+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

L’union de l’Eglise et de l’Etat : ce qu’enseignent les Papes

Défense de tous les dogmes de la Sainte Eglise : ici

De nos jours, bon nombre de « catholiques » libéraux et modernistes prétendent que l’Eglise te l’Etat doivent être séparés, et que l’union du Trône et de l’Autel ne doit jamais redevenir une réalité. Ils trouveront ci dessous toutes les preuves magistérielles (faisant autorité pour ceux qui se veulent catholiques) que l’union de l’Eglise et de l’Etat comme état normal, naturel et bon des choses est un enseignement infaillible de l’Eglise. Mais avant de produire dans l’ordre chronologique tous les enseignements des Papes que nous avons pu trouver, nous tenons à répondre par avance (ou plutôt à montrer comment les Papes Léon XIII et Pie XI a répondu par avance) à leurs arguments vouant justifier une « bonne » laïcité. D’après eux les condamnations de la laïcité par les Papes seraient uniquement le fait que la laïcité était vue comme une arme de persécution de l’Eglise, mais qu’au contraire, il existerait une laïcité positive, qui permettrait à toutes les religions, y compris la religion catholique, de prospérer, et que celle-ce ne serait pas condamnée par l’Eglise. Ils disent enfin que la situation actuelle ne permet plus de revendiquer des Etats catholiques, et qu’ils faut donc abandonner cette doctrine.

A cela nous répondons à nos libéraux ,premièrement que s’ils pensent que les Etats s’étant hier séparés de l’Eglise ont délaissé leur hostilité à l’Eglise, ils s’illusionnent gravement. Deuxièmement que tout l’enseignement qui va suivre réfute de fait leurs argumentation, d’une part parce que le premier témoignage que nous ayons nous vient du IVè siècle, et que nous en avons de nombreux antérieurs au XIXè siècle, période à partir de laquelle l’idée de laïcité agressive est devenue pertinente, car avant c’eut été un anachronisme, et d’autre part qu’il est affirmé de manière clair que l’union de l’Eglise et de l’Etat est une volonté positive de Dieu pour sa plus grande gloire, le salut des âmes et la prospérité des sociétés terrestres, et ne pouvant connaître « sans crime » (ce sont les mots de Léon XIII) d’exception. Troisièmement, Léon XIII a réfuta par avance tous les arguments particuliers de nos libéraux. Laissons-le parler.

Il condamna l’américanisme, système dans lequel l’Eglise n’est ni entravée ni mal vue par le principe de laïcité. Il condamne cette forme de laïcité dans l’absolu, alors même qu’il en reconnaît les bienfaits comme nous allons le voir, c’est dire si la séparation de l’Eglise et de l’Etat sous quelque forme que ce soit est radicalement contraire à la foi catholique ! C’est une réfutation par avance de toutes les tentatives de justification catholique de la laïcité, arguant que celle-ci n’est mauvaise et ne fut condamnée par les Papes qu’en tant qu’elle fut hostile à l’Eglise. Laissons la parole au Pape :

« Chez vous, en effet, grâce à la bonne constitution de l’Etat, l’Eglise n’étant gênée par les liens d’aucune loi, étant défendue contre la violence par le droit commun et l’équité des jugements, a obtenu la liberté garantie de vivre et d’agir sans obstacle. Toutes ces remarques sont vraies ; pourtant, il faut se garder d’une erreur : qu’on n’aille pas conclure de là que la meilleure situation pour l’Eglise est celle qu’elle a en Amérique, ou bien qu’il est toujours permis et utile de séparer, de disjoindre les intérêts de l’Eglise et l’Etat comme en Amérique.

En effet, si la religion catholique est honorée parmi vous, si elle prospère, si même elle s’est accrue, il faut l’attribuer entièrement à la fécondité divine dont jouit l’Eglise, qui, lorsque personne ne s’y oppose, lorsque rien ne lui fait obstacle, s’étend d’elle-même et se répand ; pourtant elle produirait encore bien plus de fruits si elle jouissait, non seulement de la liberté, mais encore de la faveur des lois et de la protection des pouvoirs publics. » (Encyclique Longinqua Oceani, 6 janvier 1895 – Sur le catholicisme aux États-Unis)

Léon XIII ne fait que résumer l’enseignement de tous les Papes précédents : certes il est bon que l’Eglise jouisse de la liberté dans un pays. Cela vaut mieux, bien sûr, que la persécution et l’on peut, en ce sens, se réjouir de la constitution américaine. Cependant, rappelle le Pape, cette situation n’est pas la meilleure. Face à l’Etat, l’Eglise ne demande pas seulement la liberté : elle a aussi droit à une protection spéciale. Le régime américain accorde la liberté à tous les cultes du moment qu’ils ne troublent pas l’ordre public. L’Eglise ne se plaint certes pas de bénéficier de cette liberté, qui lui est refusée dans certains autres pays, mais Léon XIII rappelle aux Américains que ce système, même s’il permet à l’Eglise de se développer, n’est qu’un moindre mal. En soi, l’Etat n’a pas à mettre toutes les religions sur un même pied d’égalité, comme il le fait aux Etats-Unis. Il doit privilégier et protéger uniquement la vraie religion.

Quelques années plus tôt, Léon XIII avant déjà enseigné que si des Etats ne reconnaissait pas officiellement la religion catholique comme unique vraie religion, tout en ayant, comme c’est le cas des Etats-Unis, une législation pas défavorable, ou même favorable de fait à la religion catholique, c’était « par une heureuse inconséquence », et encore en :

« Concernant le principe de la séparation de l’État et de l’Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de la législation chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démontrer ici tout ce qu’a d’absurde la théorie de cette séparation ; chacun le comprendra de lui-même. […]

Cette situation, il est vrai, se produit dans certains pays. C’est une manière d’être qui, si elle a ses nombreux et graves inconvénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, par une heureuse inconséquence, ne laisse pas que de s’inspirer des principes chrétiens ; et ces avantages, bien qu’ils ne puissent justifier le faux principe de la séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pratiquement, n’est pas le pire de tous. » (Encyclique Au milieu des sollicitudes, 16 février 1892 -Sur les rapports entre l’Église et l’État, la liberté des catholiques et la condamnation de la rébellion)

Notez qu’il dit bien que même alors, rien ne saurait « justifier le faux principe de la séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pratiquement, n’est pas le pire de tous« , répondant ainsi à nos libéraux pour lesquels l’impossibilité actuelle pratique de rétablir des Etats chrétiens devrait nous faire complétement abandonner cette doctrine : nous ne devons jamais oublier que cette doctrine demeure même si le malheur des temps ne permet pas de l’appliquer.

Léon XIII applique au cas particulier de l’union de l’Eglise et de l’État en France et aux Etats-Unis d’un principe général qu’il avait exprimé quelques années plus tôt :

« Quand on est sous le coup ou sous la menace d’une domination qui tient la société sous la pression d’une violence injuste, ou prive l’Église de sa liberté légitime, il est permis de chercher une autre organisation politique, sous laquelle il soit possible d’agir avec liberté. Alors, en effet, ce que l’on revendique, ce n’est pas cette liberté sans mesure et sans règle, mais c’est un certain allégement en vue du salut de tous ; et ce que l’on cherche uniquement, c’est d’arriver à ce que, là où toute licence est donnée au mal, le pouvoir de faire le bien ne soit pas entravé. » (Encyclique Libertas Praestantissimum du 20 juin 1888 – Sur la liberté humaine)

Puis, Léon XIII enseigne que c’est un devoir strict pour les Etats de reconnaître la religion catholique comme seule vraie, et ceux en raison des signes évidents de sa véracité :

« La société politique étant fondée sur ces principes, il est évident qu’elle doit sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu. – Si la nature et la raison imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ses biens. C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d’embrasser d’esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu lui-même a déclaré vouloir être honoré. Les chefs d’Etat doivent donc tenir pour saint le nom de Dieu et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité. Et cela ils le doivent aux citoyens dont ils sont les chefs. Tous, tant que nous sommes, en effet, nous sommes nés et élevés en vue d’un bien suprême et final auquel il faut tout rapporter, placé qu’il est aux cieux, au delà de cette fragile et courte existence. Puisque c’est de cela que dépend la complète et parfaite félicité des hommes, il est de l’intérêt suprême de chacun d’atteindre cette fin. Comme donc la société civile a été établie pour l’utilité de tous, elle doit, en favorisant la prospérité publique, pourvoir au bien des citoyens de façon non seulement à ne mettre aucun obstacle, mais à assurer toutes les facilités possibles à la poursuite et à l’acquisition de ce bien suprême et immuable auquel ils aspirent eux-mêmes. La première de toutes consiste à faire respecter la sainte et inviolable observance de la religion, dont les devoirs unissent l’homme à Dieu.

Quant à décider quelle religion est la vraie, cela n’est pas difficile à quiconque voudra en juger avec prudence et sincérité. En effet, des preuves très nombreuses et éclatantes, la vérité des prophéties, la multitude des miracles, la prodigieuse célérité de la propagation de la foi, même parmi ses ennemis et en dépit des plus grands obstacles, le témoignage des martyrs et d’autres arguments semblables prouvent clairement que la seule vraie religion est celle que Jésus-Christ a instituée lui-même et qu’il a donné mission à son Église de garder et de propager. » (Encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885 – Sur la constitution chrétienne des Etats, La Paix intérieure des nations, collection Les enseignements pontificaux, Desclée, 1957, 130-131)

 

« Et si l’on demande, parmi toutes ces religions opposées qui ont cours, laquelle il faut suivre à l’exclusion des autres, la raison et la nature s’unissent pour nous répondre : celle que Dieu a prescrite et qu’il est aisé de distinguer, grâce à certains signes extérieurs par lesquels la divine Providence a voulu la rendre reconnaissable, car, dans une chose de cette importance, l’erreur entraînerait des conséquences trop désastreuses. C’est pourquoi offrir à l’homme la liberté dont Nous parlons, c’est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l’avons dit, n’est plus la liberté, mais une dépravation de la liberté et une servitude de l’âme sans l’abjection du péché.

Envisagée au point de vue social, cette même liberté veut que l’État ne rende aucun culte à Dieu, ou n’autorise aucun culte public ; que nulle religion ne soit préférée à l’autre, que toutes soient considérées comme ayant les mêmes droits, sans même avoir égard au peuple, lors même que ce peuple fait profession de catholicisme. Mais pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que vraiment la communauté civile n’eût aucun devoir envers Dieu, ou qu’en ayant, elle pût impunément s’en affranchir ; ce qui est également et manifestement faux. On ne saurait mettre en doute, en effet, que la réunion des hommes en société ne soit l’œuvre de la volonté de Dieu, et cela qu’on la considère dans ses membres, dans sa forme qui est l’autorité, dans sa cause ou dans le nombre et l’importance des avantages qu’elle procure à l’homme. C’est Dieu qui a fait l’homme pour la société et qui l’a uni à ses semblables, afin que les besoins de sa nature, auxquels ses efforts solitaires ne pourraient donner satisfaction, pussent la trouver dans l’association. C’est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement reconnaître Dieu comme son principe et son auteur et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l’hommage de son culte. Non, de par la justice; non, de par la raison, l’État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l’athéisme, être animé à l’égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. – Puisqu’il est donc nécessaire de professer une religion dans la société, il faut professer celle qui est la seule vraie et que l’on reconnaît sans peine, au moins dans les pays catholiques, aux signes de vérité dont elle porte en elle l’éclatant caractère. Cette religion, les chefs de l’État doivent donc la conserver et la protéger, s’ils veulent, comme ils en ont l’obligation, pourvoir prudemment et utilement aux intérêts de la communauté. Car la puissance publique a été établie pour l’utilité de ceux qui sont gouvernés, et quoiqu’elle n’ait pour fin prochaine que de conduire les citoyens à la prospérité de cette vie terrestre, c’est pourtant un devoir pour elle de ne point diminuer, mais d’accroître, au contraire, pour l’homme, la faculté d’atteindre à ce bien suprême et souverain dans lequel consiste l’éternelle félicité des hommes, ce qui devient impossible sans la religion. » (Encyclique Libertas Praestantissimum, 2 juin 1888 – Sur la liberté humaine)

 

« La liberté de culte, considérée dans son rapport avec la société, est fondée sur ce principe que l’Etat, même dans une nation catholique, n’est tenu de professer et de favoriser aucun culte. Il doit rester indifférent au regard de tous et en tenir un compte juridiquement égal. Il n’est pas question ici de cette tolérance de fait, qui en des circonstances données peut être concédée aux cultes dissidents, mais bien de la reconnaissance accordée à ceux-ci des droits mêmes qui n’appartiennent qu’à l’unique vraie religion, que Dieu a établi dans le monde et désigné par des caractères clairs et précis pour que tous puissent la reconnaître comme telle et l’embrasser. Aussi bien une telle liberté place-t-elle sur la même ligne la vérité et l’erreur, la foi et l’hérésie, l’Eglise de Jésus-Christ et une quelconque institution humaine : elle établit une déplorable et funeste séparation entre la Société humaine et Dieu son Auteur ; elle aboutit enfin aux tristes conséquences que sont l’indifférentisme de l’Etat en matière religieuse ou, ce qui revient au même, son athéisme.

Personne, en effet, ne pourra raisonnablement nier que la communauté civile, non moins que l’homme pris individuellement, a des devoirs à l’égard de Dieu Créateur, son suprême législateur et son bienfaiteur attentif. Rompre tout lien de sujétion et de respect envers l’Etre suprême, refuser d’honorer son pouvoir et son autorité souveraine, méconnaître les bienfaits que la société en reçoit est une attitude condamnée non seulement par la foi, mais par la raison et par le sentiment commun des anciens païens eux-mêmes, qui plaçaient à la base de leur ordre public et de leurs entreprises civiles et militaires, le culte de la divinité dont ils attendaient leur prospérité et leur grandeur.

Mais il serait superflu d’insister sur ces réflexions. A plusieurs reprises déjà, dans des documents officiels adressés au Monde Catholique, Nous avons démontré combien est erronée la doctrine de ceux, qui sous le nom séducteur de liberté du culte, proclament l’apostasie légale de la société, la détournant ainsi de son Auteur divin. » (Lettre apostolique à l’empereur du Brésil È Giunto, 19 juillet 1889 – Condamnant la possibilité d’un droit accordé par principe aux faux cultes)

Enfin, l’idée que toutes les religions pourraient contribuer au bien social est réfutée par Pie XI qui condamne :

« la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. La conclusion est claire : se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée. » (Encyclique Mortalium animos, 6 janvier 1928 – Sur l’unité de la véritable Eglise)

De plus, il prend acte que :

« [Saint Augustin] qui connaissait si bien la misérable vie que menaient ses contemporains oublieux de Dieu, rappelle, parfois en phrases mordantes et d’autres fois en termes indignés, tout ce qui s’était infiltré de violence, de méchanceté, de cruauté, de luxure, dans les moeurs des hommes par l’action des démons grâce au culte des faux dieux. » (Encyclique Ad Salutem Humani, 20 avril 1930, à l’occasion du 1 500e anniversaire de la mort de saint Augustin ; Actes de S. S. Pie XI, Maison de la Bonne Presse, tome 6 (Année 1929 — 2e semestre. Année 1930), page 187)

Saint Damase

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Sous le pape saint Damase, l’empereur Théodose promulgue l’Edit de Thessalonique, dit Edit de Théodose, faisant du christianisme la religion officielle de l’empire. Saint Damase, chef visible de l’Eglise donna forcément son approbation. Nous pouvons donc considérer comme couverts de l’autorité papale les mots qui suivent :

« Édit des empereurs Gratien, Valentinien II et Théodose Auguste, au peuple de la ville de Constantinople. Nous voulons que tous les peuples que régit la modération de Notre Clémence s’engagent dans cette religion que le divin Pierre Apôtre a donné aux Romains – ainsi que l’affirme une tradition qui depuis lui est parvenue jusqu’à maintenant – et qu’il est clair que suivent le pontife Damase Ier et l’évêque d’Alexandrie, Pierre, homme d’une sainteté apostolique : c’est-à-dire que, en accord avec la discipline apostolique et la doctrine évangélique, nous croyons en l’unique Divinité du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans une égale Majesté et une pieuse Trinité.

Nous ordonnons que ceux qui suivent cette loi prennent le nom de Chrétiens Catholiques et que les autres, que nous jugeons déments et insensés, assument l’infamie de l’hérésie. Leurs assemblées ne pourront pas recevoir le nom d’églises et ils seront l’objet, d’abord de la vengeance divine, ensuite seront châtiés à notre propre initiative que nous avons adopté suivant la volonté céleste.

Donné le troisième jour des calendes de mars à Thessalonique, Gratien Auguste étant consul pour la cinquième fois et Théodose Auguste pour la première fois. »

Saint Célestin Ier

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« Vous devez attacher plus d’importance à la foi qu’à votre royaume. Votre Clémence doit prendre plus de soin de la paix de l’Eglise que de la sécurité de ses terres. Car la prospérité s’ensuivra partout, si vous commencez par rendre à Dieu ce qui a le plus grand prix à ses yeux. » (Lettre 19 à l’empereur Théodose dans PL, 50/511)

Saint Léon le Grand

« Et parce que nous savons qu’un bon nombre de ceux qui sont impliqués ici dans une accusation trop serrée pour qu’ils puissent se disculper se sont échappés, nous vous avons envoyé cette lettre, bien-aimés, par notre acolyte, afin que votre sainteté, chers frères, en soit informée et juge utile d’agir avec diligence et prudence, de peur que les hommes de l’erreur manichéenne ne puissent trouver l’occasion de blesser votre peuple et d’enseigner leurs doctrines impies. En effet, nous ne pouvons pas guider les personnes qui nous sont confiées si nous ne poursuivons pas avec le zèle de la Foi dans le Seigneur ceux qui détruisent et sont perdus, et si nous n’isolons pas avec toute la sévérité possible ceux qui ne sont pas sains d’esprit, afin que la peste ne continue pas à se répandre. C’est pourquoi je vous exhorte, mes bien-aimés, je vous prie et je vous préviens de faire preuve de toute la diligence nécessaire et possible pour les débusquer, de peur qu’ils ne trouvent quelque part l’occasion de se cacher. Car, de même que Dieu récompensera celui qui fait ce qui contribue à la santé du peuple qui lui est confié, de même, devant le tribunal du Seigneur, nul ne pourra s’exonérer d’une accusation de négligence s’il n’a pas voulu protéger son peuple contre les propagateurs d’une impie mécréance. » (Lettre 7 (alias 8) aux Évêques d’Italie, 30 janvier 444, Chapitre II ; PL tome 54, colonnes 621-622)

 

« C’est pourquoi, en m’adressant à notre empereur très chrétien, digne d’être rangé parmi les champions du Christ, j’utilise la liberté de la foi catholique et je vous exhorte sans crainte à jeter votre dévolu sur les Apôtres et les Prophètes, à mépriser et à rejeter fermement ceux qui se sont privés de leur nom chrétien, et à ne pas laisser les parricides blasphémateurs, qui, de l’avis général, veulent annuler la foi, discuter cette foi sous des prétextes perfides. En effet, puisque le Seigneur a enrichi votre clémence d’une telle connaissance de son mystère, vous devez considérer sans hésitation que le pouvoir royal vous a été donné non seulement pour gouverner le monde, mais surtout pour la protection de l’Eglise. En vous opposant aux entreprises impies, vous devez défendre le bon ordre déjà établi et rétablir la paix là où elle a été troublée, c’est-à-dire en déposant les usurpateurs des droits d’autrui et en rétablissant l’ancienne foi sur le siège d’Alexandrie, afin que, par vos réformes, la colère de Dieu soit apaisée et qu’il ne se venge pas de leurs actes sur un peuple jusqu’ici religieux, mais qu’il leur pardonne. Mettez devant les yeux de votre cœur, vénérable empereur, le fait que tous les prêtres du Seigneur qui sont dans le monde entier vous implorent au nom de cette foi, dans laquelle se trouve la rédemption pour le monde entier. Dans lequel les tenants de la foi apostolique s’adressent plus particulièrement à vous, qui avez présidé l’Église d’Alexandrie, en suppliant votre Majesté de ne pas permettre à des hérétiques, légitimement condamnés pour leur perversité, de poursuivre leur usurpation ; car, que l’on considère la méchanceté de leur erreur ou l’acte que leur folie a perpétré, non seulement ils ne peuvent être admis à la dignité du sacerdoce, mais ils méritent même d’être retranchés du nom de chrétien. Car – et je demande à Votre Majesté de me pardonner de le dire – ils ternissent en quelque sorte votre propre splendeur, très glorieux Empereur, lorsque de si perfides parricides osent demander ce que même les innocents ne pourraient pas obtenir légalement. » (Lettre 156 à l’Empereur Léon ; PL tome 54, colonnes 1129-1130)

 

« S’il est toujours permis aux opinions humaines d’entrer en conflit, il ne manquera jamais d’hommes qui oseront résister à la vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine, vanité extrêmement nuisible que la foi et la sagesse chrétiennes doivent soigneusement éviter, conformément à l’enseignement de Notre Seigneur Lui-même. En effet, lorsque le Christ s’apprêtait à convoquer toutes les nations à l’illumination de la foi, il choisit ceux qui devaient se consacrer à la prédication de l’Évangile, non pas parmi les philosophes ou les orateurs, mais il prit d’humbles pêcheurs comme instruments par lesquels il se révélerait, de peur que l’enseignement céleste, qui était en lui-même plein de puissance, ne paraisse avoir besoin du secours des mots. C’est pourquoi l’apôtre proteste et dit : « En effet, le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour prêcher l’Évangile : non point avec la sagesse de la parole, afin que la Croix du Christ ne soit pas rendue vaine. Car la parole de la Croix est une folie pour ceux qui périssent ; mais pour ceux qui sont sauvés, c’est-à-dire pour nous, elle est la puissance de Dieu. Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, et Je réprouverai la prudence des prudents. Où est le sage ? où est le scribe ? où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-Il pas frappé de folie la sagesse de ce monde ? » [I Corinthiens I, 17-20] En effet, les arguments rhétoriques et les débats astucieux des hommes s’enorgueillissent surtout de ce que, dans les questions douteuses obscurcies par la diversité des opinions, ils peuvent amener leurs auditeurs à accepter le point de vue que chacun a choisi de mettre en avant grâce à son génie et à son éloquence ; et c’est ainsi que ce qui est soutenu avec le plus d’éloquence est considéré comme le plus vrai. Mais l’Évangile du Christ n’a pas besoin de cet art, car le véritable enseignement y est révélé par sa propre lumière ; il n’y a pas non plus à chercher ce qui plaira à l’oreille, alors que la connaissance de celui qui est le Maître suffit à la vraie foi. » (Lettre 164 à l’Empereur Léon, Chapitre II ; PL tome 54, colonnes 1149-1150)

Saint Félix III

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« Puisque même chez les nations barbares et qui ignorent le nom de Dieu, la liberté de n’importe quelle légation est toujours considérée comme sacro-sainte par le droit des gens, même pour la mise en oeuvre d’entreprises purement humaines, chacun sait qu’à plus forte raison elle aurait dû être intégralement sauvegardée par un empereur romain et chrétien, surtout dans les affaires religieuses. […]

Mais je pense que ta piété, prête à s’assujettir à ses propres lois plutôt que de s’y opposer, devrait de même obéir aux célestes décrets, et ne pas oublier que sa suprématie sur les choses humaines ne peut s’étendre aux choses divines qu’elle doit recevoir, sans aucun doute possible, des mains des dispensateurs établis par Dieu. Je pense qu’il t’est certainement utile de laisser, au cours de ton principat, l’Eglise catholique vivre selon ses lois, et de ne permettre à personne de faire obstacle à sa liberté, à elle qui t’a rendu le pouvoir royal.

Il est sûr en effet que la prospérité de tes affaires t’impose, quand il s’agit des intérêts de Dieu, de faire effort, ainsi qu’il l’a voulu, pour soumettre ta volonté aux prêtres du Christ et ne pas la faire prévaloir sur eux : tu dois d’autre part apprendre de ceux qui y sont préposés les mystères sacrés, et non pas les enseigner ; te plier à l’organisation de l’Eglise, et non pas lui prescrire des règles d’un droit humain, ni vouloir régner sur ses décisions, elle à qui Dieu a voulu par le joug d’un religieux dévouement soumettre ta clémence. Il est à craindre en effet que par les infractions aux dispositions du ciel, on n’en vienne à mépriser celui qui en est l’auteur. » (Lettre Quoniam pietas, 1er août 484, à l’empereur Zénon)

Saint Gélase Ier

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« Il y a deux principes par lesquels ce monde est régi principalement : l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal ; et parmi les deux la charge des prêtres est d’autant plus lourde qu’ils doivent rendre compte devant la justice divine de ceux-là mêmes qui sont les rois.

Tu le sais en effet, fils très clément : bien que ta dignité te place au-dessus du genre humain, tu inclines cependant, par un devoir religieux, ta tête devant ceux qui sont chargés des choses divines et tu attends d’eux les moyens de te sauver ; et pour recevoir les célestes mystères et les dispenser comme il convient, tu dois, tu le sais aussi, selon la règle de la religion, te soumettre plutôt que diriger. Par conséquent, en tout cela tu dépends de leur jugement et tu ne dois pas vouloir les réduire à ta volonté.

Si en effet, pour ce qui concerne les règles de l’ordre public, les chefs religieux admettent que l’empire t’a été donné par une disposition d’en haut et obéissant eux-mêmes à tes lois, ne voulant pas, au moins dans les affaires de ce monde, paraître aller contre… une décision exclue, dans quels sentiments ne faut-il pas, je t’en prie, obéir à ceux qui sont chargés de dispenser les vénérables mystères ?

C’est pourquoi, de même qu’elle n’est pas légère, la menace qui pèse sur les pontifes qui n’ont pas parlé pour le culte de Dieu, comme ils le doivent, ainsi n’est-il pas négligeable le danger – puisse-t-il ne pas exister – encouru par ceux qui, alors qu’ils devraient obéir, méprisent. Et s’il est normal que le coeur des fidèles se soumette à tous les prêtres en général qui s’acquittent convenablement de leurs divines fonctions, combien plus l’unanimité doit-elle se faire autour du préposé à ce siège, à qui la divinité suprême a voulu donner la prééminence sur tous les prêtres et que la piété universelle de l’Eglise a dans la suite constamment célébrée ?

C’est là que ta piété se rend compte avec évidence que jamais personne sous aucun prétexte humain ne peut s’élever au-dessus de la situation privilégiée de celui que la voix du Christ a placé au-dessus de tous, que l’Eglise vénérable a toujours reconnu et tient dévotement au premier rang. Elles peuvent être empêchées par des présomptions humaines, les décisions du jugement divin, mais vaincues, elles ne sauraient l’être par aucune puissance de qui que ce soit. […]

Que vos lois ne souffrent aucun préjudice, n’admettez pas que le nom de Rome subisse quelque dommage. Non seulement vous désirez les bienfaits du Christ pour ici-bas, mais vous désirez encore ceux de l’au-delà. Mais alors, comment pourriez-vous, prince illustre, tolérer que la religion, la vérité et la pureté de la communion et de la foi catholique endurent quelque diminution ? Comment prétendriez-vous, je vous le demande, recevoir la récompense future si vous ne préservez l’Eglise des embûches d’ici-bas ? » (Lettre VIII à l’empereur Anastase, année 494, Denzinger, Schönmetzer, 347, PL 59, 42A-43B)

Saint Symmaque

« Comparons donc la dignité de l’empereur avec celle du pontife : elles diffèrent dans la mesure même où le premier a la charge des choses humaines, l’autre de celles de Dieu. Toi, l’empereur, c’est par le pontife que tu es baptisé, c’est de sa main que tu communies, ce sont ses prières que tu implores, sa bénédiction que tu espères, c’est à lui que tu demandes ta pénitence. En somme, toi, tu as l’administration des choses humaines, et il te fait participer, lui, aux dons de Dieu. De sorte que sa dignité est au moins égale, pour ne pas dire supérieure. …

Que le monde assiste à cette instance, sous le regard de Dieu et de ses anges ; oui, soyons en spectacle à tout ce siècle, en sorte que les prêtres trouvent là l’exemple d’une vie sans reproche et les empereurs, celui d’une pieuse modération. C’est en effet surtout à nos deux fonctions que ressortit l’administration du genre humain, et il ne devrait rien se trouver en elles qui pût offenser la divinité, d’autant plus que les deux dignités semblent devoir être perpétuelles et qu’ainsi l’on doit trouver des deux côtés sollicitude pour le genre humain.

Je t’en prie, ô empereur, souviens-toi que tu es un homme, de façon à pouvoir user de ce pouvoir qui t’a été concédé par Dieu ; en effet bien que cela soit advenu selon le jugement des hommes, il faut cependant que cela soit examiné selon le jugement de Dieu.

Peut-être vas-tu dire qu’il est écrit que nous devons être soumis à tout pouvoir (voir Tite III, 1). Mais pour nous,nous reconnaissons, en les mettant à leur place, les autorités humaines, tant qu’elles ne dressent pas leur volonté contre Dieu. D’ailleurs, si tout pouvoir vient de Dieu, c’est plus vrai encore de celui qui s’est vu assigner la charge des affaires divines. Respecte Dieu en nous et nous, nous respectons Dieu en toi. » (Lettre Ad augustae memoriae à l’empereur Anastase Ier, entre 506 et 512, PL 60, 68C-69A)

Saint Hormisdas

Image illustrative de l’article Hormisdas

« Comme me le laisse entendre vos illustres paroles, Votre Clémence a bien lieu d’espérer la prospérité toute particulière de son royaume, si les intérêts de la foi catholique passent avant tout le reste. Car celui qui a reçu la charge du gouvernement terrestre ne peut pas nourrir un dessein plus salutaire que lorsqu’il s’efforce par ses bonnes œuvres de se concilier la faveur de Celui qui donne et dirige le pouvoir ici-bas. » (Lettre 4 à l’empereur Anastase dans PL, 63/43)

Saint Pélage Ier

« Ne pensez pas que c’est un péché de punir de tels individus [des évêques réfractaires]. Il est établi par les lois divines et humaines que les perturbateurs de la paix et de l’unité de l’Eglise soient réprimés par le pouvoir civil, et c’est le plus grand service que vous puissiez rendre à la religion. » (Lettre I, au duc d’Italie, PL 69, 394)

Saint Grégoire le Grand

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« L’autorité suprême a été confiée par Dieu aux empereurs pour qu’ils aident leurs sujets dans la recherche du bien et qu’ils leur ouvrent plus large la voie du ciel, de telle sorte que le royaume terrestre soit au service du royaume céleste. » (Lettre à Maurice Auguste, Registre des lettres, Livre III, Lettre 65 ; PL 77, col. 663)

 

« Il y a des hérétiques qui nient la divinité de Notre Seigneur, d’autres qui nient l’humanité de Notre Seigneur, et d’autres encore qui nient la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. » (Homélie X sur les péricopes évangéliques, 6)

Le Cardinal Louis-Édouard PIE commente ainsi ce passage de saint Grégoire le Grand, répondant ainsi au chrétien de nos jours, imbu des fausses idées modernes :

« Mon frère, vous avez la conscience en paix, me dites-vous, et tout en acceptant le programme du catholicisme libéral, vous entendez demeurer orthodoxe, attendu que vous croyez fermement à la divinité et à l’humanité de Jésus-Christ, ce qui suffit à constituer un christianisme inattaquable. Détrompez-vous. Dès le temps de S. Grégoire il y avait d’aucuns hérétiques, nonnulli haeretici qui croyaient ces deux points comme vous et leur « hérésie » consistait à ne point vouloir reconnaître au Dieu fait homme une royauté qui s’étendit à tout : sed hune ubi que regnare nequaquam creduni.

Non, vous n’êtes point irréprochable dans votre foi ; et le Pape S. Grégoire, plus énergique que le Syllabus, vous inflige la note d’hérésie si vous êtes de ceux qui, se faisant un devoir d’offrir à Jésus l’encens, ne veulent point y ajouter l’or. » (Œuvres sacerdotales du cardinal Pie, tome VIII, pages 62-63, Homélie sur l’étendue universelle de la Royauté de Jésus-Christ, 18 janvier 1874 ; cité in : Père Théotime de SAINT-JUST, OFM, La Royauté Sociale de N.-S. Jésus-Christ d’après le cardinal Pie, deuxième édition, pages 130 et 131)

Saint Agathon

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« Aucun autre motif plus approprié ne saurait recommander à la divine majesté votre force absolument invincible : combattez ceux qui se sont écartés de la règle de la vérité, faites connaître et proclamez partout l’intégrité de notre foi évangélique et apostolique. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, dans PL, 87, 1212)

IIIè concile de Constantinople (680-681)

La lettre dans laquelle saint Agathon tint ce langage est infaillible et fut reconnue comme doctrinalement parfaite par le IIIè Concile de Constantinople (680-681), ainsi que par le Pape saint Léon II. Nous traitons de ce sujet dans cet article :

L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?

L’attitude politiques des Papes de saint Gélase à Innocent IV et sa justification théologique

Saint Thomas d’Aquin (1225-1274) rapporte ainsi les actions des Papes vis-à-vis des princes temporels, et en donne la justification théologique :

« Mais la principale [autorité] est celle que donne [au Pape] son institution divine, c’est-à-dire de Jésus-Christ. Car comme toute puissance Lui a été donnée en Sa qualité d’homme, comme on le voit dans saint Matthieu, chap. XVI, il donna son autorité à son vicaire, quand il dit : Je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Egliseje te donnerai les clefs du royaume des cieux, tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans le ciel, et tout ce que tu duras lié sur la terre sera lié dans le ciel. Ces paroles renferment quatre raisons qui toutes expriment l’autorité de Pierre et de ses successeurs sur tous les fidèles, et pour lesquelles le Souverain Pontife, évêque de Rome, peut être appelé, à juste titre, pontife et roi. Car si Notre-Seigneur Jésus-Christ est appelé ainsi, comme le prouve saint Augustin dans le dix-septième livre de la Cité de Dieu, il n’est point déplacé de donner ce nom à son successeur. […]

La première raison se tire des paroles de Notre-Seigneur : Je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai Mon Eglise. Par cette parole, comme l’exposent les saints docteurs, entre autres St Hilaire et St Augustin, le Seigneur montre la puissance de Pierre, parce qu’il est appelé Pierre, de la pierre qui est Jésus-Christ, comme dit l’Apôtre, qu’il avait déjà confessé, et qu’il obtient ce nom et cette autorité par une certaine participation, et qu’il a mérité d’entendre ces paroles : Et je bâtirai Mon Eglise sur cette pierre, comme pour montrer que toute autorité parmi les fidèles dépend de Pierre et de ses successeurs.

