+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?

Toutes les preuves de la Papauté : ici

« Aucun concile n’a par ses actes et ses paroles plus pleinement reconnu l’autorité infaillible de Rome que le sixième concile. » (Dom John Chapman, The first eight general councils and papal infaillibility, 1906, page 67)

Si je vous demande quand fut proclamé le dogme de l’infaillibilité papale, vous me répondrez sans doute : « En 1870 au concile Vatican I ! » Et vous auriez entièrement raison car c’est à cette occasion que l’infaillibilité du Pape qui trouve ses racines dans l’Ecriture Sainte et qui est attestée par toute l’antiquité chrétienne fut solennellement défini comme un dogme. Seulement voilà, un épisode méconnu de l’histoire de l’Eglise nous montre que cette infaillibilité personnelle de l’Evêque de Rome, successeur de saint Pierre avait déjà été matériellement proclamée des 681 lors du IIIè concile de Constantinople (680-681). Cela se passa en deux temps. Tout d’abord le Pape saint Agathon (574-681) écrivit deux Lettres explicites sur le sujet, puis elles furent approuvées par le concile. Nous nous proposons ici d’exposer le déroulé des événements, puis d’en préciser les conséquences pour ceux de nos lecteurs qui seraient Orthodoxes, à savoir que cela constitue normalement pour eux une définition dogmatique de la Papauté, du Filioque et de la doctrine catholique sous-tendant le célibat sacerdotal !

Voici le plan de notre étude :

I) Les lettres du Pape Saint Agathon (574-681)

A) Lettre Consideranti mihi aux empereurs de saint Agathon seul (27 mars 680)

B) Lettre synodale Omnium bonorum spes aux empereurs de saint Agathon au nom d’un Concile de Rome réunissant 125 évêques (27 mars 680)

II) Déclarations du IIIè concile de Constantinople (680-681)

A) Discours prosphonétique aux empereurs

B) Lettre synodale au Pape

C) Ecrits de l’Empereur Constantin IV Pogonat

D) Lettres du Pape saint Léon II

1) Ratification des décret du Concile

2) Lettres aux évêques d’Espagne et au roi des Wisigoths

III) Les conséquences pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

A) La Papauté

B) Le Filioque

C) La doctrine du célibat sacerdotal

D) La validité du baptême des hérétiques

IV) Le IIIè concile de Constantinople n’a-t-il pas condamné le Pape Honorius comme « hérétique » ?

A) Le concile n’a pas pu se contredire

1) La reconnaissance de l’orthodoxie de tous les Papes sans en excepter Honorius

2) La reconnaissance de l’orthodoxie de tous les Papes sans excepter ceux qui ont garantit l’orthodoxie d’Honorius

3) Tous les saints, Papes et auteurs ecclésiastiques anti-monothélites témoignent de la perfection doctrinale d’Honorius

4) Qu’en est-il de la réitération de la condamnation par le IIè concile de Nicée (787) ?

B) Ce que nous apprend la Lettre de ratification du concile par le Pape saint Léon II

1) La formule de ratification implique que toute l’Eglise reconnaissait divine de la Papauté infaillible

2) Ce qu’il dit en mentionnant la condamnation d’Honorius : une impossible hétérodoxie d’Honorius et une condamnation différente de celle des autres

3) Y a-t-il contradiction entre saint Agathon et saint Léon II ?

C) Que signifie donc cette condamnation comme « hérétique » ?

1) Les faits : l’ambigüité volontaire d’Honorius pour garantir la paix dans l’Eglise

2) Les différentes significations des termes « hérétique » et « anathème » dans l’antiquité chrétienne

3) Conclusion : Honorius ne fut blâmer que pour sa négligence à défendre la vraie foi avec la force requise

4) L’impasse dans laquelle se trouvent ceux qui refusent cette conclusion

D) Et si l’assemblée du VIè Concile avait bel et bien voulu condamner Honorius comme « hérétique » au sens plénier du terme ?

1) En un tel cas c’est l’assemblée de Constantinople qui serait dans l’erreur

a) Une dénaturation évidente des faits

b) L’assemblée de Constantinople se serait alors contredite

2) Ce diagnostique est-il contredit par l’autorité infaillible d’un Concile oecuménique ?

a) Un argument qui n’élucide pas la contradiction soulignée

b) L’assemblée de Constantinople n’est devenue un Concile oecuménique qu’avec l’approbation du Pape saint Léon II qui interprète cette condamnation comme un blâme pour une simple négligence

c) La nécessité de la confirmation par le Pape pour qu’un concile puisse être dit « oecuménique », c’est-à-dire « universel », suivant qu’on est catholique, gallican, orthodoxe ou vieux-catholique : l’approbation du Pape est toujours nécessaire, sinon en tant que Vicaire du Christ, du moins en temps que représentant de toute une moitié de l’Eglise

d) Les décrets du VIè Concile ne se limitent donc pas à la seule lettre synodale de l’assemblée de Constantinople

e) Les Papes saint Agathon et à travers eux tout l’Occident s’opposent donc à une condamnation d’Honorius comme hérétique, du moins au sens plénier du terme, il est donc impossible de considérer une telle condamnation comme une décision infaillible du Concile

f) Qu’en est-il de tout cela pour un observateur protestant ?

E) Documents supplémentaires

I) Les lettres du Pape Saint Agathon (574-681)

Au moment du IIIè concile de Constantinople (680-681), ce Pape envoya deux lettres aux empereurs Constantin IV Pogonat de Constantinople, Héraclius et Tibère. La deuxième est signée des cent vingt-cinq évêques d’un concile tenu à Rome. Les deux affirment le doctrine de la Papauté avec l’infaillibilité qui lui est attachée.

A) Lettre Consideranti mihi aux empereurs de saint Agathon seul (27 mars 680)

Voici des extraits particulièrement significatifs de la première :

« [Les légats envoyés au concile avaient les pouvoirs requis] à la condition toutefois de ne rien ajouter, retrancher ni altérer dans la foi. Ils doivent simplement exposer la tradition du Saint-Siège apostolique, telle qu’elle a été établie par les papes antérieurs. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680 ; PL, 87/1165)

C’est la une manifestation de l’infaillibilité romaine. En effet, la foi est identifiée à « la tradition du Saint-Siège apostolique, telle qu’elle a été établie par les papes antérieurs ». Donc dans l’ordre de la connaissance humaine, la vérité est connue ultimement par l’enseignement du siège romain. Dans la même veine, Saint Boniface Ier (mort en 422) rapporte qu’il l’a fait de même avec un Concile tenu à Corinthe :

« Nous avons envoyé au synode [de Corinthe]… des directives écrites pour que tous les frères comprennent qu’on ne doit pas débattre à nouveau de ce que nous avons jugé. Jamais en effet il n’a été permis de traiter à nouveau de ce qui a été décidé une fois par le Siège apostolique. » (Lettre Retro maioribus, II, à l’évêque Rufus de Thessalie, 11 mars 422 ; PL tome XX, colonne 776 ; MANSI, tome VIII, colonne 754)

Lors du Concile d’Ephèse (431), le Pape saint Célestin envoya encore des représentants de Rome auxquels il avait donné cette consigne :

« Nous vous commandons de sauvegarder l’autorité du Siège Apostolique. […] Si l’on en vient à débattre, vous devez juger les avis des pères, sans vous laisser mener par leurs débats. » (Lettre XVII, PL, tome 50, colonne 503)

A l’occasion du Concile de Chalcédoine (451), le pape Saint Léon le Grand (vers 395-461), imposa sa décision au concile :

« C’est pourquoi, très chers frères, nous récusons absolument l’audace de ceux qui contestent la foi divinement révélée et nous voulons que cesse cette vaine infidélité des partisans de l’erreur. Nous interdisons de défendre ce qu’il n’est pas permis de croire. Nous avons en effet parfaitement et très clairement déclaré dans notre lettre adressée à l’évêque Flavien de bienheureuse mémoire quelle doit être la sainte et authentique profession de foi dans le mystère de l’Incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et nous l’avons fait en nous appuyant sur l’autorité des Evangiles, sur les paroles des prophètes et sur l’enseignement des apôtres. » (Lettre 93, chapitre 2 ; PL, 54/937-939)

Mais dans la suite de la lettre, ces propos sont encore plus explicites :

« C’est là la tradition des apôtres et de l’Evangile, que conserve l’Eglise apostolique du Christ, qui est la mère spirituelle de votre empire très heureux. Voilà ce que professe en toute vérité et en toute pureté la religion chrétienne ; ce n’est pas l’artifice des hommes qui l’a inventé, mais c’est le Saint-Esprit qui l’a enseigné grâce à la prédication des tout premiers apôtres. […] C’est pourquoi, je vous en supplie avec un cœur contrit et en versant des larmes, humblement prosterné en esprit : daigne secourir la doctrine apostolique que l’apôtre saint Pierre nous a transmise, pour qu’elle ne soit pas cachée sous le boisseau mais qu’elle soit prêchée dans le monde entier, sur un ton plus retentissant que la trompette. En effet, saint Pierre a professé la vraie foi qui lui fut révélée par le Père céleste et cela lui valut d’être proclamé bienheureux par Notre-Seigneur. Et il se vit confier à trois reprises par le Rédempteur la charge de paître les brebis spirituelles de l’Eglise [Jean XXI, 15-17]. C’est grâce à sa protection que cette Eglise apostolique n’a jamais dévié de la voie de la vérité, et n’est jamais tombée dans l’erreur, de quelque côté que ce fût. C’est son autorité, celle du prince des apôtres, que toute l’Eglise catholique et tous les conciles ont reconnue fidèlement et ont toujours suivie en tout, et tous les saints Père en ont embrassé et soutenu avec zèle la doctrine comme venant des apôtres, doctrine qui a fait la gloire de tous les docteurs qui ont brillé dans l’Eglise, tandis qu’elle a d’un autre côté fait le tourment des hérétiques, qui n’ont cessé de la décrier et de la calomnier. […] Voilà la véritable règle de la foi, que notre mère spirituelle a toujours conservé et défendue dans le succès comme dans l’adversité. Par la grâce du Dieu tout puissant, cette Eglise ne tombera jamais dans l’erreur et ne s’écartera jamais du droit chemin de la tradition apostolique. Elle n’a jamais succombé et ne s’est jamais trouvée corrompue par les nouveautés des hérétiques. Au contraire, dès les origines de la foi chrétienne, elle a reçu le soutien de ses fondateurs, les princes des apôtres du Christ, et elle demeure sans tache jusqu’à la fin, conformément à la promesse de Notre-Seigneur et Sauveur, et à la parole qu’il adressa à saint dans les saints Evangiles au prince de ses disciples : « Pierre, Pierre, voilà que Satan vous a recherché pour vous cribler comme on crible le froment ; mais j’ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point : lors donc que vous vous serez converti, ayez soin d’affermir vos frères. » [Luc XXII, 32] Que Votre Clémence considère donc cet avertissement de Notre-Seigneur et Sauveur, l’auteur de notre foi : en promettant à saint Pierre que sa foi ne défaillirait pas, il l’engagea à confirmer ses frères. Tout le monde sait bien que les pontifes du siège apostolique, ceux qui ont précédé mon humble personne, ont réalisé cette tache sans douter de cette parole. […] Dépositaire de la doctrine du Seigneur, dès qu’ils connurent les tentatives faites par les pontifes de Constantinople pour introduire au sein de l’Eglise immaculée des nouveautés hérétiques, ils n’ont jamais négligé de leur adresser leurs exhortations, leurs avis, leurs prières, les conjurant de se désister de leur hérétique doctrine, au moins en gardant le silence. […] Aucun autre motif plus approprié ne saurait recommander à la divine majesté votre force absolument invincible : combattez ceux qui se sont écartés de la règle de la vérité, faites connaître et proclamez partout l’intégrité de notre foi évangélique et apostolique. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169, 1172 et 1212 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivantes)

B) Lettre synodale Omnium bonorum spes aux empereurs de saint Agathon au nom d’un Concile de Rome réunissant 125 évêques (27 mars 680)

Et dans la seconde lettre nous lisons de nouveau une référence à ses légats apportant au concile général une sentence infaillible, signée de cent vingt-cinq Evêques en plus du Pape, de  qu’il ne sera pas libre de contester mais qu’il devra se contenter d’approuver :

« Nous avons prévu d’envoyer auprès de votre puissance, que Dieu protège, des membres de notre humble condition, afin qu’ils vous présentassent notre avis à tous, c’est-à-dire celui de tous les évêques du nord et de l’occident, dans lequel nous avons exprimé la profession de notre foi apostolique. Cet avis, ils ne doivent pas le défendre comme on le ferait d’une opinion incertaine. Ils doivent l’exprimer dans une définition concise, comme on le ferait des vérités indubitables et immuables. » (Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1225)

Là encore l’infaillibilité est affirmée, au moins implicitement : la déclaration romaine n’est pas « une opinion incertaine« , mais « définition concise, comme on le ferait des vérités indubitables et immuables« . Cela ne pourrait se concevoir si elle n’était pas censée être infaillible. Nous lisons ailleurs dans la Lettre :

« Nous croyons que Dieu fera à votre trône, qu’il a élevé lui-même, la faveur si rare, et qui est le privilège du très-petit nombre, d’être le moyen dont il se servira pour faire briller aux yeux de tous la lumière de la foi catholique et apostolique, qui, ayant pour principe la source même de la vraie lumière dont elle est comme le rayon, nous a été transmise par le ministère des princes des apôtres saint Pierre et saint Paul, et par les hommes apostoliques leurs disciples et leurs successeurs, et est parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à notre médiocrité, sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer, et Dieu veuille bénir les efforts que fait votre autorité providentielle pour la conserver toujours inaltérable ! Tel a été aussi l’objet constant de la sollicitude du siège apostolique, et de tant de pontifes auxquels nous succédons malgré notre indignité : et tel est le but qu’ils se sont proposé, tantôt dans leurs décrets rendus de concert avec leurs collègues, successeurs comme eux des apôtres, tantôt dans leurs définitions synodales par lesquelles ils faisaient connaître à tous la règle de la vérité ; et ils ont maintenu jusqu’à la mort les bornes qu’il n’est pas permis de remuer, sans se laisser ni séduire par les caresses, ni effrayer par les menaces, mettant ainsi en pratique le précepte qui nous a été imposé en ces termes par notre divin maître : Celui qui me confessera devant les hommes, je le confesserai devant mon Père [Matthieu X, 32 ; Luc XII, 8]; et échappant par-là même à l’anathème contenu dans ces autres paroles : Celui qui me reniera devant les hommes, je le renierai devant mon père. Car la vraie foi ne sait point varier avec les temps, pas plus que ne peut souffrir que la vérité change celui-là même que la vraie foi a pour objet, et qui a dit : Je suis le Seigneur, et je ne change point. »  (Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682)

