plénitude du Christ, mais qu’elle peut être perfectionnée par les autres Eglises.

Ils empêcheront soigneusement et avec une réelle insistance qu’en exposant l’histoire de la Réforme et des Réformateurs, on n’exagère tellement les défauts des catholiques et on ne dissimule tellement les fautes des Réformateurs, ou bien qu’on ne mette tellement en lumière des éléments plutôt accidentels, que l’on ne voie et ne sente presque plus ce qui est essentiel, la défection de la foi catholique. Ils veilleront enfin à ce que, par un zèle exagéré et faux ou par imprudence et excès d’ardeur dans l’action, on ne nuise plutôt au but poursuivi qu’on ne le serve.

La doctrine catholique doit par conséquent être proposée et exposée totalement et intégralement ; il ne faut point passer sous silence ou voiler par des termes ambigus ce que la vérité catholique enseigne sur la vraie nature et les étapes de la justification, sur la constitution de l’Eglise, sur la primauté de juridiction du Pontife Romain, sur la seule véritable union par le retour des chrétiens séparés à l’unique véritable Eglise du Christ. On pourra sans doute leur dire qu’en revenant à l’Eglise ils ne perdront rien du bien qui, par la grâce de Dieu, est réalisé en eux jusqu’à présent, mais que par leur retour ce bien sera seulement complété et amené à sa perfection. On évitera pourtant de parler sur ce point d’une manière telle que, en revenant à l’Eglise, ils s’imaginent apporter à celle-ci un élément essentiel qui lui aurait manqué jusqu’ici. Il faut leur dire ces choses clairement et sans ambiguïté, d’abord parce qu’ils cherchent la vérité, ensuite parce que en dehors de la vérité il ne pourra jamais y avoir une union véritable. » (Décret du Saint-Office De motione oeucumenica, 20 août 1949, (aussi connu sous le titre d’Instruction Ecclesia Catholica) II, publié par aux Acta Apostoticae Sedis du 31 janvier 1950, p. 142, à l’Osservatore Romano du 1 mars 1950, et à la Documentation Catholique, Tome XLVII, n°1064 du 12 mars 1950)

Certains pourraient objecter que ce document n’est signé que par le cardinal Alfredo OTTAVIANI et non par le Pape, et qu’en conséquence on ne saurait réellement considérer cette décision comme un enseignement de l’Eglise. Mais la réalité est toute autre. D’une part les Décret du Saint-Office sont obligatoire de part l’autorité délégué qu’il tient du Pape, raison pour laquelle tous les théologiens disent que la désobéissance à de tels Décrets est un péché mortel contre la foi, de plus, . D’autre part, ergoter sur le degré d’autorité de ce qui émane des hommes de confiance du Pape n’est pas une attitude catholique. Comme le disait le grand Pape saint Pie X :

« Le Pape est le gardien du dogme et de la morale ; il est le dépositaire des principes qui rendent vertueuses les familles, grandes les nations, saintes les âmes ; il est le conseil des princes et des peuples ; il est le chef sous lequel nul ne se sent tyrannisé, parce qu’il représente Dieu Lui-même ; il est le père par excellence qui réunit en lui tout ce qu’il peut y avoir d’aimant, de tendre et de divin.

Il semble incroyable, et c’est pourtant une douloureuse réalité, qu’il existe des prêtres auxquels il faille faire cette recommandation ; mais nous sommes pourtant aujourd’hui en cette dure, en cette malheureuse condition de devoir dire à des prêtres : aimez le Pape !

Et comment aimer le Pape ? Non par des paroles seulement, mais par des actes, et avec sincérité. Non verbo neque lingua, sed opere et veritate (I Jn III, 18). Quand on aime quelqu’un, on cherche à se conformer en tout à ses pensées, à exécuter ses volontés et à interpréter ses désirs. Et si Notre-Seigneur Jésus-Christ disait de Lui-même : si quis diligit me, sermonem meum servabit (Jn XIV, 23), ainsi pour montrer notre amour au Pape, il est nécessaire d’obéir.

Et c’est pourquoi, quand on aime le Pape, on ne s’arrête pas à discuter sur ce qu’il commande ou exige, à chercher jusqu’où va le devoir rigoureux de l’obéissance, et à marquer la limite de cette obligation. Quand on aime le Pape, on objecte pas qu’il n’a pas parlé assez clairement, comme s’il était obligé de redire directement à l’oreille de chacun sa volonté, et de l’exprimer non seulement de vive voix, mais chaque fois par des lettres et autres documents publics ; on ne met pas en doute ses ordres, sous le facile prétexte, chez qui ne veut pas obéir, qu’ils n’émanent pas directement de lui, mais de son entourage ! on ne limite pas le champ où il peut et doit exercer sa volonté ; on n’oppose pas à l’autorité du Pape celle d’autres personnes, si doctes fussent-elles, qui diffèrent d’avis avec le Pape. D’ailleurs, quelle que soit leur science, la sainteté leur fait défaut, car il ne saurait y avoir de sainteté là où il y a dissentiment avec le Pape. » (Allocution Vi ringrazio, aux prêtres membres de l’Union Apostolique, 18 décembre 1912, E. P. 750-2)

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Cette entrée a été publiée le 8 juillet 2018 par dans Foi Catholique.