La seconde condition de l’autorité implique la force, ce qui est figuré par les paroles suivantes : Et les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle. On entend par les Portes de l’enfer les cours des tyrans et des persécuteurs de l’Eglise, […] Car tous les grands coupables ont recours à de tels princes, comme cela eu lieu à la cour de Frédéric [Frédéric II avait été excommunié par les Papes Grégoire IX puis Innocent IV], de Conrad de Manfred ; mais ils ne purent prévaloir contre l’Eglise romaine, et même ils firent une fin malheureuse […]

La troisième condition de l’autorité est son étendue, que Notre-Seigneur désigne par ces paroles : Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, par lesquelles il nous démontre le pouvoir de Pierre et de ses successeurs qui s’étend à toute l’Église, c’est-à-dire à l’Eglise militante et à l’Église triomphante, qui sont désignées par le royaume des cieux et qui sont fermées par les clefs de Pierre.

Ce que le Seigneur ajoute en dernier lieu, signifie la plénitude de l’autorité : Et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel. Car, comme le souverain  Pontife est le chef du corps mystique de tous les fidèles de Jésus-Christ et que toutes les sensations et tous les mouvements du corps viennent de la tête, il en est de même de notre proposition. C’est pourquoi il faut dire que dans le souverain Pontife réside la plénitude de toutes les grâces, parce que lui seul peut donner la rémission pleine et entière de tous les péchés, pour qu’on puisse lui appliquer ces paroles que nous disons du Seigneur, notre premier chef : Nous avons tous reçu de sa plénitude. Si l’on entend que ces paroles ne s’applique qu’au pouvoir spirituel, on commet une erreur, parce que le corporel et le temporel dépendent toujours du spirituel et de l’éternel, comme une opération du corps d’une faculté de l’âme. De même donc que le corps a l’être, la force et le mouvement par l’âme, […] de même la juridiction temporelle des princes vient de l’autorité spirituelle de Pierre et de ses successeurs.

On peut tirer cette conclusion de la conduite des Souverains Pontifes envers les rois, lesquels se soumirent à l’autorité temporelle. […] Constantin, qui se soumit au pape Sylvestre […l Charlemagne, que le pape Adrien nomma empereur […] Othon Ier, que le pape Léon fit également empereur […] Mais l’autorité des souverains pontifes, en cette matière, est assez prouvée par la déposition de différents princes par autorité Apostolique. Car nous voyons que le pape Zacharie appliqua ce pouvoir envers le roi des Francs, qu’il déposa et délia tous ses vassaux du serment de fidélité. Ainsi d’Innocent III, qui déposa Othon IV, et Honorius, successeur immédiat d’Innocent III, Frédéric II. Il est vrai que les souverains pontifes n’ont frappé, dans ces circonstances, qu’à raison de l’abus que ces princes faisaient de leur autorité, parce que le pouvoir royal, comme tout autre pouvoir, n’existe que pour l’avantage du peuple. Aussi appelle-t-on pasteurs ceux qui sont chargés de veiller aux intérêts de ceux qui leur sont soumis. Autrement ce ne sont point des maîtres légitimes, mais des tyrans… […] On ne peut cependant pas conclure ce chapitre autrement qu’en disant que les pasteurs de l’Église, Vicaires de Jésus-Christ, sont au-dessus de toute autorité. » (De regno, Livre II, Chapitre X)

 

« Après ces persécutions [celles des empereurs païens] contre l’Église, Julien [l’Apostat] ayant péri […] la paix fut rendue à l’Église […]. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que depuis cette époque jusqu’à Charlemagne, presque tous les empereurs se montrèrent obéissants envers l’Eglise romaine et fils soumis envers elle, comme ayant la principale autorité, sans distinction aucune de l’autorité spirituelle ou temporelle comme le déclare le Concile de Nicée. Aussi le Pape Gélase écrivit-il à l’empereur Anastase, que l’empereur relevait de l’autorité du pape et non le Pape de celle de l’empereur, comme le dit l’histoire. Aussi Valentinien, […] dit-il, lorsqu’il s’agissait de l’élection de l’archevêque de Milan : « Mettez sur le siège pontifical un homme auquel, nous qui tenons les rênes de l’empire, nous nous soumettrons sincèrement et dont nous écouterons les avis salutaires, comme des paroles sacrées qui nous ramèneront dans la bonne voie, si jamais la faiblesse humaine faisait que nous nous en écartions. » Et puisque ce sujet est très-important pour prouver le respect des empereurs envers le Vicaire de Jésus-Christ, nous allons citer tous les empereurs jusqu’à l’époque de Charlemagne. […]

Lorsque Constantin eut cédé l’empire au Vicaire de Jésus-Christ [saint Thomas devait croire en la véracité de la Donation de Constantin. Nous traitons de l’origine réelle de ce document, et de son absence d’influence réelle, contrairement à ce qu’affirment plusieurs anti-catholiques à la fin de notre article : La vérité sur les « Fausses Décrétales d’Isidore Mercator »], il transféra sa cour à Byzance […] Ce fut donc là le siège de l’empire jusqu’à Charlemagne, dans la personne duquel le pape Adrien transféra l’empire des Grecs aux Germains, dans un concile réuni à Constantinople même. Ce qui nous prouve que les empereurs de Constantinople relevaient du Vicaire de Jésus-Christ, c’est-à-dire du Souverain Pontife, comme l’écrivit le Pape Gélase à l’empereur Anastase. En sorte que leur puissance de gouvernement sur les fidèles relève du Souverain Pontife, de telle façon qu’on peut dire qu’ils sont les mandataires et les coopérateurs de Dieu, pour le gouvernement du peuple chrétien. » (De regno, Livre II, Chapitre XVII)

 

« Il se tint encore beaucoup d’autres conciles, […] mais on peut citer surtout l’empereur Justinien, après le IVe concile composé de 120 évêques, sous la présidence du pape Léon. Les lois qu’il fit en faveur des ecclésiastiques en sont une preuve, de même que la lettre qu’il adressa à tout l’univers, après la célébration du concile de Constantinople, dans laquelle il déclare se soumettre à toutes les décisions de l’Eglise et ordonne au peuple de les observer, en rappelant les décrets des quatre autres conciles œcuméniques qu’il confirme par des arrêtés, ou soumet les lois aux jugements ecclésiastiques, mais en particulier en ce qui concerne l’usure et le mariage qui sont les deux fondements de la vie civile. […]

[Plus tard] le pape Adrien […] transféra l’empire de Grèce en Germanie, dans la personne du grand roi Charlemagne ; ce qui prouve clairement que la puissance impériale relève de l’autorité du Pape. » (De regno, Livre II, Chapitre XVIII)

 

« Lorsque Charlemagne fut devenu empereur, il n’y eut point d’élection, mais succession au trône dans la même branche […] à l’époque du démembrement de l’empire de Charlemagne […] Othon Ier, duc des Saxons, […] fut couronné empereur par Léon VII, […] depuis cette époque Grégoire V [et ses successeurs…] choisit les empereurs, il y en eût sept élus de cette manière, et que ce mode d’élection, qui est encore en vigueur, a duré l’espace d’environ 270 ans, et durera tant que l’Eglise romaine, qui tient le plus haut degré de puissance, le jugera avantageux aux fidèles de Jésus-Christ. Ainsi, comme il est prouvé par les paroles citées plus haut, c’est-à-dire pour l’intérêt de l’Église universelle, fait apparaître que le vicaire de Jésus-Christ possède la plénitude du pouvoir, et que c’est à lui qu’appartient ce droit d’élection. » (De regno, Livre II, Chapitre XIX)

Innocent III

« De même que Dieu, le créateur de l’univers, a fixé deux grands luminaires au firmament du ciel, le plus grand pour qu’il préside au jour, le plus petit pour qu’il préside à la nuit, de même il a établi au firmament de l’Eglise universelle qui est appelée « ciel » deux grandes dignités ; une plus grande pour que, comme pour le jour, elle préside aux âmes, et une plus petite pour que, comme pour les nuits, elle préside aux corps, et ce sont l’autorité pontificale et le pouvoir royal. En outre : de même que la l’une reçoit la lumière du soleil, et qu’en vérité elle est plus petite que lui aussi bien quant à sa grandeur que quant à sa qualité, et aussi bien quant à sa situation que quant à son effet, de même aussi le pouvoir royal reçoit de l’autorité pontificale la splendeur de sa dignité ; plus il s’attache à la regarder, plus il est paré d’une grande lumière, et plus il en éloigne son regard, plus il perd de sa splendeur. » (Lettre I Sicut universitatis au consul Acerbus de Florence, n°401, 30 octobre 1198, PL 214, 377AB)

Boniface VIII

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« Les paroles de l’Evangile nous l’enseignent : en elle et en son pouvoir il y a deux glaives, le spirituel et le temporel[…] Lc 22,38 Mt 26,52 … Les deux sont donc au pouvoir de l’Eglise, le glaive spirituel et le glaive matériel. Cependant l’un doit être manié pour l’Eglise, l’autre par l’Eglise. L’autre par la main du prêtre, l’un par la main du roi et du soldat, mais au consentement et au gré du prêtre.

Or il convient que le glaive soit sous le glaive, et que l’autorité temporelle soit soumise au pouvoir spirituel…Que le pouvoir spirituel doive l’emporter en dignité et en noblesse sur toute espèce de pouvoir terrestre, il nous faut le reconnaître d’autant plus nettement que les réalités spirituelles ont le pas sur les temporelles… Comme la Vérité l’atteste : il appartient au pouvoir spirituel d’établir le pouvoir terrestre, et de le juger s’il n’a pas été bon…

Si donc le pouvoir terrestre dévie, il sera jugé par le pouvoir spirituel ; et si un pouvoir spirituel inférieur dévie, il le sera par celui qui lui est supérieur ; mais si le pouvoir suprême dévie, c’est par Dieu seul et non par l’homme qu’il pourra être jugé, comme l’atteste l’Apôtre :  » L’homme spirituel juge de tout, et n’est lui-même jugé par personne  » 1Co 2,15. Cette autorité cependant, bien que donnée à un homme et exercée par un homme, n’est pas un pouvoir humain, mais bien plutôt divin. Donné à Pierre de la bouche de Dieu, confirmé pour lui et ses successeurs dans le Christ lui- même qu’il a confessé, lui, le roc, lorsque le Seigneur dit à Pierre lui-même : « Tout ce que tu lieras », etc. Mt 16,19. Quiconque par conséquent résiste à ce pouvoir ordonné par Dieu, « résiste à ce que Dieu a ordonné » Rm 13,2, à moins qu’il n’imagine, comme Manès, deux principes, ce que nous jugeons faux et hérétique, car au témoignage de Moïse ce n’est pas dans les principes, mais  » dans le principe (que) Dieu a créé le ciel et la terre  » Gn 1,1.

En conséquence nous déclarons, disons et définissons qu’il est absolument nécessaire au salut, pour toute créature humaine, d’être soumise au pontife romain. » (Bulle Unam Sanctam, 18 novembre 1302)

Paul IV

Paul IV - Histoire de l'Europe

Paul IV affirme qu’il fait partie du rôle des chefs politiques de conduire et maintenir leurs sujets dans la foi catholique :

« Et ne considérant pas moins qu’il convient de détourner du mal par la crainte des peines ceux qui ne s’en abstiennent pas par amour de la vertu et que les Évêques, Archevêques, Patriarches, Primats, Cardinaux, Légats, Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Rois et Empereurs, chargés d’instruire les autres et leur donner le bon exemple pour les garder dans la foi catholique, pèchent plus gravement en prévariquant (ils se perdent eux-mêmes, mais aussi entraînent avec eux à la perdition et à l’abîme de la mort d’innombrables peuples confiés à leur soin et à leur autorité, ou soumis à eux par ailleurs) ; sur un semblable conseil et assentiment des Cardinaux, en vertu de cette Constitution nôtre valide à perpétuité, par haine d’un si grand crime, le plus grave et pernicieux possible dans l’Eglise de Dieu, dans la plénitude de notre pouvoir apostolique, Nous décidons, statuons, décrétons et définissons que les sentences, censures et peines susdites gardant toute leur force et leur efficacité, avec leurs effets, tous et chacun des Évêques, Archevêques, Patriarches, Primats, Cardinaux, Légats, Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Rois et Empereurs qui à ce jour, comme il est déclaré ont dévié et sont tombés dans l’hérésie ou ont encouru le schisme, ont été pris à les susciter ou les commettre, qu’ils soient pris sur le fait, qu’ils avouent ou qu’ils en soient convaincus, vu que leur crime les rend plus inexcusables que les autres, outre les sentences, censures et peines susdites, seront par là-même, sans aucun recours au droit ou au fait, privés de leurs églises cathédrales, métropolitaines, patriarcales, primatiales, de leur dignité cardinalice, de toute charge de Légats, comme aussi de toute voix active et passive, avec ou sans charge, qu’ils soient séculiers ou réguliers de tous Ordres, qu’ils auraient obtenus par concessions et dispensations apostoliques, comme titulaires, commendataires, administrateurs, ou de toute autre manière, en lesquels ou sur lesquels ils jouiraient de quelque droit ; ils seront privés également de tous les fruits, rentes et produits annuels à eux assignés et réservés ; de même, les Comtes, Barons, Marquis, Ducs, Rois et Empereurs en seront privés radicalement, totalement, perpétuellement. » (Bulle Cum ex apostolatus, 15 février 1559, §3)

Bienheureux Innocent XI, Alexandre VIII et Pie VI

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Le Cardinal Louis BILLOT, S.J., écrit sur la compétence de l’Eglise sur les pouvoirs temporels :

« Car en raison de la charge reçue du Christ, le pape est tenu de prendre soin de tout le peuple chrétien dans le domaine spirituel, et de le préserver des préjudices qu’il pourrait subir en ce domaine, si le chef temporel abusait de son pouvoir. Il est donc nécessaire à ce titre que le pouvoir spirituel s’étende indirectement aux matières temporelles, en dirigeant le pouvoir temporel, afin que celui-ci ne nuise pas au spirituel, dans l’exercice de de son propre gouvernement. C’est pourquoi le pouvoir spirituel de l’Eglise renferme au sens déjà indiqué un pouvoir sur le temporel [Francisco SUAREZ, (Defensio Fidei, L 3, ch. 22)]

L’article de la Déclaration gallicane de 1682, condamnée en tout et pour tout à plusieurs reprises, disait : « Le bienheureux Pierre et ses successeurs, vicaires de Jésus Christ, et l’Eglise elle-même ont reçu de Dieu la puissance sur les choses spirituelles et qui regardent le salut éternel, et non pas sur les choses civiles et temporelles, le Seigneur disant : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » Jn 18,36  et encore  « Donnez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » Lc 20,25 ; et c’est pourquoi les paroles de l’Apôtre se tiennent fermement : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n’y a pas de puissance qui ne vienne de Dieu ; et celles qui existent ont été ordonnées par Dieu ; c’est pourquoi celui qui s’oppose à la puissance, s’oppose à Dieu » Rm 13,1  s. Les rois et les souverains ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l’ordre de Dieu dans les choses temporelles ; ils ne peuvent pas être déposés directement ou indirectement par l’autorité des clés de l’Eglise ; leurs sujets ne peuvent être dispensés de la soumission et de l’obéissance et relevés du serment de fidélité ; et cette doctrine, nécessaire pour la tranquillité publique et non moins nécessaire à l’Eglise qu’à l’Etat, doit être inviolablement suivie comme conforme à la Parole de Dieu, à la tradition des Pères, et aux exemples des saints ». » (De Ecclesia Christi, t. III : « De habitudine Ecclesiae ad civilem societatem », q. XVIII, § 5. Traduction française, L’Eglise, tome III – L’Eglise et l’Etat -, pp. 87-88, n° 1196 et 1197)

Le cardinal BILLOT mentionne comme condamnations celle du Bienheureux Innocent XI (1676-1689) sans autre précision (il s’agit du Bref, Paternae caritati, du 11 avril 1682), puis celle d’Alexandre VIII (1689-1691) qui dans la Constitution Inter multiplices du 4 août 1690 condamna les propositions de ce premier article comme :

« de plein droit nulles et non avenues, invalides et vaines, pleinement et entièrement dénuées de force et d’effet dès leur principe, et qu’elles le sont encore et qu’elles le seront à perpétuité » (Dz 2285),

Le désir d’éviter un schisme a retenu Rome : le pape ne prononce pas d’anathème. Mais par la suite, il y eut différents décrets du Saint-Office allant dans le même sens (La liste en est donnée par le Dictionnaire d’apologétique de la foi catholique, t. 2, col 267).

Enfin c’est Pie VI (1775-1800) qui est invoqué. Voici ces mots :

«La bulle signale aussi la témérité insigne et frauduleuse du synode, qui a osé non seulement combler d’éloges la déclaration de l’assemblée du clergé de France de 1682, désapprouvée par le Saint-Siège, mais encore l’inscrire insidieusement comme un décret de foi, adopter ouvertement les articles de cette décla­ration, et signer par une profession publique et solen­nelle les articles qui y sont répandus. Par là, le synode inflige une grave offense à nos prédécesseurs, mais aussi à l’Église gallicane, à qui le synode attribue le patronage des erreurs dont ce décret est rempli.

Si donc Innocent XI, par ses lettres en forme de bref du 11 avril 1682 et, d’une manière plus expresse, Alexandre VIII, par la constitution Inter multiplices, du 4 août 1690, ont condamné et déclaré nuls de leur autorité apostolique les Actes de l’assemblée du clergé de France, la sollicitude pastorale exige encore plus fortement la condamnation de la doctrine du synode de Pistoie, laquelle est téméraire, scandaleuse et, surtout après les décrets des papes, souverainement inju­rieuse pour le Siège apostolique : c’est pourquoi la bulle réprouve et condamne formellement cette doctrine. » (Bulle Auctorem fidei, 24 août 1794 – Condamnation des erreurs du Concile de Pistoire, Observations terminales)

Clément XIII

« De plus, puisque personne ne peut ou ne doit se dispenser de prendre part à cette affliction et dans la mesure où il y a là une raison commune pour que chacun prenne grief et apporte son aide dans cette grande crise de la foi et de la religion, appelez à votre aide, lorsque nécessaire, la piété reconnue des chefs catholiques. Expliquez les raisons des afflictions de l’Eglise et exhortez ses fils bien-aimés, qui l’on toujours bien servie en tant d’occasions, à lui porter secours. Et puisqu’ils ne portent pas l’épée sans cause, exhortez-les, par l’union de l’autorité de l’État et du sacerdoce, à vigoureusement extirper ces maudits qui s’en prennent aux armées d’Israël. » (Encyclique Christianae Reipublicae salus, 25 Novembre 1766, sur les dangers des écrits anti-chrétiens)

Pie VII

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« Après avoir ainsi recouvré notre ancienne liberté au moment où nous nous y attendions le moins, nous nous réjouissions d’avoir été rendus à nous-même, ou plutôt à l’Eglise, et nous rendions au Père des miséricordes nos humbles actions de grâce pour un si grand bienfait, lorsqu’un nouveau sujet de grande consolation est venu accroître notre joie : nous avons appris que le roi désigné pour gouverner la nation française était un descendant de cette glorieuse race qui a produit autrefois saint Louis, et qui s’est illustrée par tant de mémorables services rendus à l’Eglise et à ce Siège Apostolique. A cette nouvelle, notre contentement a été si grand, que, sans la connaître encore que par la voie de la publicité, et dérogeant à cet égard à l’usage établi, nous avons résolu d’envoyer un nonce extraordinaire en France, pour féliciter ce prince, en notre nom et dans les termes les plus expressifs, de la puissance royale qui lui est rendue.

Mais cette joie a été bientôt troublée ; elle a fait place à une grande douleur, quand nous avons vu la nouvelle constitution du royaume, décrété par le sénat de Paris et publiée dans les journaux. Nous avions espéré qu’à la faveur de l’heureuse révolution qui venait de s’accomplir, non seulement la religion catholique serait délivrée sans aucun retard de toutes les entraves qu’on lui avait imposées en France, malgré nos constantes réclamations, mais qu’on profiterait de circonstances si favorables pour la rétablir dans tout son lustre et pourvoir à sa dignité. Or, nous avons remarqué en premier lieu que, dans la constitution mentionnée, la religion catholique est entièrement passée sous silence, et qu’il n’y est pas même fait mention du Dieu tout-puissant par qui règnent les rois, par qui les princes commandent.

Vous comprendrez facilement, vénérable Frère, ce qu’une telle omission a dû nous faire éprouver de peine, de chagrin, d’amertume, à nous que Jésus-Christ, le Fils de Dieu, Notre-Seigneur, a chargé du suprême gouvernement de la société chrétienne. Et comment ne serions nous pas désolé ? Cette religion catholique établie en France dès les premiers siècles de l’Eglise, scellée dans ce royaume même par le sang de tant de glorieux martyrs, professée par la très grande partie du peuple français, à laquelle ce même peuple a gardé avec courage et constance un invincible attachement à travers les calamités, les persécutions et les périls des dernières années, cette religion enfin que la race à laquelle appartient le roi désigné professe elle-même, et qu’elle a toujours défendue avec tant de zèle, non seulement elle n’est pas déclarée la seule ayant droit dans toute la France à l’appui des lois et de l’autorité du gouvernement, mais elle est entièrement omise dans l’acte même du rétablissement de la monarchie !

Un nouveau sujet de peine dont Notre cœur est encore plus vivement affligé, et qui, Nous l’avouons, Nous cause un tourment, un accablement et une angoisse extrêmes, c’est le 22e article de la Constitution. Non seulement on y permet la liberté des cultes et de conscience, pour Nous servir des termes mêmes de l’article, mais on promet appui et protection à cette liberté, et en outre aux ministres de ce qu’on nomme les cultes. Il n’est certes pas besoin de longs discours, Nous adressant à un évêque tel que vous, pour vous faire reconnaître clairement de quelle mortelle blessure la religion catholique en France se trouve frappée par cet article. Par cela même qu’on établit la liberté de tous les cultes sans distinction, on confond la vérité avec l’erreur, et l’on met au rang des sectes hérétiques et même de la perfidie judaïque l’Epouse sainte et immaculée du Christ, l’Eglise hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. En outre, en promettant faveur et appui aux sectes des hérétiques et à leurs ministres, on tolère et on favorise, non seulement leurs personnes, mais encore leurs erreurs. C’est implicitement la désastreuse et à jamais déplorable hérésie que saint Augustin mentionne en ces termes : « Elle affirme que tous les hérétiques sont dans la bonne voie et disent vrai, absurdité si monstrueuse que je ne puis croire qu’une secte la professe réellement. » [de Haeresibus, no.72]

Notre étonnement et notre douleur n’ont pas été moindres quand Nous avons lu le 23ème article de la constitution, qui maintient et permet la liberté de la presse, liberté qui menace la foi et les mœurs des plus grands périls et d’une ruine certaine. Si quelqu’un pouvait en douter, l’expérience des temps passés suffirait seule pour le lui apprendre. C’est un fait pleinement constaté : cette liberté de la presse a été l’instrument principal qui a premièrement dépravé les mœurs des peuples, puis corrompu et renversé leur foi, enfin soulevé les séditions, les troubles, les révoltes. Ces malheureux résultats seraient encore actuellement à craindre, vu la méchanceté si grande des hommes, si, ce qu’à Dieu ne plaise, on accordait à chacun la liberté d’imprimer tout ce qu’il lui plairait.

D’autres points de la nouvelle constitution du royaume ont été aussi pour nous un sujet d’affliction ; en particulier les articles 6è, 24è et 25è. Nous ne vous exposerons pas en détail nos raisons à cet égard. Votre fraternité, nous n’en doutons pas, discernera facilement la tendance de ces articles.

Dans une si grande et si juste affliction de noire âme, une espérance nous console, c’est que le roi désigné ne souscrira pas les articles mentionnés de la nouvelle constitution. La piété héréditaire de ses ancêtres et le zèle pour la religion, dont nous ne doutons pas qu’il ne soit animé, nous en donnent la plus entière confiance.

Mais comme nous ne saurions, sans trahir notre ministère, garder le silence dans un si grand péril de la foi et des âmes, nous avons voulu, vénérable Frère, vous adresser cette lettre, à vous, dont nous connaissons la foi et le courage sacerdotal, pour en avoir eu des preuves nom équivoques, non seulement afin qu’il soit bien constaté que nous réprouvons le plus énergiquement possible les articles ci-dessus exposés, et tout ce qu’on viendrait à proposer de contraire à la religion catholique, mais encore afin que, vous concertant avec les autres évêques de la France que vous jugerez à propos de vous adjoindre, et vous aidant de leurs conseils et de leur coopération, vous vous efforciez de conjurer le plus promptement possible les grands maux qui menacent l’Eglise en France et de faire abolir ces lois, ces décrets et ces autres ordonnances du gouvernement qui sont encore en vigueur, et dont nous n’avons cessé de nous plaindre, comme vous le savez, pendant les précédentes années.

Allez donc trouver le roi ; faites-lui savoir la profonde affliction dont après tant de calamités et de tribulations endurées jusqu’aujourd’hui, et au milieu de la joie générale, notre âme se trouve assaillie et accablée à cause des motifs mentionnés. Représentez-lui quel coup funeste pour la religion catholique, quel péril pour les âmes, quelle ruine pour la foi seraient le résultat de son consentement aux articles de ladite constitution. Dites-le-lui de notre part : nous ne pouvons nous persuader qu’il veuille inaugurer son règne en faisant à la religion catholique une blessure si profonde et qui serait presque incurable. Dieu lui-même, aux mains de qui sont les droits de tous les royaumes, et qui vient de lui rendre le pouvoir, au grand contentement de tous les gens de bien, et surtout de notre cœur, exige certainement de lui qu’il fasse servir principalement cette puissance au soutien et à la splendeur de son Eglise. Nous espérons, nous avons la ferme confiance que, Dieu aidant, notre voix, transmise par vous, touchera son cœur, et que, marchant sur les traces do ses prédécesseurs, à qui leur dévouement pour la religion catholique et la défense qu’ils en prirent tant de fois si généreusement, ont valu de la part de ce Saint-Siège le titre de rois très chrétiens, il prendra en main la cause de la foi catholique, comme c’est son devoir, comme tous les bons l’attendent de lui, comme nous le lui demandons nous-même avec les plus vives instances.

Déployez, vénérable Frère, toutes vos forces, tout le zèle dont vous êtes animé pour la religion ; faites servir à cette grande et sainte cause l’ascendant que vos qualités vous ont acquis et l’éloquence qui vous distingue. Le Seigneur, nous n’en doutons pas, vous suggérera les paroles convenables ; et, de notre côté, nous implorerons pour vous le secours d’en haut. En attendant, nous vous donnons, avec toute l’effusion de notre cœur, à vous et au troupeau confié à vos soins, la bénédiction apostolique. » (Lettre apostolique Post tam diuturnas, 29 avril 1814 adressée à Mgr Étienne-Antoine de Boulogne, Evêque de Troyes condamnant le Projet de constitution sénatoriale du 6 avril 1814 proposé par le Sénat conservateur peu avant le retour de Louis XVIII)

Grégoire XVI

Image illustrative de l’article Grégoire XVI

Encyclique Mirari vos, 15 août 1832 – Condamnation du libéralisme et de l’indifférentisme religieux

 « Nous ne pourrions augurer des résultats plus heureux pour la religion et pour le pouvoir civil, des désirs de ceux qui appellent avec tant d’ardeur la séparation de l’Église et de l’État, et la rupture de la concorde entre le sacerdoce et l’empire. Car c’est un fait avéré, que tous les amateurs de la liberté la plus effrénée redoutent par-dessus tout cette concorde, qui toujours a été aussi salutaire et aussi heureuse pour l’Église que pour l’État.

Aux autres causes de notre déchirante sollicitude et de la douleur accablante qui nous est en quelque sorte particulière au milieu du danger commun, viennent se joindre encore certaines associations et réunions, ayant des règles déterminées. Elles se forment comme en corps d’armée, avec les sectateurs de toute espèce de fausse religion et de culte, sous les apparences, il est vrai, du dévouement à la religion, mais en réalité dans le désir de répandre partout les nouveautés et les séditions, proclamant toute espèce de liberté, excitant des troubles contre le pouvoir sacré et contre le pouvoir civil, et reniant toute autorité, même la plus sainte. […]

Au reste que les Princes nos très chers fils en Jésus-Christ favorisent de leur puissance et de leur autorité les vœux que nous formons avec eux pour la prospérité de la religion et des États ; qu’ils songent que le pouvoir leur a été donné, non seulement pour le gouvernement du monde, mais surtout pour l’appui et la défense de l’Église ; qu’ils considèrent sérieusement que tous les travaux entrepris pour le salut de l’Église, contribuent à leur repos et au soutien de leur autorité. Bien plus, qu’ils se persuadent que la cause de la foi doit leur être plus chère que celle même de leur empire, et que leur plus grand intérêt, nous le disons avec le Pape saint Léon « est de voir ajouter, de la main du Seigneur, la couronne de la foi à leur diadème ». Établis comme les pères et les tuteurs des peuples, ils leur procureront un bonheur véritable et constant, l’abondance et la tranquillité, s’ils mettent leur principal soin à faire fleurir la religion et la piété envers le Dieu qui porte écrit sur son vêtement : « Roi des rois, Seigneur des seigneurs ». » (Encyclique Mirari vos, 15 août 1832 – Condamnation du libéralisme et de l’indifférentisme religieux)

Encyclique Singulari nos, 25 juin 1834 – Condamnation de l’indifférentisme et du libéralisme de Lamennais et de son livre « Paroles d’un croyant »

Puisque certains, à la suite de l’abbé apostat Félicité ROBERT de LAMENNAIS et son livre Les Paroles d’un croyant, pensaient que le Pape n’avait pas porté un jugement définitif, Grégoire XVI le répéta dans une autre encyclique où il qualifiait d’ailleurs d’être « livre, petit par son volume, mais énorme par sa perversité », lui reprochant « de rompre tout lien de fidélité et de soumission envers les princes, en allumant partout le flambeau de la révolte pour renverser l’ordre public, livrer les magistrats au mépris, enfreindre les lois, et arracher tous les fondements de la puissance sacrée et de la puissance civile » :

« Nous avons été saisi d’horreur, vénérables frères ; et, dès le premier coup‑d’œil, touché de compassion sur l’aveuglement de fauteur, nous avons compris à quel excès peut se porter la science qui n’est point selon Dieu, mais selon les idées du monde. Car, contre la foi donnée solennellement dans sa propre déclaration, il a entrepris d’attaquer et de renverser, par des paroles captieuses et par des déguisements et des fictions, la doctrine que nous avions proclamée dans notre Encyclique, en vertu de l’autorité confiée à notre faiblesse, soit sur la soumission due aux puissances ; soit sur la nécessité d’éloigner des peuples le fléau de l’indifférentisme, et de mettre un frein à la licence croissante des opinions et des discours ; soit sur le besoin de condamner la liberté entière de conscience, et cette funeste conspiration de sociétés composées même des sectateurs de toute fausse religion, pour la ruine de la société religieuse et civile. » (Encyclique Singulari nos, 25 juin 1834 – Condamnation de l’indifférentisme et du libéralisme de Lamennais et de son livre « Paroles d’un croyant »)

L’autorité de saint Alphonse de Liguori et ses conséquences

Par ailleurs Grégoire XVI déclara infailliblement sûrs les enseignements de saint Alphonse de Liguori en matière de théologie morale comme nous l’exposons dans notre article L’autorité de saint Alphonse de Liguori.

La confessionnalité de l’Etat étant une question de morale qu’on pourrait qualifier de « capitale » au sens propre du terme car elle est à la tête d’un très grand nombre d’actes moraux ou immoraux, l’opinion de saint Alphonse sur le sujet entre donc dans le domaine de ce qui peut être tenu sans aucun danger. Or que disait-il ?