II) Déclarations du IIIè concile de Constantinople (680-681)

A) Discours prosphonétique aux empereurs

Le 15 novembre 680, lors de la 4è session de ce concile réunissant surtout des évêques Orientaux, une lecture fut donnée de la première lettre (PL, 87/1168-1169 et MANSI, 11/239-254). Puis, lors de la 18è session, le 16 septembre 681, ce fut au tour de la seconde lettre d’être lue en public et les Pères du concile l’approuvèrent et l’insérèrent dans les actes du concile. Leur discours prosphonétique aux empereurs est riche en informations. Ils y témoignent de l’autorité du Pape saint Sylvestre sur le Concile de Nicée :

« Arius veut diviser et séparer les personnes adorables de la sainte Trinité ; et aussitôt l’empereur Constantin et l’honorable Sylvestre s’empressent de convoquer le grand et célèbre Concile de Nicée. » (MANSI, XI, colonnes 661 A ; LABBE, VI, 1049-1050)

Ainsi que de la place de premier plan que le Pape saint Damase occupa dans la lutte contre l’hérésie de Macédonius :

« Lorsque Macédonius répandit ses erreurs sur le Saint-Esprit, Théodose et Damase se dressèrent aussitôt contre lui, et Grégoire et Nectaire [ndlr : saint Nectaire de Constantinople fut le successeur de saint Grégoire de Nazianze comme évêque de cette ville] rassemblèrent un synode dans cette ville royale. » (MANSI, XI, colonnes 661 B ; LABBE, VI, 1049-1050)

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce passage ne signifie pas qu’il présida le Ier Concile de Constantinople via ses légats, ni même qu’il y prit part via une représentation. Nous développons cela dans cet article : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/16/la-papaute-au-ier-concile-de-constantinople-381/

Un peu plus tard ils affirment la vérité de la doctrine contenue dans les lettres de Rome :

« Tous unis sous l’inspiration du Saint Esprit, tous d’accord et tous du même avis, acquiesçant tous aux lettres que Notre Très Saint Père et Souverain pontife le pape Agathon a envoyées à Votre Puissance [ndlr : les empereurs], reconnaissant la sainte décision du concile qui dépend de lui et qui rassemble cent-vingt-cinq prélats » (MANSI, XI, 663-664 ; LABBE, VI, 1051-1052)

Certes ils y disent très peu de temps après :

« Nous proclamons qu’il y a en Jésus-Christ deux volontés naturelles, procédant en commun et individuellement. Quant aux nouveautés inutiles de mots et à leurs inventeurs, nous les proscrivons de l’Eglise, et nous anathématisons justement Théodore de Pharan, Sergius et Paul, Pyrrhus et Pierre, évêques de Constantinople, en outre Cyrus d’Alexandrie ; et avec eux, Honorius, évêque de Rome, pour les avoir assisté en cela. » (MANSI, XI, 663-666 ; LABBE, VI, 1053-1054)

Mais ils disent quelques phrases plus loin :

« C’est le souverain prince des apôtres qui a agi de concert avec nous. Nous avons eu, pour nous aider, le pape dont la conduite est conforme à la sienne et qui lui succède sur son siège, le pape qui dans ses lettres déclare le mystère de la vérité divine et sacrée. Rome, cette ville antique, nous a transmis la profession de foi que Dieu avait dictée à saint Pierre. La feuille sur laquelle fut inscrit le dogme a honoré la fin de ce jour ; sur cette feuille on voyait de l’encre, mais c’est réalité c’est saint Pierre qui parlait au travers de l’écriture du pape Agathon. » (MANSI, XI, 665-666 ; LABBE, VI, 1053-1054)

Nous reviendrons plus bas sur l’explication de cette contradiction apparente.

B) Lettre synodale au Pape

Dans la XVIIIe et dernière session, les pères du IIIè Concile de Constantinople avaient fait dresser devant eux, séance tenante, cinq exemplaires du décret de foi, les avaient revêtus de leurs signatures, les avaient présentés eux-mêmes à la souscription de l’empereur, et avaient officiellement déclaré que chacun de ces exemplaires serait transmis au siège de Rome et aux quatre églises patriarcales d’Orient. Les mêmes pères avaient rédigé et adopté, séance tenante, la lettre synodique qui devait accompagner l’exem­plaire destiné au pape. Charge était laissé à l’empereur d’effectuer cette transmission à Rome. Ainsi, voici ce qu’ils dirent dans la lettre qu’ils adressèrent au Pape saint Agathon, mais qui fut reçu par le Pape saint Léon II en raison du décès de ce premier :

« Ainsi que tu le sais, bienheureux Père, aux grandes maladies il faut de grands secours ! Aussi le Christ, notre vrai Dieu, qui est puissance créatrice de toutes choses et qui les gouverne toutes, nous a donné un sage médecin dans la personne honorée par Dieu de Ta Sainteté. A la contagion de la peste hérétique, elle a opposé, avec force, les remèdes de l’orthodoxie, et elle a rendu la vigueur de la santé aux membres de l’Eglise. Aussi, après avoir lu avec joie les lettres de vraie confession que ta paternelle Béatitude a envoyés au très-pieux Empereur, nous te laissons à faire ce qui reste, à toi, évêque du premier siège de l’Eglise universelle, que nous nous abandonnons pour savoir ce que nous devons faire, puisque tu es établi sur le ferme rocher de la foi. Nous reconnaissons que tes lettres ont été divinement écrites par le grand Prince des Apôtres : c’est par elles que nous avons vaincu la secte hérétique, aux erreurs multiples, qui avait surgi dernièrement. » (Correspondance de saint Agathon, Lettre IV ; PL, 87/1248 ; MANSI, XI, 683-684 ; LABBE, VI, 1073-1074)

Certes, ils rappellent la condamnation des monothélites, en incluant la censure d’Honorius juste après, mais ils écrivent plus loin :

« Nous renvoyons à ta Béatitude ce qui a été traité sur chaque affaire et qui est relaté dans les notes et les présents écrits. […] C’est ainsi qu’illuminés par le Saint-Esprit et instruits par ta doctrine, nous avons détruit les dogmes funestes de l’impiété et aplani la voie très-droite de l’orthodoxie. Notre très-pieux et sérénissime empereur Constantin nous a sagement et divinement assistés et protégés. Ensuite l’un de nous, l’Evêque de cette ville de Constantinople, a été des premiers à donner son adhésion à l’écrit d’orthodoxie que tu as envoyé au très-pieux Empereur. […] Avec toi, nous avons enseigné clairement la splendide lumière de la foi orthodoxe. Nous prions ta paternelle Sainteté de la confirmer de nouveau par tes honorables rescrits. » (Correspondance de saint Agathon, Lettre IV ; PL, 87/1249-1252 ; MANSI, XI, 685-688 ; LABBE, VI, 1075-1076)

C) Ecrits de l’Empereur Constantin IV Pogonat

Dans la XVIIIe et dernière session, les pères du IIIè Concile de Constantinople avaient fait dresser devant eux, séance tenante, cinq exemplaires du décret de foi, les avaient revêtus de leurs signatures, les avaient présentés eux-mêmes à la souscription de l’empereur, et avaient officiellement déclaré que chacun de ces exemplaires serait transmis au siège de Rome et aux quatre églises patriarcales d’Orient. Les mêmes pères avaient rédigé et adopté, séance tenante, la lettre synodique qui devait accompagner l’exem­plaire destiné au pape. Charge était laissé à l’empereur d’effectuer cette transmission à Rome.

Le même jour, l’Empereur fit afficher, dans le troisième narthex de Sainte-Sophie, ce qui, des travaux du concile, devait être connu du public. L’édit impérial rappelait que c’était presque toujours par les gens d’Église que le diable avait trouvé le moyen de répandre le venin de l’erreur (en voulant sans doute donner le change sur les agissements d’Héraclius et de Constant), témoin les anciens hérétiques, Apollinaire, Thémistius, Eutychès, Dioscore ; témoin, à une époque plus récente, Théodore de Pharan, Sergius et aussi Honorius, jadis pape de l’ancienne Rome, lequel a contribué à affermir l’hérésie et qui s’est contredit lui-même (MANSI, XI, 700). Suivait la profession de foi dyothélite, avec preuves à l’appui, et enfin l’anathème à toutes les hérésies qui, depuis Simon le Magicien jusqu’à maintenant, se sont insinuées dans l’Église. L’édit continuait :

« Avec elles, nous anathématisons les nouveaux hérésiarques et leurs soutiens, nous voulons dire, Théodore de Pharan, et Sergius qui a partagé ses idées et son impiété, et encore Honorius qui s’est montré en tout leur compagnon d’hérésie, et qui a affermi l’hérésie. » (MANSI, XI, 709)

On pourrait ainsi croire que l’Empereur Constantin IV considérait réellement Honorius comme un hérétique. Mais là encore, de même que pour les déclarations de l’assemblée conciliaire que nous exposons ci-dessus, que pour les déclarations du Pape saint Léon II que nous exposons ci-dessous, il n’en est rien ! Il s’agit d’une déclaration d’hérésie et d’anathème au sens impropre, comme il était courant à l’époque, pour dire qu’Honorius avait été négligent dans la lutte contre l’hérésie. Cela est confirmé par les deux lettres qu’il écrivit au nouveau Pape saint Léon II, dans lesquelles il professe la foi en l’infaillibilité romaine, et en la perfection doctrinale de tous les Papes passés, spécialement Honorius, car il fait siennes les lettres romaines du 27 mars 680.

Dans la première lettre, on lit la manifestation de sa foi en l’infaillibilité romaine du fait de la promesse faite à saint Pierre :

« Des yeux de l’âme, nous avons contemplé, pour ainsi dire, Pierre, le Prince du chœur apostolique, l’Evêque du premier siège, parlant divinement de l’économie de tout le mystère et redisant au Christ par ces lettres : Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ! Car ces lettres sacrées, dans leurs développements nous exprimaient le Christ tout entier. Tous nous les avons reçues avec un cœur joyeux et sincère, et nous les avons accueillies comme Pierre lui-même, dans l’embrassement de nos âmes. » (Lettre I Coelorum aeternum, dans la correspondance de saint Léon II ; PL 96, 389-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102)

Puis, il évoque le cas des quelques hérétiques refusant de se soumettre, commettant ainsi une folie. Or les lettres de saint Agathon, comme nous l’avons largement exposé, enseignent largement la doctrine de la Papauté, spécialement l’infaillibilité pontificale ! Voici les mots de l’empereur :

« Or seul avec ceux-là, avec qui il partit brusquement, Macaire, pas satisfait de son propre nom – lui qui fut pourtant évêque de la ville d’Antioche -, et du moins s’opposant [à nous], il se soustrait au joug du Christ et quitta pour de bon l’assemblée épiscopale ; il refusa en tout, en effet, d’assentir aux lettres du très saint Agathon, agissant ainsi en fou à l’égard de Pierre, prince et coryphée [de l’Eglise]. Il ne fut pourtant pas absent aux avertissements, et fréquemment lui furent adressés des encouragements, tous en effet, lui montrions les voies de la conversion ; que n’avons-nous pas dit ? Que n’avons-nous pas tenté ni entrepris ? A ceux-là en particulier qui se séparent du collège sacerdotal. Nous nous affligeons à son sujet, comment pas ne le ferions-nous pas ? A cause de notre compassion se déchirent nos entrailles. Avec lui se délite le troupeau de Seigneur. Mais sa face s’est faite semblable à celle de la courtisane, et il a revêtu sa personne de l’effronterie, et rejetant du même coup l’exhortation et la piété, il entendait pour ne point comprendre, et repoussa avec horreur la parole sainte. Mais pourquoi sommes-nous plus longs dans cette narration, alors que celle-ci se peut expliquer en des termes plus simples et plus soignés ? » (Lettre I Coelorum aeternum, dans la correspondance de saint Léon II ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102).

Plus loin, parlant à nouveau de Macaire, le décrit comme un hérétique « car » il refuse la doctrine venue de la montagne apostolique (Rome), qui occupe dans l’Eglise de Dieu le rôle de la montagne de Sion (Jérusalem) dans l’Ancienne Alliance :

« Car vraiment c’est ainsi qu’il s’endurcit et qu’il raidit sa nuque comme le fer et sa face comme l’airain. C’est ainsi qu’il appesantit ses oreilles de sortent qu’elle n’écoutent pas, et qu’il dressa son cœur obstiné pour qu’il n’entende la loi ; car la loi est sortie de Sion, et la doctrine du faite de la montagne apostolique [la colline du Vatican, à Rome] : et c’est pourquoi le saint et universel Concile a dépouillé ce même insensé de Macaire avec les hérésies ses compagnes de l’habit pontifical. » (Lettre I Coelorum aeternum ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102)

Immédiatement après avoir dit cela, il annonce au Pape que sur la demande du Concile, il lui envoie tous ceux qui ont refusé de se soumettre, afin qu’il statue lui-même sur leur sort

« Tous, véritablement, par des prières écrites, supplièrent d’une seule voix notre sérénité pour que nous les envoyions à votre béatitude. Ainsi nous fîmes, et nous les envoyâmes à vous, remettant toute leur cause à votre paternel jugement. » (Lettre I Coelorum aeternum ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102)

Ce qu’il faut retenir de ce fait c’est que malgré l’évidence de l’hérésie des récalcitrants, le Concile lui-même s’interdit de les juger, et les renvoie à tribunal du Pape. On retrouve l’attitude du Pape Saint Hormisdas Ier (450-523) qui exigeait de l’Empereur Anastase :

« Si l’on vous présente des requêtes contre des évêques catholiques, principalement contre ceux qui osent anathématiser  le concile de Chalcédoine et rejeter les lettres du Pape saint Léon, recevez ces requêtes, mais réservez la cause au jugement du Siège Apostolique, afin qu’ils aient l’espérance d’être entendus, et que vous nous réserviez l’autorité qui nous est due. » (Lettre IV à l’empereur Anastase, 8 juillet 515, PL 63, colonnes 376 à 378)

Ou encore celle de l’Empereur Justinien qui déclarait qu’il n’osait rien décider sans en référer au Pape, pas même au sujet de « choses claires et certaines » ou d’ « affaires qui naissent au sujet de la religion, quoique simples et non douteuses » (Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8 ; PL, 66, 14-17), ce pourquoi il reçut l’approbation du Pape Jean II (Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8 ; PL, 66, 17-20).

Il écrit plus bas :

« Mais il [saint Agathon] fit connaître la sainte et vénérée décision du saint Concile, à laquelle nous souscrivîmes, et que nous sanctionnâmes par nos pieux édits, encourageant tout notre peuple amant du Christ afin qu’ici fut obéi aux prescriptions de foi et pour que strictement aucune secte hérétique ne fut inventée. Gloire à Dieu, qui a fait de grandes choses et qui a conservé chez nous [ndlr : grâce aux lettres de Rome] la foi dans son intégrité ! Comment, en effet ne l’aurait-il pas fait pour cette pierre, sur laquelle il a fondé lui-même son Eglise, en prédisant que jamais les portes de l’enfer, c’est-à-dire les attaques de l’hérésie, ne prévaudraient contre elle ! C’est d’elle, comme de la voûte des Cieux, qu’est venue avec éclat la parole de la vraie confession ; elle a illuminé l’âme de ceux qui aiment le Christ et elle a ranimé l’orthodoxie prête à s’éteindre ! » (Lettre I Coelorum aeternum, dans la correspondance de saint Léon II ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 717-718 ; LABBE, VI, 1103-1104)

Et dans la seconde lettre, l’empereur dit à saint Léon II, en tant que titulaire de la personne morale qu’est l’épiscopat romain, raison pour laquelle il s’adresse à lui en lui disant « vous », alors même que ce n’est pas lui qui envoya les légats romains mais son prédécesseurs saint Agathon, et que c’est du vivant de ce dernier que ce tint le Concile :

« Car vous étiez bel et bien présent au milieu de nous, accompagné du prince universel des Pasteurs, et parlant divinement de concert avec lui, tant par esprit que par lettre. » (Lettre II Clarus et speciosus, dans la correspondance de saint Léon II ; PL, 96, 397-398 ; MANSI, XI, 721-722, LABBE, VI, 1107-1108)

Plus bas, il évoque à nouveau les lettres de saint Agathon et donc leur doctrine :

« Nous sommes frappés d’admiration par la relation d’Agathon, qui est la voix même de Pierre. » (Lettre II Clarus et speciosus, dans la correspondance de saint Léon II ; PL, 96, 397-398 ; MANSI, XI, 721-722, LABBE, VI, 1107-1108)

D) Lettres du Pape saint Léon II

Ayant reçu les actes du Concile, saint Léon II les ratifia et en informa l’Occident

1) Ratification des décret du Concile

C’est le Pape saint Léon II qui ratifia les décret du IIIè concile de Constantinople et qui lui donna sa forme de concile général, lui donnant force obligatoire pour l’Eglise universelle. Voici ses mots :

« Nous avons donc parcouru d’abord avec un extrême empressement les lettres synodiques, dont le langage plein d’élévation nous a frappés. Puis, avec une minutieuse attention, examinant chacune des pièces écrites, les conférant avec les récits des légats apostoliques, nous avons reconnu que le saint, grand et œcuménique concile sixième, réuni avec la grâce de Dieu par décret impérial à Constantinople, s’est conformé dans sa profession de foi dogmatique aux décisions rendues dans le synode œcuménique précédemment tenu à Rome [le concile romain de 680], sous la présidence directe du trône apostolique sur lequel nous sommes maintenant assis. [Saint Léon II expose ensuite en détail la doctrine apostolique proclamée par le concile sur les deux volontés du Christ]. Telle fut en effet la règle de la tradition apostolique et vraie, tracée dans son concile par mon prédécesseur Agathon, d’apostolique mémoire. Cette règle, il la fixa dans la lettre que ses légats remirent de sa part à votre piété, en l’appuyant par les témoignages conformes des Pères et des Docteurs de l’Eglise ; cette règle, le concile général de Constantinople l’a reçue comme un oracle émané du bienheureux Pierre, prince des apôtres ; il y a reconnu la doctrine pure et les marques d’une foi immaculée. Ainsi ce grand, saint et œcuménique concile que votre clémence a réuni, et auquel, pour le service de Dieu, elle a voulu présider, ayant embrassé en tout la doctrine des apôtres et des Pères, ayant reçu avec révérence la définition dogmatique promulguée par le Siège du bienheureux apôtre Pierre, dont, malgré notre indignité, nous tenons la place, à notre tour, nous et par notre ministère le vénérable Siège apostolique lui-même, nous approuvons le décret du concile ; par l’autorité du bienheureux Pierre nous le confirmons comme sur la solidité immuable de la pierre posée par Jésus-Christ pour fondement à l’Eglise. La vénération qui s’attache aux précédents conciles généraux de NicéeConstantinopleEphèseChalcédoine et Constantinople (deuxième), nous voulons qu’elle soit rendue à cette récente assemblée œcuménique, où le Saint-Esprit vient encore de se manifester pour le salut des âmes et dont toute la gloire dans le Seigneur sera jusqu’à la fin des siècles attribuée à votre piété impériale. » (Lettre III Regi regum, à l’empereur Constantin IV, vers août 682 ; MANSI, XI, 730 et suivants ; PL 96, 404 et 405 ; Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 3, page 487, cite ce passage de saint Léon II mais se trompe dans la référence : il indique la colonne 464 au lieu de 404)

Nous avons ici plusieurs éléments. Le premier est que c’est en vertu de l’autorité de l’apôtre Pierre qu’il confirme le concile. Preuve qu’il était clair non seulement pour lui mais aussi pour ses destinataires qu’il était le chef visible et infaillible de droit divin de l’Eglise de Jésus-Christ, et que rien ne pouvait avoir cours sans son approbation expresse ou tacite. Le deuxième est qu’il appelle « oecuménique » le concile de Rome de 680, réunissant 125 Evêques autour du Pape saint Agathon qui, comme nous l’avons vu, affirme l’infaillibilité des Papes (Saint Agathon, Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682), et en conséquence, d’une part qu’il y croit aussi et ne saurait donc pas condamner Honorius comme hérétique au sens strict, et d’autre part que la confirmation du concile de Constantinople que porte la lettre ne saurait faire de même. Le troisième est le constat que le IIIè concile de Constantinople « pense de même » que ce concile de Rome qui affirme l’infaillibilité des Papes, et qu’il a reçu « comme un oracle émané de la bouche même de Pierre, prince des apôtres », la règle de foi promulguée par saint Agathon, et l’approuve par ce seul motif qu’il a reçu avec révérence cette règle, ce type de la vraie foi, de la tradition apostolique. Pour mieux accentuer encore sa pensée, saint Léon II déclare œcuménique le synode romain tenu par saint Agathon comme nous l’avons dit. Enfin le quatrième, prenant le contrepied du décret conciliaire qui avait mêlé à la définition de la foi les anathématismes, le Pontife donne à la définition de la foi son approbation absolue, quant aux anathématismes, il en détache soigneusement Honorius en spécifiant bien un motif de blâme différent et grandement inférieur à celui des autres, interprétant ainsi de manière authentique l’intention de l’assemblée conciliaire, conformément à ce que ses légats n’auront pas manqué de lui rapporter. Nous allons voir à la section suivante.

Ce qu’il dit prouve que cette condamnation est loin d’avoir cette portée. C’est un autre passage de cette même lettre de saint Léon II qui nous donne la réponse. Le voici :

« Nous anathématisons les inventeurs du nouveau dogme : Théodore, évêque de Pharau, Cyrus d’Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul, Pierre, intrus plutôt qu’évêques de l’Eglise de Constantinople, et aussi Honorius qui ne s’efforça pas de maintenir la pureté de cette Eglise apostolique, par l’enseignement de la tradition des apôtres, mais qui permit que cette Eglise sans tache fût souillée par la trahison profane. » (Lettre III Regi regum, à l’empereur Constantin IV, vers août 682 ; MANSI, XI, 733 ; PL 96, 408)

2) Lettres aux évêques d’Espagne et au roi des Wisigoths

Par ailleurs le Pape saint Léon II signifia aux Evêque d’Espagne le blâme du concile pour négligence à l’endroit d’Honorius, il manifesta l’autorité dont il était investi :

« On y condamna les hérétiques Théodore de Pharan, Cyrus d’Alexandrie, les quatre évêques de Constantinople, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre, avec Honorius, lequel n’a pas éteint à sa naissance, comme il convenait à l’autorité apostolique, la flamme de l’hérésie, mais, en négligeant ce soin, l’a laissée grandir. » (Lettre IV aux Evêques d’Espagne, PL, 96, 414).

Eteindre l’hérésie « convenait à l’autorité apostolique » dont était revêtue Honorius, faisant ainsi témoignage de l’autorité universelle, apostolique et infaillible des Evêques de Rome.

D’ailleurs, il écrivit plus tard au roi Erwige des Wisigoths (Espagne) une lettre où il rappelait la condamnation d’Honorius en des termes plus forts que ceux de la lettre aux évêques. En effet, après l’annonce au monarque de la condamnation des chefs de l’hérésie, saint Léon II ajoute :

« avec eux fut également anathématisé Honorius de Rome. qui a laissé souiller la règle immaculée de la tradition apostolique qu’il avait reçue de ses prédécesseurs. » (Lettre VII au roi Erwige des Wisigoths ; PL 96, 419 ; MANSI, XI, 1057)

Et comme tous les propos de saint Léon II doivent être compris ensemble, par induction, dans le même sens, c’est une énième preuve que, dans cette affaire Honorius, la présence de blâme, même violent, n’a pas la signification stricte qu’il pourrait avoir en temps normal.

III) Les conséquences pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

Nous pouvons et devons souligner à l’attention des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tout ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes, qui liraient notre article, que cette décision conciliaire confirmant la doctrine de la Papauté est non seulement un témoignage parmi les autres de la Tradition, mais encore une sentence infaillible selon les normes théologiques de leurs propres églises. En effet, la première lettre que nous avons cité porte bien :

« Que Votre Clémence considère donc cet avertissement de Notre-Seigneur et Sauveur, l’auteur de notre foi : en promettant à saint Pierre que sa foi ne défaillirait pas, il l’engagea à confirmer ses frères. Tout le monde sait bien que les pontifes du siège apostolique, ceux qui ont précédé mon humble personne, ont réalisé cette tache sans douter de cette parole. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, PL, 87/1168-1169)

Puis :

« Saint Pierre a reçu du Rédempteur lui-même par une triple recommandation qui lui en a été faite, la charge de paître les brebis spirituelles qui composent son Eglise ; et c’est grâce à l’appui qu’il continue de lui prêter, que cette Eglise apostolique n’a jamais déviée par une erreur quelconque de la voie de la vérité ; aussi, de tout temps, toute l’Eglise catholique et les conciles généraux ont-ils fidèlement adhéré à son autorité comme à celle du prince de tous les apôtres, s’attachant à la suivre en tout, et tous les saints Père en ont embrassé et soutenu avec zèle la doctrine comme venant des apôtres […] […] Dépositaire de la doctrine du Seigneur, dès qu’ils connurent les tentatives faites par les pontifes de Constantinople pour introduire au sein de l’Eglise immaculée des nouveautés hérétiques, ils n’ont jamais négligé de leur adresser leurs exhortations, leurs avis, leurs prières, les conjurant de se désister de leur hérétique doctrine, au moins en gardant le silence. […] Aucun autre motif plus approprié ne saurait recommander à la divine majesté votre force absolument invincible : combattez ceux qui se sont écartés de la règle de la vérité, faites connaître et proclamez partout l’intégrité de notre foi évangélique et apostolique. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169, 1172 et 1212 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivantes)

Et dans la seconde :

« Nous croyons que Dieu fera à votre trône, qu’il a élevé lui-même, la faveur si rare, et qui est le privilège du très-petit nombre, d’être le moyen dont il se servira pour faire briller aux yeux de tous la lumière de la foi catholique et apostolique, qui, ayant pour principe la source même de la vraie lumière dont elle est comme le rayon, nous a été transmise par le ministère des princes des apôtres saint Pierre et saint Paul, et par les hommes apostoliques leurs disciples et leurs successeurs, et est parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à notre médiocrité, sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer, et Dieu veuille bénir les efforts que fait votre autorité providentielle pour la conserver toujours inaltérable ! Tel a été aussi l’objet constant de la sollicitude du siège apostolique, et de tant de pontifes auxquels nous succédons malgré notre indignité. » (Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682)

Le pape évoque « les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs » comme s’étant « acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait » à affermir leurs frères selon les paroles du Sauveur. Il est enfin question de la saine doctrine « parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à [saint Agathon], sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer ». Aussi si tous se sont acquittés de cette tache, cela signifie qu’aucun n’a failli. Si cela ne suffisait pas à établir l’infaillibilité du Pape, nous verrons que cela le devient lorsqu’on lit les enseignement les Papes précédents auxquels ce documents renvoie nécessairement. Nous verrons non seulement comment cela prouve que la Papauté est un dogme apostolique, mais aussi comment cela répond à l’argument que les anti-romains pensent pouvoir tirer de ce même concile contre la Papauté, à travers le cas d’Honorius. Et nous verrons ensuite en quoi cela revient à dogmatiser le Filioque, et la doctrine catholique du célibat sacerdotal pour les mêmes raisons.

A) La Papauté

Le IIIè concile de Constantinople couvre donc de son autorité tous les enseignements romains antérieurs. Cela a pour première conséquence de valider la doctrine de la Papauté qui s’y trouve exposer. En voici une recension. Nous commençons par produire le dernier témoignage dans l’ordre chronologique mais le premier par la caractère explicite. Il s’agit du Pape saint Hormisdas et de sa fameuse Règle de la Foi, dite Formulaire d’Hormisdas.