« Si je parviens à gagner un roi, j’aurai plus fait pour la cause de Dieu que si j’avais prêché des centaines et des milliers de missions. Ce qu’un souverain, touché par la grâce de Dieu, peut faire dans l’intérêt de l’Eglise et des âmes, mille missions ne le feront jamais. […] Les sujets qui obéissent aux commandements de Dieu, dit-il, obéissent nécessairement aux lois du souverain, car la même loi qui les oblige à l’obéissance envers Dieu les oblige à obéir au roi. De plus, en condamnant l’insubordination, la fraude, le vol, l’adultère, l’homicide, la loi de Dieu conserve la paix dans les États. Obligés de réprimer leurs passions, les peuples vivent en paix les uns avec les autres. — Les lois humaines et leurs sanctions pénales suffisent, dira-t-on, pour sauvegarder les États et les souverains. — C’est là une profonde erreur. Ni les lois ni les supplices n’arrêtent l’audacieux qui n’a d’autre but en ce monde que l’assouvissement de ses convoitises. En face de sa proie, il foule aux pieds les lois et se moque des peines dont il est menacé. La religion seule crée les mœurs et fait observer les lois. Enlevez la pensée du juge suprême et de l’enfer éternel, l’impie, sans frein pour le retenir, se précipite dans les plus épouvantables excès. Comment les peines temporelles arrêteraient-elles les perturbateurs de la société, alors que la plupart des délits restent impunis, soit par l’impossibilité de mettre la main sur les coupables, soit parce que les condamnés réussissent à briser leurs chaînes et échappent ainsi au châtiment […] Un particulier se sauvera en observant les lois divines ; un roi, pour se sauver, doit les observer et les faire observer par ses sujets, c’est-à-dire réformer les mauvaises mœurs et extirper les scandales. Il doit remplir ce devoir avec courage, et sans s’émouvoir de la contradiction. […] Il ne faut donc pas hésiter à bannir de leur royaume tout prédicateur d’impiété ni à saisir aux frontières les ouvrages infectés de mauvaises doctrines. C’est leur impérieux devoir, et c’est pour ne l’avoir pas rempli que des princes ont perdu leur couronne. Dieu assiste le souverain qui fait son devoir : Sois intrépide et ne crains rien, dit Dieu à Gédéon : le Seigneur est avec toi. Les rois qui oublient les intérêts de Dieu pour ne penser qu’à leurs intérêts propres travaillent à leur ruine. Qu’ils sachent, d’ailleurs, qu’on ne peut plaire à tout le monde, aux bons et aux méchants à la fois. S’ils s’attirent le blâme des méchants, ils seront glorifiés par les bons, et, ce qui vaut mieux encore, par Dieu lui-même. Ils ne doivent donc pas hésiter à bannir de leur royaume tout prédicateur d’impiété ni à saisir aux frontières les ouvrages infectés de mauvaises doctrines. C’est leur impérieux devoir, et c’est pour ne l’avoir pas rempli que des princes ont perdu leur couronne […] Il doit dispenser les emplois et les honneurs à ceux qui en sont les plus dignes par leurs vertus et leur piété ; n’admettre à la cour que des personnes d’édification, ce qui suffirait à réformer la plupart de leurs vassaux ; ne prendre pour ministres que des hommes craignant Dieu ; récompenser ceux qui s’acquittent consciencieusement de leurs fonctions et punir les négligents ; enfin choisir pour les charges ecclésiastiques des prêtres vraiment dignes, et veiller à ce que les supérieurs d’ordres religieux fassent observer les règles de leur institut : autrement il en advient grand dommage aux séculiers et à toute la république. […] Saint Louis, dit-il, pratiquait l’oraison, faisait la lecture spirituelle, priait pour lui et pour son peuple. Un de ses familiers lui reprochait un jour de passer trop de temps à ces saints exercices : « Si, comme tant d’autres de mes pareils, répondit-il, j’en passais beaucoup plus aux plaisirs, personne ne penserait à me le reprocher. » [En terminant, l’auteur priait Dieu de donner aux souverains le courage de marcher sur les traces de ces illustres modèles et de coopérer ainsi à la gloire du Roi des rois et au salut de leurs peuples] » (Fedelta dei Vassali, juin 1777, cité par le Père Augustin BERTHE, Saint Alphonse de Liguori, t. II, Retaux, Paris, 1900, p. 440-441)

Il loua le Marquis Bernardo TANUCCI :

« Secondant son auguste prince, il a toujours montré, assure-t-il, le plus grand zèle pour les intérêts de notre sainte religion, et n’a cessé de la défendre contre les mécréants et leurs livres pervers. [Il loue en TANUCCI] le savant jurisconsulte, l’habile homme d’État, le littérateur distingué, le ministre impartial, désintéressé, économe des deniers publics, et surtout le chrétien qui a pris à tâche, avec un soin jaloux, de conserver intacte notre sainte religion dans le royaume honoré du titre de très fidèle. La preuve, c’est l’extrême sévérité avec laquelle le ministre a prohibé l’introduction à Naples et dans les provinces des livres antichrétiens, et châtie rigoureusement les misérables qui, au mépris des plus saintes lois, font métier de répandre ces productions empoisonnée » (Cité par le Père Augustin BERTHE, Saint Alphonse de Liguori, t. II, Retaux, Paris, 1900, pp. 295-296)

Pie IX

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Encyclique Qui pluiribus, 9 novembre 1846 – Sur les principales erreurs du temps

« Or, Nous aimons à espérer que Nos très chers fils en Jésus Christ, les princes, guidés par leurs sentiments de piété et de religion, auront toujours présente à leur mémoire cette vérité : que l’autorité suprême ne leur a pas seulement été donnée pour le gouvernement des affaires du monde, mais principalement pour la défense de l’Église ; et Nous-même, qu’en donnant tous Nos soins à la cause de l’Église, Nous travaillons paisiblement au bonheur de leur règne, à leur propre conservation et à l’exercice de leurs droits ; Nous aimons à espérer, disons Nous, que tous les princes sauront favoriser, par l’appui de leur autorité et le secours de leur puissance, des vœux, des desseins et des dispositions ardentes au bien de tous, et que Nous avons en commun avec eux. Qu’ils défendent donc et protègent la liberté et l’entière plénitude de vie de cette Église catholique, afin que l’empire de Jésus Christ soit défendu par leur puissante main. » (Encyclique Qui pluiribus, 9 novembre 1846 – Sur les principales erreurs du temps)

Allocution Acerbissimum, 27 septembre 1852

« Nous ne parlerons pas ici de quelques autres lois nouvelles proposées à la chambre des députés par quelques-uns de ses membres, lois tout à fait contraires à la doctrine immuable de l’Église catholique et à ses droits sacrés. Ainsi, Nous ne disons rien des propositions faites pour que l’Église soit séparée de l’État […]. Comme nous venons de le déclarer, nous passons sur tout cela, parce que ces lois, bien que proposées par certains députés, ont été repoussées par la majorité de cette Chambre, et par la majorité des sénateurs, qui, mieux inspirés par un effet de la faveur divine, ont reculé devant l’idée d’ajouter de nouvelles plaies à toutes celles par lesquelles on a déjà déchiré cette Église. » (Allocution Acerbissimum, 27 septembre 1852)

Allocution au Consistoire du 26 juillet 1855

« Vous savez bien, Vénérables Frères […]. Vous connaissez la convention conclue par Nous, en 1851, avec notre très chère fille en Jésus-Christ, Marie-Isabelle, reine catholique des Espagnes, convention sanctionnée et solennellement promulguée comme loi de l’Etat dans ce royaume. Vous n’ignorez pas non plus que dans cette convention, outre beaucoup d’autres choses statuées pour la protection de la religion catholique, il fut avant tout établi que cette auguste religion continuant, à l’exclusion de tout autre culte, à être la seule religion de la nation espagnole, serait maintenue comme auparavant dans tout le royaume des Espagnes, avec tous les droits et toutes les prérogatives dont elle doit jouir d’après la loi de Dieu et les lois canoniques ; que l’instruction, dans toutes les écoles publiques ou privées, serait entièrement conforme à la doctrine catholique […] [le document se conclut par la solennelle condamnation de la violation du concordat] » (Allocution au Consistoire, 26 juillet 1855)

Encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864

« C’est pourquoi Nos mêmes Prédécesseurs ont constamment opposé la fermeté Apostolique aux machinations criminelles d’hommes iniques, qui projettent l’écume de leurs désordres comme les vagues d’une mer en furie et promettent la liberté, eux, les esclaves de la corruption : ébranler les fondements de la religion catholique et de la société civile par leurs fausses opinions et les plus pernicieux écrits, faire disparaître toute trace de vertu et de justice, corrompre les âmes et les esprits, détourner des justes principes de la morale ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, en particulier la jeunesse inexpérimentée, la dépraver pitoyablement, l’entraîner dans les pièges de l’erreur, et enfin l’arracher du sein de l’Église catholique, voilà le sens de tous leurs efforts.

Vous êtes les premiers à savoir, Vénérables Frères, qu’à peine avions-Nous été élevé à cette chaire de Pierre, par un secret dessein de la Providence Divine et sans aucun mérite de Notre part, Nous avons vu pour la plus grande douleur de Notre âme une tempête vraiment effroyable soulevée par tant de doctrines perverses. Nous avons vu les maux les plus accablants, qu’on ne déplorera jamais assez et que tant d’erreurs ont attirés sur le peuple chrétien. C’est pour remplir les devoirs de Notre Ministère Apostolique et suivre les traces glorieuses de Nos Prédécesseurs que Nous avons élevé la voix. En plusieurs Encycliques déjà publiées, dans les Allocutions prononcées en consistoire et en d’autres Lettres Apostoliques, Nous avons condamné les principales erreurs de notre bien triste époque, fait appel à votre haute vigilance épiscopale, averti et encouragé tous Nos très chers fils de l’Église Catholique à fuir et redouter la contagion d’une peste si violente. Et en particulier, par Notre première Encyclique du 9 novembre 1846, à Vous adressée, et les deux allocutions prononcées en consistoire le 9 décembre 1854 et le 9 juin 1862, nous avons condamné ces monstruosités extraordinaires que sont les opinions, qui surtout de nos jours, dominent pour le plus grand dommage des âmes et au détriment de la société civile elle-même. Ces opinions s’opposent essentiellement, non seulement à l’Église catholique, à sa doctrine de salut et à ses droits vénérables, mais encore à l’éternelle loi naturelle gravée par Dieu dans tous les coeurs et à la droite raison. C’est d’elles que presque toutes les autres erreurs firent leur origine.

Cependant, bien que nous n’ayons pas négligé de proscrire et de réprouver fréquemment les plus graves de ces erreurs, la cause de l’Église catholique et le salut des âmes que Dieu nous a confié, et le bien de la société humaine elle-même, réclament impérieusement que Nous lancions un nouvel appel à votre sollicitude pastorale pour terrasser d’autres idées fausses qui découlent de source de ces mêmes erreurs. Ces opinions trompeuses et perverses sont d’autant plus détestables qu’elles visent principalement à entraver et renverser cette puissance de salut que l’Église catholique, en vertu de la mission et du mandat reçu de son divin Auteur, doit exercer librement jusqu’à la consommation des siècles, non moins à l’égard des individus que des nations, des peuples et de leurs chefs. Elles cherchent à faire disparaître cette mutuelle alliance et cette concorde entre le Sacerdoce et l’Empire, qui s’est toujours avérée propice et salutaire à la Religion et à la société [Grégoire XVI, Encyclique Mirari Vos du 15 août 1832].

Il vous est parfaitement connu, Vénérables Frères, qu’aujourd’hui il ne manque pas d’hommes qui appliquent à la société civile l’impie et absurde principe du naturalisme, comme ils l’appellent : ils osent enseigner «  que la perfection des gouvernements et le progrès civil exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre les différentes religions, entre la vraie religion et les fausses » . De plus, contrairement à la doctrine de l’Ecriture, de l’Eglise et des saints Pères, ils ne craignent pas d’affirmer que « le meilleur gouvernement est celui où l’on ne reconnaît pas au pouvoir l’office de réprimer par la sanction des peines les violateurs de la religion catholique, si ce n’est lorsque la tranquillité publique le demande ». En conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement social, ils n’hésitent pas à favoriser cette opinion erronée, on ne peut plus fatale à l’Eglise catholique et au salut des âmes et que Notre prédécesseur d’heureuse mémoire Grégoire XVI appelait un « délire », savoir « que la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme ; qu’il doit être proclamé dans tout Etat bien constitué et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu’elles soient, par la parole, par l’impression ou autrement, sans que l’autorité ecclésiastique ou civile puisse le limiter » [Grégoire XVI, Encyclique Mirari Vos du 15 août 1832]. Or, en soutenant ces affirmations téméraires, ils ne pensent pas, ils ne considèrent pas qu’ils prêchent « une liberté de perdition » [Saint Augustin, Lettre 105] et que, « s’il est toujours permis aux opinions humaines d’entrer en conflit, il ne manquera jamais d’hommes qui oseront résister à la vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine, vanité extrêmement nuisible que la foi et la sagesse chrétiennes doivent soigneusement éviter, conformément à l’enseignement de Notre Seigneur Lui-même » [Pape saint Léon le Grand, Lettre 164] .

Là où la religion a été mise à l’écart de la société civile, la doctrine et l’autorité de la révélation divine répudiées, la pure notion même de la justice et du droit humain s’obscurcit et se perd, et la force matérielle prend la place de la véritable justice et du droit légitime. D’où l’on voit clairement pourquoi certains, reléguant au dernier rang les plus sûrs principes de la saine raison, sans en tenir compte, osent proclamer que : « La volonté du peuple qui se manifeste par ce qu’on dit être l’opinion publique, ou autrement, constitue la loi suprême dégagée de tout droit divin et humain, et que dans l’ordre politique des faits accomplis, par cela même qu’ils sont accomplis, ont force de droit. »

Mais qui ne voit et ne sent parfaitement qu’une société dégagée des liens de la religion et de la vraie justice, ne peut plus se proposer aucun autre but que d’amasser et d’accumuler des richesses, ni suivre d’autre loi dans ses actes que l’indomptable désir de l’âme d’être esclave de ses propres passions et intérêts ? C’est pourquoi les hommes de cette espèce poursuivent d’une haine si cruelle les Familles Religieuses, en dépit des services rendus au prix des plus grands efforts à la religion chrétienne, à la société civile et à la culture ; ils déblatèrent contre elle en disant qu’elles n’ont aucune raison légitime d’exister, et c’est ainsi qu’ils applaudissent aux divagations des hérétiques. Or, comme l’enseignait en toute sagesse Notre Prédécesseur Pie VI d’heureuse mémoire : « l’abolition des réguliers blesse le droit de professer publiquement les conseils évangéliques, blesse un mode de vie recommandé dans l’Église comme conforme à la doctrine des Apôtres, blesse la mémoire de ces illustres fondateurs que nous vénérons sur les autels, et qui n’ont établi ces ordres que sous l’inspiration de Dieu ».

Et ils déclarent même dans leur impiété qu’il faut ôter aux citoyens et à l’Église la faculté « de fournir valablement des aumônes publiques par charité chrétienne », et abolir la loi « qui à des jours déterminés défend les oeuvres serviles pour vaquer au culte divin » sous le prétexte si fallacieux que « la faculté et la loi ci-dessus évoquées sont contraires aux principes de la bonne économie politique ».

Et non contents de mettre la religion à l’écart de la société, ils veulent même l’écarter de la vie privée des familles. En effet, enseignant et professant la si funeste erreur du Communisme et du Socialisme, ils affirment que : « La société domestique ou la famille emprunte au seul droit civil toute sa raison d’être ; et qu’en conséquence c’est de la loi civile seule que découlent et dépendent tous les droits des parents sur les enfants, et d’abord le droit d’instruction et d’éducation. » Par ces opinions impies et ces machinations, ces hommes de mensonge veulent surtout aboutir à ce que la doctrine et le pouvoir de l’Église catholique qui apportent le salut, soient entièrement éliminés de l’instruction et de l’éducation de la jeunesse, et que l’âme tendre et malléable des jeunes soit infectée et déformée pitoyablement par toutes sortes d’erreurs perverses et par le vice. Oui, tous ceux qui ont mis leurs efforts à bouleverser l’ordre sacré et l’ordre public, à renverser l’ordre juste de la société, et à anéantir tous les droits divins et humains, ont toujours fait tendre leurs desseins criminels, leurs désirs et leurs oeuvres principalement à tromper et à dépraver la jeunesse qui ne s’y attend pas, comme Nous l’avons indiqué plus haut ; et ils ont mis tout leur espoir dans la corruption de cette jeunesse.

Voilà pourquoi jamais ils ne cessent d’infliger toutes sortes de vexations indicibles à l’un et l’autre clergé d’où rejaillirent tant d’immenses bienfaits sur l’ordre religieux, civil et culturel, comme l’attestent avec éclat les plus sûrs monuments de l’histoire ; voilà pourquoi ils déclarent que ce clergé même, en tant qu’ennemi du véritable et utile progrès de la science et de la civilisation, doit être écarté de toute charge et de tout rôle dans l’instruction et l’éducation de la jeunesse.

Mais il en est d’autres qui, renouvelant les chimères extravagantes et tant de fois condamnées des novateurs, ont l’insigne impudence de soumettre à la discrétion de l’autorité civile l’autorité suprême attribuée par le Christ Notre Seigneur à l’Église et à ce Siège Apostolique, et de dénier à cette même Église et à ce Siège tous droits en ce qui regarde les affaires extérieures. Car ils n’ont aucunement honte d’affirmer que : « Les lois de l’Église n’obligent pas en conscience, à moins qu’elles ne soient promulguées par le pouvoir civil. – Les actes et les décrets des Pontifes Romains concernant la religion et l’Église ont besoin de la sanction et de l’approbation, ou au moins du consentement du pouvoir civil. – Les constitutions apostoliques qui condamnent les sociétés secrètes – qu’on y exige ou non le serment de garder le secret – et qui frappent d’anathème leurs adeptes et leurs défenseurs ne peuvent entrer en vigueur dans les pays où le gouvernement civil tolère ces sortes d’associations. – L’excommunication portée par le Concile de Trente et les Pontifes Romains contre ceux qui envahissent et usurpent les droits et possessions de l’Église, repose sur une confusion de l’ordre spirituel avec l’ordre civil et politique, et n’a pour but qu’un bien de ce monde. – L’Église ne doit rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles relativement à l’usage des biens temporels. Le droit ecclésiastique n’a pas compétence pour châtier de peines temporelles les violateurs de ses lois. – Il est conforme aux principes de la sacrée théologie et du droit public d’attribuer au gouvernement civil et de revendiquer pour lui la propriété des biens qui sont en possession de l’Église, des Familles Religieuses et autres associations pieuses ».

Ils ne rougissent pas non plus de professer ouvertement et publiquement les formules et les principes hérétiques, d’où sortent tant d’opinions perverses et d’erreurs. Car ils répètent que « le pouvoir ecclésiastique n’est pas, de droit divin, distinct et indépendant du pouvoir civil, et qu’une telle distinction et indépendance ne peut être conservée sans que l’Église envahisse et usurpe les droits essentiels du pouvoir civil ».

Et Nous ne pouvons passer sous silence l’audace de ceux qui, ne supportant pas la saine doctrine, prétendent que : « Quant à ces jugements et à ces décrets du Siège Apostolique dont l’objet regarde manifestement le bien général de l’Église, ses droits et sa discipline, on peut, du moment qu’ils ne touchent pas aux dogmes relatifs à la foi et aux moeurs, leur refuser l’assentiment et l’obéissance, sans péché et sans cesser en rien de professer le catholicisme. » À quel point cela est contraire au dogme catholique sur le plein pouvoir, divinement conféré par le Christ Notre Seigneur lui-même au Pontife Romain, de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle, il n’est personne qui ne le voie et qui ne le comprenne clairement et distinctement. » (Encyclique Quanta Cura, n° 2 à 13, 8 décembre 1864)

Cette encyclique est infaillible, en effet, le Pape Pie IX y dit :

« Au milieu donc d’une telle perversité d’opinions corrompues, Nous souvenant de Notre charge Apostolique, dans notre plus vive sollicitude pour notre très sainte religion, pour la saine doctrine, et pour le salut des âmes à Nous confiées par Dieu et pour le bien de la société humaine elle-même, Nous avons jugé bon d’élever à nouveau Notre Voix Apostolique. En conséquence, toutes et chacune des opinions déréglées et des doctrines rappelées en détail dans ces Lettres, Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons de Notre Autorité Apostolique ; et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de l’Église catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites et condamnées. » (n°14)

L’Encyclique dit par la suite :

« Et, en outre, vous savez très bien, Vénérables Frères, que de nos jours ceux qui haïssent toute vérité et toute justice, les ennemis acharnés de notre religion, au moyen de livres empoisonnés, de brochures et de journaux répandus par toute la terre, trompent les peuples, mentent perfidement, et diffusent toutes sortes d’autres doctrines impies. Vous n’ignorez pas non plus que, même à cette époque où nous sommes, on en trouve qui, mus et stimulés par l’esprit de Satan, en sont arrivés à cette impiété de nier Notre Seigneur et Maître Jésus-Christ, et ne craignent pas d’attaquer sa Divinité avec une insolence criminelle. Mais ici Nous ne pouvons, Vénérables Frères, que vous honorer à bon droit des plus grands éloges, vous qui n’avez jamais manqué, avec tout votre zèle, d’élever votre voix épiscopale contre tant d’impiété.

C’est pourquoi, par Nos présentes Lettres, Nous nous adressons une fois de plus avec beaucoup d’affection à vous qui, appelés à partager Nos soucis, êtes au milieu des calamités qui nous touchent si virement. Notre consolation, Notre joie et Notre encouragement les plus grands : par la qualité de votre esprit religieux et de votre piété et aussi par cet amour, cette foi et cette déférence admirable avec lesquels, attachés à Nous et à ce Siège Apostolique dans la plus grande unité d’esprit, vous travaillez à remplir avec empressement et application votre très grave ministère épiscopal. Car Nous attendons de votre remarquable zèle pastoral que, prenant le glaive de l’esprit, qui est la parole de Dieu, et fortifiés dans la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, vous ayez la volonté de veiller chaque jour davantage avec une attention redoublée à ce que les fidèles confiés à vos soins « s’abstiennent des herbes nuisibles que Jésus-Christ ne cultive pas, parce qu’elles n’ont pas été plantées par son Père » [Saint Ignace, martyr, à Philadelphe]. Et ne cessez jamais d’inculquer à ces mêmes fidèles que tout vrai bonheur découle pour les hommes de notre sainte religion, de sa doctrine et de sa pratique, et qu’ « heureux est le peuple dont Dieu est le Seigneur » [Psaume 143]. Enseignez que « l’autorité repose sur le fondement de la Foi Catholique » [Saint Célestin, Lettre 22 au Synode d’Éphèse] et qu’ « il n’y a rien de plus mortel, rien qui nous précipite autant dans le malheur, nous expose autant à tous les dangers, que de penser qu’il nous peut suffire d’avoir reçu le libre arbitre en naissant ; sans avoir à rien demander de plus à Dieu ; c’est-à-dire, qu’oubliant notre Créateur, nous renions son pouvoir sur nous pour manifester notre liberté » [Saint Innocent I, Lettre 29 au Concile Épiscopal de Carthage]. N’omettez pas non plus d’enseigner que « le pouvoir de gouverner est conféré non pour le seul gouvernement de ce monde, mais avant tout pour la protection de l’Église » [Saint Léon, Lettre 156] et que  » rien ne peut être plus profitable et plus glorieux aux chefs d’États et aux Rois que ce que Notre Prédécesseur saint Félix, rempli de sagesse et de courage, écrivait à l’empereur Zénon : « Qu’ils laissent l’Église catholique se gouverner par ses propres lois, et ne permettent à personne de mettre obstacle à sa liberté… Il est certain qu’il leur est avantageux de s’appliquer, quand il s’agit de la cause de Dieu, et suivant l’ordre qu’Il a établi, à subordonner et non à préférer la volonté royale à celle des prêtres du Christ » [Pie VII, encyclique Diu satis, 15 mai 1800].

C’est toujours, Vénérables Frères, mais c’est maintenant plus que jamais, au milieu de telles calamités de l’Église et de la société civile, en présence d’une si vaste conspiration d’adversaires et d’un tel amas d’erreurs contre le catholicisme et le Siège Apostolique, qu’il est absolument nécessaire de nous adresser avec confiance au Trône de la grâce pour obtenir miséricorde et trouver la grâce d’une protection opportune. » (n° 15 à 17)

Le Syllabus du 8 décembre 1864

Ce document infaillible condamne une série de propositions. Parmi lesquelles les quatre suivantes relatives à l’éducation et à l’école, totalement incompatible avec la neutralité religieuse de l’Etat :

« Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles la jeunesse d’un État chrétien est élevée, si l’on en excepte dans une certaine mesure les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l’autorité civile, et cela de telle manière qu’il ne soit reconnu à aucune autre autorité le droit de s’immiscer dans la discipline des écoles, dans le régime des études, dans la collation des grades, dans le choix ou l’approbation des maîtres. » (Syllabus, 8 décembre 1864, n° 45, tiré de l’Allocution In consistoriali, 1er novembre 1850 et de Allocution Quibus luctuosissimis, 5 septembre 1851)

 

« Bien plus, même dans les séminaires des clercs, la méthode à suivre dans les études est soumise à l’autorité civile. » (Syllabus, 8 décembre 1864, n° 46, tiré de l’Allocution Nunquam fore, 15 décembre 1856)

 

« La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et en général que les institutions publiques destinées aux lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l’Église, de toute influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu’elles soient pleinement soumises à la volonté de l’autorité civile et politique, suivant le désir des gouvernants et le niveau des opinions générales de l’époque. » (Syllabus, 8 décembre 1864, n° 47, tiré de la Lettre Cum non sine à l’archevêque de Fribourg-en-Brisgau, 14 juillet 1864)

 

« Des catholiques peuvent approuver un système d’éducation en dehors de la foi catholique et de l’autorité de l’Église, et qui n’ait pour but, ou du moins pour but principal, que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre. » (Syllabus, 8 décembre 1864, n° 48, tiré de la Lettre Cum non sine à l’archevêque de Fribourg-en-Brisgau, 14 juillet 1864)

Ainsi que les propositions suivantes qui condamnent directement et sans appel la neutralité religieuse de l’Etat :

« L’Église n’a pas le droit d’employer la force ; elle n’a aucun pouvoir temporel direct ou indirect. » (Syllabus, 8 décembre 1864, n° 24, tiré de la Lettre apostolique Ad apostolicae, 22 août 1851)

 

« L’immunité de l’Église et des personnes ecclésiastiques tire son origine du droit civil. » (Ibid., n° 30, tiré de la Lettre apostolique Multiplices inter, 10 juin 1851)

 

« Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs, soit au civil, soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses réclamations. » (Ibid., n° 31, tiré de l’Allocution Acerbissimum, 27 septembre 1852 et de l’Allocution Nunquam fore, 15 décembre 1856)

 

« L’immunité personnelle en vertu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation de l’équité et du droit naturel. Le progrès civil demande cette abrogation, surtout dans une société constituée d’après une législation libérale. » (Ibid., n° 32, tiré de la Lettre Singularis Nobisque à l’évêque de Mondovi (Piémont) 29 septembre 1864)

 

« L’Église doit être séparée de l’État, et l’État séparé de l’Église [= proposition condamnée]. » (Ibid., n° 55, tiré l’Allocution Acerbissimum, 27 septembre 1852)

 

« De notre temps, il n’y a plus intérêt à ce que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’Etat, à l’exclusion de tout autre culte [= proposition condamnée]. » (Ibid., n° 77, tiré de l’Allocution Nemo Vestrum, 26 juillet 1855)

Le Syllabus est infaillible. C’est comme cela qu’il fut perçu dès sa parution par tous les bons théologiens et théologiens de bonne doctrine. Ceux qui rejetèrent son infaillibilité furent les libéraux, et ce pour de mauvaises raisons. Notons de plus que ce document était joint à l’encyclique Quanta cura qui elle, est infaillible avec certitude car elle porte explicitement les marques de l’infaillibilité la plus solennelle :

« Au milieu donc d’une telle perversité d’opinions corrompues, Nous souvenant de Notre charge Apostolique, dans notre plus vive sollicitude pour notre très sainte religion, pour la saine doctrine, et pour le salut des âmes à Nous confiées par Dieu, et pour le bien de la société humaine elle-même, Nous avons jugé bon d’élever à nouveau Notre Voix Apostolique. En conséquence, toutes et chacune des opinions déréglées et des doctrines rappelées en détail dans ces Lettres, Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons de Notre Autorité Apostolique ; et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de l’Église catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites et condamnées. » (Encyclique Quanta cura, 8 décembre 1864, n° 14)

Allocution du 16 juin 1871 à des pèlerins français conduits par Mgr Théodore-Augustin FORCADE, Evêque de Nevers

« Et comment ne pas prier pour la France? Comment oublier cette nation fille aînée de l’Église, et qui a si bien mérité du St-Siége ? J’ai reçu de la France des secours en tous genres : argent, hommes qui ont versé leur sang et sont morts pour ma défense! Bien des consolations me sont venues de la France: adresses, protestations, prières, œuvres de charité accomplies dans toutes les parties du monde, par dos personnes de toute condition, et surtout par les Filles de la Charité dans les hôpitaux, les asiles, les prisons, partout. Je vois tout cela de mes propres yeux et mon cœur surabonde d’émotion et de reconnaissance.

Mais lorsque la France gémissait sous le poids de ses calamités, je réfléchissais souvent sur les causes de ses malheurs, et comme vous l’avez dit vous-mêmes, il n’est que trop vrai qu’il y on a. Vous savez combien j’aime la France : je puis donc vous dire franchement la vérité ; il est même nécessaire que je vous la dise.

L’athéisme dans les lois, l’indifférence en matière de Religion, et ces maximes pernicieuses qu’on appelle catholiques libérales, voilà ; oui, voilà les vraies causes de la ruine des états et ce sont elles qui ont précipité la France. Croyez-moi, le mal que je vous signale est plus terrible encore que la révolution, que la Commune même !

Ici le St.-Père se porta les mains au front ; et avec un mouvement qui indiquait un amer chagrin mêlé à une profonde indignation, il dit :  — J’ai toujours condamné le libéralisme catholique, — puis, levant les mains et les agitant, il ajouta précipitamment et avec force : — et je le condamnerais quarante fois encore s’il le fallait !

A ce propos je me souviens d’un Français qui avait une place élevée, et que j’ai connu de près ici à Rome ; j’ai eu même plusieurs fois occasion de parler avec lui, et il me faisait de grands compliments. C’était ce qu’on appelle un homme distingué, honnête, qui pratiquait sa Religion et se confessait même. Mais il avait des idées étranges et certains principes que je n’ai jamais pu comprendre comment ils pussent prendre racine dans un catholique de bonne foi. C’étaient précisément les maximes dont je parlais tout à l’heure. Ce personnage soutenait, que pour bien gouverner il faut avoir une législation athée, de l’indifférence en matière de Religion et cette singulière tactique qui sait s’accommoder à toutes les opinions, à tous les partis, à toutes les religions, et unir ensemble les dogmes immuables de l’Église avec la liberté des cultes, des consciences. Nous étions d’accord sur plusieurs points, sur ceux-ci jamais. […]

Je persistais à dire que je ne pouvais me persuader comment on pût gouverner un état avec des lois athées, comment de telles lois pouvaient être basées sur la justice tout en excluant l’idée de Dieu, comment il était possible de trouver la rectitude et la vérité dans les fluctuations des partis opposés et du libertinage effréné qui en est la conséquence.

Malgré tout cet homme s’obstinait à croire que c’était là la manière de gouverner sagement les peuples, et de les conduire à la civilisation et au progrès. La pauvre France a pu voir où aboutissent ces belles maximes, Paris surtout au milieu des horreurs des Communards, qui par les meurtres et les incendies se montrèrent semblables à des démons sortis de l’enfer !

Mais non, ce ne sont pas seulement ceux-ci que je crains. Ce que je redoute davantage, c’est cette malheureuse politique chancelante qui s’éloigne de Dieu. C’est ce jeu… comment l’appelez-vous, vous en français ? Nous l’appelons nous, altalena en italien (Bascule, dit tout bas quelqu’un). C’est cela, oui ; ce jeu de bascule qui détruit la Religion dans les états et renverse même les trônes.

Il faut pratiquer la charité, nul doute ; faire tout ce que l’on peut pour ramener ceux qui s’égarent, fort bien ; mais il n’est pas nécessaire pour cela de partager leurs opinions. Ce dont un grand nombre en France ont besoin, c’est la foi pratique. La foi jointe aux bonnes œuvres faites sans respect humain, voilà ce qui sauvera la France. Soyez de plus en plus unis entre vous et avec vos évêques, comme ceux-ci sont unis avec moi. » (Discours 59, 18 juin 1871, à la grande députation des catholiques de France au Vatican, menée par Mgr Théodore-Augustin FORCADE, évêque de Nevers ; in : Discours de notre très Saint-Père le Pape Pie IX – Adressés dans le Palais du Vatican aux fidèles de Rome et du monde catholique depuis le commencement de sa captivité, recueillis et publiés pour la première fois par le R. Père D. Pasquale de Franciscis dei Pii Operari. – Seule traduction française authentique faite et revue à Rome, dédiée à S. É. le cardinal Monaco la Valletta, tome 1, 1875, pages 134-136)

Léon XIII

Encyclique Inscrutabili Dei Consilio du 28 avril 1878 – Sur les maux de la société moderne, leurs causes et leurs remèdes

« Il est bien clair et évident, Vénérables Frères, que la cause de la civilisation manque de fondements solides si elle ne s’appuie pas sur les principes éternels de la vérité et sur les lois immuables du droit et de la justice, si un amour sincère n’unit entre elles les volontés des hommes et ne règle heureusement la distinction et les motifs de leurs devoirs mutuels. Or, qui oserait le nier ? N’est-ce pas l’Eglise qui, en prêchant l’Evangile parmi les nations, a fait briller la lumière de la vérité au milieu des peuples sauvages et imbus de superstitions honteuses et qui les a ramenés à la connaissance du divin Auteur de toutes choses et au respect d’eux-mêmes ? N’est-ce pas l’Eglise qui, faisant disparaître la calamité de l’esclavage, a rappelé les hommes à la dignité de leur très noble nature ? N’est-ce pas elle qui, en déployant sur toutes les plages de la terre l’étendard de la Rédemption, en attirant à elle les sciences et les arts ou en les couvrant de sa protection, qui, par ses excellentes institutions de charité, où toutes les misères trouvent leur soulagement, par ses fondations et par les dépôts dont elle a accepté la garde, a partout civilisé dans ses mœurs privées et publiques le genre humain, l’a relevé de sa misère et l’a formé, avec toute sorte de soins, à un genre de vie conforme à la dignité et à l’espérance humaines? Et maintenant, si un homme d’un esprit sain compare l’époque où nous vivons, si hostile à la Religion et à l’Eglise de Jésus-Christ, avec ces temps si heureux où l’Eglise était honorée par les peuples comme une Mère, il se convaincra entièrement que notre époque pleine de troubles et de destructions se précipite tout droit et rapidement à sa perte, et que ces temps-là ont été d’autant plus florissants en excellentes institutions, en tranquillité de la vie, en richesse et en prospérité, que les peuples se sont montrés plus soumis au gouvernement de l’église et plus observateurs de ses lois. Que si les biens nombreux que Nous venons de rappeler et qui ont du leur naissance au ministère de l’Eglise et à son influence salutaire sont vraiment des ouvrages et des gloires de la civilisation humaine, il s’en faut donc de beaucoup que l’Eglise de Jésus-Christ abhorre la civilisation et la repousse, puisque c’est à elle, au contraire, qu’elle croit que revient entièrement l’honneur d’avoir été sa nourrice, sa maîtresse et sa mère.

Bien plus, cette sorte de civilisation qui répugne, au contraire, aux saintes doctrines et aux lois de l’Eglise, n’est autre chose qu’une fausse civilisation et doit être considérée comme un vain nom sans réalité. C’est là une vérité dont nous fournissent une preuve manifeste ces peuples qui n’ont pas vu briller la lumière de l’Evangile ; dans leur vie, on a pu apercevoir quelques faux dehors d’une éducation plus cultivée, mais les vrais et solides biens de la civilisation n’y ont pas prospéré. […]

Mais, plût au ciel que cette autorité salutaire n’eût jamais été négligée ou répudiée ! Le pouvoir civil n’eût pas alors perdu cette auréole auguste et sacrée qui. le distinguait, que la religion lui avait donnée et qui, seule, rend l’état d’obéissance noble et digne de l’homme ; on n’aurait pas vu s’allumer tant de séditions et de guerres qui ont été la funeste cause de calamités et de meurtres; et tant de royaumes, autrefois très florissants, tombés aujourd’hui du faite de la prospérité, ne seraient point accables sous le poids de toutes sortes de misères. Nous avons encore un exemple des malheurs qu’entraîne la répudiation de l’autorité de l’Eglise dans les peuples orientaux qui, en brisant les liens très doux qui les unissaient à ce Siège Apostolique, ont perdu la splendeur de leur antique réputation, la gloire des sciences et des lettres et la dignité de leur empire. » (Encyclique Inscrutabili Dei Consilio du 28 avril 1878)

Encyclique Quod apostolici Muneris du 28 décembre 1878 – Sur les erreurs modernes; condamnation du socialisme, du communisme et du nihilisme

« Or, cette audace d’hommes perfides qui menace chaque jour de ruines plus graves la société civile, et qui excite dans tous les esprits l’inquiétude et le trouble, tire sa cause et son origine de ces doctrines empoisonnées qui, répandues en ces derniers temps parmi les peuples comme des semences de vices, ont donné, en leurs temps, des fruits si pernicieux. En effet, vous savez très bien, Vénérables Frères, que la guerre cruelle qui, depuis le XVIe siècle, a été déclarée contre la foi catholique par des novateurs, visait à ce but d’écarter toute révélation et de renverser tout l’ordre surnaturel, afin que l’accès fût ouvert aux inventions ou plutôt aux délires de la seule raison.