Saint Hormisdas Ier (450-523)

Dans la lettre d’instruction que le Pape saint Hormisdas remit aux légats qu’il envoyait à l’empereur byzantin Anastase, le Pape indique :

« [Vous direz à l’empereur] Les lettres du Pape Symmaque ne font que répéter la formule : Je suis les décrets de Chalcédoine ; j’admets la doctrine du Pape Léon ; ces lettres ne contiennent rien d’autre sinon l’exhortation à les observer. […]

Si [l’empereur] vous demande de quelle manière il conviendrait de rétablir l’ordre, répondez-lui en toute humilité : Votre Père [le Pape] a écrit une encyclique adressée à tous les évêques en général. Joignez-y vos lettres sacrées déclarant que vous souscrivez à l’enseignement du Siège Apostolique. Alors on reconnaîtra les orthodoxes, ceux qui n’ont jamais été séparés de l’unité du Siège Apostolique, et ceux qui leur sont contraire […]

Si l’on vous présente des requêtes contre des évêques catholiques, principalement contre ceux qui osent anathématiser  le concile de Chalcédoine et rejeter les lettres du Pape saint Léon, recevez ces requêtes, mais réservez la cause au jugement du Siège Apostolique, afin qu’ils aient l’espérance d’être entendus, et que vous nous réserviez l’autorité qui nous est due. » (Lettre IV à l’empereur Anastase, 8 juillet 515, PL 63, colonnes 376 à 378)

Ce Pape envoya à la cour impériale de Constantinople – qui l’avait sollicité pour mettre fin aux schismes qui déchiraient l’Orient – le 11 août 515, un document intitulé Libellus Fidei, ou encore Regula Fidei, ce qui peut se traduire par Programme de la foi, Opuscule de la foi, Règle de la foi ou encore Profession de foi, mais plus connu sous le nom de Formulaire d’Hormisdas. Tous les évêques d’Orient devaient y souscrire, et y souscrivirent, preuve qu’ils adhéraient à son contenu. Une des vérités impératives exprimées dans ce texte était que l’orthodoxie s’est toujours maintenue à Rome. D’après des rapports, 2500 Evêques ont souscrit à ce formulaire. En voici le texte :

« La condition première du salut est de garder la règle de la foi juste et de ne s’écarter d’aucune façon des décrets des pères. Et parce qu’il n’est pas possible de négliger la parole de notre Seigneur Jésus Christ qui dit :  « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise » [Matthieu XVI ,18], ce qui a été dit est prouvé par les faits ; car la religion catholique a toujours été gardée sans tache auprès du Siège apostolique [autre version du texte : c’est seulement dans la chaire de Rome que les faits postérieurs ont correspondu à la parole du Christ]. Ne voulant donc nous séparer d’aucune façon de cette espérance et de cette foi, et suivant en toutes choses ce qu’ont décrété les pères, nous anathématisons tous les hérétiques, et principalement l’hérétique Nestorius qui fut jadis évêque de la ville de Constantinople, condamné au concile d’Ephèse par Célestin, le pape de la ville de Rome, et par saint (l’homme vénérable) Cyrille, l’évêque de la ville d’Alexandrie ; avec celui-ci (de même) nous anathématisons Eutychès et Dioscore d’Alexandrie, condamnés au saint synode de Chalcédoine que nous suivons et embrassons (qui, suivant le saint concile de Nicée, a proclamé la foi apostolique). Nous y ajoutons (nous exécrons également) le criminel Timothée, surnommé Aelure, ainsi que son disciple et partisan en toutes choses Pierre d’Alexandrie ; et de même nous condamnons (également) et nous anathématisons Acace, jadis évêque de Constantinople, condamné par le Siège apostolique, leur complice et partisan, et ceux qui sont restés en communion avec eux ; car (Acace), s’étant joint à leur communion, a mérité la même sentence de condamnation. De même nous condamnons Pierre d’Antioche avec tous ceux qui l’ont suivi et les partisans de ceux qui ont été mentionnés plus haut. (Mais) c’est pourquoi nous recevons et approuvons toutes les lettres du bienheureux pape Léon, qu’il a écrites touchant la religion chrétienne. Comme nous le disions plus haut, suivant en toutes choses le Siège apostolique et prêchant tout ce qu’il a décrété, j’espère (donc) mériter de rentrer dans la communion avec vous que prêche le Siège apostolique, communion dans laquelle réside, entière et vraie (et parfaite) la solidité de la religion chrétienne. Nous promettons (je promets) aussi que (à l’avenir) les noms de ceux qui sont séparés de la communion de l’Eglise catholique, c’est-à-dire qui ne sont pas en accord avec le Siège apostolique, ne seront pas lus durant les saints mystères. (Mais si je tentais de dévier en quoi que ce soit de ma profession de foi, je confesse que, selon mon propre jugement, je serais un complice de ceux que j’ai condamnés.) Cette profession de foi je l’ai souscrite de ma propre main, et je l’ai transmise (envoyée) à toi, Hormisdas, le saint et vénérable pape de la ville de Rome. » (Règle de la Foi, dans Lettre IX à Jean Evêque de Népomucène, 11 août 515 ; PL 63, colonnes 393 et 394 et MANSI tome VIII, colonnes 407-408)

Enfin, le Pape saint Hormisdas nous donne une exemple de l’identification formelle entre « l’Eglise Romaine » au sens de l’Eglise locale de Rome avec l’Eglise « catholique », c’est-à-dire universelle, signifiant que cette seconde est en tout soumise à l’Evêque de cette première comme à son chef unique et universel. En effet, il écrit :

« Ce que l’Eglise Romaine, c’est-à-dire catholique […] » (Lettre 70 Sicut rationi, à l’évêque africain Possessor, 13 août 520, Chapitre 5, PL tome 63, colonne 493)

Pour lire d’autres témoignages, nous renvoyons à notre article :

La Papauté depuis les apôtres

Nous renvoyons vers ceux des Papes saint Clément de Rome, puisqu’il menace de l’enfer ceux « qui résistent aux avertissements que Dieu leur envoie par [son] truchement » et affirme que sa lettre est « écrite par le Saint-Esprit« , de saint Victor qui donna des ordres à l’univers entier dans l’affaire quartodécimane, des Papes du temps de Tertullien qui agirent contre les montanistes dans toute l’Eglise, de saint Jules Ier (dans l’affaire du Concile d’Antioche de 340), Saint Sirice (vers 320-399), Saint Damase (304-384), Saint Anastase Ier (340-403), Saint Innocent Ier (mort en 417), Saint Zosime (mort en 418), Saint Boniface Ier (mort en 422), Saint Célestin Ier († 432), Saint Sixte III († 440), Saint Léon le Grand (vers 395-461), Saint Simplice (vers 420-483), Saint Félix III (vers 440-492), la Lettre synodale du concile de Rome au clergé de Constantinople (485), Saint Gélase (mort en 496), la Profession de foi de l’Empereur Justinien Ier (vers 482-565) et son approbation par le Pape Jean II (470-533), Saint Pélage Ier (vers 500-561), Pélage II (520-579), et Saint Grégoire le Grand (vers 540-604).

B) Le Filioque

Pour lire d’autres témoignages, nous renvoyons à notre article :

Le Filioque chez les Pères de l’Eglise

Nous renvoyons vers ceux des Papes Saint Damase (vers 305-384), Saint Léon le Grand (390-461), Saint Hormisdas (450-523) et Saint Grégoire le Grand (vers 540-604).

C) La doctrine du célibat sacerdotal

L’Eglise catholique enseigne que le célibat ecclésiastique n’est pas un dogme. Cependant, elle considère cette discipline comme hautement doctrinal, et comme un trésor qu’elle ne pourra jamais abandonné. Cela ne sort pas de nulle part, cela vient de l’enseignement des apôtres, liant la perfection du sacerdoce au célibat. L’église orthodoxe quant à elle, nie une telle origine au célibat sacerdotal, raison pour laquelle elle autorise des hommes déjà mariés à devenir prêtres tout en continuant à avoir une vie conjugale. Nous établissons dans notre article Le célibat des prêtres vient des apôtres ! non seulement les fondements bibliques et patristiques de la doctrine catholique. De plus, il faut savoir que l’église orthodoxe considère même comme un dogme que la doctrine catholique du célibat est fausse ! En effet, l’église orthodoxe considère les canons du concile « in Trullo » comme les vrais canons du VIè concile oecuménique. Aussi, son 13è canon exprimant le contraire de la doctrine catholique, il s’en suit naturellement que la doctrine catholique doit nécessairement être considérée comme fausse par un orthodoxe. Nous démontrons que les canons « in Trullo » sont nuls et non avenus dans notre article, Le concile « in Trullo » (691-692) est-il valide ?. Toujours est-il que l’église orthodoxe se condamne elle-même encore une fois en acceptant le IIIè concile de Constantinople qui ratifia l’orthodoxie de tous les Papes qui avaient précédé, plusieurs de ceux-ci enseignant l’actuelle doctrine catholique sur le célibat sacerdotal. Nous le prouvons dans notre article :

Le célibat des prêtres vient des apôtres

Nous renvoyons vers ceux des Papes Saint Damase (vers 305-384), Saint Sirice (vers 320-399), Saint Innocent Ier (mort en 417), Saint Léon le Grand (390-461), la législation religieuse de Justinien approuvée par les Papes (7 avril 529) et Saint Grégoire le Grand (vers 540-604).

D) La validité du baptême des hérétiques

Les orthodoxes nient la validité des sacrements conférés par les hérétiques. En effet, l’église orthodoxe reconnaît comme oecuménique et donc comme infaillible le concile « in Trullo ». Nous renvoyons à ce sujet aux deux articles suivants :

Le concile « in Trullo » (691-692) est-il valide ?

Les falsifications, mensonges et contradictions du concile « in Trullo » (691-692) prouvent que l’église orthodoxe n’est pas l’Eglise de Jésus-Christ

Aussi le début du 2è canon in Trullo dispose :

« Ce saint concile a pris aussi la décision très belle et très importante, que resteront désormais sûrs et confirmés pour le salut des âmes et la guérison des passions les 85 canons reçus et confirmés par les saints et bienheureux pères qui nous ont précédé, et transmis à nous aussi sous le nom des saints et glorieux apôtres. »

Il s’agit du Canons des saints apôtres ou Canons des apôtres ou encore Canons apostoliques, un texte apocryphe (ce qui est d’ailleurs une cause supplémentaire de discrédit qui tombe sur le concile in Trullo étant donné qu’il affirme infailliblement que ces canons viennent vraiment des apôtres), disposant en son 46è canon :

« Des clercs qui acceptent le baptême des hérétiques : L’évêque, le prêtre ou le diacre qui a reconnu le baptême ou le sacrifice des hérétiques, nous ordonnons qu’il soit déposé : « quel accord peut-il en effet exister entre le Christ et Bélial, et quelle part peut avoir l’infidèle avec le fidèle ? » »

Or de nombreux Papes avaient déjà enseigné la validité du baptême conféré par les hérétiques, nonobstant les particuliers où ces hérétiques auraient manifesté ne pas avoir du tout foi au vrai sens du baptême. Voir notre page :

Les Pères de l’Eglise sur la validité du baptême des hérétiques

IV) Le IIIè concile de Constantinople n’a-t-il pas condamné le Pape Honorius comme « hérétique » ?

A) Le concile n’a pas pu se contredire

1) La reconnaissance de l’orthodoxie de tous les Papes sans en excepter Honorius

Nous pouvons déjà souligner l’incohérence radicale qu’il y aurait entre la déclaration d’infaillibilité des Papes faite par le concile que nous venons de voir, et la condamnation d’un Pape comme « hérétique » ! Mais alors comment expliquer la coexistence des deux faits ? De plus, ces bien la déclaration des Pères du concile, affirmant de fait l’infaillibilité des Papes, que saint Léon II confirme avec l’autorité de saint Pierre

2) La reconnaissance de l’orthodoxie de tous les Papes sans excepter ceux qui ont garantit l’orthodoxie d’Honorius

De plus, ladite déclaration confirmant la perfection doctrinale de tous les Papes antérieurs, en plus d’Honorius lui-même, il y a deux autres Papes qui ont garantit son orthodoxie à lui aussi. Il s’agit de Jean IV :

« Le patriarche Serge de bienheureuse mémoire a fait savoir au pontife de la ville de Rome susdit, de sainte mémoire (Honorius), que certains affirmaient qu’il y avait dans notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ deux volontés contraires ; ayant appris cela, ledit pape lui répondit que de même que notre Sauveur est une unité unique, de même aussi il a été conçu et est né miraculeusement au-dessus de tout genre humain. Et en raison de sa sainte économie incarnée, il enseignait que notre Rédempteur, de même qu’il est Dieu parfait est aussi homme parfait, pour que, né sans aucun péché, il rétablisse la noblesse de l’état originel que le premier homme avait perdu par la transgression. Il est donc né comme le second Adam, n’ayant aucun péché, ni du fait de la naissance, ni du fait de ses rapports avec les hommes ; car le Verbe fait chair dans la ressemblance avec la chair de péché a pris tout ce qui est nôtre, sans porter aucune culpabilité encourue de par la transmission de la transgression […]

L’unique et seul médiateur sans péché de Dieu et des hommes est donc l’homme Christ Jésus [I Timothée II, 5], qui a été conçu et est né libre au milieu des morts. Dans l’économie de sa chair sainte il n’avait donc jamais deux volontés opposées, et jamais la volonté de sa chair n’a contredit la volonté de son esprit […]

Puisque donc nous savons qu’en lui, lorsqu’il est né et qu’il était en rapport avec les hommes, il n’y avait absolument aucun péché, nous déclarons, comme il convient, et nous confessons en vérité une seule volonté dans l’humanité de son économie sainte, et nous ne prêchons pas deux volontés contraires, de l’esprit et de la chair, comme dans un simple homme, à la façon dont manifestement le prétendent dans leur délire certains hérétiques.

C’est de cette façon donc qu’il apparaît qu’il (le Pape Honorius) a écrit (à Serge), à savoir que dans notre Sauveur il n’y a d’aucune manière deux volontés opposées, c’est-à-dire dans ses membres [Romains VII, 23] puisqu’il n’a contracté aucun défaut de la transgression du premier homme.