Tirant hypocritement son nom de la raison, cette erreur qui flatte et excite la passion de grandir, naturelle au cœur de l’homme, et qui lâche les rênes à tous les genres de passions, a spontanément étendu ses ravages non pas seulement dans les esprits d’un grand nombre d’hommes, mais dans la société civile elle-même. Alors, par une impiété toute nouvelle et que les païens eux-mêmes n’ont pas connue, on a vu se constituer des gouvernements, sans qu’on tînt nul compte de Dieu et de l’ordre établi par Lui ; on a proclamé que l’autorité publique ne prenait pas de Dieu le principe, la majesté, la force de commander, mais de la multitude du peuple, laquelle, se croyant dégagée de toute sanction divine, n’a plus souffert d’être soumise à d’autres lois que celles qu’elle aurait portées elle-même, conformément à son caprice.

Puis, après qu’on eut combattu et rejeté comme contraires à la raison les vérités surnaturelles de la foi, l’Auteur même de la Rédemption du genre humain est contraint, par degrés et peu à peu, de s’exiler des études, dans les universités, les lycées et les collèges ainsi que de toutes les habitudes publiques de la vie humaine. Enfin, après avoir livré à l’oubli les récompenses et les peines éternelles de la vie future, le désir ardent du bonheur a été renfermé dans l’espace du temps présent. Avec la diffusion, au loin et au large de ces doctrines, avec la grande licence de penser et d’agir qui a été ainsi enfantée de toutes parts, faut-il s’étonner que les hommes de condition inférieure, ceux qui habitent une pauvre demeure ou un pauvre atelier soient envieux de s’élever jusqu’aux palais et à la fortune de ceux qui sont plus riches ? Faut-il s’étonner qu’il n’y ait plus nulle tranquillité pour la vie publique ou privée et que le genre humain soit presque arrivé à sa perte ?

Or, les pasteurs suprêmes de l’Église, à qui incombe la charge de protéger le troupeau du Seigneur contre les embûches de l’ennemi, se sont appliqués de bonne heure à détourner le péril et à veiller au salut des fidèles. Car, aussitôt que commençaient à grossir les sociétés secrètes, dans le sein desquelles couvaient alors déjà les semences des erreurs dont nous avons parlé, les Pontifes romains, Clément XII et Benoît XIV, ne négligèrent pas de démasquer les desseins impies des sectes et d’avertir les fidèles du monde entier du mal que l’on préparait ainsi sourdement. Mais après que, grâce à ceux qui se glorifiaient du nom de philosophes, une liberté effrénée fût attribuée à l’homme, après que le droit nouveau, comme ils disent, commença d’être forgé et sanctionné, contrairement à la loi naturelle et divine, le pape Pie VI, d’heureuse mémoire, dévoila tout aussitôt, par des documents publics, le caractère détestable et la fausseté de ces doctrines ; en même temps, la prévoyance apostolique a prédit les ruines auxquelles le peuple trompé allait être entraîné.

Néanmoins, et comme aucun moyen efficace n’avait pu empêcher que leurs dogmes pervers ne fussent de jour en jour plus acceptés par les peuples, et ne fissent invasion jusque dans les décisions publiques des gouvernements, les papes Pie VII et Léon XII anathématisèrent les sectes occultes, et, pour autant qu’il dépendait d’eux, avertirent de nouveau la société du péril qui la menaçait. Enfin, tout le monde sait parfaitement par quelles paroles très graves, avec quelle fermeté d’âme et quelle constance Notre glorieux prédécesseur Pie IX, d’heureuse mémoire, soit dans ses allocutions, soit par ses lettres encycliques envoyées aux évêques de l’univers entier, a combattu aussi bien contre les iniques efforts des sectes, que, nominativement, contre la peste du socialisme, qui, de cette source, a fait partout irruption. » (Encyclique Quod apostolici Muneris du 28 décembre 1878)

Léon XIII affirme que saint Alphonse de Liguori a répondu à l’avance à toutes les erreurs modernes, donc la séparation de l’Eglise et de l’Etat, même « modérée »

Léon XIII adressa un Bref aux Rédemptoristes pour la traduction en français des œuvres de Saint Alphonse-Marie de Liguori, le 28 août 1879. Il y déclara :

« Et de fait, il a, par les arguments les plus solides, mis la révélation divine à couvert de toutes les attaques des déistes ; il a défendu avec vigueur la vérité de notre foi ; il a victorieusement démontré l’Immaculée-Conception de la Mère de Dieu ; il a combattu avec une force incomparable en faveur de la primauté du Pontife romain et de son infaillible magistère ; avec autant de piété que de science, il a fait ressortir le plan de la divine Providence dans ce grand œuvre du salut des hommes opéré par Jésus-Christ ; dans des commentaires très propres à nourrir la piété du clergé, il a expliqué les psaumes et les cantiques sacrés ; il a fait éclater la gloire de l’Eglise dans le récit des triomphes des martyrs ; en publiant son Histoire des hérésies et son Œuvre dogmatique, il a porté de rudes coups à toutes les hérésies ; mais il a surtout écrasé les erreurs du jansénisme et du fébronianisme, alors dans toute la force de leur expansion, et portant déjà en elles les germes funestes de cette multitude de monstrueuses opinions qui, aujourd’hui, ébranlent jusque clans leur fondements la société civile et religieuse. Ces désastreuses conséquences du jansénisme et du fébronianisme, le saint auteur avec une rare perspicacité, les avait entrevues et dès lors il les avait combattues ; aussi voit-on que la plupart des propositions condamnées dans le Syllabus se trouvent nommément réfutées dans ses écrits. Bien plus, « on peut affirmer en toute vérité qu’il n’y a aucune erreur de notre temps dont Alphonse n’ait du moins en partie démontré la fausseté ». « 

Parmis ces erreurs, se trouvent bien sûr au premier plan toute forme de séparation de l’Eglise et de l’Etat, y compris de manière « modérée » comme aux Etats-Unis, comme nous l’avons montré au début de cet article. Nous rappelons certains de ses propos :

« Si je parviens à gagner un roi, j’aurai plus fait pour la cause de Dieu que si j’avais prêché des centaines et des milliers de missions. Ce qu’un souverain, touché par la grâce de Dieu, peut faire dans l’intérêt de l’Eglise et des âmes, mille missions ne le feront jamais. […] Les sujets qui obéissent aux commandements de Dieu, dit-il, obéissent nécessairement aux lois du souverain, car la même loi qui les oblige à l’obéissance envers Dieu les oblige à obéir au roi. De plus, en condamnant l’insubordination, la fraude, le vol, l’adultère, l’homicide, la loi de Dieu conserve la paix dans les États. Obligés de réprimer leurs passions, les peuples vivent en paix les uns avec les autres. — Les lois humaines et leurs sanctions pénales suffisent, dira-t-on, pour sauvegarder les États et les souverains. — C’est là une profonde erreur. Ni les lois ni les supplices n’arrêtent l’audacieux qui n’a d’autre but en ce monde que l’assouvissement de ses convoitises. En face de sa proie, il foule aux pieds les lois et se moque des peines dont il est menacé. La religion seule crée les mœurs et fait observer les lois. Enlevez la pensée du juge suprême et de l’enfer éternel, l’impie, sans frein pour le retenir, se précipite dans les plus épouvantables excès. Comment les peines temporelles arrêteraient-elles les perturbateurs de la société, alors que la plupart des délits restent impunis, soit par l’impossibilité de mettre la main sur les coupables, soit parce que les condamnés réussissent à briser leurs chaînes et échappent ainsi au châtiment […] Un particulier se sauvera en observant les lois divines ; un roi, pour se sauver, doit les observer et les faire observer par ses sujets, c’est-à-dire réformer les mauvaises mœurs et extirper les scandales. Il doit remplir ce devoir avec courage, et sans s’émouvoir de la contradiction. […] Il ne faut donc pas hésiter à bannir de leur royaume tout prédicateur d’impiété ni à saisir aux frontières les ouvrages infectés de mauvaises doctrines. C’est leur impérieux devoir, et c’est pour ne l’avoir pas rempli que des princes ont perdu leur couronne. Dieu assiste le souverain qui fait son devoir : Sois intrépide et ne crains rien, dit Dieu à Gédéon : le Seigneur est avec toi. Les rois qui oublient les intérêts de Dieu pour ne penser qu’à leurs intérêts propres travaillent à leur ruine. Qu’ils sachent, d’ailleurs, qu’on ne peut plaire à tout le monde, aux bons et aux méchants à la fois. S’ils s’attirent le blâme des méchants, ils seront glorifiés par les bons, et, ce qui vaut mieux encore, par Dieu lui-même. Ils ne doivent donc pas hésiter à bannir de leur royaume tout prédicateur d’impiété ni à saisir aux frontières les ouvrages infectés de mauvaises doctrines. C’est leur impérieux devoir, et c’est pour ne l’avoir pas rempli que des princes ont perdu leur couronne […] Il doit dispenser les emplois et les honneurs à ceux qui en sont les plus dignes par leurs vertus et leur piété ; n’admettre à la cour que des personnes d’édification, ce qui suffirait à réformer la plupart de leurs vassaux ; ne prendre pour ministres que des hommes craignant Dieu ; récompenser ceux qui s’acquittent consciencieusement de leurs fonctions et punir les négligents ; enfin choisir pour les charges ecclésiastiques des prêtres vraiment dignes, et veiller à ce que les supérieurs d’ordres religieux fassent observer les règles de leur institut : autrement il en advient grand dommage aux séculiers et à toute la république. […] Saint Louis, dit-il, pratiquait l’oraison, faisait la lecture spirituelle, priait pour lui et pour son peuple. Un de ses familiers lui reprochait un jour de passer trop de temps à ces saints exercices : « Si, comme tant d’autres de mes pareils, répondit-il, j’en passais beaucoup plus aux plaisirs, personne ne penserait à me le reprocher. » [En terminant, l’auteur priait Dieu de donner aux souverains le courage de marcher sur les traces de ces illustres modèles et de coopérer ainsi à la gloire du Roi des rois et au salut de leurs peuples] » (Fedelta dei Vassali, juin 1777, cité par le Père Augustin BERTHE, Saint Alphonse de Liguori, t. II, Retaux, Paris, 1900, p. 440-441)

Il loua le Marquis Bernardo TANUCCI :

« Secondant son auguste prince, il a toujours montré, assure-t-il, le plus grand zèle pour les intérêts de notre sainte religion, et n’a cessé de la défendre contre les mécréants et leurs livres pervers. [Il loue en TANUCCI] le savant jurisconsulte, l’habile homme d’État, le littérateur distingué, le ministre impartial, désintéressé, économe des deniers publics, et surtout le chrétien qui a pris à tâche, avec un soin jaloux, de conserver intacte notre sainte religion dans le royaume honoré du titre de très fidèle. La preuve, c’est l’extrême sévérité avec laquelle le ministre a prohibé l’introduction à Naples et dans les provinces des livres antichrétiens, et châtie rigoureusement les misérables qui, au mépris des plus saintes lois, font métier de répandre ces productions empoisonnée » (Cité par le Père Augustin BERTHE, Saint Alphonse de Liguori, t. II, Retaux, Paris, 1900, pp. 295-296)

Encyclique Diuturnum illud du 29 juin 1881 – Sur l’origine du pouvoir civil

« Mais lorsque les États eurent à leur tête des princes chrétiens, l’Église redoubla de soins pour faire comprendre par sa prédication tout ce qu’il y a de sacré dans le pouvoir de ceux qui gouvernent ; l’effet salutaire de cet enseignement devait être de confondre, dans l’esprit des peuples, l’image même de la souveraineté avec une apparition de majesté religieuse qui ne pouvait qu’augmenter le respect et l’amour des sujets envers leurs princes. Et c’est pour cette raison pleine de sagesse que l’Église institua le sacre solennel des rois, que Dieu même avait prescrit dans l’Ancien Testament. L’époque où la société, sortie des ruines de l’empire romain, reprit une vie nouvelle et ouvrit à la civilisation chrétienne des horizons pleins de grandeur, fut aussi celle où les Pontifes Romains donnèrent au pouvoir politique, par l’institution du Saint Empire, une consécration particulière. Il en résulta pour la souveraineté temporelle un grand accroissement de dignité ; et il n’est pas douteux que les deux sociétés religieuse et civile n’eussent continué à en retirer les plus heureux fruits, si la fin que l’Église avait en vue dans cette institution eût été pareillement celle que se proposaient les princes et les peuples. Et de fait, toutes les fois que l’union régna entre les deux pouvoirs, on vit fleurir la paix et la prospérité. Quelque trouble s’élevait-il parmi les peuples ? l’Église était là, médiatrice de concorde, prête à rappeler chacun à son devoir et capable de modérer, par un mélange de douceur et d’autorité, les passions les plus violentes. Les princes, d’autre part, tombaient-ils dans quelque excès de pouvoir ? l’Église savait les interpeller, et en leur rappelant les droits, les besoins, les justes désirs des peuples, leur donner des conseils d’équité, de clémence, de bonté. Une semblable intervention réussit plus d’une fois à prévenir des soulèvements et des guerres civiles. »

Encyclique Nobilissima gallorum gens, 8 février 1884 – Sur la question religieuse en France

« Si la France, parfois oublieuse de ses traditions et de sa mission, a conçu envers l’Eglise des sentiments hostiles, cependant, par un grand bienfait de Dieu, elle ne s’est égarée ni longtemps, ni tout entière. Et plût à Dieu qu’elle eût échappé saine et sauve aux calamités enfantées, pour le malheur de la religion et de l’Etat, en des temps voisins des nôtres ! Mais, dès que l’esprit humain, empoisonné par les opinions nouvelles, se prit a rejeter peu à peu l’autorité de l’Eglise, enivré d’une liberté sans frein, on le vit choir là où l’entraînait sa pente naturelle. A mesure, en effet, que le venin mortel des mauvaises doctrines pénétra dans les mœurs, la société en vint à un tel point d’hostilité, qu’elle sembla vouloir rompre entièrement avec les institutions chrétiennes. Les philosophes du dernier siècle contribuèrent grandement à déchaîner ce fléau sur la France, quand, infatués d’une fausse sagesse, ils entreprirent de renverser les fondements de la vérité chrétienne et inventèrent un système bien propre à développer encore l’amour déjà si ardent pour une liberté sans règle. Ce travail fut poursuivi par ces hommes, qu’une violente haine des choses divines retient enrôlés dans des sociétés criminelles et rend chaque jour plus ardemment désireux d’écraser le nom chrétien. Poursuivent-ils ce dessein en France avec plus d’acharnement qu’en d’autres contrées ? Nul ne peut mieux que Vous en juger, Vénérables Frères.

C’est pourquoi la charité paternelle dont Nous entourons toutes les nations, de même qu’elle Nous a poussé naguère à exhorter, par des lettres que Nous leur avons adressées, les évêques d’Irlande, d’Espagne et d’Italie, à rappeler leurs peuples à leur devoir ; ainsi à l’heure présente. Nous sommes déterminé, mû par le même sentiment, à dire à la France Notre pensée et à lui ouvrir Notre cœur.

En effet, les complots précités ne nuisent pas seulement à la religion, mais ils sont encore funestes et pernicieux à l’Etat. Il est impossible, en effet, que la prospérité règne dans une nation où la religion ne garde pas son influence. L’homme perd-il le respect de Dieu ? Aussitôt croule le plus ferme appui de la justice sans laquelle on ne peut bien gérer la chose publique, au jugement même des sages du paganisme. L’autorité des princes n’aura plus dès lors son prestige nécessaire ; les lois seront sans force suffisante. Chacun préférera l’utile à l’honnête, les droits perdront leurs forces, s’ils n’ont d’autre sauvegarde que la crainte des châtiments. Ceux qui commandent se laisseront emporter facilement à la tyrannie, et ceux qui obéissent à la révolte et à la sédition. D’ailleurs, comme il n’y a aucun bien dans les choses, qu’elles ne l’aient reçu de la bonté divine, toute société humaine qui prétend exclure Dieu de sa constitution et de son gouvernement refuse, autant qu’il est en elle, le secours des bienfaits divins, et se rend absolument indigne de la protection du ciel. Aussi, quelles que soient en apparence ses forces et ses richesses, elle porte dans ses entrailles un principe secret de mort et ne peut espérer une longue durée. C’est que, pour les individus, autant il est salutaire de servir les desseins de Dieu, autant il est dangereux de s’en écarter ; et d’ordinaire, on voit les Etats, à mesure qu’ils se montrent plus fidèles à Dieu et à l’Eglise, monter comme naturellement au sommet de la prospérité, et pencher vers la décadence quand ils s’éloignent de cette conduite. L’histoire Nous montre dans la suite des siècles ces alternatives et Nous pourrions en citer des exemples récents dans Votre pays lui-même, si Nous prenions le temps de rappeler ce qui s’est vu au siècle passé, alors que les foules, emportées par l’audace de la révolte, ébranlaient jusque dans ses fondements la France terrifiée, et enveloppaient les choses sacrées et profanes dans une même catastrophe.

Au contraire, il est facile d’éloigner ces causes de ruine en observant les préceptes de la religion catholique dans la constitution et dans le gouvernement, soit de la famille, soit de l’Etat ; car ils sont admirablement propres au maintien de l’ordre public et à la conservation des sociétés.

Et d’abord, en ce qui regarde la famille, il importe souverainement que les enfants nés de parents chrétiens soient, de bonne heure, instruits des préceptes de la foi, et que l’instruction religieuse s’unisse à l’éducation, par laquelle on a coutume de préparer l’homme et de le former dans le premier âge. Séparer l’une de l’autre, c’est vouloir, en réalité, que, lorsqu’il s’agit des devoirs envers Dieu, l’enfance reste neutre ; système mensonger, système par-dessus tout désastreux dans un âge aussi tendre, puisqu’il ouvre, dans les âmes, la porte de l’athéisme et la ferme à la religion. Il faut absolument que les pères et mères dignes de ce nom veillent à ce que leurs enfants, parvenus à l’âge d’apprendre, reçoivent l’enseignement religieux, et ne rencontrent dans l’école rien qui blesse la foi ou la pureté des mœurs. Cette sollicitude pour l’éducation de leurs enfants, c’est la loi divine, de concert avec la loi naturelle, qui l’impose aux parents ; et rien ne saurait les en dispenser. L’Eglise gardienne et vengeresse de l’intégrité de la foi, et qui, en vertu de la mission qu’elle a reçue de Dieu, son auteur, doit appeler à la vérité chrétienne toutes les nations et surveiller avec soin les enseignements donnés à la jeunesse placée sous son autorité, l’Eglise a toujours condamné ouvertement les écoles appelées mixtes ou neutres, et a maintes fois averti les pères de famille, afin que, sur ce point si important, ils demeurassent toujours vigilants, toujours sur leurs gardes. Obéir ici à l’Eglise, c’est faire œuvre d’intérêt social, et pourvoir excellemment au salut commun. En effet, ceux dont la première éducation n’a pas ressenti l’influence de la religion grandissent sans avoir aucune notion des plus hautes vérités, de celles qui peuvent seules entretenir dans l’homme l’amour de la vertu et l’aider à dominer ses passions mauvaises. Telles sont les notions qui affirment un Dieu créateur, juge et vengeur, les récompenses et les châtiments de la vie future, les secours célestes que Jésus-Christ Nous offre pour l’accomplissement consciencieux et saint de tous Nos devoirs. Sans cet enseignement, toute culture des intelligences restera une culture malsaine. Des jeunes gens, auxquels on n’aura point inspiré la crainte de Dieu, ne pourront supporter aucune des règles desquelles dépend l’honnêteté de la vie ; ne sachant rien refuser à leurs passions, ils se laisseront facilement entraîner à jeter le trouble dans l’Etat.

Considérons maintenant les vrais et salutaires rapports établis entre l’autorité spirituelle et l’autorité temporelle par un échange réciproque des droits et des devoirs. De même qu’il y a ici-bas deux grandes sociétés : la société civile, qui a pour fin prochaine de procurer au genre humain les biens de l’ordre temporel et terrestre, et la société religieuse, dont le but est de conduire les hommes au vrai bonheur, à cette éternelle félicité du ciel pour laquelle ils ont été créés, de même il y a deux puissances, soumises l’une et l’autre à la loi naturelle et éternelle, et chargées de pourvoir, chacune dans sa sphère, aux choses soumises à leur empire. Mais toutes les fois qu’il s’agit de régler ce qui, à des titres divers et pour des motifs divers aussi, intéresse les deux pouvoirs, le bien public demande et exige qu’un accord s’établisse entre eux. Que cet accord vienne à disparaître, aussitôt se produit une sorte d’inquiétude et d’instabilité qui ne peut se concilier avec la sécurité de l’Eglise, ni avec celle de l’Etat, et voilà pourquoi, lorsqu’un ordre de choses a été publiquement établi au moyen de conventions entre la puissance ecclésiastique et la puissance civile, l’intérêt public, non moins que l’équité, exige que l’accord demeure entier ; car si des deux côtés on se rend de mutuels services, des deux côtés aussi on recueille le bénéfice de cette entente réciproque.

En France, au commencement de ce siècle, au sortir des grandes agitations et du régime de la Terreur, les chefs du gouvernement eux-mêmes comprirent que le meilleur moyen de relever la société fatiguée de tant de ruines était de rétablir la religion catholique. En prévision des avantages futurs, Pie VII, Notre prédécesseur, se prêta aux désirs du premier consul, poussant la condescendance et l’indulgence aussi loin que le devoir de sa charge le lui permit. On convint des points principaux, on posa des fondements et on ouvrit une voie sûre au rétablissement de la religion et à son affermissement progressif. Et, en effet, de cette époque et dans la suite, plusieurs mesures que conseillait la prudence furent adoptées pour la sûreté et l’honneur de l’Eglise. Il en résulte de grands avantages, d’autant plus appréciables qu’en France, les intérêts religieux étaient auparavant plus compromis et presque désespérés. La dignité de la religion fut de nouveau publiquement honorée, et les institutions chrétiennes reprirent vie. Mais, en même temps, la patrie recueillit de ce fait seul de merveilleux avantages. Sortant à peine des agitations de la tempête, dans son ardent désir de fonder solidement la tranquillité et l’ordre de l’Etat, elle comprit que la religion catholique lui offrait heureusement ces avantages, et la pensée d’un Concordat fut alors celle d’un sage politique, habile à pourvoir au bien public. A défaut donc d’autres raisons, il suffirait aujourd’hui, pour maintenir la paix, des motifs qui l’ont autrefois fait conclure. Car, dans cette ardeur générale qui pousse aux nouveautés de toute sorte, dans cette attente inquiète d’un avenir inconnu, c’est commettre une capitale imprudence que de semer les germes de discorde entre les deux pouvoirs et de mettre obstacle à la bienfaisante action de l’Eglise.

Et pourtant, en ces derniers temps, Nous voyons avec anxiété apparaître ce péril ; car il y a déjà des actes et d’autres se préparent, opposés au bien de l’Eglise, tandis que des ennemis de la religion s’acharnent à rendre le catholicisme suspect et odieux, en le signalant comme l’ennemi de l’Etat. Le dessein de ceux qui aspirent à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et veulent rompre tôt ou tard l’accord salutaire et légalement conclu avec le Siège Apostolique, ne Nous cause pas moins de sollicitude et d’angoisse.

Dans ces circonstances. Nous n’avons, de Notre côté, rien omis de ce que les temps semblaient réclamer. Nous avons ordonné, aussi souvent qu’il le parût nécessaire à Notre Nonce apostolique, de porter des réclamations et ceux qui gouvernent la chose publique ont attesté les recevoir avec des dispositions équitables. Nous-même, quand fut porté le décret de suppression des communautés religieuses, Nous avons exprimé nos sentiments dans une lettre adressée à Notre cher fils le cardinal de la Sainte Eglise Romaine, archevêque de Paris. De plus, au mois de juin dernier, écrivant au Président de la République, Nous avons déploré toutes les autres entreprises nuisibles au salut des âmes et lésant les droits de l’Eglise, Nous l’avons fait, pressé autant par la sainteté et la grandeur des obligations de Notre charge apostolique, que par Notre ardent désir de conserver en France saint et inviolable l’antique héritage de la religion. Dans cette pensée, et avec la même constance, Nous sommes résolu à.défendre toujours à l’avenir les intérêts catholiques en France. Dans l’accomplissement de ce devoir que la justice Nous impose, Vous avez toujours été, Vénérables Frères, Nos courageux coopérateurs. Car, réduits à déplorer le sort des religieux, Vous avez fait du moins ce qui était en Votre pouvoir ; Vous n’avez pas abandonné à leur épreuve, sans les défendre, ces hommes qui avaient aussi bien mérité de l’Etat et de l’Eglise. Et maintenant, autant que les lois le permettent, Vos plus grandes sollicitudes et toutes Vos pensées se portent à procurer à la jeunesse une bonne éducation ; et quant aux projets formés par plusieurs contre l’Eglise, Vous n’avez pas omis de montrer combien ils sont pernicieux à l’Etat lui-même. Aussi, personne ne pourra-t-il Vous accuser d’être inspirés par des considérations humaines, ou d’être hostiles au gouvernement établi. Quand il s’agit, en effet, de l’honneur de Dieu, quand le salut des âmes est en péril, c’est Votre devoir de prendre en main la protection et la défense de toutes ces causes. »

Encyclique Immortale Dei du 1er novembre 1885 – Sur la constitution chrétienne des Etats

Cette encyclique mérite d’être lue dans son intégralité, elle est disponible dans son intégralité et gratuitement en cliquant ici. Nous y renvoyons pour lire comment Léon XIII expose lumineusement le fondement de la constitution des Etats et l’origine de leur force qui est en Dieu. Cela est exposé dans les sections suivantes :

Nous nous limiterons ici à rapporter des extraits des dits passages, ainsi que d’autres, sur ce que Léon XIII dit précisément sur les devoirs religieux de l’Etat :

« Partout, en effet, où l’Église a pénétré, elle a immédiatement changé la face des choses et imprégné les mœurs publiques non seulement de vertus inconnues jusqu’alors, mais encore d’une civilisation toute nouvelle. Tous les peuples qui l’ont accueillie se sont distingués par la douceur, l’équité et la gloire des entreprises. – Et toutefois, c’est une accusation déjà bien ancienne que l’Église, dit-on, est contraire aux intérêts de la société civile et incapable d’assurer les conditions de bien-être et de gloire que réclame, à bon droit et par une aspiration naturelle, toute société bien constituée. Dès les premiers jours de l’Église, nous le savons, les chrétiens ont été inquiétés par suite d’injustes préjugés de cette sorte, et mis en butte à la haine et au ressentiment, sous prétexte qu’ils étaient les ennemis de l’empire. À cette époque, l’opinion publique mettait volontiers à la charge du nom chrétien les maux qui assaillaient la société, tandis que c’était Dieu, le vengeur des crimes, qui infligeait de justes peines aux coupables. Cette odieuse calomnie indigna à bon droit le génie de saint Augustin et aiguisa son style. C’est surtout dans son livre de la Cité de Dieu qu’il mit en lumière la vertu de la sagesse chrétienne dans ses rapports avec la chose publique, si bien qu’il semble moins avoir plaidé la cause des chrétiens de son temps que remporté un triomphe perpétuel sur de si fausses accusations. – Toutefois, le penchant funeste à ces plaintes et à ces griefs ne cessa pas, et beaucoup se sont plu à chercher la règle de la vie sociale en dehors des doctrines de l’Église catholique. Et, même désormais, le droit nouveau, comme on l’appelle, et qu’on prétend être le fruit d’un âge adulte et le produit d’une liberté progressive, commence à prévaloir et à dominer partout. – Mais, en dépit de tant d’essais, il est de fait qu’on n’a jamais trouvé, pour constituer et régir l’État, de système préférable à celui qui est l’épanouissement spontané de la doctrine évangélique. – Nous croyons donc qu’il est d’une importance souveraine, et conforme à Notre charge Apostolique, de confronter les nouvelles théories sociales avec la doctrine chrétienne. De cette sorte, Nous avons la confiance que la vérité dissipera, par son seul éclat, toute cause d’erreur et de doute, si bien que chacun pourra facilement voir ces règles suprêmes de conduite qu’il doit suivre et observer. […]

Les devoirs religieux de la société

La société politique étant fondée sur ces principes, il est évident qu’elle doit sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu. – Si la nature et la raison imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commune, ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément ; autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ses biens. C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs envers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d’embrasser d’esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère et inutile, ou en admettre une indifféremment selon leur bon plaisir. En honorant la Divinité, elles doivent suivre strictement les règles et le mode suivant lesquels Dieu Lui-même a déclaré vouloir être honoré. – Les chefs d’État doivent donc tenir pour saint le nom de Dieu et mettre au nombre de leurs principaux devoirs celui de favoriser la religion, de la protéger de leur bienveillance, de la couvrir de l’autorité tutélaire des lois, et ne rien statuer ou décider qui soit contraire à son intégrité. Et cela ils le doivent aux citoyens dont ils sont les chefs. Tous, tant que nous sommes, en effet, nous sommes nés et élevés en vue d’un bien suprême et final auquel il faut tout rapporter, placé qu’il est aux cieux, au-delà de cette fragile et courte existence. Puisque c’est de cela que dépend la complète et parfaite félicité des hommes, il est de l’intérêt suprême de chacun d’atteindre cette fin. Comme donc la société civile a été établie pour l’utilité de tous, elle doit, en favorisant la prospérité publique, pourvoir au bien des citoyens de façon non seulement à ne mettre aucun obstacle, mais à assurer toutes les facilités possibles à la poursuite et à l’acquisition de ce bien suprême et immuable auquel ils aspirent eux-mêmes. La première de toutes consiste à faire respecter la sainte et inviolable observance de la religion, dont les devoirs unissent l’homme à Dieu.

Quant à décider quelle religion est la vraie, cela n’est pas difficile à quiconque voudra en juger avec prudence et sincérité. En effet, des preuves très nombreuses et éclatantes, la vérité des prophéties, la multitude des miracles, la prodigieuse célérité de la propagation de la foi, même parmi ses ennemis et en dépit des plus grands obstacles, le témoignage des martyrs et d’autres arguments semblables prouvent clairement que la seule vraie religion est celle que Jésus-Christ a instituée lui-même et qu’il a donné mission à son Église de garder et de propager. […]

Les deux puissances

« Dieu a donc divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances : la puissance ecclésiastique et la puissance civile ; celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d’elles en son genre est souveraine ; chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial. Il y a donc comme une sphère circonscrite, dans laquelle chacune exerce son action jure proprio.

Toutefois, leur autorité s’exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu’une seule et même chose, bien qu’à un titre différent, mais pourtant une seule et même chose ressortisse à la juridiction et au jugement de l’une et de l’autre puissance. Il était donc digne de la sage Providence de Dieu, qui les a établies toutes les deux, de leur tracer leur voie et leur rapport entre elles. « Les puissances qui sont ont été disposées par Dieu ». (Rm 13, 1)

S’il en était autrement, il naîtrait souvent des causes de funestes contentions et de conflits, et souvent l’homme devrait hésiter, perplexe, comme en face d’une double voie, ne sachant que faire, par suite des ordres contraires de deux puissances dont il ne peut en conscience secouer le joug. Il répugnerait souverainement de rendre responsable de ce désordre la sagesse et la bonté de Dieu, qui dans le gouvernement du monde physique, pourtant d’un ordre bien inférieur, a si bien tempéré les unes par les autres, les forces et les causes naturelles, et les a fait s’accorder d’une façon si admirable qu’aucune d’elles ne gêne les autres, et que toutes, dans un parfait ensemble, conspirent au but auquel tend l’univers.

Il est donc nécessaire qu’il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui, dans l’homme, constitue l’union de l’âme et du corps. On ne peut se faire une juste idée de la nature et de la force de ces rapports qu’en considérant, comme Nous l’avons dit, la nature de chacune des deux puissances, et en tenant compte de l’excellence et de la noblesse de leurs buts, puisque l’une a pour fin prochaine et spéciale de s’occuper des intérêts terrestres, et l’autre de procurer les biens célestes et éternels. »

Or un corps sans âme étant un cadavre, un Etat qui ne professe pas la foi catholique et qui n’est pas uni à l’Eglise court à sa ruine. L’encyclique poursuit :

« Bienfaits de la constitution chrétienne

Telle est, d’après l’esquisse sommaire que nous en avons tracée, l’organisation chrétienne de la société civile, et cette théorie n’est ni téméraire ni arbitraire ; mais elle se déduit des principes les plus élevés et les plus certains, confirmés par la raison naturelle elle-même. Cette constitution de la société politique n’a rien qui puisse paraître peu digne ou malséant à la dignité des princes. Loin de rien ôter aux droits de la, majesté, elle les rend au contraire plus stables et plus augustes. Bien plus, si l’on y regarde de plus près, on reconnaîtra à cette constitution une grande perfection qui fait défaut aux autres systèmes politiques ; et elle produirait certainement des fruits excellents et variés si seulement chaque pouvoir demeurait dans ses attributions et mettait tous ses soins à remplir l’office et la tâche qui lui ont été déterminés. – En effet, dans la constitution de l’État, telle que nous venons de l’exposer, le divin et l’humain sont délimités dans un ordre convenable, les droits des citoyens sont assurés et placés sous la protection des mêmes lois divines, naturelles et humaines ; les devoirs de chacun sont aussi sagement tracés que leur observance est prudemment sauvegardée. Tous les hommes, dans cet acheminement incertain et pénible vers la cité éternelle, savent qu’ils ont à leur service des guides sûrs pour les conduire au but et des auxiliaires pour l’atteindre. Ils savent de même que d’autres chefs leur ont été donnés pour obtenir et conserver la sécurité, les biens et les autres avantages de cette vie.