Mais pour que nul, de moindre intelligence, ne blâme (Honorius) de ce qu’il ne parle que de la nature humaine et non pas également de la nature divine… celui qui en débat doit savoir qu’il s’agit d’une réponse donnée à une question dudit patriarche. Pour le reste aussi on a coutume d’appliquer l’aide de la médecine là où se trouve la blessure. Et le bienheureux Apôtre lui aussi, manifestement, l’a souvent fait lorsqu’il s’adaptait à l’habitude des auditeurs ; tantôt, lorsqu’il parle de la nature la plus éminente, il se tait totalement quant à la nature humaine ; tantôt, traitant de l’économie humaine, il ne touche pas le mystère de sa divinité […]

Mon prédécesseur susdit disait donc, dans son enseignement sur le mystère de l’Incarnation du Christ,qu’il n’a pas existé en lui, comme en nous pécheurs, deux volontés contraires, de l’esprit et de la chair. Ce que certains ont retourné en leur propre conception, et ils ont pensé qu’il aurait enseigné une seule volonté de sa divinité et de son humanité, ce qui est totalement contraire à la vérité. » (Lettre II Dominus qui dixit à l’empereur Constantin III, printemps 641, PL, tome 80, colonnes 602 à 607)

Ainsi que le Pape saint Martin Ier qui déclara la parfaite orthodoxie de tous ses prédécesseurs, sans excepter Honorius. Il le fit dans ses lettres aux Eglises d’Antioche et de Jérusalem, où il oppose à la conduite des patriarches de Constantinople, tous hérétiques, celle des Pontifes romains, tous défenseurs vigilants des trésors de l’Eglise :

« Je dois vous informer, vénérables frères, de ce qui s’est passé ; nous avons vu, de notre temps, s’élever contre la foi orthodoxe les personnages que nous devons qualifier de ravisseurs : c’est Théodore évêque de Pharan, Cyrus évêque d’Alexandrie, Sergius évêque de Constantinople, et ses, successeurs Pyrrhus et Paul. Les hérétiques ont essayé d’enlever à l’Eglise les trésors de sa foi ; mais nous, je veux dire les Pontifes du Siège apostolique, nous les avons empêchés de nous dépouiller ainsi de nos richesses. »

Le même Pape avait dit, dans son discours d’ouverture au concile de Latran :

« Les catholiques ont porté leurs plaintes de divers lieux au Siège apostolique, et lui ont dénoncé, par écrit et de vive voix, la conduite des patriarches de Constantinople. Nos prédécesseurs d’apostolique mémoire n’ont point cessé d’écrire en divers temps à ces évêques ; ils les ont priés, admonestés, menacés, ils les ont fait avertir par des légats expressément envoyés à cette fin. Tout a été inutile. » (Labbe, VI, 82 et suivants ; Acta conc., IV, 702)

En supposant la prévarication d’Honorius, un tel langage eut-il été possible ?

Ce témoignage est d’autant plus significatif que lors de ce concile, le Pape saint Martin Ier, reconnaît que les intentions de l’empereur Héraclius, dans son Ecthèse, ou profession de foi, ont pu être droites :

« Encore, bien qu’il semble que cette Exposition a été pour un bon motif, cependant on peut dire que la doctrine qui y est enseignée produit en effet tout-à-fait contraire et opposé à l’intention qu’où avait en la faisant. Assurément, tous ceux qui craignaient véritablement Dieu doivent s’efforcer d’éloigner les occasions de dispute dans les questions de foi ; mais il n’est ni utile ni avantageux de détruire un bien en voulant prévenir un mal, et de supprimer les paroles et les sentiments des Pères, sous prétexte de vouloir s’opposer aux sentiments des hérétiques. » (Session IV)

Les intentions d’Héraclius, en publiant l’Ecthèse étaient peut-être bonnes, le concile le reconnaît, mais la mesure était fausse et de nature à favoriser l’hérésie : écrit et auteur sont appelés impies, hérétiques. C’est un style à connaître. Et comme elle était de nature à favoriser, en quelque manière, l’hérésie monothélite, on fit condamnation et sur l’écrit et sur l’auteur, et le concile les appelle impies et hérétiques :

« Si quelqu’un, conformément aux saintes Ecritures et à ce que nous avons enseigné, ne dit pas anathème de cœur et de bouche à tous les hérétiques et à tous leurs écrits, savoir : Sabellius, Arius, etc, à quoi il faut ajouter l’Exposition impie que l’empereur Héraclius a faite, à la persuasion de Sergius, pour maintenir cette hérésie d’une seule et unique volonté ou opération en Jésus-Christ, et tous les actes et écrits qui ont été faits pour les défendre, de même que ceux qui les reçoivent et les approuvent : que celui-là, dis-je, qui ne condamne pas tous ces hérétiques, soit anathème. » (Session V, canon 18)

3) Tous les saints, Papes et auteurs ecclésiastiques anti-monothélites témoignent de la perfection doctrinale d’Honorius

Une sentence différente du concile aurait été difficile lorsqu’on sait que l’Eglise fut unanime, même en dehors des Papes et jusque dans ses saints qui se sont particulièrement illustrés dans la lutte contre le monothélisme, pour témoigner de la perfection doctrinale d’Honorius. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Voici la liste des témoignages produits par cet article :

I) Jean Sympon, le secrétaire qui rédigea les lettres pour Honorius

II) VIè concile de Tolède (638) et saint Braulion de Saragosse (mort en 646 ou 651)

III) Les épitaphes d’Honorius (638)

IV) Notice biographique d’Honorius dans le Liber pontificalis

V) Jonas de Bobbio (vers 600-après 659)

VI) Jean IV (640-642)

VII) Saint Martin Ier (vers 600-655) lors du concile du Latran (649)

VIII) Saint Sophrone de Jérusalem (vers 550-638) par la voix de son diacre Etienne de Dor, lors du concile du Latran (649)

IX) Serge de Chypre

X) Saint Maxime le Confesseur (580-662)

XI) Saint Agathon (574-681) et le IIIè concile de Constantinople (680-681) lui-même

XII) Empereur Constantin IV Pogonat (vers 650-)

XIII) Saint Léon II (611-683)

XIV) Saint Bède le Vénérable (672/673-735)

XV) Saint Théodore Studite (759-826)

XVI) IVè concile de Constantinople (870)

Nous tenons à souligner ici la particulière pertinence de certains des témoignages invoqués :

VIè concile de Tolède (638) et saint Braulion de Saragosse (mort en 646 ou 651)

Son témoignage de la Papauté est aussi le plus ancien témoignage, de la part d’un saint et d’Evêques ayant la vraie foi, en garantie de la perfection doctrinale du Pape Honorius. En effet celui-ci avait envoyé des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite. Ces lettres datent de 634, soit seulement quatre ans avant cette déclaration du VIè concile de Tolède. Aussi le témoignage du concile Tolède est particulièrement pertinent à deux titres.

Premièrement il s’est déroulé après la rédaction de ces lettres, et donc le témoignage en faveur d’Honorius les englobe, d’ailleurs il y fait allusion en parlant de ce que Honorius a déclaré à l’Orient et de la « perfidie des méchants » qu’il a « conjuré » : « Les deux moitiés du monde, l’Orient et l’Occident, ont entendu votre voix. Puissent-elles comprendre que c’est Dieu qui parle par votre bouche, puissent-elles s’unir avec nous pour conjurer la perfidie des méchants !« .

Et deuxièmement ce concile est insoupçonnable d’erreur ou de complaisance avec l’erreur, puisqu’il fit une profession de foi christologique parfaite, en condamnant absolument le monothélisme. On trouvera cette profession de foi en latin dans LABBE, tome V, colonne 1741, et en français dans l’Histoire apologétique de la Papauté (tome 3, pages 375 à 377) de Mgr Justin FEVRE.

Saint Sophrone de Jérusalem (vers 550-638) par la voix de son diacre Etienne de Dor, lors du concile du Latran (649)

Son témoignage est d’autant plus important que si Etienne de Dor fut envoyé à Rome par saint Sophrone, c’était précisément pour combattre l’hérésie monothélite, étant donné que Sophrone craignait que Honorius ne soit tenté de prendre une position neutre et dangereuse pour la doctrine catholique : ainsi nous lisons que malgré la crainte d’une position ambigüe, il ne serait jamais venu à l’esprit des saints que l’Evêque de Rome put enseigner l’erreur.

Saint Maxime le Confesseur (580-662)

Son témoignage est d’autant plus important que saint Maxime le Confesseur est un héro de la lutte anti-monothélite, il refusa de faire la moindre concession à cette hérésie que sur la cour de Constantinople, gagnée au parti monothélite, on le tortura, on lui arracha la langue, on lui coupa la main droite, pour s’assurer de son silence, puis on l’exila en Lazica.

Le Pape saint Agathon et le Concile de Rome de 680

Nous avons cité plus haut les deux lettres envoyées par saint Agathon aux empereurs à l’occasion du IIIè Concile de Constantinople, la première en son nom propre, la seconde au nom d’un Concile de 125 tenu à Rome en 680, et qui témoignent de l’infaillibilité pontificale et ainsi excluent que Honorius fut hérétique. Aussi nous y renvoyons, mais tenons à insister sur un passage en particulier. Il s’agit de celui-ci :

« Dépositaire de la doctrine du Seigneur, dès qu’ils connurent les tentatives faites par les pontifes de Constantinople pour introduire au sein de l’Eglise immaculée des nouveautés hérétiques, ils n’ont jamais négligé de leur adresser leurs exhortations, leurs avis, leurs prières, les conjurant de se désister de leur hérétique doctrine, au moins en gardant le silence. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1172 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivants)

D’une part saint Agathon dit que les Pape ont réagit pour le bien de la vraie foi « dès qu’ils connurent les tentatives faites par les pontifes de Constantinople pour introduire au sein de l’Eglise immaculée des nouveautés hérétiques« , or, comme Honorius fut le premier à les connaître, cela exclut qu’il soit lui-même tombé dans l’hérésie. Et le Concile approuva pleinement cette lettre.

Deuxièment les mots traduits en français pas « au moins en gardant le silence » sont dans l’original latin : « saltem tacendo« . L’abbé Joseph-Epiphane DARRAS commente la chose ainsi :

« Le saltem tacendo de cette dernière phrase est une allusion manifeste à la conduite d’Honorius, et aux lettres dans lesquelles ce pape, dès la naissance du débat, avant que l’hérésie monothélite se fût définitivement formulée, prescrivait le silence suggéré comme moyen préventif par l’hypocrite Sergius. Ce passage de la lettre de saint Agathon a une importance capitale ; il nous donne la mesure exacte du jugement de l’église romaine sur Honorius. Agathon ne laisse pas même entrevoir la possibilité de ranger son prédécesseur parmi les auteurs de l’hérésie monothélite. Au contraire, il affirme énergiquement que jamais le siège apostolique n’a dévié de la vraie tradition, ni incliné vers la moindre erreur. Il redouble son affirmation avec d’autant plus d’insistance qu’il la savait contestée en Orient [ndlr : l’empereur lui avait fait part que Sergius se prévalait de l’autorité du Pape Honorius (comme de celle de saint Athanase d’ailleurs)]. Il l’appuie sur la tradition de l’Église catholique, sur les décrets des conciles généraux, sur l’enseignement des pères et des docteurs. Il constate que seuls les hérétiques la contredisent et la combattent par de haineuses récriminations. Enfin, il en démontre la légitimité par les paroles mêmes de la promesse divine faite aux pontifes romains en la personne de Pierre. Dans la pensée de saint Agathon, l’orthodoxie d’Honorius ne faisait donc pas l’objet du moindre doute. C’est aussi, on l’a vu précédemment, notre opinion. Mais si la doctrine d’Honorius, telle qu’elle résulte du texte même des lettres de ce pape, est irréprochable, on pourrait, non sans quelque apparence de motifs, supposer que sa conduite le fut moins. Administrativement parlant, comme le dit très-bien Joseph de Maistre [Du Pape, Tome I, Chapitre XV], il semble avoir manqué de, prudence et s’être trop fié à la parole byzantine de Sergius. Dans la rigueur de la doctrine strictement théologique, on a pu lui appliquer la distinction établie par les commentateurs sur la parole de Notre-Seigneur à saint Pierre. Cette parole renferme à la fois une promesse : « J’ai prié pour que ta foi ne faillisse pas, » et un précepte : « Confirme tes frères. » Or, la promesse divine d’infaillibilité ne saurait jamais souffrir d’éclipsé ; elle n’a pas été atteinte dans le fait d’Honorius, puisque l’orthodoxie des lettres de ce pape est constante. Mais le précepte auquel les papes peuvent manquer, puisqu’ils ne sont point impeccables, semblait avoir été sinon volontairement et sciemment, au moins involontairement et à son insu, violé par Honorius, dont les lettres dans le cas présent ne confirmèrent pas autant qu’il était possible l’épiscopat d’Orient dans la vraie foi. Telle est la solution aujourd’hui généralement adoptée. Cependant saint Agathon n’admettait même pas dans Honorius cette imprudence de conduite, cette faute administrative. Il déclare au contraire qu’Honorius a suffisamment rempli le devoir de sa charge, qu’il a exactement observé le précepte divin, qu’il s’est consciencieusement acquitté de son obligation pontificale en prescrivant le silence. Cette remarque est fort grave. Saint Agathon, plus près que nous des événements, avait pour les apprécier, outre l’assistance et les lumières de l’Esprit-Saint, une connaissance directe et presque immédiate des faits. Son jugement, on en conviendra, emprunte une valeur immense à l’autorité même de celui qui le prononce, au caractère dogmatique de l’acte qui le renferme, à la souscription du concile romain, à l’adhésion de toute l’église latine. Aussi ni saint Agathon, ni le concile romain réuni sous sa présidence, ni l’épiscopat d’Occident n’entendaient en aucune façon que les légats envoyés au futur concile eussent le moindre droit de souscrire à une condamnation quelconque d’Honorius. » (Abbé Joseph-Epiphane DARRAS, Histoire Générale de l’Église, tome XVI, pages 295 à 297)

4) Qu’en est-il de la réitération de la condamnation par le IIè concile de Nicée (787) ?

A cela, certains répondront sans doute que le IIè concile de Nicée (787) porta lui aussi la même condamnation à l’endroit d’Honorius. La réalité est que même si rien dans le contexte du IIè concile de Constantinople ne laisse deviner que cette condamnation est similaire à la condamnation limitée à un manque de courage du IIIè concile de Constantinople, cela doit être supposé car l’Eglise ne peut se contredire : si c’est ce qu’elle a voulu dire lors des IIIè et IVè conciles de Constantinople, c’est ce qu’elle a voulut dire aussi lors du IIè concile de Nicée (787). Nous rappelons d’ailleurs le principe posé par les Pères de l’Eglise selon lequel ils doivent tous être interprétés dans le même sens, lorsque cela n’est pas rendu impossible :

« Il ne convient pas d’opposer les Pères les uns aux autres, car ils sont tous Pères ; il serait contraire à la piété de décréter que les uns ont bien parlé tandis que les autres se sont mal exprimés, car tous se sont endormis en Christ. […] Il n’est pas permis de mettre en cause les uns ou les autres, car tous ont pris le soin des enseignements de Christ, tous ont dépensé leur zèle pour confondre les hérétiques. » (Saint Athanase, Des conciles, n° 43 et 45, PG, XXVI, 767-775)

 

« Si un auteur pèche dans son expression, on doit vérifier qu’elle est la foi qu’il professe. […] Même si l’expression est équivoque, l’intention ne l’est pas et c’est elle qui couvre de son ombre la parole et l’empêche de tomber dans quelque faute. » (Saint Ambroise, Lettre 48 à Sabinius, n°6, PL, XVI, 1153)

Saint Augustin (354-430) dit que l’Occident et l’Orient ont la même foi parce que c’est la même Tradition qui leur a été enseignée depuis les apôtres :

« Ou bien, les jugez-vous dignes de mépris parce qu’ils appartiennent tous à l’Eglise d’Occident, et parce que je ne vous ai nommé aucun évêque d’Orient? Que faire donc, puisqu’ils sont Grecs et que nous sommes Latins? Je suppose que vous devez vous contenter de cette partie de l’univers, dans laquelle le Sauveur a voulu couronner de la palme du martyre le premier et le chef de ses Apôtres. Si vous aviez écouté la voix d’Innocent qui gouverne aujourd’hui cette Eglise, vous auriez échappé aux pièges nombreux que les Pélagiens tendaient sous les pas de votre ardente et périlleuse jeunesse. En effet, répondant aux conciles d’Afrique, que pouvait leur dire ce saint Pontife, sinon que le Siège apostolique et l’Eglise romaine conservent l’unité avec et dans toutes les autres églises ? Et cependant vous accusez de prévarication son successeur Zozime, parce qu’il a refusé de condamner la doctrine des Apôtres et de son prédécesseur. […]

C’est donc en vain que vous en appelleriez aux évêques de l’Eglise orientale ; ces évêques sont chrétiens, et dans les deux parties du monde il n’y a qu’une seule et même foi ; pour ce qui vous regarde, c’est la terre occidentale qui vous a engendré, comme c’est l’Eglise occidentale qui vous a régénéré. Que voulez-vous: donc jeter dans son sein, que vous n’y ayez pas trouvé, quand elle vous a reçu parmi ses membres ? Que cherchez-vous à lui ravir, que vous ne l’ayez vous-même reçu dans ses bras ? » (Contre Julien, Livre 1, chapitre 4, n°13 et 14, PL tome 44, colonnes 648-449)

Théodoret de Cyr (393-458) parle de :

« la grâce de l’Esprit qui instruit les fidèles pour que tous partagent la même croyance, par-delà les monts et les mers. » (Dialogue I « Immutabilis », PG, 83, 79)

Facundus d’Hermiame (mort en 571) fait lui aussi mention de cette règle, bien qu’il ait tort de vouloir en faire bénéficier Théodore de Mopsueste (Père Denys PÉTAU, SJ, 1583-1652, « Prolégomènes », chapitre 2, n°8 dans Théologie dogmatique, tome 1)

B) Ce que nous apprend la Lettre de ratification du concile par le Pape saint Léon II

1) La formule de ratification implique que toute l’Eglise reconnaissait divine de la Papauté infaillible

C’est le Pape saint Léon II qui ratifia les décret du IIIè concile de Constantinople et qui lui donna sa forme de concile général, lui donnant force obligatoire pour l’Eglise universelle. Voici ses mots :

« Nous avons donc parcouru d’abord avec un extrême empressement les lettres synodiques, dont le langage plein d’élévation nous a frappés. Puis, avec une minutieuse attention, examinant chacune des pièces écrites, les conférant avec les récits des légats apostoliques, nous avons reconnu que le saint, grand et œcuménique concile sixième, réuni avec la grâce de Dieu par décret impérial à Constantinople, s’est conformé dans sa profession de foi dogmatique aux décisions rendues dans le synode œcuménique précédemment tenu à Rome [le concile romain de 680], sous la présidence directe du trône apostolique sur lequel nous sommes maintenant assis. [Saint Léon II expose ensuite en détail la doctrine apostolique proclamée par le concile sur les deux volontés du Christ]. Telle fut en effet la règle de la tradition apostolique et vraie, tracée dans son concile par mon prédécesseur Agathon, d’apostolique mémoire. Cette règle, il la fixa dans la lettre que ses légats remirent de sa part à votre piété, en l’appuyant par les témoignages conformes des Pères et des Docteurs de l’Eglise ; cette règle, le concile général de Constantinople l’a reçue comme un oracle émané du bienheureux Pierre, prince des apôtres ; il y a reconnu la doctrine pure et les marques d’une foi immaculée. Ainsi ce grand, saint et œcuménique concile que votre clémence a réuni, et auquel, pour le service de Dieu, elle a voulu présider, ayant embrassé en tout la doctrine des apôtres et des Pères, ayant reçu avec révérence la définition dogmatique promulguée par le Siège du bienheureux apôtre Pierre, dont, malgré notre indignité, nous tenons la place, à notre tour, nous et par notre ministère le vénérable Siège apostolique lui-même, nous approuvons le décret du concile ; par l’autorité du bienheureux Pierre nous le confirmons comme sur la solidité immuable de la pierre posée par Jésus-Christ pour fondement à l’Eglise. La vénération qui s’attache aux précédents conciles généraux de Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine et Constantinople (deuxième), nous voulons qu’elle soit rendue à cette récente assemblée œcuménique, où le Saint-Esprit vient encore de se manifester pour le salut des âmes et dont toute la gloire dans le Seigneur sera jusqu’à la fin des siècles attribuée à votre piété impériale. » (Lettre III Regi regum, à l’empereur Constantin IV, vers août 682 ; MANSI, XI, 730 et suivants ; PL 96, 404 et 405 ; Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 3, page 487, cite ce passage de saint Léon II mais se trompe dans la référence : il indique la colonne 464 au lieu de 404)

Nous avons ici plusieurs éléments. Le premier est que c’est en vertu de l’autorité de l’apôtre Pierre qu’il confirme le concile. Preuve qu’il était clair non seulement pour lui mais aussi pour ses destinataires qu’il était le chef visible et infaillible de droit divin de l’Eglise de Jésus-Christ, et que rien ne pouvait avoir cours sans son approbation expresse ou tacite. Le deuxième est qu’il appelle « oecuménique » le concile de Rome de 680, réunissant 125 Evêques autour du Pape saint Agathon qui, comme nous l’avons vu, affirme l’infaillibilité des Papes (Saint Agathon, Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682), et en conséquence, d’une part qu’il y croit aussi et ne saurait donc pas condamner Honorius comme hérétique au sens strict, et d’autre part que la confirmation du concile de Constantinople que porte la lettre ne saurait faire de même. Le troisième est le constat que le IIIè concile de Constantinople « pense de même » que ce concile de Rome qui affirme l’infaillibilité des Papes, et qu’il a reçu « comme un oracle émané de la bouche même de Pierre, prince des apôtres », la règle de foi promulguée par saint Agathon, et l’approuve par ce seul motif qu’il a reçu avec révérence cette règle, ce type de la vraie foi, de la tradition apostolique. Pour mieux accentuer encore sa pensée, saint Léon II déclare œcuménique le synode romain tenu par saint Agathon comme nous l’avons dit. Enfin le quatrième, prenant le contrepied du décret conciliaire qui avait mêlé à la définition de la foi les anathématismes, le Pontife donne à la définition de la foi son approbation absolue, quant aux anathématismes, il en détache soigneusement Honorius en spécifiant bien un motif de blâme différent et grandement inférieur à celui des autres, interprétant ainsi de manière authentique l’intention de l’assemblée conciliaire, conformément à ce que ses légats n’auront pas manqué de lui rapporter. Nous allons voir à la section suivante.

2) Ce qu’il dit en mentionnant la condamnation d’Honorius : une impossible hétérodoxie d’Honorius et une condamnation différente de celle des autres

Ce qu’il dit prouve que cette condamnation est loin d’avoir cette portée. C’est un autre passage de cette même lettre de saint Léon II qui nous donne la réponse. Le voici :

« Nous anathématisons les inventeurs du nouveau dogme : Théodore, évêque de Pharau, Cyrus d’Alexandrie, Sergius, Pyrrhus, Paul, Pierre, intrus plutôt qu’évêques de l’Eglise de Constantinople, et aussi Honorius qui ne s’efforça pas de maintenir la pureté de cette Eglise apostolique, par l’enseignement de la tradition des apôtres, mais qui permit que cette Eglise sans tache fût souillée par la trahison profane. » (Lettre III Regi regum, à l’empereur Constantin IV, vers août 682 ; MANSI, XI, 733 ; PL 96, 408)

Par ailleurs le Pape saint Léon II signifia aux Evêque d’Espagne le blâme du concile pour négligence à l’endroit d’Honorius, il manifesta l’autorité dont il était investi :

« On y condamna les hérétiques Théodore de Pharan, Cyrus d’Alexandrie, les quatre évêques de Constantinople, Sergius, Pyrrhus, Paul et Pierre, avec Honorius, lequel n’a pas éteint à sa naissance, comme il convenait à l’autorité apostolique, la flamme de l’hérésie, mais, en négligeant ce soin, l’a laissée grandir. » (Lettre IV aux Evêques d’Espagne, PL, 96, 414).

Eteindre l’hérésie « convenait à l’autorité apostolique » dont était revêtue Honorius, faisant ainsi témoignage de l’autorité universelle, apostolique et infaillible des Evêques de Rome.

D’ailleurs, il écrivit plus tard au roi Erwige des Wisigoths (Espagne) une lettre où il rappelait la condamnation d’Honorius en des termes plus forts que ceux de la lettre aux évêques. En effet, après l’annonce au monarque de la condamnation des chefs de l’hérésie, saint Léon II ajoute :

« avec eux fut également anathématisé Honorius de Rome, qui a laissé souiller la règle immaculée de la tradition apostolique qu’il avait reçue de ses prédécesseurs. » (Lettre VII au roi Erwige des Wisigoths ; PL 96, 419 ; MANSI, XI, 1057)

Et comme tous les propos de saint Léon II doivent être compris ensemble, par induction, dans le même sens, c’est une énième preuve que, dans cette affaire Honorius, la présence de blâme, même violent, n’a pas la signification stricte qu’il pourrait avoir en temps normal.

Nous pouvons tirer plusieurs conclusions de ce que nous venons de dire de ces lettres de saint Léon II. Toutes contredisent l’argument que les anti-romains voudraient tirer contre la Papauté.

Premièrement : de la même manière que le IIIè concile de Constantinople n’a pas pu à la fois proclamer l’infaillibilité des Papes et condamner l’un d’entre eux comme hérétique au sens strict, saint Léon II n’a pas pu vouloir ratifier une telle condamnation dans une lettre où il évoque l’autorité de saint Pierre comme exercée par les Evêques de Rome, comme nous l’avons vu plus haut.

Deuxièmement : à la fin de la phrase de saint Léon II où celui-ci mentionne les anathèmes, le texte latin de la lettre contient les mots « subvertere connatus est » ce qui se traduirait par « il s’est efforcer de subvertir« . Mais d’une part une telle sentence serait ridicule car elle ne correspond en rien à la réalité comme nous le verrons plus bas. Et d’autre part, plusieurs traductions latines indique le mot original en grec entre parenthèses. C’est significatif car on fait cela pour indiquer que le sens qui peut ressortir de la traduction peut induire en erreur. Le mot grec ayant été traduits en latin par « subverti permisit » (il permit que soit subvertie [la foi etc]) est παρέχω, ce qui signifie qu’Honorius a permis (permettre, autoriser) que la foi soit subvertie, non pas par son enseignement (comme ceux qui sont anathématisés comme « inventeurs de nouveau dogme »), mais par son inaction, sa négligence : nous verrons cela plus bas.

Troisièmement : le Pape saint Léon II condamne une série de monothélites comme : « inventeurs du nouveau dogme », puis, prenant bien soin de séparer Honorius des autres, il ne le condamne qu’en tant qu’il « ne s’efforça pas de maintenir la pureté de cette Eglise apostolique, par renseignement de la tradition des apôtres, mais qui permit que cette Eglise sans tache fût souillée par la trahison profane. ». Cela n’a rien à voir. Et effectivement, son inaction a permis un renversement de la foi chez beaucoup.

3) Y a-t-il contradiction entre saint Agathon et saint Léon II ?

On peut faire toutefois, contre ces observations de saint Léon II dans le cas du pape Honorius, une objection : saint Léon reconnaît Honorius coupable d’imprévoyance, de négligence peut-être, tandis que saint Agathon, dans son décret synodique et sa lettre à Pogonat, excusait, même sur ce point, la mémoire d’Honorius. Il y a donc, entre Léon II et Agathon, une divergence sensible d’appréciation.

Loin de la nier, répond l’abbé DARRAS, nous la constatons au contraire, et nous y trouvons la raison profonde de la persistance du sentiment catholique dans la vénération séculaire pour le nom d’Honorius. En justifiant d’une manière absolue la mémoire de ce Pape, saint Agathon s’était exclusivement placé au point de vue de l’orthodoxie intrinsèque des lettres incriminées. Il parlait comme avaient parlé le secrétaire Jean Sympon saint Braulion de Saragosse et les 52 autres Evêques du VIè concile de Tolède, Jean IV saint Martin Ier et saint Sophrone de Jérusalem par la voix de son diacre Etienne de Dor lors du concile de Latran (649) et saint Maxime le Confesseur.

Saint Léon se plaça, lui, au point de vue relatif ; il envisagea surtout l’inopportunité, si l’on peut dire ainsi, des lettres où Honorius employait les expressions grecques qui furent pendant quarante années le symbole du monothélisme en Orient. Irréprochables dans le sens que leur donnait Honorius, ces termes n’en étaient pas moins devenus, grâce à l’interprétation perfide des hérétiques, un danger permanent.

« Orthodoxes en eux-mêmes, les écrits d’Honorius auraient été fort inoffensifs entre des mains bien intentionnées. Mais cela ne suffît pas aux paroles d’un Pape : elles doivent porter avec elles leur explication et fixer dans la vérité toutes les intelligences qui ne s’aveuglent point volontairement. » (Père COLOMBIER, article « La condamnation d’Honorius et l’infaillibilité du Pape », revue Etudes, avril 1870, pages 533 et 534)

Voilà pourquoi saint Léon II reproche à Honorius de n’avoir pas fait tout ce qu’il aurait pu faire, d’avoir laissé faire ce qu’il devait empêcher. Si le Pape saint Agalbon avait eu à confirmer le sixième concile général, aurait-il cédé sur ce point ? Nous inclinerions volontiers à le croire. Adminislrativement parlant, les lettres d’Honorius furent malheureuses, bien que, théologiquement parlant, elles soient orthodoxes. Reconnaître une faute administrative dans un Pape, c’est déclarer ce dont personne ne doute, que les Papes ne sont point impeccables. L’infaillibilité pontificale ne reçoit par-là aucune atteinte. Après comme avant la déclaration de saint Léon II, l’Egliso catholique n’a cessé de proclamer le privilège d’inerrance doctrinale des vicaires de Jésus-Christ, lorsqu’ils prononcent ex cathedra. Saint Agalbon aurait donc vraisemblablement tenu le même langage que saint Léon II, s’il avait eu, comme ce dernier, à choisir entre cette concession faite à l’hostilité des Grecs et le danger d’un nouveau schisme.