La société domestique trouve sa solidité nécessaire dans la sainteté du lien conjugal, un et indissoluble ; les droits et les devoirs des époux sont réglés en toute justice et équité ; l’honneur dû à la femme est sauvegardé ; l’autorité du mari se modèle sur l’autorité de Dieu ; le pouvoir paternel est tempéré par les égards dus à l’épouse et aux enfants ; enfin, il est parfaitement pourvu à la protection, au bien-être et à l’éducation de ces derniers. Dans l’ordre politique et civil, les lois ont pour but le bien commun, dictées non par la volonté et le jugement trompeur de la foule, mais par la vérité et la justice. L’autorité des princes revêt une sorte de caractère sacré plus qu’humain, et elle est contenue de manière à ne pas s’écarter de la justice, ni excéder son pouvoir. L’obéissance des sujets va de pair avec l’honneur et la dignité, parce qu’elle n’est pas un assujettissement d’homme à homme, mais une soumission à la volonté de Dieu régnant par des hommes.

Une fois cela reconnu et accepté, il en résulte clairement que c’est un devoir de justice de respecter la majesté des princes, d’être soumis avec une constante fidélité à la puissance politique, d’éviter les séditions et d’observer religieusement la constitution de l’État. – Pareillement, dans cette série des devoirs se placent la charité mutuelle, la bonté, la libéralité. L’homme, qui est à la fois citoyen et chrétien, n’est plus déchiré en deux par des obligations contradictoires. Enfin, les biens considérables dont la religion chrétienne enrichit spontanément même la vie terrestre des individus sont acquis à la communauté et à la société civile : d’où ressort l’évidence de ces paroles : « Le sort de l’État dépend du culte que l’on rend à Dieu ; et il y a entre l’un et l’autre de nombreux liens de parenté et d’étroite amitié. ». (Sacr. Imp. ad Cyrillum Alexand. et Episcopos metrop. – Cfr. Labbeum, Collect. Conc. T. III)

En plusieurs passages, saint Augustin a admirablement relevé, selon sa coutume, la valeur de ces biens, surtout quand il interpelle l’Église catholique en ces termes : « Tu conduis et instruis les enfants avec tendresse, les jeunes gens avec force, les vieillards avec calme, comme le comporte l’âge non seulement du corps mais encore de l’âme. Tu soumets les femmes à leurs maris par une chaste et fidèle obéissance, non pour assouvir la passion mais pour propager l’espèce et constituer la société de la famille. Tu donnes autorité aux maris sur leurs femmes, non pour se jouer de la faiblesse du sexe, mais pour suivre les lois d’un sincère amour. Tu subordonnes les enfants aux parents par une sorte de libre servitude, et tu préposes les parents aux enfants par une sorte de tendre autorité. Tu unis non seulement en société, mais dans une sorte de fraternité, les citoyens, les nations aux nations et les hommes entre eux par le souvenir des premiers parents. Tu apprends aux rois à veiller sur les peuples, et tu prescris aux peuples de se soumettre aux rois. Tu enseignes avec soin à qui est dû l’honneur, à qui l’affection, à qui le respect, à qui la crainte, à qui la consolation, à qui l’avertissement, à qui l’encouragement, à qui la correction, à qui la réprimande, à qui le châtiment; et tu fais savoir comment, si toutes choses ne sont pas dues à tous, à tous est due la charité, et à personne l’injustice. » (De moribus Eccl., cap. 30, n. 6 3) – Ailleurs, le même Docteur reprend en ces termes la fausse sagesse des politiques philosophes : « Ceux qui disent que la doctrine du Christ est contraire au bien de l’État, qu’ils nous donnent une armée de soldats tels que les fait la doctrine du Christ, qu’ils nous donnent de tels gouverneurs de provinces, de tels maris, de telles épouses, de tels parents, de tels enfants, de tels maîtres, de tels serviteurs, de tels rois, de tels juges, de tels tributaires enfin, et des percepteurs du fisc tels que les veut la doctrine chrétienne ! Et qu’ils osent encore dire qu’elle est contraire à l’État ! Mais que, bien plutôt, ils n’hésitent pas d’avouer qu’elle est une grande sauvegarde pour l’État quand on la suit. » (Epist. 138 (al. 5.) ad Marcellinum, cap. II, n. 15)

Il fut un temps où la philosophie de l’Évangile gouvernait les États. À cette époque, l’influence de la sagesse chrétienne et sa divine vertu pénétraient les lois, les institutions, les mœurs des peuples, tous les rangs et tous les rapports de la société civile. Alors la religion instituée par Jésus-Christ, solidement établie dans le degré de dignité qui lui est dû, était partout florissante, grâce à la faveur des princes et à la protection légitime des magistrats. Alors le sacerdoce et l’empire étaient liés entre eux par une heureuse concorde et l’amical échange de bons offices.

Organisée de la sorte, la société civile donna des fruits supérieurs à toute attente, dont la mémoire subsiste et subsistera consignée qu’elle est dans d’innombrables documents que nul artifice des adversaires ne pourra corrompre ou obscurcir. – Si l’Europe chrétienne a dompté les nations barbares et les a fait passer de la férocité à la mansuétude, de la superstition à la vérité ; si elle a repoussé victorieusement les invasions musulmanes, si elle a gardé la suprématie de la civilisation, et si, en tout ce qui fait honneur à l’humanité, elle s’est constamment et partout montrée guide et maîtresse ; si elle a gratifié les peuples de sa vraie liberté sous ces diverses formes ; si elle a très sagement fondé une foule d’œuvres pour le soulagement des misères, il est hors de doute qu’elle en est grandement redevable à la religion, sous l’inspiration et avec l’aide de laquelle elle a entrepris et accompli de si grandes choses. Tous ces biens dureraient encore, si l’accord des deux puissances avait persévéré, et il y avait lieu d’en espérer de plus grands encore si l’autorité, si l’enseignement, si les avis de l’Église avaient rencontré une docilité plus fidèle et plus constante. Car il faudrait tenir comme loi imprescriptible ce qu’Yves de Chartres écrivit au pape Pascal II : « Quand l’empire et le sacerdoce vivent en bonne harmonie, le monde est bien gouverné, l’Église est florissante et féconde. Mais quand la discorde se met entre eux, non seulement les petites choses ne grandissent pas, mais les grandes elles-mêmes dépérissent misérablement. » (Ep. 238) […]

La réfutation du « droit nouveau »

[…]

Relativement à la religion, penser qu’il est indifférent qu’elle ait des formes disparates et contraires équivaut simplement à n’en vouloir ni choisir, ni suivre aucune. C’est l’athéisme moins le nom. Quiconque, en effet, croit en Dieu, s’il est conséquent et ne veut pas tomber dans l’absurde, doit nécessairement admettre que les divers cultes en usage entre lesquels il y a tant de différence, de disparité et d’opposition, même sur les points les plus importants, ne sauraient être tous également bons, également agréables à Dieu.

De même, la liberté de penser et de publier ses pensées, soustraite à toute règle, n’est pas de soi un bien dont la société ait à se féliciter ; mais c’est plutôt la source et l’origine de beaucoup de maux. – La liberté, cet élément de perfection pour l’homme, doit s’appliquer à ce qui est vrai et à ce qui est bon. Or, l’essence du bien et de la vérité ne peut changer au gré de l’homme, mais elle demeure toujours la même, et non moins que la nature des choses elle est immuable Si l’intelligence adhère à des opinions fausses, si la volonté choisit le mal et s’y attache, ni l’une ni l’autre n’atteint sa perfection, toutes deux déchoient de leur dignité native et se corrompent. Il n’est donc pas permis de mettre au jour et d’exposer aux yeux des hommes ce qui est contraire à la vertu et à la vérité, et bien moins encore de placer cette licence sous la tutelle et la protection des lois. Il n’y a qu’une voie pour arriver au ciel, vers lequel nous tendons tous : c’est une bonne vie. L’État s’écarte donc des règles et des prescriptions de la nature, s’il favorise à ce point la licence des opinions et des actions coupables, que l’on puisse impunément détourner les esprits de la vérité et les âmes de la vertu. Quant à l’Église, que Dieu lui-même a établie, l’exclure de la vie publique, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la société domestique, c’est une grande et pernicieuse erreur. – Une société sans religion ne saurait être bien réglée ; et déjà, plus peut-être qu’il ne faudrait, l’on voit ce que vaut en soi et dans ses conséquences cette soi-disant morale civile. La vraie maîtresse de la vertu et la gardienne des mœurs est l’Église du Christ. C’est elle qui conserve en leur intégrité les principes d’où découlent les devoirs, et qui, suggérant les plus nobles motifs de bien vivre, ordonne non seulement de fuir les mauvaises actions, mais de dompter les mouvements de l’âme contraires à la raison, quand même ils ne se traduisent pas en acte. Prétendre assujettir l’Église au pouvoir civil dans l’exercice de son ministère, c’est à la fois une grande injustice et une grande témérité. Par le fait même, on trouble l’ordre, car on donne le pas aux choses naturelles sur les choses surnaturelles ; on tarit, ou certainement on diminue beaucoup l’affluence des biens dont l’Église, si elle était sans entraves, comblerait la société ; et de plus, on ouvre la voie à des haines et à des luttes dont de trop fréquentes expériences ont démontré la grande et funeste influence sur l’une et l’autre société.

Condamnations du « droit nouveau »

Ces doctrines, que la raison humaine réprouve et qui ont une influence si considérable sur la marche des chose publiques, les Pontifes romains, nos prédécesseurs, dans la pleine conscience de ce que réclamait d’eux la charge apostolique, n’ont jamais souffert qu’elle fussent impunément émises. C’est ainsi que, dans sa Lettre-Encyclique Mirari vos, du 15 août 1832, Grégoire XVI, avec une grande autorité doctrinale, a repoussé ce que l’on avançait dès lors, qu’en fait de religion, il n’y a pas de choix à faire: que chacun ne relève que de sa conscience et peut, en outre, publier ce qu’il pense et ourdir des révolutions dans l’État. Au sujet de la séparation de l’Église et de l’État, ce Pontife s’exprime en ces termes : « Nous ne pouvons pas attendre pour l’Église et l’État des résultats meilleurs des tendances de ceux qui prétendent séparer l’Église de l’État et rompre la concorde mutuelle entre le sacerdoce et l’empire. C’est qu’en effet, les fauteurs d’une liberté effrénée redoutent cette concorde, qui a toujours été si favorable et salutaire aux intérêts religieux et civils. » – De la même manière, Pie IX, chaque fois que l’occasion s’en présenta, a condamné les fausses opinions les plus en vogue, et ensuite il en fit faire un recueil, afin que, dans un tel déluge d’erreurs, les catholiques eussent une direction sûre. [22]

De ces décisions des Souverains Pontifes, il faut absolument admettre que l’origine de la puissance publique doit s’attribuer à Dieu, et non à la multitude ; que le droit à l’émeute répugne à la raison ; que ne tenir aucun compte des devoirs de la religion, ou traiter de la même manière les différentes religions, n’est permis ni aux individus, ni aux sociétés ; que la liberté illimitée de penser et d’émettre en public ses pensées ne doit nullement être rangée parmi les droits des citoyens, ni parmi les choses dignes de faveur et de protection. – De même, il faut admettre que l’Église, non moins que l’État, de sa nature et de plein droit, est une société parfaite ; que les dépositaires du pouvoir ne doivent pas prétendre asservir et subjuguer l’Église, ni diminuer sa liberté d’action dans sa sphère, ni lui enlever n’importe lequel des droits qui lui ont été conférés par Jésus-Christ. – Dans les questions du droit mixte, il est pleinement conforme à la nature ainsi qu’aux desseins de Dieu, non de séparer une puissance de l’autre, moins encore de les mettre en lutte, mais bien d’établir entre elles cette concorde qui est en harmonie avec les attributs spéciaux que chaque société tient de sa nature. […]

Tolérance et liberté

De plus, il n’y a pour personne de juste motif d’accuser l’Église d’être l’ennemie soit d’une juste tolérance, soit d’une saine et légitime liberté. – En effet, si l’Église juge qu’il n’est pas permis de mettre les divers cultes sur le même pied légal que la vraie religion, elle ne condamne pas pour cela les chefs d’État qui, en vue d’un bien à atteindre, ou d’un mal à empêcher, tolèrent dans la pratique que ces divers cultes aient chacun leur place dans l’État.- C’est d’ailleurs la coutume de l’Église de veiller avec le plus grand soin à ce que personne ne soit forcé d’embrasser la foi catholique contre son gré, car, ainsi que l’observe sagement saint Augustin, « l’homme ne peut croire que de plein gré ». (Tract., XXVI in Joan., n. 2)

Par la même raison, l’Église ne peut approuver une liberté qui engendre le dégoût des plus saintes lois de Dieu et secoue l’obéissance qui est due à l’autorité légitime. C’est là plutôt une licence qu’une liberté, et saint Augustin l’appelle très justement « une liberté de perdition », (Epist. CV., ad Donatistas, cap II, n. 9) et l’apôtre saint Pierre « un voile de méchanceté » (1 P 2, 16)

Bien plus, cette prétendue liberté, étant opposée à la raison, est une véritable servitude. « Celui qui commet le péché est l’esclave du péché ». (Jn 8, 34) Celle-là, au contraire, est la liberté vraie et désirable qui, dans l’ordre individuel, ne laisse l’homme esclave ni des erreurs, ni des passions qui sont ses pires tyrans ; et dans l’ordre public trace de sages règles aux citoyens, facilite largement l’accroissement du bien-être et préserve de l’arbitraire d’autrui la chose publique – Cette liberté honnête et digne de l’homme, l’Église l’approuve au plus haut point, et, pour en garantir aux peuples la ferme et intégrale jouissance, elle n’a jamais cessé de lutter et de combattre.

Oui, en vérité, tout ce qu’il peut y avoir de salutaire au bien en général dans l’État ; tout ce qui est utile à protéger le peuple contre la licence des princes qui ne pourvoient pas à son bien, tout ce qui empêche les empiétements injustes de l’État sur la commune ou la famille ; tout ce qui intéresse l’honneur, la personnalité humaine et la sauvegarde des droits égaux de chacun, tout cela, l’Église catholique en a toujours pris soit l’initiative, soit le patronage, soit la protection, comme l’attestent les monuments des âges précédents.

Toujours conséquente avec elle-même, si d’une part elle repousse une liberté immodérée qui, pour les individus et les peuples, dégénère en licence ou en servitude, de l’autre elle embrasse de grand cœur les progrès que chaque jour fait naître, si vraiment ils contribuent à la prospérité de cette vie, qui est comme un acheminement vers la vie future et durable à jamais. » 

Allocution aux pèlerins français du 13 avril 1888

« La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l’a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu’elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde. »

Encyclique Quod multum, 22 août 1886 – Aux évêques de Hongrie

« La Hongrie est elle-même témoin qu’il ne saurait y avoir de plus grand bienfait de Dieu pour les individus en particulier ou pour les Etats que de recevoir, par sa grâce, la vérité catholique, et, une fois reçue, de la garder avec persévérance. Dans ce bienfait suprême se trouve la somme complète des autres biens avec l’aide desquels, non seulement chaque homme en particulier peut obtenir la félicité éternelle du ciel, mais les nations aussi arrivent à la grandeur et à la prospérité vraiment dignes de ce nom. Ce que le premier de Vos rois apostoliques ayant parfaitement compris, il n’eut rien de plus à cœur dans ses prières à Dieu, il ne poursuivit rien plus laborieusement et plus constamment pendant toute sa vie que de propager la foi catholique dans tout son royaume et de l’y établir dès le principe sur de solides fondements. Ainsi commença de bonne heure entre les Pontifes romains, les rois et le peuple de Hongrie, cet échange de dévouement et d’assistance qui, à aucune époque suivante, n’a été démenti. Etienne établit et fonda le royaume ; mais ce fut du Pontife romain qu’il reçut le diadème royal. Il fut sacré de par l’autorité pontificale, et il voulut faire de son royaume comme un don au Siège Apostolique. Il dota avec munificence un bon nombre de sièges épiscopaux ; il en institua pieusement plusieurs autres; mais, dans ces actes de mérite, il eut pour auxiliaire la souveraine bonté du Siège Apostolique, qui, dans bien des cas, fit preuve d’une condescendance vraiment extraordinaire. C’est dans sa foi et dans sa piété que ce roi très saint puisa le don du conseil et les meilleures règles pour le gouvernement de la chose publique; et, rien que par son assiduité à la prière, il obtint une trempe d’âme si forte qu’il sut réprimer les conspirations perverses de rebelles et refouler, victorieux, tous les assauts des ennemis.

C’est ainsi que, sous les auspices de la religion, Votre nation s’est formée et que, sous son égide et sa conduite, Vous êtes parvenus, non seulement à maturité, mais à obtenir raffermissement du pouvoir et la gloire pleine d’éclat qui rejaillit sur Votre nom. Cette foi, que la Hongrie avait reçue comme en héritage de son roi et de son Père, elle l’a saintement et inviolablement conservée, et cela même au milieu des plus graves difficultés, lorsque l’erreur pernicieuse arrachait les peuples voisins du sein maternel de l’Eglise. En même temps que la foi catholique, le respect et l’attachement au Siège de Pierre demeurèrent constants dans la personne des rois apostoliques, parmi les évêques et chez le peuple tout entier ; en retour, l’on a vu confirmées par des témoignages perpétuels l’affection et
la bienveillance paternelles des Pontifes romains envers les Hongrois. Grâce à Dieu, ces antiques liens subsistent encore aujourd’hui, après une si longue succession de siècles et d’événements, et ces vertus de Vos aïeux ne sont point taries dans leurs descendants. Il faut surtout louer ces efforts assidus consacrés, non sans fruit, à l’accomplissement des devoirs épiscopaux ; ces soulagements apportés aux malheurs publics ; ce zèle déployé dans la défense des droits de l’Eglise ; cette ardeur constante et dévouée pour la conservation de la foi catholique.

En rappelant à l’esprit ces choses, Notre âme est émue d’une douce joie ; et volontiers, Nous en décernons la louange méritée à Vous, Vénérables Frères, et au peuple hongrois. Mais Nous ne saurions passer sous silence, ce qui, d’ailleurs, n’est ignoré de personne, combien les temps actuels sont partout contraires à la pratique de la vertu, par combien d’artifices l’Eglise est combattue et combien il est à craindre, au milieu de tant de périls, que la foi ébréchée ne languisse là même où elle était plus ferme et où elle avait jeté de plus profondes racines. Il suffit de signaler la source si funeste de tant de maux, c’est-à-dire les principes du rationalisme et du naturalisme librement propagés de toutes parts. —Il s’y joint d’innombrables appâts de corruption : la tendance si souvent hostile du pouvoir public vis-à-vis de l’Eglise, si même on n’en vient pas à la défection ouverte ; l’audace obstinée des Sociétés secrètes ; le système si généralement adopté d’élever la jeunesse sans tenir de Dieu le moindre compte.

Or, certes, jamais il n’a été plus nécessaire qu’en ce temps-ci de comprendre et de se persuader intimement combien grande est, non seulement l’opportunité, mais la nécessité absolue de la religion catholique pour la tranquillité et le salut public. On voit, en effet, par l’expérience quotidienne à quelle extrémité voudraient réduire les Etats ceux qui sont accoutumés de ne respecter aucune autorité, de ne tolérer aucun frein à leurs cupidités. Certes, nui n’ignore désormais où ils tendent et par quels moyens, avec quelle obstination ils s’efforcent d’y parvenir. Les plus grands empires, les républiques les plus florissantes se voient assaillis en quelque sorte à toute heure par ces foules d’individus unis ensemble par la communauté des mêmes desseins et par l’identité des moyens d’action, de sorte que la tranquillité publique est toujours menacée de quelque péril. Cela a été un salutaire conseil, comme on l’a fait dans certains pays, d’en venir, pour combattre une aussi grande audace du mal, à fortifier l’autorité des magistrats et à augmenter la rigueur des lois. Toutefois, pour conjurer la terreur du socialisme, ce qu’il y a d’excellent, de vraiment efficace et sans quoi la crainte du châtiment ne sert pas à grand’chose, c’est d’inspirer aux citoyens un esprit profondément religieux et de leur inculquer le respect et l’amour de l’Eglise. La religion, en effet, est la sauvegarde sacrée de l’intégrité des mœurs et de toutes les vertus qui jaillissent de la religion comme de leur source ; sous la conduite et le magistère de l’Eglise. Quiconque suit pieusement et entièrement les préceptes de l’Evangile se tient bien loin, par le fait même, de toute ombre de socialisme. De même, en effet, que la religion commande de vénérer Dieu et de le craindre, de même aussi elle ordonne d’être soumis et d’obéir au pouvoir légitime ; elle défend de rien entreprendre de séditieux ; elle prescrit de respecter les biens et les droits d’autrui ; à ceux qui ont plus de richesses, elle ordonne de venir en aide avec bonté à la multitude de ceux qui sont dans l’indigence ; elle entoure les pauvres de toutes les ressources de la charité ; elle répand ses plus douces consolations sur les malheureux, en leur inspirant l’espoir de biens immenses et immortels, qui seront d’autant plus grands que Ton aura eu plus durement ou plus longtemps à souffrir.

C’est pourquoi ceux qui président aux destinées des nations ne sauraient rien faire de plus sage et de plus opportun que de laisser la religion, libre de tout obstacle, exercer son influence sur l’esprit des peuples et les ramener par ses préceptes à la vertu et à l’intégrité des mœurs. Se défier de l’Eglise, la tenir en suspicion, outre que c’est chose ouvertement injuste, ne saurait profiter à d’autres qu’aux ennemis de l’ordre civil, à ceux qui désirent le bouleversement de la société. — Ces redoutables soulèvements populaires, ces foules turbulentes qui ont ébranlé ailleurs la paix publique, la Hongrie, grâce à Dieu, ne les a pas vus. Mais l’imminence du péril nous impose absolument, à Nous aussi bien qu’à Vous, Vénérables Frères, de consacrer Nos soins à le prévenir et à faire en sorte que, de plus en plus, la religion fleurisse et prospère parmi vous, et que les institutions chrétiennes y restent en honneur. — À cet effet, il est à désirer, tout d’abord, que l’Eglise jouisse dans tout le royaume de Hongrie d’une pleine et entière liberté, comme elle en jouissait autrefois, liberté dont elle ne s’est jamais servie que pour le bien public. Aussi avons-Nous souverainement à cœur qu’on élimine des lois ce qui s’y trouve en désaccord avec les droits de l’Eglise, ce qui diminue sa liberté d’action et ce qui entrave la profession du catholicisme. Pour l’obtenir, il Nous faut travailler constamment, à Nous et à Vous, autant que les lois le permettent, de même que l’ont déjà fait à cette fin tant d’hommes illustres. En attendant, et tant que resteront en vigueur ces dispositions légales dont Nous parlons, il Vous faut faire en sorte qu’elles nuisent le moins possible au salut des âmes et indiquer avec soin aux peuples quels sont, sous ce rapport, les devoirs de chacun. Nous allons indiquer quelques points qui semblent être particulièrement pernicieux.

Ainsi, par exemple, c’est le suprême devoir d’embrasser la vraie religion, devoir qui ne saurait être limité à aucun âge. Il n’est point d’âge qui soit impropre au royaume de Dieu. Dès qu’on a connu ce devoir, on doit le remplir sans la moindre hésitation ; et, dans la volonté même de le mettre en acte, il y a pour chacun un droit sacré, qu’ont ne saurait violer sans la plus grande injustice. De même à ceux qui ont charge d’âmes incombe le devoir très réel et très important d’admettre dans l’Eglise tous ceux qui, étant à même par leur âge de juger mûrement, demandent à y être admis. C’est, pourquoi, si les pasteurs des âmes se voient contraints de choisir en cela l’alternative, il faut qu’ils subissent la rigueur des lois humaines plutôt que d’encourir la colère du Dieu vengeur. […]

[Au sujet du mariage :] Et, comme ce point est d’une si haute importance , ainsi que vous le voyez, que tous ceux à qui le devoir en incombe avisent, de tous leurs soins, à ce que, pour aucun motif, nul ne s’écarte des préceptes à ce sujet; et cela d’autant plus que, dans aucune autre chose comme dans celle-ci, l’obéissance à l’Eglise n’est » plus unie et rattachée par certains liens nécessaires au salut de la chose publique. En effet, la société domestique contient et fortifie les principes et, pour ainsi dire, les meilleurs éléments de la vie sociale : aussi est-ce de là que dépend, en grande partie, la condition tranquille et prospère des nations. Or, cette société domestique est telle que la font les mariages par leur bon ou mauvais résultat, et les mariages ne peuvent aboutir à bien que s’ils sont réglés par Dieu et par l’Eglise. Dépourvu de ces conditions, le mariage, réduit à une servitude des passions capricieuses, conclu contre la volonté de Dieu, dépourvu par là même des grâces célestes qui lui sont nécessaires, manquant aussi de cette communion religieuse qui est la plus importante pour les hommes, ne peut que produire des fruits très amers, pour la ruine complète des familles et des nations. Aussi faut-il regarder comme ayant bien mérité, non seulement de la religion, mais aussi de la patrie, ces catholiques qui, il y a deux ans, lorsque les assemblées, législatives de Hongrie étaient saisies de la question pour qu’elles, voulussent et ordonnassent la sanction des mariages entre chrétiens et juifs, rejetèrent cette proposition d’une voix libre et avec une entière concorde, et obtinrent que l’antique loi sur les mariages fût confirmée. A leurs suffrages vint s’unir, de toutes les parties de la Hongrie^ l’adhésion de la grande majorité, prouvant par d’éclatants témoignages qu’elle les approuvait et pensait de même. Puisse-t-on faire preuve d’un semblable accord et d’une égale constance d’âme toutes les fois que la lutte est engagée sur les intérêts catholiques ! La victoire sera dès lors obtenue, et pour le moins l’action publique en deviendra plus ardente et plus efficace, en secouant toute lenteur et en surmontant cette inertie par laquelle les ennemis du nom chrétien voudraient assoupir tout sentiment de courage parmi les catholiques.

Ce ne sera pas d’une moindre utilité pour la nation, si l’on pourvoit avec droiture et sagesse à l’éducation de la jeunesse dès la première enfance.

Telle est aujourd’hui la marche des temps et des habitudes, qu’un grand nombre, et au prix de très grands efforts, travaillent à soustraire à la vigilance de l’Eglise et a la vertu salutaire de la religion la jeunesse adonnée aux lettres. On désire et on réclame de toute part des écoles appelées neutres, mixtes, laïques, dans le but d’obtenir que les élèves croissent dans une complète ignorance des choses les plus saintes et sans le moindre souci de la religion. Ce mal étant beaucoup plus étendu et plus grand que les remèdes, on voit se multiplier une génération insouciante des biens de l’âme, ignorante de la religion, souvent impie. Ecartez un si grand malheur de votre Hongrie, Vénérables Frères, et mettez-y tout Votre soin, tout Votre zèle. Formez la jeunesse, dès la plus tendre enfance, aux mœurs et à la sagesse chrétienne; c’est une affaire qui, aujourd’hui plus que toute autre, intéresse, non seulement l’Eglise, mais L’Etat. C’est ce que comprennent parfaitement tous ceux qui ont de saines idées ; aussi voit-on, en beaucoup d’endroits, un grand nombre de catholiques se préoccuper vivement de bien élever la jeunesse et consacrer à cette œuvre la part principale et constante de leur activité, sans se laisser effrayer par la grandeur des sacrifices et le poids du travail. Nous savons que beaucoup en Hongrie s’efforcent de travailler dans un dessein semblable ; permettez, néanmoins, Vénérables Frères, que Nous excitions en cela de plus en plus Votre zèle épiscopal.

Considérant l’importance de la chose, Nous devons, certes, désirer et vouloir que, dans l’éducation publique de la jeunesse, il soit pleinement donné à l’Eglise de remplir les devoirs qui lui sont divinement confiés ; et Nous ne pouvons faire moins que de Vous conjurer de consacrer à ce but Vos soins diligents. En même temps, ne Vous lassez point d’avertir les pères de famille et d’insister auprès d’eux pour qu’ils ne permettent pas à leurs enfants de fréquenter les écoles où il est à craindre que la foi chrétienne ne soit en péril ; procurez aussi qu’il ne manque pas d’écoles recommandables par l’excellence de l’éducation et la probité des maîtres ; et que ces écoles relèvent de Votre autorité et soient placées sous la surveillance du clergé. Nous voulons que cela s’entende, non seulement des écoles élémentaires, mais aussi de celles où l’on étudie les belles-lettres et les hautes sciences. Grâce à la pieuse libéralité de Vos ancêtres, et en particulier parla munificence de Vos rois et de Vos évêques, plusieurs établissements importants ont été fondes pour l’enseignement des sciences et des lettres, Vous gardez encore, comme une gloire, le souvenir cher à la postérité du cardinal Pazmany, archevêque de Strégonie, qui fonda et dota largement le grand lycée catholique de Buda-Pesth. Or, il est beau de rappeler qu’une si grande œuvre fut accomplie par lui avec la pure et sincère intention de favoriser la religion catholique : ce qui fut continué aussi par le roi Ferdinand II, afin que la vérité de la religion catholique restât inébranlable là où elle était en vigueur, pour qu’elle fût réintégrée là où elle avait eu à souffrir, et pour que le culte divin fût propagé partout. Nous savons avec quelle vaillance et quelle constance Vous avez travaillé afin que ces centres d’études excellentes, sans rien changer à leur caractère primitif, continuassent d’être tels que l’ont voulu leurs fondateurs, c’est-à-dire des instituts catholiques, dont la direction, l’administration et l’enseignement restassent au pouvoir de l’Eglise et des évêques. A cet effet, Nous Vous exhortons vivement à ne laisser passer aucune occasion pour affronter toute difficulté afin de réaliser pleinement Votre utile et noble dessein. Or, Vous y parviendrez, grâce à l’éminente piété du Roi Apostolique et à la prudence des hommes qui dirigent les affaires publiques. Il n’est pas à supposer, en effet, qu’on les verra tolérer que ce qui est accordé même aux communautés en dehors du catholicisme soit refusé à l’Eglise catholique.

Que si les besoins des temps requièrent de faire sous ce rapport de nouvelles fondations, ou de développer celles qui existent, Nous ne doutons point que Vous ne vouliez renouveler les exemples de Vos ancêtres et imiter leur foi. Il Nous a même été rapporté que c’est déjà Votre dessein de fonder une Académie propre à former d’excellents maîtres. Salutaire dessein s’il en fût, digne de votre sagesse et de votre vertu, et certes, Nous Vous encourageons et Vous exhortons à le mettre, Dieu aidant, promptement en exécution.

Mais si l’éducation de la jeunesse intéresse à un si haut point le salut public en général, c’est bien plus encore lorsqu’il s’agit de ceux qui veulent entrer dans les saints ordres. C’est à cela, Vénérables Frères, que Vous devez Vous dévouer spécialement ; c’est à cela que doivent être consacrés en grande partie Vos veilles et Vos labeurs ; en effet, les jeunes clercs sont l’espoir et comme la forme naissante du sacerdoce. Or, Vous savez parfaitement combien l’honneur de l’Eglise et le salut éternel des peuples doivent se fonder sur le cierge. — Deux choses sont surtout nécessaires dans l’éducation des clercs: la doctrine pour la culture de l’esprit, la vertu pour la perfection de l’âme. Aux classes d’humanités dans lesquelles on a l’habitude déformer la jeunesse, il faut ajouter les sciences sacrées et canoniques, en ayant soin que la doctrine en ces matières soit saine, absolument irréprochable, pleinement d’accord avec les enseignements de l’Eglise surtout en ces temps-ci, en un mot excellentes par la solidité et l’ampleur, afin que le prêtre soit puissant à exhorter… et qu’il puisse redresser ceux qui contredisent la doctrine  » (Encyclique Quod multum, 22 août 1886 – Aux évêques de Hongrie, Lettres apostoliques de S. S. Léon XIII, Encycliques, brefs, etc. Texte latin avec la traduction en regard, précédées d’une notice biographique suivies d’une table alphabétique, A. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, Paris, Tome II, pages 85-95 : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=828)

Encyclique Libertas Praestantissimum du 20 juin 1888 – Sur la liberté humaine

Cette encyclique, comme Immortale Dei, mérite d’être lue dans son intégralité, elle est disponible dans son intégralité et gratuitement en cliquant ici. Nous y renvoyons pour lire comment Léon XIII expose lumineusement ce qu’il y a à savoir sur La loi, La loi humaine. ainsi que La vraie liberté, d’où découle la nécessaire union de l’Etat avec l’Eglise. Nous nous limiterons ici à rapporter ce qui suit :

« Les degrés du libéralisme

[…] Il est donc nécessaire que la règle de notre vie soit par nous constamment et religieusement empruntée, non seulement à la loi éternelle, mais à l’ensemble et au détail de toutes les lois que Dieu, dans son infinie sagesse, dans son infinie puissance, et par les moyens qui lui ont plu, a voulu nous transmettre, et que nous pouvons connaître avec assurance, par des marques évidentes et qui ne laissent aucune place au doute. Et cela d’autant mieux que ces sortes de lois, ayant le même principe, le même auteur que la loi éternelle, ne peuvent nécessairement que s’harmoniser avec la raison et perfectionner le droit naturel ; d’ailleurs, nous y trouvons renfermé le magistère de Dieu lui-même, qui, pour empêcher notre intelligence et notre volonté de tomber dans l’erreur, les conduit l’une et l’autre et les guide par la plus bienveillante des directions. Laissons donc saintement et inviolablement réuni ce qui ne peut, ne doit être séparé, et qu’en toutes choses, selon que l’ordonne la raison naturelle elle-même, Dieu nous trouve soumis et obéissants à ses lois.

D’autres vont un peu moins loin, mais sans être plus conséquents avec eux-mêmes ; selon eux, les lois divines doivent régler la vie et la conduite des particuliers, mais non celle des Etats ; il est permis dans les choses publiques de s’écarter des ordres de Dieu et de légiférer sans en tenir aucun compte ; d’où naît cette conséquence pernicieuse de la séparation de l’Église et de l’État. – Mais l’absurdité de ces opinions se comprend sans peine. Il faut, la nature même le crie, il faut que la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer leur vie selon l’honnêteté, c’est-à-dire selon les lois de Dieu, puisque Dieu est le principe de toute honnêteté et de toute justice ; il répugnerait donc absolument que l’État pût se désintéresser de ces mêmes lois ou même aller contre elles en quoi que ce soit.

De plus, ceux qui gouvernent les peuples doivent certainement à la chose publique de lui procurer, par la sagesse de leurs lois, non seulement les avantages et les biens du dehors, mais aussi et surtout les biens de l’âme.