C) Que signifie donc cette condamnation comme « hérétique » ?

Mais alors pourquoi a-t-il été condmané comme « hérétique » ? En quoi consista sa négligence ?

1) Les faits : l’ambigüité volontaire d’Honorius pour garantir la paix dans l’Eglise

Quelques mots d’abord sur les faits. En 451 le concile de Chalcédoine avait défini contre Eutychès qu’il y avait en Jésus-Christ deux natures complètes et distinctes : la nature humaine et la nature divine. Si dans le Christ il y avait deux natures complètes, il y avait aussi deux volontés : le concile ne l’avait pas dit, mais la chose allait de soi, car une nature intelligente ne peut être complète sans la volonté. Tel ne fut pas l’avis de certains théologiens orientaux qui enseignèrent qu’en Jésus-Christ il n’y avait que la volonté divine, la volonté humaine se trouvant pour ainsi dire absorbée par la volonté divine. Une telle doctrine apparaissait évidemment fausse, mais ses partisans voyaient là un moyen de conciliation entre les Eutychiens ou monophysites, c’est-à-dire les partisans d’une seule nature, et les catholiques. Les premiers admettraient les deux natures en Jésus-Christ et les seconds concéderaient l’unité de volonté. Cette tactique fut adoptée par en 634 par le patriarche de Constantinople Sergius qui, prenant de vitesse les légats pontificaux et exposa de manière adroite au Pape Honorius la doctrine du monothélisme. Il écrivit dans ce sens au Pape une lettre pleine d’équivoques et où la question était présentée sous un faux jour, il lui disait qu’il avait ramené beaucoup de monophysites à la vraie foi et lui demandait qu’il voulût bien interdire de parler d’une ou « deux énergies, d’une ou deux volontés. Il y dit que la doctrine des deux activités-volontés ne pouvait être érigée en règle de foi parce qu’on ne la rencontrait pas chez les Pères de l’Église ; que de plus cette doctrine des deux volontés en Jésus-Christ, si elle était acceptée comme vérité de foi, reviendrait à admettre la possibilité dans le Christ d’une opposition possible des deux volontés. Il propose donc au pape de s’abstenir de parler d’une ou deux volontés.

Honorius se laissa prendre et répondit, d’une part, à Sergius, deux lettres dans lesquelles il le félicitait de son succès auprès des monophysites, de l’autre, à saint Sophrone, patriarche de Jérusalem et défenseur de l’orthodoxie, une lettre dans laquelle il lui recommandait d’éviter les mots nouveaux de « une ou deux opérations », opération dans le langage de l’époque étant synonyme de volonté. Il approuve sa politique de silence mais en s’expliquant, dans un sens peut-être admissible car cela venait au terme de tout un raisonnement, il n’en laisse pas moins passer une phrase regrettable : Nous professons aussi la volonté unique du Seigneur Jésus-Christ. Malgré ces lettres dictées par un esprit de pacification, les querelles reprirent de plus belle jusqu’au VIe concile œcuménique, le troisième de Constantinople (580-681), qui porta l’anathème contre les monothélites, et entre autres, contre le pape Honorius.

La difficulté à résoudre est donc la suivante. Honorius, dans ses deux lettres à Sergius, a-t-il enseigné l’erreur ? Et a-t-il été, pour ce fait, condamné comme hérétique par le VIe concile œcuménique? Deux solutions ont été proposées par les apologistes. Les uns ont prétendu que les deux lettres à Sergius Seraient apocryphes : ce qui supprime toute discussion. Les autres admettent l’authenticité, et c’est évidemment dans cette hypothèse que nous devons nous placer pour répondre à nos adversaires. Il s’agit dès lors de savoir si le contenu des deux lettres est hérétique. L’on ne saurait contester qu’Honorius met le plus grand soin à tourner la difficulté et qu’il évite de se prononcer sur les deux volontés. Cependant, — qu’on remarque bien ce point, — il commence par rappeler les décisions, du concile de Chalcédoine et affirme hautement qu’il y a en Jésus-Christ deux natures distinctes, opérantes. Puis, approuvant la tactique de conciliation suivie par Sergius, il recommande de s’en tenir là et de ne plus parler de une ou deux opérations. Il ajoute bien, il est vrai, qu’il y n’y avait pas en Jésus Christ de volonté divine ; il entend seulement exclure les deux volontés auxquelles très insidieusement Sergius avait fait allusion ; les deux volontés qui se combattent en nous, volonté de l’esprit et volonté de la chair. La pensée d’Honorius n’est donc pas qu’il n’y a pas en Jésus. Christ une volonté divine et une volonté humaine, mais que sa volonté humaine n’est pas, comme la nôtre, entraînée par deux courants qui se contrarient.

La difficulté a étésoulignée dès l’époque du Concile comme nous l’avons vu lorsque saint Agathon écrivait :

« Dépositaire de la doctrine du Seigneur, dès qu’ils connurent les tentatives faites par les pontifes de Constantinople pour introduire au sein de l’Eglise immaculée des nouveautés hérétiques, ils n’ont jamais négligé de leur adresser leurs exhortations, leurs avis, leurs prières, les conjurant de se désister de leur hérétique doctrine, au moins en gardant le silence. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1172 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivants)

2) Les différentes significations des termes « hérétique » et « anathème » dans l’antiquité chrétienne

Aussi, l’antiquité chrétienne nous offre plusieurs exemples de gens condamnés comme « hérétiques » ou « anathème » pour des motifs bien inférieurs à l’hérésie au sens strict. Voici les différents types de coupables susceptibles de e voir infliger une telle censure :

1° Les hérétiques formels, qui soutiennent avec opiniâtreté, des erreurs contre les décisions de l’Eglise ;

2° Les hérétiques involontaires, qui soutiennent des propositions qu’ils croient être conformes à la doctrine catholique, mais qui, en réalité, lui sont contraires ;

3° Les fauteurs d’hérésie, qui, sans l’embrasser, coopèrent à sa diffusion par leur silence, leur négligence, silence ou inertie (surtout lorsque leurs fonctions les obligeaient d’agir, comme c’était le cas d’Honorius) ou de quelque autre manière ;

4° Ceux qui défendent les personnes et les écrits des hérétiques ;

5° Et enfin ceux qui communiquent avec eux.

Donnons des exemples :

Au concile de Nicée (325), on donne le nom d’hérétiques à Théognis et à Eusèbe de Nicomédie. En effet, lors du concile ils refusèrent d’abord de souscrire au Symbole, avant de fimalement s’y soumettre. Ils furent certes les auteurs de la fraude du « ὁμοούσιος » (homoousios) voulant dire « de même nature », ajoutant un iota à « ὁμοούσιος » (homoousios) voulant dire « de même substance », afin d’en détourner le sens. Mais la malice de cette astuce ne se fit voir qu’après le concile, lors duquel il n’y avait donc plus de motif de les qualifier d' »hérétiques » au sens strict.

Le peuple de Rome refusait d’entrer dans l’église lorsque l’antipape Félix II (355-365) y officiait, uniquement parce qu’il communiquait avec les ariens bien qu’il professât la foi de Nicée.

Au concile de Chalcédoine (451), la même appellation décernée à Théodoret et à Jean. Quel était donc leur crime ? C’était de n’avoir pas attaqué ouvertement les ennemis de la foi ; on ne leur fait pas d’autre reproche. Le cinquième concile anathématise non-seulement les véritables nestoriens, qui s’appuyaient sur les écrits de Théodore, de Théodoret et d’Ibas, mais encore les catholiques qui ont pris ou qui prennent leur défense.

Le cinquième concile général, deuxième de Constantinople (553), anathématise premièrement les nestoriens, qui s’appuyaient sur les écrits de Théodore, de Théodoret et d’Ibas pour défendre leurs erreurs ; ensuite les catholiques qui soutenaient que les écrits de ces trois personnages (anathématismes 12, 13 et 14) étant exempts de nestorianisme. Voilà donc des catholiques orthodoxes condamnés à l’égal des hérétiques.

Saint Grégoire le Grand(vers 540-604), écrivant à Constance, évêque catholique du Milan, lui ordonnant, sous peine d’anathème, de condamner ouvertement les Trois Chapitres. Et lui rapporte Facundus d’Hermiane dit que communiquer avec eux (avec les auteurs des Trois Chapitres), c’est assumer sur nous-mêmes leur condamnation et devenir hérétiques :

« Vous êtes anathème si vous ne faites profession ouverte de condamner les trois Chapitres. — Communiquer avec eux, disait Facundus d’Hermiane, c’est assumer leur anathème sur nos têtes et devenir hérétiques. » (Registre des lettres, Livre II, lettre 5, à Constance évêque de Milan)

De même, il appelle « hérésie » la simonie, alors qu’il est évident que, pour criminelle qu’elle soit, elle n’est pas une adhésion à une doctrine erronée.

Le premier concile provincial de Latran, tenu en 649, sous le Pape saint Martin Ier, comme nous le disions plus haut, reconnaît que les intentions de l’empereur Héraclius, dans son Ecthèse, ou profession de foi, ont pu être droites :

« Encore, bien qu’il semble que cette Exposition a été pour un bon motif, cependant on peut dire que la doctrine qui y est enseignée produit en effet tout-à-fait contraire et opposé à l’intention qu’où avait en la faisant. Assurément, tous ceux qui craignaient véritablement Dieu doivent s’efforcer d’éloigner les occasions de dispute dans les questions de foi ; mais il n’est ni utile ni avantageux de détruire un bien en voulant prévenir un mal, et de suppri

mer les paroles et les sentiments des Pères, sous prétexte de vouloir s’opposer aux sentiments des hérétiques. » (Session IV)

Les intentions d’Héraclius, en publiant l’Ecthèse étaient peut-être bonnes, le concile le reconnaît, mais la mesure était fausse et de nature à favoriser l’hérésie : écrit et auteur sont appelés impies, hérétiques. C’est un style à connaître. Et comme elle était de nature à favoriser, en quelque manière, l’hérésie monothélite, on fit condamnation et sur l’écrit et sur l’auteur, et le concile les appelle impies et hérétiques :

« Si quelqu’un, conformément aux saintes Ecritures et à ce que nous avons enseigné, ne dit pas anathème de cœur et de bouche à tous les hérétiques et à tous leurs écrits, savoir : Sabellius, Arius, etc, à quoi il faut ajouter l’Exposition impie que l’empereur Héraclius a faite, à la persuasion de Sergius, pour maintenir cette hérésie d’une seule et unique volonté ou opération en Jésus-Christ, et tous les actes et écrits qui ont été faits pour les défendre, de même que ceux qui les reçoivent et les approuvent : que celui-là, dis-je, qui ne condamne pas tous ces hérétiques, soit anathème. » (Session V, canon 18)

Le IIè concile de Nicée (787) frappe du même anathème et ceux qui ne vénèrent pas les saintes images, et ceux qui prétendent que les chrétiens les adorent comme des dieux, et ceux qui communiquent avec ces iconoclastes. La culpabilité de ces derniers est pourtant loin d’être la même.

Un dernier exemple nous est donné par le IVè concile de Constantinople (870). En effet, comme nous le disions plus haut, bien que celui-ci renouvela l’anathème contre Honorius, il n’en déclara pas moins l’infaillibilité des Papes comme le fit le IIIè concile de Constantinople, et interdit même de parler contre les Evêques de Rome. Tout cela est montré dans notre article La Papauté depuis les apôtres. L’Eglise catholique est la seule Eglise à reconnaître ce concile, aussi il ne peut servir d’argument d’autorité ou d’argument ad hominem, mais il reste un argument de raison indéniable : il est impossible que les Pères du IVè comme ceux du IIIè concile de Constantinople aient proclamé l’infaillibilité des Papes et en même temps accusé d’hérésie un d’entre eux au sens strict du terme.

Ajoutons que le mot « hérétique » vient du latin « haereticus », du grec ancien « αἱρετικός » (hairetikós), ce qui veut dire « qui a le choix », « qui choisit ». L’hérétique au sens strict signifie donc choisir de suivre ses propres lumières plutôt que l’enseignement de l’Eglise. Mais la même chose peut être dite du moindre péché, car le péché est un choix de vouloir trouver son bonheur en soi-même plutôt qu’en Dieu.

3) Conclusion : Honorius ne fut blâmer que pour sa négligence à défendre la vraie foi avec la force requise

Ainsi, le VIè concile ne juge pas les écrits d’Honorius hérétiques, et ne le rejette pas lui-même comme enseignant l’erreur. Mais il le juge coupable de l’ordre du silence, que lui avait conseillé Sergius, et qui permit à l’erreur de croître et de s’affermir. C’est sous ce rapport qu’il condamna Honorius. Il est vrai que, dans les autres formules de condamnation, le concile réunit tous les noms des condamnés, en les représentant tous ensemble comme instruments du démon, comme propagateurs de l’hérésie, comme perturbateurs de l’Eglise et ennemis de la foi. Mais chacun d’eux ne le fut-il pas selon le mode de sa participation au mal, les prélats orientaux comme auteurs et propagateurs de l’hérésie, Honorius comme séduit par les conseils de Sergius et gardien peu vigilant du dépôt de la foi ? — Il est certain que la qualification d’hérétique n’est pas seulement donnée à celui qui professe l’hérésie, mais encore à quiconque la favorise de quelque manière que ce soit.

4) L’impasse dans laquelle se trouvent ceux qui refusent cette conclusion

Certains répondront que cette explication n’est pas valable, car les propos du Concile, et encore plus de l’empereur, sont clairs, et qu’il n’est pas possible de leur faire dire ce que nous disons.