Or, pour accroître ces biens, on ne saurait rien imaginer de plus efficace que ces lois dont Dieu est l’auteur ; et c’est pour cela que ceux qui veulent, dans le gouvernement des États, ne tenir aucun compte des lois divines, détournent vraiment la puissance politique de son institution et de l’ordre prescrit par la nature. Mais une remarque plus importante et que Nous avons Nous même rappelée plus d’une fois ailleurs, c’est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n’ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l’accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelques fois l’un et l’autre. Tous deux, en effet, exercent plus d’une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoique à des points de vue différents. Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l’infinie sagesse des conseils divins : il faut donc nécessairement qu’il y ait un moyen, un procédé pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l’accord dans la pratique. Et cet accord, ce n’est pas sans raison qu’on l’a comparé à l’union qui existe entre l’âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu’elle le prive de la vie. »

D’où, encore une fois, la nécessaire union de l’Eglise et de l’Etat. Léon XIII poursuit :

« La liberté des cultes

Mais pour mieux mettre en lumière ces vérités, il est bon que nous considérions séparément les diverses sortes de libertés que l’on donne comme des conquêtes de notre époque. – Et d’abord, à propos des individus, examinons cette liberté si contraire à la vertu de religion, « la liberté des cultes », comme on l’appelle, liberté qui repose sur ce principe qu’il est loisible à chacun de professer telle religion qu’il lui plaît, ou même de n’en professer aucune. – Mais, tout au contraire, c’est bien là sans nul doute, parmi tous les devoirs de l’homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l’homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n’est qu’une conséquence de ce fait que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté et la Providence de Dieu, et que, sortis de lui, nous devons retourner à lui.

Il faut ajouter qu’aucune vertu digne de ce nom ne peut exister sans la religion, car la vertu morale est celle dont les actes ont pour objet tout ce qui nous conduit à Dieu considéré comme notre suprême et souverain bien ; et c’est pour cela que la religion, qui « accomplit les actes ayant pour fin directe et immédiate l’honneur divin » (S. Th. II – II, qu. 81, a. 6), est la reine à la fois et la règle de toutes les vertus. Et si l’on demande, parmi toutes ces religions opposées qui ont cours, laquelle il faut suivre à l’exclusion des autres, la raison et la nature s’unissent pour nous répondre : celle que Dieu a prescrite et qu’il est aisé de distinguer, grâce à certains signes extérieurs par lesquels la divine Providence a voulu la rendre reconnaissable, car, dans une chose de cette importance, l’erreur entraînerait des conséquences trop désastreuses. C’est pourquoi offrir à l’homme la liberté dont Nous parlons, c’est lui donner le pouvoir de dénaturer impunément le plus saint des devoirs, de le déserter, abandonnant le bien immuable pour se tourner vers le mal : ce qui, nous l’avons dit, n’est plus la liberté, mais une dépravation de la liberté et une servitude de l’âme sans l’abjection du péché.

Envisagée au point de vue social, cette même liberté veut que l’État ne rende aucun culte à Dieu, ou n’autorise aucun culte public ; que nulle religion ne soit préférée à l’autre, que toutes soient considérées comme ayant les mêmes droits, sans même avoir égard au peuple, lors même que ce peuple fait profession de catholicisme. Mais pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que vraiment la communauté civile n’eût aucun devoir envers Dieu, ou qu’en ayant, elle pût impunément s’en affranchir ; ce qui est également et manifestement faux. On ne saurait mettre en doute, en effet, que la réunion des hommes en société ne soit l’œuvre de la volonté de Dieu, et cela qu’on la considère dans ses membres, dans sa forme qui est l’autorité, dans sa cause ou dans le nombre et l’importance des avantages qu’elle procure à l’homme. C’est Dieu qui a fait l’homme pour la société et qui l’a uni à ses semblables, afin que les besoins de sa nature, auxquels ses efforts solitaires ne pourraient donner satisfaction, pussent la trouver dans l’association. C’est pourquoi la société civile, en tant que société, doit nécessairement reconnaître Dieu comme son principe et son auteur et, par conséquent, rendre à sa puissance et à son autorité l’hommage de son culte. Non, de par la justice ; non, de par la raison, l’État ne peut être athée, ou, ce qui reviendrait à l’athéisme, être animé à l’égard de toutes les religions, comme on dit, des mêmes dispositions, et leur accorder indistinctement les mêmes droits. – Puisqu’il est donc nécessaire de professer une religion dans la société, il faut professer celle qui est la seule vraie et que l’on reconnaît sans peine, au moins dans les pays catholiques, aux signes de vérité dont elle porte en elle l’éclatant caractère. Cette religion, les chefs de l’État doivent donc la conserver et la protéger, s’ils veulent, comme ils en ont l’obligation, pourvoir prudemment et utilement aux intérêts de la communauté. Car la puissance publique a été établie pour l’utilité de ceux qui sont gouvernés, et quoiqu’elle n’ait pour fin prochaine que de conduire les citoyens à la prospérité de cette vie terrestre, c’est pourtant un devoir pour elle de ne point diminuer, mais d’accroître, au contraire, pour l’homme, la faculté d’atteindre à ce bien suprême et souverain dans lequel consiste l’éternelle félicité des hommes, ce qui devient impossible sans la religion.

Mais Nous avons dit ailleurs tout cela plus en détail : la seule remarque que Nous voulons faire pour le moment, c’est qu’une liberté de ce genre est ce qui porte le plus de préjudice à la liberté véritable, soit des gouvernants, soit des gouvernés. La religion, au contraire, lui est merveilleusement utile, parce qu’elle fait remonter jusqu’à Dieu même l’origine première du pouvoir ; qu’elle impose avec une très grave autorité aux princes l’obligation de ne point oublier leurs devoirs ; de ne point commander avec injustice ou dureté, et de conduire les peuples avec bonté et presque avec un amour paternel.

D’autre part, elle recommande aux citoyens, à l’égard de la puissance légitime, la soumission comme aux représentants de Dieu ; elle les unit aux chefs de l’État par les liens, non seulement de l’obéissance, mais du respect et de l’amour, leur interdisant la révolte et toutes les entreprises qui peuvent troubler l’ordre et la tranquillité de l’État, et qui, en résumé, donnent occasion de comprimer, par des restrictions plus fortes, la liberté des citoyens.

Nous ne disons rien des services rendus par la religion aux bonnes mœurs et, par les bonnes mœurs, à la liberté même. Un fait prouvé par la raison et que l’histoire confirme, c’est que la liberté, la prospérité et la puissance d’une nation grandissent en proportion de sa moralité.

La liberté de presse

Et maintenant, poursuivons ces considérations au sujet de la liberté d’exprimer par la parole ou par la presse tout ce que l’on veut. Assurément, si cette liberté n’est pas justement tempérée, si elle dépasse le terme et la mesure, une telle liberté, il est à peine besoin de le dire, n’est pas un droit, car le droit est une faculté morale, et, comme nous l’avons dit et comme on ne peut trop le redire, il serait absurde de croire qu’elle appartient naturellement, et sans distinction ni discernement, à la vérité et au mensonge, au bien et au mal. Le vrai, le bien, on a le droit de les propager dans l’État avec une liberté prudente, afin qu’un plus grand nombre en profite ; mais les doctrines mensongères, peste la plus fatale de toutes pour l’esprit ; mais les vices qui corrompent le coeur et les moeurs, il est juste que l’autorité publique emploie à les réprimer avec sollicitude, afin d’empêcher le mal de s’étendre pour la ruine de la société. Les écarts d’un esprit licencieux, qui, pour la multitude ignorante, deviennent facilement une véritable oppression, doivent justement être punis par l’autorité des lois, non moins que les attentats de la violence commis contre les faibles. Et cette répression est d’autant plus nécessaire que contre ces artifices de style et ces subtilités de dialectique, surtout quand tout cela flatte les passions, la partie sans contredit la plus nombreuse de la population ne peut en aucune façon, ou ne peut qu’avec une très grande difficulté se tenir en garde.

Accordez à chacun la liberté illimitée de parler et d’écrire, rien ne demeure sacré et inviolable, rien ne sera épargné, pas même ces vérités premières, ces grands principes naturels que l’on doit considérer comme un noble patrimoine commun à toute l’humanité. Ainsi, la vérité est peu à peu envahie par les ténèbres, et l’on voit, ce qui arrive souvent, s’établir avec facilité la domination des erreurs les plus pernicieuses et les plus diverses. Tout ce que la licence y gagne, la liberté le perd ; car on verra toujours la liberté grandir et se raffermir à mesure que la licence sentira davantage le frein.

Mais s’agit-il de matières libres que Dieu a laissées aux disputes des hommes, à chacun il est permis de se former une opinion et de l’exprimer librement ; la nature n’y met point d’obstacle ; car une telle liberté n’a jamais conduit les hommes à opprimer la vérité, mais elle leur donne souvent une occasion de la rechercher et de la faire connaître.

La liberté d’enseignement

Quant à ce qu’on appelle liberté d’enseignement, il n’en faut pas juger d’une façon différente. Il n’y a que la vérité, on n’en saurait douter, qui doit entrer dans les âmes, puisque c’est en elle que les natures intelligentes trouvent leur bien, leur fin, leur perfection ; c’est pourquoi l’enseignement ne doit avoir pour objet que des choses vraies, et cela qu’il s’adresse aux ignorants ou aux savants, afin qu’il apporte aux uns la connaissance du vrai, que dans les autres, il l’affermisse. C’est pour ce motif que le devoir de quiconque se livre à l’enseignement est, sans contredit, d’extirper l’erreur des esprits et d’exposer des protections sûres à l’envahissement des fausses opinions. Il est donc évident que la liberté dont nous traitons, en s’arrogeant le droit de tout enseigner à sa guise, est en contradiction flagrante avec la raison et qu’elle est née pour produire un renversement complet dans les esprits ; le pouvoir public ne peut accorder une pareille licence dans la société qu’au mépris de son devoir. Cela est d’autant plus vrai que l’on sait de quel poids est pour les auditeurs l’autorité du professeur, et combien il est rare qu’un disciple puisse juger par lui-même de la vérité de l’enseignement du maître.

C’est pourquoi cette liberté aussi, pour demeurer honnête, a besoin d’être restreinte dans des limites déterminées ; il ne faut pas que l’art de l’enseignement puisse impunément devenir un instrument de corruption. – Or, la vérité qui doit être l’unique objet de l’enseignement est de deux sortes : il y a la vérité naturelle et la vérité surnaturelle. Les vérités naturelles, auxquelles appartiennent les principes de la nature et les conclusions prochaines que la raison en déduit, constituent comme le commun patrimoine du genre humain : elles sont comme le solide fondement sur lequel reposent les mœurs, la justice, la religion, l’existence même de la société humaine ; et ce serait dès lors la plus grande des impiétés, la plus inhumaine des folies, que de les laisser impunément violer et détruire. – Mais il ne faut pas mettre moins de scrupules à conserver le grand et sacré trésor des vérités que Dieu lui-même nous a fait connaître. Par un grand nombre d’arguments lumineux, souvent répétés par les apologistes, certains points principaux de doctrine ont été établis, par exemple : il y a une révélation divine ; le Fils unique de Dieu s’est fait chair pour rendre témoignage à la vérité ; par lui, une société parfaite a été fondée, à savoir : l’Église, dont il est lui-même le Chef et avec laquelle il a promis de demeurer jusqu’à la consommation des siècles.

A cette société, il a voulu confier toutes les vérités qu’il avait enseignées, avec mission de les garder, de les défendre, de les développer avec une autorité légitime ; et, en même temps, il a ordonné à toutes les nations d’obéir aux enseignements de son Église comme à lui-même, avec menace de la perte éternelle pour ceux qui y contreviendraient. D’où il ressort clairement que le maître le meilleur et le plus sûr à l’homme, c’est Dieu, source et principe de toute vérité ; c’est le Fils unique qui est dans le sein du Père, voie, vérité, vie ; lumière véritable qui éclaire tout homme, et dont l’enseignement doit avoir tous les hommes pour disciples ; et « ils seront tous enseignés de Dieu ». […]

La liberté de conscience

Une autre liberté que l’on proclame aussi bien haut est celle qu’on nomme liberté de conscience. Que si l’on entend par là que chacun peut indifféremment, à Son gré, rendre ou ne pas rendre un culte à Dieu, les arguments qui ont été donnés plus haut suffisent à le réfuter. Mais on peut l’entendre aussi en ce sens que l’homme a dans l’État le droit de suivre, d’après la conscience de son devoir, la volonté de Dieu, et d’accomplir ses préceptes sans que rien puisse l’en empêcher. Cette liberté, la vraie liberté, la liberté digne des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la dignité de la personne humaine, est au-dessus de toute violence et de toute oppression, elle a toujours été l’objet des vœux de l’Église et de sa particulière affection. C’est cette liberté que les apôtres ont revendiquée avec tant de constance, que les apologistes ont défendue dans leurs écrits, qu’une foule innombrable de martyrs ont consacrée de leur sang. Et ils ont eu raison, car la grande et très juste puissance de Dieu sur les hommes et, d’autre part, le grand et le suprême devoir des hommes envers Dieu trouvent l’un et l’autre dans cette liberté chrétienne un éclatant témoignage.

Elle n’a rien de commun avec des dispositions factieuses et révoltées, et, d’aucune façon, il ne faudrait se la figurer comme réfractaire à l’obéissance due à la puissance publique ; car ordonner et exiger l’obéissance aux commandements n’est un droit de la puissance humaine qu’autant qu’elle n’est pas en désaccord avec la puissance divine et qu’elle se renferme dans les limites que Dieu lui a marquées. Or, quand elle donne un ordre qui est ouvertement en désaccord avec la volonté divine, elle s’écarte alors loin de ces limites et se met du même coup en conflit avec l’autorité divine : il est donc juste alors de ne pas obéir.

Mais les partisans du Libéralisme, qui, en même temps qu’ils attribuent à l’État un pouvoir despotique et sans limites, proclament qu’il n’y a aucun compte à tenir de Dieu dans la conduite de la vie, ne reconnaissent pas du tout cette liberté dont Nous parlons et qui est unie intimement à l’honnêteté et à la liberté ; et ce qu’on fait pour la conserver, ils l’estiment fait à tort et contre l’État. S’ils disaient vrai, il n’y aurait pas de domination si tyrannique qu’on ne dût accepter et subir.

Le plus vif désir de l’Église serait sans doute de voir pénétrer dans tous les ordres de l’État et y recevoir leur application ces principes chrétiens que Nous venons d’exposer sommairement. Car ils possèdent une merveilleuse efficacité pour guérir les maux du temps présent, ces maux dont on ne peut se dissimuler ni le nombre, ni la gravité, et qui sont nés, en grande partie, de ces libertés tant vantées, et où l’on avait cru voir renfermés des germes de salut et de gloire. Cette espérance a été déçue par les faits. Au lieu de fruits doux et salutaires, sont venus des fruits amers et empoisonnés. Si l’on cherche le remède, qu’on le cherche dans le rappel des saines doctrines, desquelles seules on peut attendre avec confiance la conservation de l’ordre et, par là même, la garantie de la vraie liberté.

La tolérance

Néanmoins, dans son appréciation maternelle, l’Église tient compte du poids accablant de l’infirmité humaine, et elle n’ignore pas le mouvement qui entraîne à notre époque les esprits et les choses. Pour ces motifs, tout en n’accordant de droits qu’à ce qui est vrai et honnête, elle ne s’oppose pas cependant à la tolérance dont la puissance publique croit pouvoir user à l’égard de certaines choses contraires à la vérité et à la justice, en vue d’un mal plus grand à éviter ou d’un bien plus grand à obtenir ou à conserver.

Dieu lui-même, dans sa providence, quoique infiniment bon et tout-puissant, permet néanmoins l’existence de certains maux dans le monde, tantôt pour ne point empêcher des biens plus grands, tantôt pour empêcher de plus grands maux. Il convient, dans le gouvernement des États, d’imiter celui qui gouverne le monde. Bien plus, se trouvant impuissante à empêcher tous les maux particuliers, l’autorité des hommes doit « permettre et laisser impunies bien des choses qu’atteint pourtant et à juste titre la vindicte de la Providence divine » (S. August., De libr. arb., lib. I, cap. 6, num 14) Néanmoins, dans ces conjonctures, si, en vue du bien commun et pour ce seul motif, la loi des hommes peut et même doit tolérer le mal, jamais pourtant elle ne peut ni ne doit l’approuver, ni le vouloir en lui-même, car, étant de soi la privation du bien, le mal est opposé au bien commun que le législateur doit vouloir et doit défendre du mieux qu’il peut. Et en cela aussi la loi humaine doit se proposer d’imiter Dieu, qui, en laissant le mal exister dans le monde, ne veut ni que le mal arrive, ni que le mal n’arrive pas. Et cela est bon (S. Thomas, Ia, 19, 9 ad3). Cette sentence du Docteur Angélique contient, en une brève formule, toute la doctrine sur la tolérance du mal.

Mais il faut reconnaître, pour que Notre jugement reste dans la vérité, que plus il est nécessaire de tolérer le mal dans un Etat, plus les conditions de cet Etat s’écartent de la perfection ; et, de plus, que la tolérance du mal appartenant aux principes de la prudence politique, doit être rigoureusement circonscrite dans les limites exigées par sa raison d’être, c’est-à-dire par le salut public. C’est pourquoi, si elle est nuisible au salut public, ou qu’elle soit pour l’État la cause d’un plus grand mal, la conséquence est qu’il n’est pas permis d’en user, car, dans ces conditions, la raison du bien fait défaut. Mais, si, en vue d’une condition particulière de l’État, l’Église acquiesce à certaines libertés modernes, non qu’elle les préfère en elles-mêmes, mais parce qu’elle juge expédient de les permettre, et que la situation vienne ensuite à s’améliorer, elle usera évidemment de sa liberté en employant tous les moyens, persuasion, exhortations, prières, pour remplir comme c’est son devoir, la mission qu’elle a reçue de Dieu, à savoir, de procurer aux hommes le salut éternel.

Mais une chose demeure toujours vraie, c’est que cette liberté, accordée indifféremment à tous et pour tous, n’est pas, comme nous l’avons souvent répété, désirable par elle-même, puisqu’il répugne à la raison que le faux et le vrai aient les mêmes droits, et, en ce qui touche la tolérance, il est étrange de voir à quel point s’éloignent de l’équité et de la prudence de l’Église ceux qui professent le Libéralisme.

En effet, en accordant aux citoyens sur tous les points dont Nous avons parlé une liberté sans bornes, ils dépassent tout à fait la mesure et en viennent au point de ne pas paraître avoir plus d’égards pour la vertu et la vérité que pour l’erreur et le vice. Et quand l’Église, colonne et soutien de la vérité, maîtresse incorruptible des mœurs, croit de son devoir de protester sans relâche contre une tolérance si pleine de désordres et d’excès, et d’en écarter l’usage criminel, ils l’accusent de manquer à la patience et à la douceur ; en agissant ainsi, ils ne soupçonnent même pas qu’ils lui font un crime de ce qui est précisément son mérite. D’ailleurs, il arrive bien souvent à ces grands prôneurs de tolérance d’être, dans la pratique, durs et serrés quand il s’agit du catholicisme : prodigues de libertés pour tous, ils refusent souvent de laisser à l’Église sa liberté.

Résumé de l’encyclique

[…] S’insurger complètement contre l’empire suprême de Dieu et lui refuser absolument toute obéissance, soit dans la vie publique, soit dans la vie privée et domestique, c’est à la fois, sans nul doute, la plus grande dépravation de la liberté et la pire espèce de Libéralisme. C’est sur elle que doivent tomber sans restriction tous les blâmes que nous avons jusqu’ici formulés.

Immédiatement après vient le système de ceux qui, tout en concédant qu’on doit dépendre de Dieu, Auteur et Maître de l’univers puisque toute la nature est régie par sa Providence, osent répudier les règles de foi et de morale qui, dépassant l’ordre de la nature, nous viennent de l’autorité même de Dieu, ou prétendent, du moins, qu’il n’y a pas à en tenir compte, surtout dans les affaires publiques de l’État. Quelle est la gravité de leur erreur et combien peu ils sont d’accord avec eux-mêmes, Nous l’avons pareillement vu plus haut. C’est de cette doctrine que découle, comme de sa source et de son principe, cette pernicieuse erreur de la séparation de l’Église et de l’État, quand, au contraire, il est manifeste que ces deux pouvoirs, quoique différents dans leur mission et leur dignité, doivent néanmoins s’entendre dans la concorde de leur action et l’échange de leurs bons offices.

À cette erreur comme à un genre se rattache une double opinion. Plusieurs, en effet, veulent entre l’Église et l’État une séparation radicale et totale ; ils estiment que, dans tout ce qui concerne le gouvernement de la société humaine, dans les institutions, les mœurs, les lois, les fonctions publiques, l’instruction de la jeunesse, on ne doit pas plus faire attention à l’Église que si elle n’existait pas ; tout au plus laissent-ils aux membres individuels de la société la faculté de vaquer en particulier si cela leur plaît aux devoirs de la religion. Contre eux gardent toute leur force les arguments par lesquels Nous avons réfuté l’opinion de la séparation de l’Église et de l’État ; avec cette aggravation qu’il est complètement absurde que l’Église soit, en même temps, respectée du citoyen et méprisée par l’État. […]

Aucune époque ne peut se passer de religion, de vérité, de justice : grandes et saintes choses que Dieu a mises sous la garde de l’Église, à qui il serait dès lors étrange de demander la dissimulation à l’égard de ce qui est faux ou injuste, ou la connivence avec ce qui peut nuire à la religion.

Conduite pratique des catholiques 

De ces considérations, il résulte donc qu’il n’est aucunement permis de demander, de défendre ou d’accorder sans discernement la liberté de la pensée, de la presse, de l’enseignement, des religions, comme autant de droits que la nature a conférés à l’homme. Si vraiment la nature les avait conférés, on aurait le droit de se soustraire à la souveraineté de Dieu, et nulle loi ne pourrait modérer la liberté humaine. – Il suit pareillement que ces diverses sortes de libertés peuvent, pour de justes causes, être tolérées, pourvu qu’un juste tempérament les empêche de dégénérer jusqu’à la licence et au désordre. – Là enfin où les usages ont mis ces libertés en vigueur, les citoyens doivent s’en servir pour faire le bien et avoir à leur égard les sentiments qu’en a l’Église. Car une liberté ne doit être réputée légitime qu’en tant qu’elle accroît notre faculté pour le bien ; hors de là, jamais.

Quand on est sous le coup ou sous la menace d’une domination qui tient la société sous la pression d’une violence injuste, ou prive l’Église de sa liberté légitime, il est permis de chercher une autre organisation politique, sous laquelle il soit possible d’agir avec liberté. Alors, en effet, ce que l’on revendique, ce n’est pas cette liberté sans mesure et sans règle, mais c’est un certain allégement en vue du salut de tous ; et ce que l’on cherche uniquement, c’est d’arriver à ce que, là où toute licence est donnée au mal, le pouvoir de faire le bien ne soit pas entravé.

En outre, préférer pour l’État une constitution tempérée par l’élément démocratique n’est pas en soi contre le devoir, à condition toutefois qu’on respecte la doctrine catholique sur l’origine et l’exercice du pouvoir public. […]

L’Église ne condamne pas non plus que l’on veuille affranchir son pays ou de l’étranger ou d’un despote, pourvu que cela puisse se faire sans violer la justice. Enfin, elle ne reprend pas davantage ceux qui travaillent à donner aux communes l’avantage de vivre selon leurs propres lois, et aux citoyens toutes les facilités pour l’accroissement de leur bien-être. Pour toutes les libertés civiles exemptes d’excès, l’Église eut toujours la coutume d’être une très fidèle protectrice, ce qu’attestent particulièrement les cités italiennes, qui trouvèrent sous le régime municipal la prospérité, la puissance et la gloire, alors que l’influence salutaire de l’Église, sans rencontrer aucune opposition, pénétrait toutes les parties du corps social »

Lettre apostolique à l’empereur du Brésil È Giunto, 19 juillet 1889 – Condamnant la possibilité d’un droit accordé par principe aux faux cultes

« Votre Majesté, nous avons appris que parmi les différents projets annoncés dans le programme du nouveau ministère brésilien, il y en a certains qui, touchant aux intérêts les plus vitaux de la religion et rompant le fil des glorieuses traditions de cet Empire, auraient pour effet, s’ils étaient réalisés, de perturber la paix des consciences, d’affaiblir dans ces populations catholiques le sentiment religieux ou de préparer un avenir plein de dangers pour l’Église catholique tout autant que pour la société civile. Nous entendons parler de la liberté de culte et d’enseignement et des dispositions qui s’y rapportent, qui, bien que non ouvertement indiquées dans la déclaration publique du gouvernement, ne laissent aucun doute quant à leur qualité et leur nature.

Il ne s’agit pas ici d’exposer tous les arguments contre l’introduction desdits projets. Il suffira d’en exposer quelques-unes des principales à Votre Majesté, dont l’esprit savant et élevé est bien connu.

La liberté de culte, considérée dans son rapport avec la société, est fondée sur ce principe que l’Etat, même dans une nation catholique, n’est tenu de professer et de favoriser aucun culte. Il doit rester indifférent au regard de tous et en tenir un compte juridiquement égal. Il n’est pas question ici de cette tolérance de fait, qui en des circonstances données peut être concédée aux cultes dissidents, mais bien de la reconnaissance accordée à ceux-ci des droits mêmes qui n’appartiennent qu’à l’unique vraie religion, que Dieu a établi dans le monde et désigné par des caractères clairs et précis pour que tous puissent la reconnaître comme telle et l’embrasser.

Aussi bien une telle liberté place-t-elle sur la même ligne la vérité et l’erreur, la foi et l’hérésie, l’Eglise de Jésus-Christ et une quelconque institution humaine : elle établit une déplorable et funeste séparation entre la Société humaine et Dieu son Auteur ; elle aboutit enfin aux tristes conséquences que sont l’indifférentisme de l’Etat en matière religieuse ou, ce qui revient au même, son athéisme.

Personne, en effet, ne pourra raisonnablement nier que la communauté civile, non moins que l’homme pris individuellement, a des devoirs à l’égard de Dieu Créateur, son suprême législateur et son bienfaiteur attentif. Rompre tout lien de sujétion et de respect envers l’Etre suprême, refuser d’honorer son pouvoir et son autorité souveraine, méconnaître les bienfaits que la société en reçoit est une attitude condamnée non seulement par la foi, mais par la raison et par le sentiment commun des anciens païens eux-mêmes, qui plaçaient à la base de leur ordre public et de leurs entreprises civiles et militaires, le culte de la divinité dont ils attendaient leur prospérité et leur grandeur.

Mais il serait superflu d’insister sur ces réflexions. A plusieurs reprises déjà, dans des documents officiels adressés au Monde Catholique, Nous avons démontré combien est erronée la doctrine de ceux, qui sous le nom séducteur de liberté du culte, proclament l’apostasie légale de la société, la détournant ainsi de son Auteur divin. Ce dont il Vous importe d’être averti ici, c’est qu’une telle liberté est une source de maux incalculables pour les gouvernements et les peuples. Et en vérité, du moment que la religion prescrit aux citoyens d’obéir au pouvoir légitime, comme à un ministre de Dieu, et interdit par là même tous ces mouvements séditieux qui peuvent troubler la tranquillité de l’ordre public, il est par trop évident que l’Etat qui se déclare indifférent en fait de religion et donne solennellement la preuve de n’en tenir aucun compte, se prive de l’élément moral le plus puissant et aboutit à se couper du vrai et naturel principe où le respect, la fidélité et l’amour des peuples viennent puiser toute leur force.

Au contraire, en violant de la sorte leurs devoirs les plus sacrés envers Dieu, l’Etat ne renonce pas seulement à un moyen très efficace de s’assurer l’obéissance et le respect des citoyens, mais il en arrive à ébranler ce sentiment religieux où le peuple puise force, résignation et réconfort pour porter les souffrances et les misères de la vie, et lui donne en même temps un exemple d’autant plus pernicieux, que plus élevée est la sphère d’où il procède.

Et il ne sera pas ici nécessaire de faire remarquer à Votre Majesté que, surtout à l’époque actuelle, où se fait sentir plus que jamais le besoin de l’influence salutaire de la religion, en face du progrès constant des désordres d’ordre moral et social qui soulèvent la société, il peut devenir souverainement périlleux et funeste à la chose publique, d’inaugurer en un pays catholique un système qui ne peut avoir d’autre résultat que celui d’affaiblir ou de détruire, dans les populations, l’unique frein moral capable de les maintenir dans l’accomplissement de leur devoir. — Les nations qui se lancent sur la voie de ces innovations ont eu ou auront à déplorer l’augmentation progressive des délits, des discordes, des révoltes, l’instabilité du pouvoir et toutes les ruines morales et matérielles qui s’accumulent sur elles. Aussi bien, les hommes sages et impartiaux doivent-ils reconnaître, à la lumière d’une longue expérience, qu’un peuple qui perd son esprit religieux est un peuple qui s’achemine vers la décadence, et par suite, l’unique moyen pour lui rendre le salut se trouve dans, l’action bienfaisante de la religion. Elle seule, en effet, peut assurer efficacement le respect des lois et de l’autorité constituée, elle seule réveille et secoue la conscience de l’homme, cette puissance admirable qui, reçue au fond de l’âme, préside à tous ses mouvements, les approuve ou les condamne suivant les normes de la justice éternelle, et procure à la volonté force et courage pour faire le bien.

Mais l’autre liberté, celle de l’enseignement n’est pas, en ce même domaine social, moins féconde en funestes conséquences. Elle laisse en fait dans les écoles large licence pour développer des doctrines de tout genre, sans excepter les plus contraires aux vérités naturelles et révélées. Sous le prétexte menteur de la science, dont le progrès réel n’a jamais été entravé mais a toujours été au contraire puissamment aidé par la foi, on foule aux pieds et on combat ouvertement ces principes fondamentaux sur lesquels reposent la morale, la justice et la religion.

C’est ainsi que le Maître s’écarte de son noble rôle, celui de donner à la société des hommes, non seulement instruits, mais honnêtes, qui par l’exact accomplissement de leur devoir envers leurs semblables, envers leur famille et envers l’Etat, contribueront à assurer le bonheur public. C’est ainsi encore, qu’au lieu de réprimer dans les âmes juvéniles les germes des passions de l’égoïsme, de l’orgueil, de la cupidité, et d’y faire fleurir les sentiments et les vertus qui caractérisent le bon fils, le bon père, le bon citoyen, il se fera instrument de corruption, en laissant la jeunesse inexpérimentée dans la voie du doute, de l’erreur et de l’incrédulité, et en déposant dans son cœur les germes de toutes les tendances pernicieuses.

Ces conséquences sont d’autant plus inévitables, que, tandis que d’un côté on ouvre la porte aux opinions les plus monstrueuses, de l’autre, une fois admis le principe du libre examen, on a coutume d’entraver de mille manières la liberté de l’Eglise et sa légitime influence dans l’éducation de la jeunesse.

Ces quelques rapides considérations seront suffisantes, Nous en sommes certain, pour montrer à Votre Majesté les maux très grands auxquels pourraient donner naissance les réformes susdites, en un pays qui a conservé jalousement jusqu’à maintenant le précieux héritage de la foi, et dont les habitants sont aussi fidèles aux saintes traditions de leurs pères.

Nous ne souhaitons pas nous pencher sur les autres dispositions complémentaires auxquelles il est fait allusion dans le programme du ministère ; la formule par laquelle il y est fait allusion est vague et générale, et peut contenir d’autres innovations pernicieuses, parmi lesquelles la plus pernicieuse du soi-disant mariage civil, et d’autres similaires. Mais nous aimons mieux croire, que les hommes appelés par la confiance souveraine de Votre Majesté à partager la responsabilité du pouvoir, comprendront dans leur sagesse politique combien il est utile à un peuple de conserver intacts les précieux avantages de la paix religieuse. Nous espérons surtout que Votre Majesté, par sa grande pénétration et son attachement constant à la religion catholique, dont nous n’avons pas eu depuis longtemps une preuve nouvelle et lumineuse dans l’oeuvre si sagement et généreusement accomplie de l’abolition de l’esclavage dans son empire, ne permettra jamais de modifier les bases d’une législation correspondant aux véritables intérêts du peuple et de l’autorité souveraine qui le gouverne, et d’ouvrir une ère de discorde et de troubles religieux et sociaux. Votre Majesté, en enlevant ce malheur à votre Empire, contribuera efficacement à sa prospérité et fera appel à vous-même, à votre auguste famille et à la nation brésilienne, aux bénédictions du ciel.

C’est avec cette conviction intime que nous donnons de tout cœur à Votre Majesté et à toute la famille impériale la bénédiction apostolique. » (Lettre apostolique à l’empereur du Brésil È Giunto, 19 juillet 1889 – Condamnant la possibilité d’un droit accordé par principe aux faux cultes)

Encyclique Sapientiae Christianae du 10 janvier 1890 – Sur les principaux devoirs chrétiens

« Quelle multitude d’hommes se trouve, pour ces causes, exposée à la perdition éternelle, il serait impossible de le décrire, mais les sociétés elles-mêmes et les empires ne pourront rester longtemps sans en être ébranlés, car la ruine des institutions et des mœurs chrétiennes entraîne nécessairement celle des premières bases de la société humaine. La force demeure l’unique garantie de l’ordre et de la tranquillité publique. Mais rien n’est faible comme la force quand elle ne s’appuie pas sur la religion. Plus propre, dans ce cas, à engendrer la servitude que l’obéissance, elle renferme en elle-même les germes de grandes perturbations.

Déjà le présent siècle a subi de graves et mémorables catastrophes, et il n’est pas démontré qu’il n’y ait pas lieu d’en redouter de semblables. – Le temps lui-même dans lequel nous vivons nous avertit donc de chercher les remèdes là où ils se trouvent, c’est-à-dire de rétablir, dans la vie privée et dans toutes les parties de l’organisme social, les principes et les pratiques du christianisme ; c’est l’unique moyen de nous délivrer des maux qui nous accablent et de prévenir les dangers dont nous sommes menacés. Voilà, vénérables frères, à quoi nous devons nous appliquer avec tout le soin et tout le zèle dont nous pouvons être capables. » (n°5)

 

« Cependant la hiérarchie de ces devoirs se trouve quelquefois injustement bouleversée, soit par le malheur des temps, soit plus encore par la volonté perverse des hommes. Il arrive, en effet, que, parfois, les exigences de l’État envers le citoyen contredisent celles de la religion à l’égard du chrétien, et ces conflits viennent de ce que les chefs politiques tiennent pour nulle la puissance sacrée de l’Église ou bien affectent la prétention de se l’assujettir. De là, des luttes et, pour la vertu, des occasions de faire preuve de valeur. Deux pouvoirs sont en présence, donnant des ordres contraires. Impossible de leur obéir à tous les deux simultanément. Nul ne peut servir deux maîtres. Plaire à l’un, c’est mépriser l’autre. Auquel accordera-t-on la préférence ? L’hésitation n’est pas permise. Ce serait un crime, en effet, de vouloir se soustraire à l’obéissance due à Dieu pour plaire aux hommes, d’enfreindre les lois de Jésus-Christ pour obéir aux magistrats, de méconnaître les droits de l’Église sous prétexte de respecter les droits de l’ordre civil. « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » Cette réponse que faisaient autrefois Pierre et les apôtres aux magistrats qui leur commandaient les choses illicites, il faut, en pareille circonstance, la redire toujours et sans hésiter. Il n’est pas de meilleur citoyen, soit en paix, soit en guerre, que le chrétien fidèle à son devoir ; mais ce chrétien doit être prêt à tout souffrir, même la mort, plutôt que de déserter la cause de Dieu et de l’Église. » (n°10)

 

« Les chrétiens entourent donc d’un respect religieux la notion du pouvoir, dans lequel, même quand il réside dans un mandataire indigne, ils voient un reflet et comme une image de la divine Majesté. Ils se croient tenus de respecter les lois, non pas à cause de la sanction pénale dont elles menacent les coupables, mais parce que c’est pour eux un devoir de conscience, car Dieu ne nous a pas donné l’esprit de crainte. Mais, si les lois de l’État sont en contradiction ouverte avec la loi divine, si elles renferment des dispositions préjudiciables à l’Église ou des prescriptions contraires aux devoirs imposés par la religion, si elles violent dans le Pontife Suprême l’autorité de Jésus-Christ, dans tous ces cas, il y a obligation de résister et obéir serait un crime dont les conséquences retomberaient sur l’État lui-même. Car l’État subit le contrecoup de toute offense faite à la religion. On voit ici combien est injuste le reproche de sédition formulé contre les chrétiens. En effet, ils ne refusent, ni au prince, ni aux législateurs, l’obéissance qui leur est due ou, s’ils dénient cette obéissance, c’est uniquement au sujet de préceptes destitués d’autorité parce qu’ils sont portés contre l’honneur dû à Dieu, par conséquent en dehors de la justice, et n’ont rien de commun avec de véritables lois. » (n°12)

 

« Mais l’exercice de ce gouvernement est difficile et donne lieu à de nombreux conflits. Car l’Église régit des nations disséminées dans toutes les parties du monde, différentes de races et de mœurs, qui, vivant chacune sous l’empire des lois de son pays, doivent à la fois obéissance au pouvoir civil et religieux. Ces devoirs s’imposent aux mêmes personnes. Nous avons déjà dit qu’il n’y a entre eux ni contradiction, ni confusion ; car les uns ont rapport à la prospérité de la patrie terrestre, les autres se réfèrent au bien général de l’Église ; tous ont pour but de conduire les hommes à la perfection. » (n°36)

 

« De plus, dans la politique, inséparable des lois de la morale et des devoirs religieux, l’on doit toujours et en premier chef se préoccuper de servir le plus efficacement possible les intérêts du catholicisme. Dès qu’on les voit menacés, tout dissentiment doit cesser entre catholiques, afin que, unis dans les mêmes pensées et les mêmes conseils, ils se portent au secours de la religion, bien général et suprême auquel tout le reste doit être rapporté. Nous croyons nécessaire d’insister encore davantage sur ce point. » (n°39)

 

« Dès lors, ceux qui rédigent des constitutions et font des lois doivent tenir compte de la nature morale et religieuse de l’homme et l’aider à se perfectionner, mais avec ordre et droiture, n’ordonnant ni ne prohibant rien sans avoir égard à la fin propre de chacune des sociétés civile et religieuse. L’Église ne saurait donc être indifférente à ce que telles ou telles lois régissent les États, non pas en tant que ces lois appartiennent à l’ordre civil et politique, mais en tant qu’elles sortiraient de la sphère de cet ordre et empiéteraient sur ses droits. Ce n’est pas tout. L’Église a encore reçu de Dieu le mandat de s’opposer aux institutions qui nuiraient à la religion, et de faire de continuels efforts pour pénétrer de la vertu de l’Évangile les lois et les institutions des peuples. Et comme le sort des États dépend principalement des dispositions de ceux qui sont à la tête du gouvernement, l’Église ne saurait accorder ni son patronage ni sa faveur aux hommes qu’elle sait lui être hostiles, qui refusent ouvertement de respecter ses droits, qui cherchent à briser l’alliance établie par la nature même des choses entre les intérêts religieux et les intérêts de l’ordre civil. Au contraire, son devoir est de favoriser ceux qui ont de saines idées sur les rapports de l’Église et de l’État et s’efforcent de les faire servir par leur accord au bien général. » (n°41)

Encyclique Rerum Novarum du 15 mai 1891 – Doctrine sociale de l’Église: La question ouvrière

« Il suffit de passer rapidement en revue par la pensée les exemples de l’antiquité. Les choses et les faits que Nous allons rappeler sont hors de toute controverse. Ainsi, il n’est pas douteux que la société civile des hommes ait été foncièrement renouvelée par les institutions chrétiennes ; que cette rénovation a eu pour effet de relever le niveau du genre humain ou, pour mieux dire, de le rappeler de la mort à la vie et de le porter à un si haut degré de perfection qu’on n’en vit de supérieur ni avant ni après, et qu’on n’en verra jamais dans tout le cours des siècles ; qu’enfin c’est Jésus-Christ qui a été le principe de ces bienfaits et qui en doit être la fin ; car de même que tout est parti de lui, ainsi tout doit lui être rapporté. Quand donc l’Évangile eut rayonné dans le monde, quand les peuples eurent appris le grand mystère de l’Incarnation du Verbe et de la Rédemption des hommes, la vie de Jésus-Christ, Dieu et homme, envahit les sociétés et les imprégna tout entières de sa foi, de ses maximes et de ses lois. C’est pourquoi, si la société humaine doit être guérie, elle ne le sera que par le retour à la vie et aux institutions du christianisme. […]

Or, il importe au salut public et privé que l’ordre et la paix règnent partout ; que toute l’économie de la vie familiale soit réglée d’après les commandements de Dieu et les principes de la loi naturelle ; que la religion soit honorée et observée ; que l’on voie fleurir les moeurs privées et publiques ; que la justice soit religieusement gardée et que jamais une classe ne puisse opprimer l’autre impunément ; qu’il croisse de robustes générations capables d’être le soutien et, s’il le faut, le rempart de la patrie. C’est pourquoi, s’il arrive que les ouvriers, abandonnant le travail ou le suspendant par les grèves, menacent la tranquillité publique ; que les liens naturels de la famille se relâchent parmi les travailleurs ; qu’on foule aux pieds la religion des ouvriers en ne leur facilitant point l’accomplissement de leurs devoirs envers Dieu » (Encyclique Rerum Novarum du 15 mai 1891 – Doctrine sociale de l’Église: La question ouvrière)

Encyclique Au milieu des sollicitudes, 16 février 1892 -Sur les rapports entre l’Église et l’État, la liberté des catholiques et la condamnation de la rébellion

Après sa publication, cette encyclique fut malhonnêtement récupérée par les libéraux et francs-maçons, pour lui faire signifier le « ralliement à la république » et ses idéaux anticatholiques. De nos jours, tristement,  l’énorme majorité des catholiques croient, de bonne foi, en cette légende malveillante. Pour lui tordre le cou, nous vous invitions à lire notre dossier Léon XIII, son prétendu libéralisme et son prétendu « ralliement à la république ».

Toujours est-il que le texte même de l’encyclique réfute toute complaisance envers le système maçonnique et laïciste :

« Avant tout, prenons comme point de départ une vérité notoire, souscrite par tout homme de bon sens et hautement proclamée par l’histoire de tous les peuples, à savoir que la religion, et la religion seule, peut créer le lien social ; que seule elle suffit à maintenir sur de solides fondements la paix d’une nation. Quand diverses familles, sans renoncer aux droits et aux devoirs de la société domestique, s’unissent sous l’inspiration de la nature, pour se constituer membres d’une autre famille plus vaste, appelée la société civile, leur but n’est pas seulement d’y trouver le moyen de pourvoir à leur bien-être matériel, mais surtout d’y puiser le bienfait de leur perfectionnement moral. Autrement la société s’élèverait peu au-dessus d’une agrégation d’êtres sans raison, dont toute la vie est dans la satisfaction des instincts sensuels. Il y a plus : sans ce perfectionnement moral, difficilement on démontrerait que la société civile, loin de devenir pour l’homme, en tant qu’homme, un avantage, ne tournerait pas à son détriment.

Or, la moralité dans l’homme, par le fait même qu’elle doit mettre de concert tant de droits et tant de devoirs dissemblables, puisqu’elle entre comme élément dans tout acte humain, suppose nécessairement Dieu, et, avec Dieu, la religion, ce lien sacré dont le privilège est d’unir, antérieurement à tout autre lien, l’homme à Dieu. En effet, l’idée de moralité importe avant tout un ordre de dépendance à l’égard du vrai, qui est la lumière de l’esprit ; à l’égard du bien, qui est la fin de la volonté : sans le vrai, sans le bien, pas de morale digne de ce nom. Et quelle est donc la vérité principale et essentielle, celle dont toute vérité dérive ? c’est Dieu. Quelle est donc encore la bonté suprême dont tout autre bien procède ? c’est Dieu. Quel est enfin le créateur et le conservateur de notre raison, de notre volonté, de tout notre être, comme il est la fin de notre vie ? Toujours Dieu. Donc, puisque la religion est l’expression intérieure et extérieure de cette dépendance que nous devons à Dieu à titre de justice, il s’en dégage une grave conséquence qui s’impose : Tous les citoyens sont tenus de s’allier pour maintenir dans la nation le sentiment religieux vrai, et pour le défendre au besoin, si jamais une école athée, en dépit des protestations de la nature et de l’histoire, s’efforçait de chasser Dieu de la société, sûre par là d’anéantir le sens moral au fond même de la conscience humaine. Sur ce point, entre hommes qui n’ont pas perdu la notion de l’honnêteté, aucune dissidence ne saurait subsister.

Dans les catholiques français, le sentiment religieux doit être encore plus profond et plus universel, puisqu’ils ont le bonheur d’appartenir à la vraie religion. Si, en effet, les croyances religieuses furent, toujours et partout, données comme base à la moralité des actions humaines et à l’existence de toute société bien ordonnée, il est évident que la religion catholique, par le fait même qu’elle est la vraie Église de Jésus-Christ, possède plus que toute autre l’efficacité voulue pour bien régler la vie, dans la société comme dans l’individu. En faut-il un éclatant exemple ? La France elle-même le fournit. — À mesure qu’elle progressait dans la foi chrétienne, on la voyait monter graduellement à cette grandeur morale qu’elle atteignit, comme puissance politique et militaire. C’est qu’à la générosité naturelle de son coeur, la charité chrétienne était venue ajouter une abondante source de nouvelles énergies ; c’est que Son activité merveilleuse avait rencontré, tout à la fois comme aiguillon, lumière directive et garantie de constance, cette foi chrétienne qui, par la main de la France, traça dans les annales du genre humain des pages si glorieuses. Et, encore aujourd’hui, sa foi ne continue-t-elle pas d’ajouter aux gloires passées de nouvelles gloires ? On la voit, inépuisable de génie et de ressources, multiplier sur son propre sol les oeuvres de charité ; on l’admire partant pour les pays lointains où, par son or, par les labeurs de ses missionnaires, au prix même de leur sang, elle propage d’un même coup le renom de la France et les bienfaits de la religion catholique. Renoncer à de telles gloires, aucun Français, quelles que soient par ailleurs ses convictions, ne l’oserait ; ce serait renier la patrie.

Or, l’histoire d’un peuple révèle, d’une manière incontestable, quel est l’élément générateur et conservateur de sa grandeur morale. Aussi, que cet élément vienne à lui manquer, ni la surabondance de l’or, ni la force des armes ne sauraient le sauver de la décadence morale, peut-être de la mort. Qui ne comprend maintenant que pour tous les Français qui professent la religion catholique, la grande sollicitude doit être d’en assurer la conservation ; et cela avec d’autant plus de dévouement, qu’au milieu d’eux le christianisme devient, de la part des sectes, l’objet d’hostilités plus implacables ? Sur ce terrain, ils ne peuvent se permettre ni indolence dans l’action, ni division de partis ; l’une accuserait une lâcheté indigne du chrétien, l’autre serait la cause d’une faiblesse désastreuse. […]

[C]oncernant le principe de la séparation de l’État et de l’Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de la législation chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démontrer ici tout ce qu’a d’absurde la théorie de cette séparation ; chacun le comprendra de lui-même. Dès que l’État refuse de donner à Dieu ce qui est à Dieu, il refuse, par une conséquence nécessaire, de donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit comme hommes ; car, qu’on le veuille ou non, les vrais droits de l’homme naissent précisément de ses devoirs envers Dieu. D’où il suit que l’État, en manquant, sous ce rapport, le but principal de son institution, aboutit en réalité à se renier lui-même et à démentir ce qui est la raison de la propre existence. Ces vérités supérieures sont si clairement proclamées par la voix même de la raison naturelle, qu’elles s’imposent à tout homme que n’aveugle pas la violence de la passion.

Les catholiques, en conséquence, ne sauraient trop se garder de soutenir une telle séparation. En effet, vouloir que l’État se sépare de l’Église, ce serait vouloir, par une conséquence logique, que l’Église fût réduite à la liberté de vivre selon le droit commun à tous les citoyens.

Cette situation, il est vrai, se produit dans certains pays. C’est une manière d’être qui, si elle a ses nombreux et graves inconvénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, par une heureuse inconséquence, ne laisse pas que de s’inspirer des principes chrétiens ; et ces avantages, bien qu’ils ne puissent justifier le faux principe de la séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pratiquement, n’est pas le pire de tous.

Mais en France, nation catholique par ses traditions et par la foi présente de la grande majorité de ses fils, l’Église ne doit pas être mise dans la situation précaire qu’elle subit chez d’autres peuples. Les catholiques peuvent d’autant moins préconiser la séparation, qu’ils connaissent mieux les intentions des ennemis qui la désirent. Pour ces derniers, et ils le disent assez clairement, cette séparation, c’est l’indépendance entière de la législation politique envers la législation religieuse ; il y a plus, c’est l’indifférence absolue du pouvoir à l’égard des intérêts de la société chrétienne, c’est-à-dire de l’Église, et la négation même de son existence. – Ils font cependant une réserve qui se formule ainsi : Dès que l’Église, utilisant les ressources que le droit commun laisse aux moindres des Français, saura, par un redoublement de son activité native, faire prospérer son oeuvre, aussitôt l’État intervenant pourra et devra mettre les catholiques français hors du droit commun lui-même.

Pour tout dire, en un mot, l’idéal de ces hommes serait le retour au paganisme : l’État ne reconnaît l’Église qu’au jour où il lui plaît de la persécuter. » (Encyclique Au milieu des sollicitudes, 16 février 1892 -Sur les rapports entre l’Église et l’État, la liberté des catholiques et la condamnation de la rébellion)

Encyclique Longinqua Oceani, 6 janvier 1895 – Sur le catholicisme aux États-Unis

Léon XIII condamna l’américanisme, système dans lequel l’Eglise n’est ni entravée ni mal vue par le principe de laïcité. Il condamne cette forme de laïcité dans l’absolu, alors même qu’il en reconnaît les bienfaits comme nous allons le voir, c’est dire si la séparation de l’Eglise et de l’Etat sous quelque forme que ce soit est radicalement contraire à la foi catholique ! C’est une réfutation par avance de toutes les tentatives de justification catholique de la laïcité, arguant que celle-ci n’est mauvaise et ne fut condamnée par les Papes qu’en tant qu’elle fut hostile à l’Eglise. Laissons la parole au Pape :

« Chez vous, en effet, grâce à la bonne constitution de l’Etat, l’Eglise n’étant gênée par les liens d’aucune loi, étant défendue contre la violence par le droit commun et l’équité des jugements, a obtenu la liberté garantie de vivre et d’agir sans obstacle. Toutes ces remarques sont vraies ; pourtant, il faut se garder d’une erreur : qu’on n’aille pas conclure de là que la meilleure situation pour l’Eglise est celle qu’elle a en Amérique, ou bien qu’il est toujours permis et utile de séparer, de disjoindre les intérêts de l’Eglise et l’Etat comme en Amérique.
 

En effet, si la religion catholique est honorée parmi vous, si elle prospère, si même elle s’est accrue, il faut l’attribuer entièrement à la fécondité divine dont jouit l’Eglise, qui, lorsque personne ne s’y oppose, lorsque rien ne lui fait obstacle, s’étend d’elle-même et se répand ; pourtant elle produirait encore bien plus de fruits si elle jouissait, non seulement de la liberté, mais encore de la faveur des lois et de la protection des pouvoirs publics. » (Encyclique Longinqua Oceani, 6 janvier 1895 – Sur le catholicisme aux États-Unis)

Léon XIII ne fait que résumer l’enseignement de tous les papes précédents : certes il est bon que l’Eglise jouisse de la liberté dans un pays. Cela vaut mieux, bien sûr, que la persécution et l’on peut, en ce sens, se réjouir de la constitution américaine. Cependant, rappelle le pape, cette situation n’est pas la meilleure. Face à l’Etat, l’Eglise ne demande pas seulement la liberté : elle a aussi droit à une protection spéciale. Le régime américain accorde la liberté à tous les cultes du moment qu’ils ne troublent pas l’ordre public. L’Eglise ne se plaint certes pas de bénéficier de cette liberté, qui lui est refusée dans certains autres pays, mais Léon XIII rappelle aux Américains que ce système, même s’il permet à l’Eglise de se développer, n’est qu’un moindre mal.

Nous rappelons que quelques années plus tôt, Léon XIII avant déjà enseigné que si des Etats ne reconnaissait pas officiellement la religion catholique comme unique vraie religion, tout en ayant, comme c’est le cas des Etats-Unis, une législation pas défavorable, ou même favorable de fait à la religion catholique, c’était par pure inconséquence :

« [C]oncernant le principe de la séparation de l’État et de l’Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de la législation chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démontrer ici tout ce qu’a d’absurde la théorie de cette séparation ; chacun le comprendra de lui-même. […]

Cette situation, il est vrai, se produit dans certains pays. C’est une manière d’être qui, si elle a ses nombreux et graves inconvénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, par une heureuse inconséquence, ne laisse pas que de s’inspirer des principes chrétiens ; et ces avantages, bien qu’ils ne puissent justifier le faux principe de la séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pratiquement, n’est pas le pire de tous. » (Encyclique Au milieu des sollicitudes, 16 février 1892 -Sur les rapports entre l’Église et l’État, la liberté des catholiques et la condamnation de la rébellion)

En soi, l’Etat n’a pas à mettre toutes les religions sur un même pied d’égalité, comme il le fait aux Etats-Unis. Il doit privilégier et protéger uniquement la vraie religion. Les autres religions peuvent être tolérées en raison des circonstances, mais elles n’ont aucun droit réel. Tel est l’enseignement constant de l’Eglise depuis ses origines, que Pie XII résuma ainsi en 1953 :

« ce qui ne répond pas à la vérité et à la loi morale n’a objectivement aucun droit à l’existence, ni à la propagande, ni à l’action. » (Allocution Ci Riesce, à des juristes catholiques italiens, 6 décembre 1953)

De plus, l’encyclique Longinqua Oceani affirme que les catholiques « doivent suivre […] comme la foi l’exige » les enseignements des documents précédemment cités, et que cela constitue la « règle de l’honnêteté » :

« Sur tous ces points, ces lettres encycliques que Nous avons déjà écrites durant notre Pontificat contiennent, vous le savez, de nombreux enseignements que les catholiques doivent suivre et auxquels ils doivent obéir. Liberté humaine, principaux devoirs des chrétiens, pouvoir civil, constitution chrétienne des Etats, Nous avons touché à tous ces points dans Nos écrits et dans Nos discours, Nous appuyant sur les principes tirés tant de la doctrine évangélique que de la raison. Ceux donc qui veulent être des citoyens honnêtes et s’acquitter de leurs devoirs comme la foi l’exige trouveront facilement dans Nos lettres la règle de l’honnêteté. »

Or, comme nous l’avons vu, ces trois encycliques affirment le devoir du pouvoir civil de confesser Jésus-Christ.

Lettre encyclique Permoti Nos du 10 juillet 1895 à l’épiscopat belge

« La question sociale offre, en effet, plus d’un aspect à des yeux exercés. Sans doute, elle a rapport aux biens extérieurs, mais elle tient surtout de près à la religion et à la morale; elle est aussi naturellement unie à l’ordre des lois civiles, si bien qu’elle s’étend largement aux droits et aux devoirs de toutes les classes de la société. Aussi, les principes évangéliques de justice et de charité appliqués aux faits et à la conduite de la vie doivent-ils nécessairement atteindre les intérêts multiples des particuliers. Ici se placent les conditions toutes particulières en Belgique du travail et de l’industrie, des patrons et des ouvriers. […]

Procurer le bien commun, c’est faire que l’estime de la religion soit supérieure à toute autre et qu’elle étende son influence naturelle et merveilleusement salutaire aux intérêts politiques, domestiques et économiques : c’est faire que, l’autorité publique et la liberté s’unissant selon la loi chrétienne, le royaume reste à l’abri de toute sédition et dans la tranquillité ; que les bonnes institutions publiques, et surtout les écoles de la jeunesse, aillent en s’améliorant ; que des conditions plus favorables soient faites aux diverses professions, surtout par le moyen des associations, si nombreuses déjà chez vous, à diverses fins, et dont la multiplication est désirable, pourvu que la religion en soit le guide et le soutien. » (Lettre encyclique Permoti Nos à l’épiscopat belge, 10 juillet 1895 ; in  PIN. 350 et Lettres apostoliques de S. S. Léon XIII, Encycliques, brefs, etc. Texte latin avec la traduction en regard, précédées d’une notice biographique suivies d’une table alphabétique, A. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, Paris, Tome IV, pages 129 et 131)

Lettre au Cardinal Benoît LANGENIEUX, Archevêque de Reims du 6 janvier 1896

De cette lettre, Léon XIII affirme, de même que dans Longinqua Oceani affirme que les catholiques, dans le domaine politique, s’en tenir à ses enseignements pour espérer un vrai progrès :

« […] ils doivent prendre avec clairvoyance et courage, conformément à la doctrine exposée dans nos Encycliques, l’initiative de tous les vrais progrès sociaux. »

Encyclique Militantis Ecclesiae du 1er août 1897

« En premier lieu, les catholiques ne doivent pas, surtout pour les enfants, adopter des écoles mixtes, mais avoir des écoles particulières ; ils doivent pour cela choisir des maîtres excellents et estimés. C’est une éducation très périlleuse que celle où la religion est altérée ou nulle ; or, Nous voyons que, dans les écoles mixtes, l’un et l’autre cas se produisent fréquemment. Et l’on ne doit pas se persuader que l’instruction el la piété peuvent être séparées impunément. En effet, s’il est vrai qu’à aucune époque de la vie, privée ou publique, on ne peut s’exempter de la religion, il n’en est point, d’où ce devoir doive être moins écarté que ce premier âge où la sagesse fait défaut, où l’esprit est ardent et le cœur exposé à tant d’attrayantes causes de corruption.

Organiser l’enseignement de manière à lui enlever tout point de contact avec la religion, c’est donc corrompre dans l’âme les germes mêmes de la perfection et de l’honnêteté ; c’est préparer, non des défenseurs à la patrie, mais une peste et un fléau pour le genre humain. Dieu une fois supprimé, quelle considération pourrait retenir les jeunes gens dans le devoir ou les y ramener quand ils se sont écartés du sentier de la vertu et qu’ils descendent vers les abîmes du vice ?

En second lieu, il faut non seulement que la religion soit enseignée aux enfants à certaines heures, mais que tout le reste de renseignement exhale comme une odeur de piété chrétienne. S’il en est ; autrement, si cet arome sacré ne pénètre pas à la fois l’esprit des maîtres et celui des élèves, l’instruction, quelle qu’elle soit, ne produira que peu de fruits et aura même de graves inconvénients. Chaque science, en effet, porte avec elle ses périls, et des jeunes gens ne sauraient y échapper si des freins divins ne retiennent leur intelligence et leur cœur. Il faut donc prendre garde que ce qui est l’essentiel, c’est-à-dire la pratique de la piété chrétienne, ne soit reléguée au second rang ; que, tandis que les maîtres épellent laborieusement le mot à mot de quelque science ennuyeuse, les jeunes gens n’aient aucun souci de cette véritable sagesse dont le commencement est la crainte de Dieu, et aux préceptes de laquelle ils doivent conformer tous les instants de leur vie. Que l’étude et la science aillent donc, toujours de pair avec la culture de l’Ame. Que toutes les branches de l’enseignement soient pénétrées et dominées par la religion et que celle-ci, par sa majesté et sa douceur, l’emporte tellement, qu’elle, laisse, pour ainsi dire, dans l’Ame des jeunes gens de bienfaisants aiguillons.

D’autre part, puisque l’intention de l’Eglise a toujours été que tous les genres d’études servissent principalement à la formation religieuse de la jeunesse, il est nécessaire, non seulement que cette partie de l’enseignement ait sa place, et la principale, mais encore que nul ne puisse exercer des fonctions aussi graves sans y avoir été jugé apte par le jugement de l’Eglise et sans avoir été confirmé dans cet emploi par l’autorité religieuse.

Mais ce n’est, pas seulement dans l’éducation de l’enfance que la religion réclame ses droits.

Il fut un temps où le règlement de toute Université (celle de Paris en particulier) veillait à si bien subordonner tous les ordres d’enseignement à la science théologique que nul n’était considéré comme ayant atteint le faîte de la science s’il n’avait obtenu ses grades en théologie. Le restaurateur de l’ère angustale, Léon X, et depuis, les autres Pontifes Nos prédécesseurs, voulurent que l’Athénée romain et les autres Universités, à une époque où une guerre impie se déchaînait contre l’Eglise, fussent comme les fortes citadelles, où, sous la conduite et les inspirations de la sagesse chrétienne, la jeunesse reçût son enseignement. Ce système d’études, qui accordait le premier rang à Dieu et à la religion, produisit d’excellents résultats. On obtint du moins que les jeunes gens ainsi élevés demeurassent plus fidèles à leurs devoirs. Ces heureux résultats se renouvelleront chez vous si vous vous efforcez d’obtenir que dans les écoles secondaires, les gymnases, lycées, académies, les droits delà religion soient respectés. » (Encyclique Militantis Ecclesiae, 1er août 1897, ASS XXX (1897-1898) 3 ; in Lettres apostoliques de S. S. Léon XIII, A. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, Tome 4, pages 79 et 81 : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=871)

Encyclique Tametsi futura prospicientibus, 1er novembre 1900 – Sur Jésus-Christ Rédempteur

« En outre, qui ne serait touché de cette piété ardente et inaccoutumée envers le Sauveur du monde qui édifie tous les yeux ? On estimera facilement qu’elle est digne des plus beaux jours du christianisme, cette ferveur de tant de milliers d’hommes qui battent à l’unisson et qui, du couchant à l’aurore, saluent le nom de Jésus-Christ et proclament ses louanges. Plaise à Dieu que ces flammes jaillissant de la vieille religion allument un vaste incendie et que le grand exemple de beaucoup d’hommes entraîne tous les autres ! Quoi de plus nécessaire à notre époque qu’une large restauration dans les états de l’esprit chrétien et des antiques vertus ! […]

Créateur et à la fois Rédempteur de la nature humaine, le Fils de Dieu est le roi et le maître de l’univers ; il possède une souveraine puissance sur les hommes, soit comme individus, soit comme société. Il lui a donné la puissance, et l’honneur, et la royauté ; et tous les peuples, toutes les tribus, toutes les langues lui obéiront (Dan. VII, 14). J’ai été, par Lui, établi roi… Je te donnerai les nations pour ton héritage et les limites de la terre pour ton domaine (Ps. II). La loi du Christ, dans les centres humains et dans la société, doit donc être en telle faveur qu’elle soit la règle maîtresse de la vie privée et de la vie publique. En vertu de ce gouvernement et de ce plan divin, que personne ne peut répudier impunément, il sied mal à l’intérêt public de ne pas assigner partout aux institutions chrétiennes la place qu’elles méritent. Ecartez Jésus-Christ, la raison humaine se trouve réduite à sa faiblesse, privée de son plus grand appui et de sa plus grande lumière. Alors s’obscurcit facilement la notion de la cause qui, par l’œuvre de Dieu, a engendré la société universelle et qui porte surtout que ses membres, à l’aide du lien social, doivent poursuivre le bien naturel, mais en harmonie avec cet autre bien suprême et surnaturel, souverainement parfait et éternel. Quand tout se confond dans les esprits, gouvernants et gouvernés prennent un faux sentier : loin le droit chemin où ils marcheraient d’un pas assuré ! […]

Dans une telle lutte de convoitises et dans un si grand péril, ou il faut s’attendre aux dernières catastrophes, ou il faut chercher à temps un remède approprié au mal, réprimer les malfaiteurs, adoucir les mœurs populaires et prévenir tous les délits par des lois prévoyantes, c’est juste et c’est nécessaire ; mais tout n’est pas là. Il faut chercher plus haut la guérison des peuples ; il faut appeler une force supérieure à l’homme, une force qui atteigne les cœurs, qui leur rende la conscience de leur devoir, qui les rende meilleurs. Et cette force, c’est évidemment celle qui a déjà sauvé de la mort le monde épuisé de maux plus grands encore. Faites revivre et laissez agir sans obstacles l’esprit chrétien dans l’Etat, et l’Etat se relèveraAlors il sera facile d’apaiser le conflit entre les classes inférieures et les classes supérieures et de délimiter avec un égal respect les droits des deux parties. S’ils écoutent le Christ, riches et pauvres resteront également dans le devoir. Les uns comprendront qu’il leur faut observer la justice et la charité s’ils désirent le salut, et les autres garder la modération et la mesure. La société domestique conservera très bien la stabilité sous la garde de la crainte salutaire du Dieu qui ordonne et qui défend. » (Encyclique Tametsi futura prospicientibus, 1er novembre 1900 – Sur Jésus-Christ Rédempteur ; in Lettres apostoliques de S. S. Léon XIII, A. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, Tome 6, page 145 : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=872)

Encyclique Graves de communi re, 18 janvier 1901 – Sur la question de la doctrine sociale de l’Église

« Nous venons, en passant, de rappeler la pratique des vertus et des devoirs religieux, et ce n’est pas sans intention. Certains hommes, en effet, professent l’opinion, et elle se répand parmi le peuple, que la question sociale, comme on dit, n’est qu’une question économique. Il est très vrai, au contraire, qu’elle est avant tout une question morale et religieuse, et que, pour ce même motif, il faut surtout la résoudre d’après les règles de la morale et le jugement de la religion. Admettons, en effet, que le salaire des ouvriers soit doublé, que la durée du travail soit réduite ; admettons même que les denrées soient à bas prix. Eh bien, si l’ouvrier, selon l’usage, prête l’oreille à des doctrines et s’inspire d’exemples qui le poussent à s’affranchir du respect envers Dieu et à se livrer à la dépravation des mœurs, il est inévitable qu’il voie ses ressources et le fruit même de ses travaux se dissiper.

L’expérience et la pratique montrent que, malgré la durée assez courte de leur travail et le prix assez élevé de leur salaire, la plupart des ouvriers de mœurs corrompues et sans principes religieux mènent une vie gênée et misérable.

Enlevez aux âmes les sentiments que sème et cultive la sagesse chrétienne ; enlevez-leur la prévoyance, la tempérance, la patience et les autres bonnes habitudes naturelles, vains seront vos plus laborieux efforts pour atteindre la prospérité. Tel est précisément le motif pour lequel Nous n’avons jamais engagé les catholiques à entrer dans des associations destinées à améliorer le sort du peuple ni à entreprendre des œuvres analogues, sans les avertir en même temps que ces institutions devaient avoir la religion pour inspiratrice, pour compagne et pour appui. » (Encyclique Graves de communi re, 18 janvier 1901 – Sur la question de la doctrine sociale de l’Église)

Saint Pie X

Encyclique E Supremi Apostolatus du 4 octobre 1903 Sur la charge du Souverain Pontife

Ce saint Pape écrivait dans son encyclique inaugurale, revêtant donc une importance particulière :

« C’est pour cela que le Christ l’a établie, après l’avoir acquise au prix de son sang, pour cela qu’il lui a confié sa doctrine et les préceptes de sa loi, lui prodiguant en même temps les trésors de la grâce divine pour la sanctification et le salut des hommes.

Vous voyez donc, Vénérables Frères, quelle oeuvre nous est confiée à Nous et à vous. Il s’agit de ramener les sociétés humaines, égarées loin de la sagesse du Christ, à l’obéissance de l’Église ; l’Église, à son tour, les soumettra au Christ, et le Christ à Dieu. Que s’il Nous est donné, par la grâce divine, d’accomplir cette oeuvre, Nous aurons la joie de voir l’iniquité faire place à la justice, et Nous serons heureux d’entendre une grande voix disant du haut des cieux : Maintenant c’est le salut, et la vertu, et le royaume de notre Dieu et la puissance de son Christ (Psaume LXVII, 22).