En réalité nous ne nions pas qu’une telle réalité est étrange au premier abord. Mais le fait est qu’en considérant l’intégralité des documents en présence, nous n’avons pas à chercher le comment (en philosophie le quod), mais à constater le quoi (en philosophie le quo). En effet, si nos contradicteurs refusent notre conclusion, alors ils se retrouvent à devoir expliquer comment les mêmes protagonistes ont pu, parfois dans les mêmes documents, affirmer une chose et son contraire. En effet, c’est à nos contradicteurs qu’il incombe d’expliquer comment chacun des trois protagonistes, à savoir l’assemblée conciliaire, l’Empereur Constantin IV Pogonat et le Pape saint Léon II, auraient pu à la foi parler d’Honorius comme « hérétique« , « anathème » ou « excommunié » au sens strict, et en même temps affirmer, soit de leur propre mouvement, soit via l’adhésion aux lettres romaines du 27 mars 680, ont affirmé : 1) l’infaillibilité romaine de droit divin, fondée sur la promesse faite à saint Pierre et en vertu de sa successions, 2) l’inerrance de fait de tous les Papes antérieurs, 3) l’inerrance d’Honorius en particulier, puisque c’est de lui dont il est question lorsqu’il est dit que « dès [que les Papes] connurent les tentatives faites par les pontifes de Constantinople pour introduire au sein de l’Eglise immaculée des nouveautés hérétiques, ils n’ont jamais négligé de leur adresser leurs exhortations, leurs avis, leurs prières, les conjurant de se désister de leur hérétique doctrine, au moins en gardant le silence. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169) !

Certains parleront peut-être de manœuvres « politiques » car les orientaux auraient voulu condamner Honorius, mais qu’ils se heurtaient à l’opposition des occidentaux. A vrai dire la chose n’est pas impossible. Mais alors pourquoi faire peser la présomption d’erreur contre l’Occident plutôt que contre l’Orient ? En effet, les lettres d’Honorius ne permettent pas d’établir l’erreur d’Honorius (les plus efficaces et plus honnêtes détracteurs de la Papauté le reconnaissent, il en est fait été dans les documents auxquels nous renvoyons plus bas), tous les témoignages tant occidentaux qu’orientaux, depuis le secrétaire qui rédigea la lettre pour Honorius jusqu’au Concile de Rome de 680 sont favorables à Honorius, que les réalité des choses montre qu’il serait clairement abusé de dire au sens strict qu’ « Honorius qui s’est montré en tout leur compagnon d’hérésie, et qui a affermi l’hérésie », et qu’en conséquence de tout cela, s’il y eut des manœuvres « politiques », elles ne sont pas du fait de l’Occident qui, lui, était dans le réel, mais de l’Orient qui, pour diverses raisons telle un ressenti émotionnel contre Honorius qui ne fit pas son travail, ou encore les intrigues byzantines dont l’habitus est bien connu. Enfin, si les décrets du Concile sont des documents du magistère, alors Dieu n’aurait pas permis que puissent s’y glisser de telles affirmations de l’infaillibilité du Pape et d’Honorius en particulier si cela n’était pas vrai.

D) Et si l’assemblée du VIè Concile avait bel et bien voulu condamner Honorius comme « hérétique » au sens plénier du terme ?

Certains ne seront pas satisfaits de ces explications en se fondant sur la lettre synodale de l’assemblée du VIè Concile qui ne laisseraient aucune doute sur la nature de l’accusation à l’endroit d’Honorius. A cela nous répondons tout simplement que si cette lecture était vraie, la seule chose qu’il faudrait conclure est l’erreur de l’assemblée conciliaire !

1) En un tel cas c’est l’assemblée de Constantinople qui serait dans l’erreur

Bien sûr nous n’assenons pas cela sans argument ! En effet, il y a deux raisons de tirer cette conclusion.

a) Une dénaturation évidente des faits

La première raison est que dans un tel cas, il est évident que l’assemblée conciliaire aurait menti en abusant des faits, en les surinterprétant et en les dénaturant pour infliger à Honorius une censure qu’il ne méritait clairment pas. Nous renvoyons pour cela à ce que nous avons dit plus haut, ainsi qu’à la section « E) Documments supplémantaires » plus bas.

b) L’assemblée de Constantinople se serait alors contredite

La seconde raison est que dans un tel cas, l’assemblée conciliaire se serait contredit puisque comme nous l’avons vu, elle a proclamé l’infaillibilité des Papes, aussi bien à travers ses propres propos qu’à travers l’approbation des lettres de saint Agathon (MANSI, 11/665-666, 684 et 686), dont la première parlait explicitement de « la tradition du Saint-Siège apostolique, telle qu’elle a été établie par les papes antérieurs. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1165), en parlant de la christologie de la lettre. Aussi une lettre synodale qui se contredit d’une page à l’autre serait un bine piètre trophée pour les anti-romains !

2) Ce diagnostique est-il contredit par l’autorité infaillible d’un Concile oecuménique ?

Nos contradicteurs pourraient répondre que notre analyse fondée sur les pièces originales de l’affaire, sur les témoignages en faveur d’Honorius tout au long du VIIè siècle ainsi que sur la reconnaissance de nombreux auteurs anti-infaillibilistes tout au long de l’histoire, est certes intelligente et recevable, mais qu’elle est nécessairement fausse car contredite par le tribunal infaillible qu’est un Concile oecuménique.

A cela il faut répondre deux choses.

a) Un argument qui n’élucide pas la contradiction soulignée

La première est que cette argument, vrai en lui-même, ne saurait effacer l’autre réalité que nous avons soulignée de la contradiction qui existerait alors entre la condamnation d’Honorius comme hérétique et la proclamation de l’infaillibilité des Papes dans le même document.

b) L’assemblée de Constantinople n’est devenue un Concile oecuménique qu’avec l’approbation du Pape saint Léon II qui interprète cette condamnation comme un blâme pour une simple négligence

La seconde est qu’un Concile oecuménique n’est oecuménique qu’avec l’autorité qui lui est attaché qu’avec l’approbation de l’Evêque de Rome ! Or comme nous l’avons vu, la confirmation de l’Evêque de Rome saint Léon II a explicitement donné une portée restrictive à la condamnation d’Honorius en ne la faisant porter que sur une simple négligence et non sur une hérésie au sens strict du terme. Aussi, quand bien même l’assemblée conciliaire aurait voulu condamner Honorius comme un hérétique au sens strict du terme, c’est l’interpétation de saint Léon II qu’i faudrait retenir comme faisant autorité comme décret conciliaire.

c) La nécessité de la confirmation par le Pape pour qu’un concile puisse être dit « oecuménique », c’est-à-dire « universel », suivant qu’on est catholique, gallican, orthodoxe ou vieux-catholique : l’approbation du Pape est toujours nécessaire, sinon en tant que Vicaire du Christ, du moins en temps que représentant de toute une moitié de l’Eglise

En effet, qu’on soit catholique, orthodoxe, gallican, vieux-catholique ou autre, un concile ne peut-être considéré comme oecuménique et infaillible sans la ratification du Pape.

Un catholique croit que le Pape a, de droit divin, la juridiction universelle sur l’Eglise, il s’en suit que rien ne peut être appelé « oecuménique » (à ne pas confondre avec « oeucuméniste ») ou « universel » sans l’approbation au moins implicite du Pape.

Un gallican reconnaît au Pape une primauté de droit divin non-équivalente à celle qui lui reconnaît un catholique, mais celle d’un « primus inter pares » (premier entre ses pairs, ou entre ses égaux) avec droit de véto : il ne peut rien décider seul, mais rien ne peut être décidé sans lui. Dans cette conception un Concile oecuménique ne peut être qualifié de Concile oecuménique sans son approbation.

Un orthodoxe ou un vieux-catholique ne reconnaît aucun pouvoir de droit divin à l’Evêque de Rome, mais reconnaît de fait qu’un concile ne peut pas être considéré comme oecuménique s’il n’est pas accepté en tant que tel par toute l’Eglise ou ses représentants : pour un orthodoxe ou un vieux-catholique, un concile ne peut donc pas non plus être appelé « oecuménique » sans l’approbation au moins implicite du Pape, qui représente à lui seul tout l’Occident, c’est-à-dire la moitié de l’Eglise, et auquel il reconnaît même un primauté d’honneur, et encore moins avec sa désapprobation explicite ! Aussi c’est comme cela que les sept premiers conciles ne seraient pas considérés par eux comme oecuméniques sans l’approbation de l’Evêque de Rome qui représentait à lui seul la moitié de l’Eglise universelle car il est patriarche de tout l’Occident. C’est pour cette raison que le Ier Concile de Constantinople (381) ne fut, pendant 70 ans, reconnu comme un vrai Concile oecuménique par personne, pas même pas le Concile d’Ephèse (431), pour l’unique motif qu’il n’était pas reconnu comme tel par les Evêques de Rome. Un catholique y verra une manifestation de l’autorité papale de droit divin, et un orthodoxe sera obligé d’y reconnaître à tout le moins la nécessité du consentement de l’Eglise universelle pour qu’un Concile oecuménique soit réellement un oecuménique. Plus de détail dans notre article :

La Papauté au Ier concile de Constantinople (381)

C’est pour cette raison que l’église orthodoxe elle-même ne peut pas reconnaître son « concile pan-orthodoxe » de 2016 comme oecuménique car il fut boycotté par l’église orthodoxe russe qui représente 60% de l’église orthodoxe.

On objectera peut-être que ce concile ne demanda nullement son avis au pape François. Mais cette objection ne vaut pas, puisque l’église orthodoxe considère François comme tous les Papes depuis 1000 ans comme hérétiques et schismatique, et en conséquence  hors de l’Eglise. C’est donc fort logiquement qu’il n’a pas demandé son approbation à un Pape et à travers lui toute une partie du monde qu’il ne considérait comme ne faisant pas partie de l’Eglise. Mais ce n’est pas le cas du IIIè Concile de Constantinople, VIè oecuménique qui reconnu comme divinement inspirées les lettres du Papes saint Agathon, et sollicita son approbation au Pape saint Léon II. D’ailleurs l’église orthodoxe et les vieux-catholiques considèrent ces deux des Papes comme des saints !

d) Les décrets du VIè Concile ne se limitent donc pas à la seule lettre synodale de l’assemblée de Constantinople

Ainsi les décrets du VIè Concile ne se limitent pas à la seule lettre synodale de l’assemblée de Constantinople de 680-681, mais s’étend aussi à l’intégralité des lettres de saint Agathon qu’elle approuve entièrement, en en disant entre autre : « Rome, cette ville antique, nous a transmis la profession de foi que Dieu avait dictée à saint Pierre. La feuille sur laquelle fut inscrit le dogme a honoré la fin de ce jour ; sur cette feuille on voyait de l’encre, mais c’est réalité c’est saint Pierre qui parlait au travers de l’écriture du pape Agathon. » (MANSI, 11/665-666), ainsi que par la lettre saint Léon II qui confirme le Concile et lui donne sa force.

e) Les Papes saint Agathon et à travers eux tout l’Occident s’opposent donc à une condamnation d’Honorius comme hérétique, du moins au sens plénier du terme, il est donc impossible de considérer une telle condamnation comme une décision infaillible du Concile

Aussi on ne saurait déclarer comme ayant la force d’un Concile oecuménique une décision qui se heurterait d’une part aux lettres de saint Agathon dont la seconde, qui est issue d’un Concile de 125 évêques réunis à Rome, traduit l' »avis […] de tous les évêques du nord et de l’occident » (Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1225), c’est-à-dire de la moitié de l’Eglise, et qui écarte une condamnation d’Honorius implicitement en affirmant l’infaillibilité des Papes, et même explicitement en parlant de « la tradition du Saint-Siège apostolique, telle qu’elle a été établie par les papes antérieurs. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1165), en parlant de la christologie de la lettre ; et d’autre par pae la lettre de confirmation de saint Léon II qui, comme nous l’avons vu, écarte lui aussi une condamnation d’Honorius implicitement en affirmant l’infaillibilité des Papes, et même explicitement en précisant la nature de la condamnation d’Honorius, à savoir le reproche d’une simple négligence.

f) Qu’en est-il de tout cela pour un observateur protestant ?

Enfin, arrêtons-nous un instant sur le cas d’un observateur protestant qui chercherait à tirer des conclusions de cette affaire concernant l’infaillibilité du Pape. En tant que protestant, il ne reconnaît d’infaillibilité à aucune instance ecclésiastique, que ce soit le Pape seul, le Pape approuvé par l’Eglise, ou le Concile. Il ne peut donc attribuer aucune conséquence théologique en tant que telle à ces événements, mais seulement faire une observation historique ayant accidentellement des conséquences théologiques. Cet observateur protestant pourra-t-il honnêtement tirer de cette affaire des conclusions définitives contre l’infaillibilité du Pape, en disant que celle-ci « n’existait pas encore« , alors que plus de la moitié de l’Eglise (l’Occident et les témoins orientaux que nous avons cité : saint Maxime le Confesseur, saint Sophrone de Jérusalem, Etienne de Dor et plus tard saint Théodore Studite) s’était exlicitement exrpimée contre la condamnation d’Honorius et pour l’infaillibilité du Pape, et que la minorité de l’Eglise qui aurait condamné Honorius se serait elle-même contredite en faisant cohabiter dans le même document cette condamnation et l’affirmation de l’infaillibilité des Papes ?

E) Documents supplémentaires

La réponse à l’argument que les anti-romains pensent pouvoir tirer de ce même concile contre la Papauté, à travers le cas d’Honorius se trouve aussi dans les chapitres afférents des deux livres disponibles dans ce lien, ainsi que dans celui disponible pour celui-ci.

37 commentaires sur “L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?

  1. Pingback: Réponses aux objections historiques contre la primauté et l’infaillibilité du Pape (2) | +†+Yesus Kristus azu+†+

  2. Carlito
    3 mars 2018

    Louez sois Jésus-Christ pour nous rappeler cette belle et grande Vérité : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ! » C’est claire comme de l’eau de roche ! Peut-on rajouter autre chose? Il n’y a que la langue du serpent pour essayer de corrompre les esprits et s’éloigner de ce que Jésus dit, point ! Tu crois ou tu ne crois pas, tu écoutes l’Esprit ou un autre esprit ! Pourtant c’est simple, puisque l’Église doit perdurer jusqu’à la fin du monde, alors il est évident que ces Paroles divine se communique aux successeurs de Saint Pierre.

    Merci mon ami pour tes recherches fructueuse !

    Carlito

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  5. Pingback: Les fondements bibliques de la Papauté (4) : Jean XXI, 15-17 : le Christ confie à saint Pierre la charge de Son troupeau | +†+Yesus Kristus azu+†+

  6. yannick
    8 avril 2018

    le pape reste un être humain capable de pécher et l’histoire en temoigne

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Cette entrée a été publiée le 2 mars 2018 par dans Foi Catholique.