Toutefois, pour que le résultat réponde à Nos voeux, il faut, par tous les moyens et au prix de tous les efforts, déraciner entièrement cette monstrueuse et détestable iniquité propre au temps où nous vivons et par laquelle l’homme se substitue à Dieu ; rétablir dans leur ancienne dignité les lois très saintes et les conseils de l’Évangile ; proclamer hautement les vérités enseignées par l’Église sur la sainteté du mariage, sur l’éducation de l’enfance, sur la possession et l’usage des biens temporels, sur les devoirs de ceux qui administrent la chose publique ; rétablir enfin le juste équilibre entre les diverses classes de la société selon les lois et les institutions chrétiennes. » (Paragraphes 16 à 18)

Allocution Primum vos, 9 novembre 1903

« Nous ne nous cachons pas que nous choquerons quelques personnes en disant que nous nous occupons de politique. Mais… le Souverain Pontife, investi par Dieu d’un magistère suprême, n’a pas le droit d’arracher les affaires politiques du domaine de la foi et des mœurs. »

Allocution Nous vous avons écouté, 8 février 1904

« C’est la religion seule qui a la vertu de mettre d’accord les diverses classes de la société, en proie à un conflit chaque jour plus menaçant ; c’est la religion seule qui est capable d’inculquer cette moralité sans laquelle les règlements les mieux conçus ne servent de rien ; c’est la religion seule qui assure le respect de tous les droits et l’accomplissement de tous les devoirs, en substituant le désintéressement à l’égoïsme, la résignation à l’envie, l’amour à la haine. »

Encyclique Jucunda Sane, 12 mars 1904 – Sur la responsabilité de ceux qui gouvernent l’Eglise

« Tels étaient les principaux avis que donnait le pontife Grégoire, et qu’écoutaient avec attention ceux à qui ils étaient transmis. Aussi les princes comme les peuples y prêtaient une oreille attentive : le monde regagnait le chemin du vrai salut et marchait à grands pas vers une civilisation, d’autant plus noble et plus féconde pour le bon usage de la raison et la conduite des mœurs, qu’elle était appuyée sur des fondements plus fermes, tirant toute sa force de la doctrine révélée par Dieu, et des préceptes de l’évangile. […]

Car si nulle autre vie ne peut venir de l’Église que la vie surnaturelle, celle-ci contient en elle et développe les énergies vitales même de l’ordre naturel. Si sainte est la racine, saints sont les rameaux ; ainsi parlait Paul à une nation païenne,… pour toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été enté sur eux, et fait l’associé de la racine et de la fécondité de l’olivier [23]. »

Allocution Soyez les bienvenus, 9 septembre 1904

« L’histoire est là pour le prouver : les époques où la France atteignit les splendeurs de la gloire, où elle répandit sur ses enfants, avec les joies si pures de la paix, les avantages de la plus réelle prospérité, ont été celles où elle écoutait les salutaires conseils de l’Église. A l’ombre de cette bannière qui la menait à la victoire, elle méritait le titre glorieux de FILLE AÎNÉE DE L’ÉGLISE et elle exerçait à travers le monde entier les bienfaits de son influence. L’Église fut toujours heureuse d’applaudir amoureusement à cette gloire. Faut-il vous le répéter, très chers fils, cet amour du Saint

Siège pour votre pays, il est toujours et malgré tout vivant dans notre cœur… Instruits par les leçons du passé, éclairé sur les dangers du présent, vous inspirant surtout des préceptes de votre foi, tenez-vous toujours plus étroitement atta-chés à l’Église et au Siège apostolique, sûrs d’arriver ainsi à la véritable prospérité. C’est par ce moyen que vous ferez descendre sur vous et sur votre patrie les bénédictions du ciel et que vous hâterez le retour de jours moins tristes et moins agités. »

Encyclique Il Fermo proposito du 11 juin 1905 – Sur l’action catholique ou l’action des catholiques

« Immense est le champ de l’action catholique; par elle-même, elle n’exclut absolument rien de ce qui, d’une manière quelconque, directement ou indirectement, appartient à la mission divine de l’Eglise.

On reconnaît sans peine la nécessité de concourir individuellement à une œuvre si importante non seulement pour la sanctification de nos âmes, mais encore pour répandre et toujours mieux développer le règne de Dieu dans les individus, les familles et la société, chacun procurant selon ses propres forces le bien du prochain, par la diffusion de la vérité révélée, l’exercice des vertus chrétiennes et les œuvres de charité ou de miséricorde spirituelle et corporelle. Telle est la conduite digne de Dieu à laquelle nous exhorte saint Paul, de façon à lui plaire en toutes choses en produisant les fruits de toutes les bonnes œuvres et en progressant dans la science de Dieu : « Ut ambuletis digne Deo placentes : in omni opere bono fructificantes, et crescentes in scientia Dei » [4]. […]

L’Eglise, tout en prêchant Jésus crucifié, scandale et folie pour le monde [5], est devenue la première inspiratrice et la promotrice de la civilisation. Elle l’a répandue partout où ont prêché ses apôtres, conservant et perfectionnant les bons éléments des antiques civilisations païennes, arrachant à la barbarie et élevant jusqu’à une forme de société civilisée les peuples nouveaux qui se réfugiaient dans son sein maternel, et donnant à la société entière, peu à peu sans doute, mais d’une marche sûre et toujours progressive, cette empreinte si caractéristique qu’encore aujourd’hui elle conserve partout.

La civilisation du monde est une civilisation chrétienne ; elle est d’autant plus vraie, plus durable, plus féconde en fruits précieux, qu’elle est plus nettement chrétienne ; d’autant plus décadente, pour le grand malheur de la société, qu’elle se soustrait davantage à l’idée chrétienne.

Aussi, par la force intrinsèque des choses, l’Eglise devient-elle encore en fait la gardienne et la protectrice de la civilisation chrétienne. Et ce fait fut reconnu et admis dans d’autres siècles de l’histoire; il forme encore le fondement inébranlable des législations civiles. Sur ce fait reposèrent les relations de l’Eglise et des Etats, la reconnaissance publique de l’autorité de l’Eglise dans toutes les matières qui touchent de quelque façon à la conscience, la subordination de toutes les lois de l’Etat aux divines lois de l’Evangile, l’accord des deux pouvoirs, civil et ecclésiastique, pour procurer le bien temporel des peuples de telle manière que le bien éternel n’en eût pas à souffrir.

Nous n’avons pas besoin de vous dire, Vénérables Frères, la prospérité et le bien-être, la paix et la concorde, la respectueuse soumission à l’autorité et l’excellent gouvernement qui s’établiraient et se maintiendraient dans ce monde si l’on pouvait réaliser partout le parfait idéal de la civilisation chrétienne. Mais, étant donnée la lutte continuelle de la chair contre l’Esprit, des ténèbres contre la lumière, de Satan contre Dieu, Nous ne pouvons espérer un si grand bien, au moins dans sa pleine mesure. De là, contre les pacifiques conquêtes de l’Eglise, d’incessantes attaques, d’autant plus douloureuses et funestes que la société humaine tend davantage à se gouverner d’après des principes opposés au concept chrétien et à se séparer entièrement de Dieu. […]

Tous ceux donc qui sont appelés à diriger ou qui se consacrent à promouvoir le mouvement catholique, doivent être des catholiques à toute épreuve, convaincus de leur foi, solidement instruits des choses de la religion, sincèrement soumis à l’Eglise et en particulier à cette suprême Chaire apostolique et au Vicaire de Jésus-Christ sur la terre; ils doivent être des hommes d’une piété véritable, de mâles vertus, de mœurs pures et d’une vie tellement sans tache qu’ils servent à tous d’exemple efficace.

Si l’esprit n’est pas ainsi réglé, il sera non seulement difficile de promouvoir les autres au bien, mais presque impossible d’agir avec une intention droite, et les forces manqueront pour supporter avec persévérance les ennuis qu’entraîne avec lui tout apostolat, les calomnies des adversaires, la froideur et le peu de concours des hommes de bien eux-mêmes, parfois enfin les jalousies des amis et des compagnons d’armes, excusables sans doute, étant donnée la faiblesse de la nature humaine, mais grandement préjudiciables et causes de discordes, de heurts et de querelles intestines. Seule, une vertu patiente et affermie dans le bien, et en même temps suave et délicate, est capable d’écarter ou de diminuer ces difficultés de façon que l’œuvre à laquelle sont consacrées les forces catholiques ne soit pas compromise. La volonté de Dieu, disait saint Pierre aux premiers chrétiens, est qu’en faisant le bien vous fermiez la bouche aux insensés : « Sic est voluntas Dei, ut bene facientes obmutescere faciatis imprudentium hominum ignorantiam » [8]. […]

La bonté et la justice des principes chrétiens, la droite morale que professent les catholiques, leur entier désintéressement pour ce qui leur est personnel, la franchise et la sincérité avec laquelle ils recherchent uniquement le vrai, le solide, le suprême bien d’autrui, enfin leur évidente aptitude à servir mieux encore que les autres les vrais intérêts économiques du peuple, tout cela ne peut manquer de faire impression sur l’esprit et le cœur de tous ceux qui les écoutent, d’en grossir les rangs de manière à faire d’eux un corps solide et compact, capable de résister vigoureusement au courant contraire et de tenir les adversaires en respect.

Ce besoin suprême, Notre prédécesseur Léon XIII, de sainte mémoire, le perçut pleinement en indiquant, surtout dans la mémorable Encyclique Rerum Novarum et dans d’autres documents postérieurs, l’objet autour duquel doit principalement se déployer l’action catholique, à savoir la solution pratique de la question sociale selon les principes chrétiens. Et Nous-même, suivant ces règles si sages, Nous avons, dans Notre Motu proprio du 18 décembre 1903, donné à l’action populaire chrétienne, qui comprend en elle tout le mouvement catholique social, une constitution fondamentale qui pût être comme la règle pratique du travail commun et le lien de la concorde et de la charité. Sur ce terrain donc, et dans ce but très saint et très nécessaire, doivent avant tout se grouper et s’affermir les œuvres catholiques, variées et multiples de forme, mais toutes également destinées à promouvoir efficacement le même bien social. […]

Et, pour Nous arrêter à ce dernier point, il est certain que les constitutions actuelles des Etats donnent indistinctement à tous la faculté d’exercer une influence sur la chose publique, et les catholiques, tout en respectant les obligations imposées par la loi de Dieu et les prescriptions de l’Eglise, peuvent en user en toute sûreté de conscience pour se montrer, tout autant et même mieux que les autres, capables de coopérer au bien-être matériel et civil du peuple, et acquérir ainsi une autorité et une considération qui leur permettent aussi de défendre et de promouvoir les biens d’un ordre plus élevé, qui sont les biens de l’âme. […]

D’où il importe beaucoup que cette même activité, déjà louablement déployée par les catholiques pour se préparer, par une bonne organisation électorale, à la vie administrative des Communes et des Conseils provinciaux, s’étende encore à la préparation convenable et à l’organisation pour la vie politique, comme la recommandation en fut faite opportunément par la Présidence générale des Œuvres économiques en Italie dans sa Circulaire du 3 décembre 1904.

En même temps, il faudra inculquer et suivre en pratique les principes élevés qui règlent la conscience de tout vrai catholique: il doit se souvenir avant tout d’être en toute circonstance et de se montrer vraiment catholique, assumant et exerçant les charges publiques avec la ferme et constante résolution de promouvoir autant qu’il le peut le bien social et économique de la patrie et particulièrement du peuple, suivant les principes de la civilisation nettement chrétienne, et de défendre en même temps les intérêts suprêmes de l’Eglise, qui sont ceux de la religion et de la justice.

Tels sont, Vénérables Frères, les caractères, l’objet et les conditions de l’action catholique considérée dans sa partie la plus importante, qui est la solution de la question sociale, et qui, à ce titre, mérite l’application la plus énergique et la plus constante de toutes les forces catholiques. »

Encyclique Vehementer Nos du 11 février 1906 condamnant la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en France

« Fausseté du principe de la Séparation

Qu’il faille séparer l’Etat de l’Eglise, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l’homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l’existence comme il nous soutient.

Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer.

En outre, cette thèse est la négation très claire de l’ordre surnaturel ; elle limite, en effet, l’action de l’Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l’homme quand cette vie si courte aura pris fin.

Et pourtant, l’ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

Cette thèse bouleverse également l’ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés.

Ces deux sociétés, la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d’elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux.

Il en résulte forcément qu’il y aura bien des matières dont elles devront connaître l’une et l’autre, comme étant de leur ressort à toutes deux.

Or, qu’entre l’Etat et l’Eglise l’accord vienne à disparaître, et de ces matières communes pulluleront facilement les germes de différends qui deviendront très aigus des deux côtés.

La notion du vrai en serra troublée .et les âmes remplies d’une grande anxiété.

Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu’on n’y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs. Aussi, les pontifes romains n’ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Notre illustre prédécesseur Léon XIII, notamment, a. plusieurs fois, et magnifiquement exposé ce que devraient être, suivant la doctrine catholique, les rapports entre les deux sociétés. « Entre elles, a-t-il dit, il faut nécessairement qu’une sage union intervienne, union qu’on peut non sans justesse ; comparer à celle, qui réunit dans l’homme, l’âme et le corps. » « Quaedam intercedat necesse est ordinata colligatio inter illas quae quidem coniuntioni non immerito comparatur per quam anima et corpus in homine copulantur. » Il ajoute encore: « Les sociétés humaines ne peuvent pas, sans devenir criminelles, se conduire comme si Dieu n’existait pas ou refuser de se préoccuper de la religion comme si elle leur était chose étrangère ou qui ne pût leur servir de rien. Quant à l’Eglise, qui a Dieu lui-même pour auteur, l’exclure de la vie active de la nation, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la société domestique, c’est commettre une grande et pernicieuse erreur ! » « Civitates non possunt, citra seclus, genere se, tanquam si Deus omnino non esset, aut curam religionis velut alienam nihil que profituram ablicere. Ecclesiam vero quam Deus ipse constituit ab actione vitae excludere, a legibus, ab institutione adolescentium, a societate domestica, magnus et perniciosus est error. » (Lettre encyclique Immortale Dei, 1er nov. 1885)

La Séparation est particulièrement funeste et injuste en France

Que si en se séparant de l’Eglise, un Etat chrétien, quel qu’il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n’est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n’eût dû y entrer, la France, disons-nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce siège apostolique, l’objet d’une si grande et si singulière prédilection, la France, dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des moeurs chrétiennes et au respect de la religion.

Le même pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire: « La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l’a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu’elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde« . (Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888.) […]

La condamnation

C’est pourquoi, Nous souvenant de notre charge apostolique et conscient de l’impérieux devoir qui nous incombe de défendre contre toute attaque- et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits inviolables et sacrés de l’Eglise, en vertu de l’autorité suprême que Dieu nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte.

Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l’Eglise, à ses droits essentiels, à sa liberté, comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l’Eglise a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat.

Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour notre personne, pour l’épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.

En conséquence, nous protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu’elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l’Eglise pour les infirmer. » (Encyclique Vehementer Nos, 11 février 1906 – Sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat)

Ce sublime document mérite d’être lue dans son intégralité : cliquer ici.

Allocution au Consistoire Gravissimum apostolici muneris du 21 février 1906 – Sur la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en France

« Mais l’offense infligée naguère à l’Eglise et a Nous est si grave et si violente que Nous ne pouvons la passer sous silence, et, le voudrions-Nous, Nous ne pourrions la taire sans manquer à notre devoir. Vous devinez, Vénérables Frères, que Nous voulons parler de cette loi absolument inique, ourdie pour la ruine du catholicisme, qui vient d’être promulguée en France en vue de la séparation de l’Etat d’avec l’Eglise.

Notre récente Encyclique [Vehementer Nos] adressée aux évêques, au clergé et au peuple français a montré pleinement combien cette loi est odieuse et contraire aux droits de Dieu et de l’Eglise. Mais pour ne négliger en aucun point Notre charge apostolique, Nous Nous proposons de préciser et de confirmer solennellement, en votre présence auguste, ce que Nous avons dit.

En effet, pouvons-Nous ne pas réprouver cette loi, lorsque son titre même montre sa malice et la condamne? Il s’agit, Vénérables Frères, de séparer violemment l’Etat de l’Eglise. Donc, telle qu’elle est, elle tend au mépris du Dieu éternel et Très-Haut, puisqu’elle affirme qu’aucun culte ne lui est dit par l’Etat. Or, Dieu n’est pas seulement le seigneur et le maître des hommes considérés individuellement, mais il l’est aussi des nations et des Etats ; il faut donc que ces nations et ceux qui les gouvernent le reconnaissent, le respectent et le vénèrent publiquement.

Si l’oubli de ce devoir et ce divorce sont partout injurieux pour la majesté divine, ils sont en France une ingratitude plus grande et un malheur plus funeste.

Car si l’on considère en toute vérité l’ancienne gloire de la France, on reconnaîtra qu’elle lui vient en majeure partie, et de beaucoup, de la religion et de l’union constante avec le Saint-Siège, qui en découlait. De plus, cette union de l’Eglise et de l’Etat était sanctionnée en France par un pacte solennel.

Or, ce qui ne se ferait pour aucun Etat, si petit qu’il fut, on l’a fait pour le Siège apostolique, dont l’autorité et l’importance sont si grandes dans le monde. […]

Après vous avoir fait, eu raison de l’importance du sujet, ces communications, Nous rappelant les devoirs delà charge apostolique par laquelle Nous sommes tenu de protéger et de défendre par tous les moyens les droits sacrés de l’Eglise, Nous prononçons solennellement en votre auguste assemblée Notre sentence sur cette loi.

En vertu de la suprême autorité dont Nous jouissons comme tenant la place du Christ sur la terre, Nous la condamnons et réprouvons comme injurieuse au Dieu très bon et très grand, contraire à la divine constitution de l’Eglise, favorisant le schisme, hostile à Notre autorité et à celle des pasteurs légitimes, spoliatrice des biens de l’Eglise, opposée au droit des gens, ennemie du Siège apostolique et de Nous-même, très funeste aux évêques, au clergé et aux catholiques de France; Nous prononçons et Nous déclarons que cotte loi n’aura jamais et en aucun cas aucune valeur contre les droits perpétuels de l’Eglise.

Et maintenant, Notre coeur se tourne vers la nation française; avec elle, Nous sommes affligé; avec elle, Nous pleurons. Que personne ne pense que Notre amour pour elle s’est refroidi parce que Nous avons été si amèrement traité. Nous songeons avec douleur à ces Congrégations privées de leurs biens et de leur patrie. Nous voyons avec une paternelle inquiétude des multitudes d’adolescents réclamant une éducation chrétienne. Nous avons devant les yeux les évêques, Nos Frères, et les prêtres jetés au milieu des tribulations et exposés à des maux plus graves encore. Nous chérissons les fidèles opprimés sous cette loi; Nous les embrassons d’un cœur paternel et plein d’amour.

L’audace et l’iniquité des méchants ne pourront jamais effacer les mérites acquis par la France, durant le cours des siècles, envers l’Eglise. Notre espoir est que ces mérites s’accroîtront encore quand les temps seront redevenus paisibles. C’est pourquoi Nous exhortons Nos Fils chéris à ne pas se décourager ni se laisser abattre par les épreuves et les difficultés des temps. Qu’ils veillent, fermes dans la foi ; qu’ils agissent virilement, se rappelant la devise de leurs ancêtres : Christus amat Francos. Le Siège apostolique sera toujours près d’eux, ne laissant jamais la Fille aînée de l’Eglise réclamer inutilement les secours de sa sollicitude et de sa charité. »  (Allocution au Consistoire Gravissimum apostolici muneris, 21 février 1906 – Sur la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en France ; PIN. 390-405 ; Encycliques, motu proprio, brefs, allocutions, etc. Texte latin avec traduction française en regard. Précédés d’une notice biographique, suivis d’une table générale alphabétique, Maison de la Bonne Presse, Paris, Tome II, pages 154 à 161 :http://liberius.net/livre.php?id_livre=882)

Encyclique Gravissimo officii munere du 10 août 1906

Saint Pie X publia le 10 août 1906 la Lettre encyclique Gravissimo officii munere interdisant au clergé français de se constituer en associations cultuelles comme le proposait la loi de 1905. Il faisait ainsi renoncer l’Eglise de France à de nombreux avantages et lui fit subir de nombreuses pertes financières et matérielles, mais il ne fallait rien lâcher sur les principes et ce grand Pape déclaré : « Je préfère une Eglise de France pauvre mais libre que riche et esclave ». Lire ce document en intégralité en cliquant ici.

Lettre Quod felices, 30 octobre 1906

« Cette harmonie qui, s’étendant de chacun à la société humaine, confirme le bien-être social, lequel renferme en lui un élément double : un élément religieux et un élément civil. »

Encyclique Afllictum propioribus aux évêques de Bolivie, 24 novembre 1906

« L’affliction que Nous causaient de récentes amertumes Nous aurait engagé à Nous épancher auprès de vous, dans l’espoir d’adoucir Nos inquiétudes et de trouver un soulagement dans votre patrie, comme en un siège bien connu de la religion. Au contraire, Nous apprenons qu’en ce pays aussi et avec une audace qui ne le cède à personne, les citoyens qui gèrent la chose publique et dont le devoir est de favoriser aussi le bien spirituel, suscitent sans ménagement ni mesure des embarras intimes et ajoutent par là à Nos graves inquiétudes.

Cette nation, qui, dans sa constitution, reconnaissait le seul culte catholique comme culte public, n’hésite pas aujourd’hui à sanctionner la liberté dite des cultes et dès lors à permettre la pratique de religions fausses, allant jusqu’à abroger le chapitre qui avait trait à la religion du pays.

De plus, justement respectueuse du caractère sacré jusqu’à ce jour, elle accordait aux clercs l’immunité ecclésiastique judiciaire ; tandis que maintenant, par une loi présentée aux assemblées publiques, elle déclare ne vouloir plus reconnaître ce privilège concédé à la hiérarchie catholique. […]

Bien certainement, vous et votre peuple, vous n’êtes pas sans voir combien ces lois sont une injure pour l’Église, une entrave aux bonnes mœurs et à la vertu, et un recul dans le vrai et salutaire progrès des nations et des peuples. Nous avons la conviction que vous n’avez omis aucune démarche pour épargner ces maux à la patrie fit à la religion, et que présentement, soit en corps, soit individuellement, vous protestez contre ces lois et ces projets. Le devoir de Notre charge, qui est de régir toutes les nations, Nous engage aussi vivement à veiller avec soin à ce que la communauté chrétienne ne souffre en aucune façon des tentatives ou oeuvres de qui que ce soit. […]

Dans ces conditions, Nous ne pouvons pas, en face de cette injustice et de ce sacrilège, ne pas Nous en affliger, les déplorer, les réprouver et venger autant qu’il est en Nous les droits très saints de l’Église, lésés par un gouvernement qui se donne le nom de catholique.

Nous n’avons cependant pas perdu tout espoir, confiant dans l’appui et le secours de Dieu, et Nous aimons à croire que le gouvernement de la Bolivie, s’inspirant de meilleurs conseils, rendra à chacun son dû ; à l’État ce qui est du domaine civil ; à Nous et à l’Église ce qui est du domaine sacré. Puisse-t-il comprendre et se persuader que la prospérité publique découle de la pratique de la justice envers la religion, et que le respect des lois saintes est le plus sûr garant du respect des lois civiles. » (Encyclique Afllictum propioribus aux évêques de Bolivie, 24 novembre 1906, Encycliques, motu proprio, brefs, allocutions, etc. Texte latin avec  traduction française en regard. Précédés d’une notice biographique, suivis d’une table générale alphabétique, Maison de la Bonne Presse, Paris, Tome III, pages 23 à 27 : http://www.liberius.net/livre.php?id_livre=904)

Lettre Per la prima, 20 janvier 1907

« La religion étant la gardienne jalouse de la loi morale, fondement naturel de l’ordre social, il s’ensuit que, pour rétablir l’ordre dans la société bouleversée, rien n’est plus nécessaire que de remettre en honneur les principes religieux. »

Allocution consistoriale Relicturus venturus Ecclesiam, 16 décembre 1907

« Le règne de Jésus-Christ sur toute la France fut proclamé à Reims de façon solennelle, à cause du Roi qui, sans paroles, mais par son seul exemple, incita les populations à répéter en sa présence et d’une seule voix : Nous renonçons aux dieux mortels et nous sommes prêts à adorer le Dieu immortel prêché par REMY, prouvant une fois de plus que les peuples sont tels que les veulent leurs princes. »

Allocution Vi son grato du 28 septembre 1908

« Les lois civiles… sont faites pour maintenir l’ordre et la paix dans la société… Rappelez-vous que pour respecter les lois humaines, il convient avant tout de respecter les lois divines et une fois que l’on manque aux lois de Dieu et de l’Église, la barrière est rompue, et le passage est ouvert à l’oubli de tout le respect dû aux lois humaines et à la destruction de tout ordre social. » (Allocution Vi son grato, 28 septembre 1908)

Discours pour la béatification de Jeanne d’Arc, 13 décembre 1908

« Aussi, à votre retour, Vénérable Frère, vous direz à vos com­patriotes que s’ils aiment la France ils doivent aimer Dieu, aimer la foi, aimer l’Église, qui est pour eux tous une mère très tendre comme elle l’a été de vos pères. Vous direz qu’ils fassent trésor des testaments de saint Remi, de Charlemagne et de saint Louis – ces testaments qui se résument dans les mots si souvent répétés par l’héroïne d’Orléans : « Vive le Christ qui est Roi des Francs ! »  » (Discours pour la béatification de Jeanne d’Arc, 13 décembre 1908)

Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon du 25 août 1910 condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon

Saint Pie X condamne les thèses du Sillon et de son fondateur Marc SANGIER. Parmi ces erreurs, celle de vouloir un Etat, même pas laïc, mais simplement d’une inspiration catholique différente de ce qu’exige l’Eglise. Voici comment il en parle, puis nous verrons avec quelle véhémence il condamne les erreurs du Sillon, celle-ci comprise :

« Il faut rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et législateur – on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : omnia instaurare in Christo. […]

Voici, fondée par des catholiques, une association interconfessionnelle, pour travailler à la réforme de la civilisation, oeuvre religieuse au premier chef, car pas de vraie civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civilisation morale sans la vraie religion : c’est une vérité démontrée, c’est un fait d’histoire. Et les nouveaux sillonnistes ne pourront pas prétexter qu’ils ne travailleront que » sur le terrain des réalités pratiques » où la diversité des croyances n’importe pas. Leur chef sent si bien cette influence des convictions de l’esprit sur le résultat de l’action qu’il les invite, à quelque religion qu’ils appartiennent, à » faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l’excellence de leurs convictions personnelles « . Et avec raison car les réalisations pratiques revêtent le caractère des convictions religieuses, comme les membres d’un corps jusqu’à leurs dernières extrémités reçoivent leur forme du principe vital qui l’anime. […]

Enfin, il n’a pas annoncé pour la société future le règne d’une félicité idéale, d’où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la croix. Ce sont là des enseignements qu’on aurait tort d’appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu’un humanitarisme sans consistance et sans autorité. […]

Qu’ils soient persuadés que la question sociale et la science sociale ne sont pas nées d’hier ; que, de tous temps, l’Église et l’État, heureusement concertés, ont suscité dans ce but des organisations fécondes ; que l’Église, qui n’a jamais trahi le bonheur du peuple par des alliances compromettantes, n’a pas à se dégager du passé et qu’il lui suffit de reprendre, avec le concours des vrais ouvriers de la restauration sociale, les organismes brisés par la Révolution et de les adapter, dans le même esprit chrétien qui les a inspirés, au nouveau milieu créé par l’évolution matérielle de la société contemporaine : car les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires ni novateurs, mais traditionalistes. » (Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, 25 août 1910)

Il est à noter que la même encyclique frappe des reproches suivants ceux qui adhèrent aux idées qui y sont condamnées, ou qui refusent les enseignements qui y sont professés :

« Les conseils ne leur ont pas manqué, les admonestations vinrent après les conseils : mais nous avons eu la douleur de voir et les avis et les reproches glisser sur leurs âmes fuyantes et demeurer sans résultat. Les choses en sont venues à ce point que Nous trahirions notre devoir si nous gardions plus longtemps le silence. Nous devons la vérité à nos chers enfants du Sillon, qu’une ardeur généreuse a emportés dans une voie aussi fausse que dangereuse. Nous la devons à un grand nombre de séminaristes et de prêtres que le Sillon a soustraits sinon à l’autorité, au moins à la direction et à l’influence de leurs évêques. Nous la devons, enfin à l’Église, où le Sillon sème la division et dont il compromet les intérêts. […]

Ce rapide exposé, vénérables Frères, vous montre déjà clairement combien Nous avions raison de dire que le Sillon oppose doctrine à doctrine, qu’il bâtit sa cité sur une théorie contraire à la vérité catholique et qu’il fausse les notions essentielles et fondamentales qui règlent les rapports sociaux dans toute société humaine. Cette opposition ressortira davantage encore des considérations suivantes. […]

Le Sillon qui enseigne de pareilles doctrines et les met en pratique dans sa vie intérieure, sème donc parmi votre jeunesse catholique des notions erronées et funestes sur l’autorité, la liberté et l’obéissance. Il n’en est pas autrement de la justice et de l’égalité. Il travaille, dit-il, à réaliser une ère d’égalité, qui serait par là-même une ère de meilleure justice. Ainsi, pour lui, toute inégalité de condition est une injustice ou, au moins, une moindre justice ! Principe souverainement contraire à la nature des choses, générateur de jalousie et d’injustice et subversif de tout ordre social. Ainsi la démocratie seule inaugurera le règne de la parfaite justice ! […]

Enfin, à la base de toutes les falsifications des notions sociales fondamentales, le Sillon place une fausse idée de la dignité humaine. D’après lui, l’homme ne sera vraiment homme, digne de ce nom, que du jour où il aura acquis une conscience éclairée, forte, indépendante, autonome, pouvant se passer de maître, ne s’obéissant qu’à elle-même et capable d’assumer et de porter sans forfaire les plus graves responsabilités. Voilà de ces grands mots avec lesquels on exalte le sentiment de l’orgueil humain ; tel un rêve qui entraîne l’homme, sans lumière, sans guide et sans secours, dans la voie de l’illusion, où, en attendant le grand jour de la pleine conscience, il sera dévoré par l’erreur et les passions. Et ce grand jour, quand viendra-t-il ? À moins de changer la nature humaine (ce qui n’est pas au pouvoir du Sillon), viendra-t-il jamais ? Est-ce que les saints, qui ont porté la dignité humaine à son apogée, avaient cette dignité-là ? Et les humbles de la terre, qui ne peuvent monter si haut et qui se contentent de tracer modestement leur sillon, au rang que la Providence leur a assigné, en remplissant énergiquement leurs devoirs dans l’humilité, l’obéissance et la patience chrétiennes, ne seraient-ils pas dignes du nom d’hommes, eux que le Seigneur tirera un jour de leur condition obscure pour les placer au ciel parmi les princes de son peuple ? […]

Le souffle de la Révolution a passé par là, et nous pouvons conclure que si les doctrines sociales du Sillon sont erronées, son esprit est dangereux et son éducation funeste.

Mais alors, que devons-nous penser de son action dans l’Église, lui dont le catholicisme est si pointilleux que d’un peu plus, à moins d’embrasser sa cause, on serait à ses yeux un ennemi intérieur du catholicisme et l’on ne comprendrait rien à l’Évangile et à Jésus-Christ ? Nous croyons bon d’insister sur cette question parce que c’est précisément son ardeur catholique qui a valu au Sillon, jusque dans ces derniers temps, de précieux encouragements et d’illustres suffrages. Eh bien ! devant les paroles et les faits, Nous sommes obligé de dire que, dans son action comme dans sa doctrine, le Sillon ne donne pas satisfaction à l’Église. […]

Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique  » le règne de la justice et de l’amour « , avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises  » où ils peuvent « . Quand on songe à tout ce qu’il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l’Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s’acharner à faire mieux avec la mise en commun d’un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l’œil fixé sur une chimère.

Nous craignons qu’il n’y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu’une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion (car le sillonnisme, les chefs l’ont dit, est une religion) plus universelle que l’Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans  » le règne de Dieu « .-  » On ne travaille pas pour l’Église, on travaille pour l’humanité « .

Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu’est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas, lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l’Église et ne forme plus dorénavant qu’un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé, dans tous les pays, pour l’établissement d’une Église universelle qui n’aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l’oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.

Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l’on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants. Les chefs du Sillon n’ont pu s’en défendre : l’exaltation de leurs sentiments, l’aveugle bonté de leur cœur, leur mysticisme philosophique, mêlé d’une part d’illuminisme, les ont entraînés vers un nouvel Évangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Évangile du Sauveur, au point qu’ils osent traiter Notre-Seigneur Jésus-Christ avec une familiarité souverainement irrespectueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l’Évangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n’ont pas l’excuse d’avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse. » (Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, 25 août 1910)

Motu proprio Sacrorum Antistitum du 1er septembre 1910 instaurant le « serment antimoderniste » obligatoire pour tous les prêtres

« Moi, N…, j’embrasse et reçois fermement toutes et chacune des vérités qui ont été définies, affirmées et déclarées par le magistère infaillible de l’Eglise, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps. » (Motu proprio Sacrorum Antistitum, 1er septembre 1910 instaurant le « serment antimoderniste » obligatoire pour tous les prêtres)

De plus, saint Pie X fait finir ainsi ce serment :

« Toutes ces choses, je promets de les observer fidèlement, entièrement et sincèrement, et de les garder inviolablement, sans jamais m’en écarter ni en enseignant ni de quelque manière que ce soit dans ma parole et dans mes écrits. J’en fais le serment ; je le jure. Qu’ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles. »

Ce dernier serment lui-même infaillible déclare donc – si tant est que ce fut nécessaire – que la séparation de l’Eglise et de l’Etat (sous toutes ses formes), condamnée par ses prédécesseurs et lui-même, est infailliblement condamnée.

Notons que ce serment confirme, pour ceux qui en auraient douté, l’infaillibilité du Syllabus. En effet, comme nous venons de le dire, saint Pie X oblige tous les prêtres à jurer (et une telle obligation ne saurait porter sur une affirmation pouvant être fausse) de se soumettre à l’enseignement du « magistère infaillible de l’Eglise, principalement les chapitres de doctrine qui sont directement opposés aux erreurs de ce temps ». N’importe qui comprendra que cela concerne entre autres et de manière privilégiée le Syllabus. Mais cela a pour but direct de proclamer l’infaillibilité du Syllabus en particulier, puisque son titre complet est : « Recueil [Syllabus] renfermant les principales erreurs de notre temps qui sont signalées dans les allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques de Notre Très Saint-Père le pape Pie IX » !

Lettre Missam a vobis, 10 juillet 1911

« C’est dans la mesure où pénètre dans la vie des hommes la force bénéfique de la religion, que l’on délibère en vue de la prospérité de l’État. Il ne sera pas possible de tout restaurer dans le Christ autant que c’est possible, si l’esprit du Christ, outre les mœurs de chacun et celles de sa famille, n’a pas pénétré les institutions politiques. »

Lettre Ad sollemnem, 15 août 1912

« Il n’est pas possible en effet de s’adonner à la vertu pour son compte et de vouloir protéger la paix et l’ordre public si la puissance divine de la religion ne comprime les élans impétueux du cœur et ne détermine les hommes à mépriser les biens périssables dans l’attente des biens éternels. »

Encyclique Singulari quadam caritate, 24 septembre 1912 – Sur les Associations ouvrières catholiques et mixtes

« Quoi qu’il fasse, même dans l’ordre des choses temporelles, le chrétien n’a pas le droit de mettre au second rang les intérêts surnaturels ; bien plus, les règles de la doctrine chrétienne l’obligent à tout diriger vers le souverain bien comme vers la fin dernière ; toutes ses actions, en tant que moralement bonnes ou mauvaises, c’est-à-dire en accord ou en désaccord avec le droit naturel et divin, tombent sous le jugement et la juridiction de l’Eglise. […]

La question sociale et les controverses qui s’y rattachent relativement à la nature et à la durée du travail, à la fixation du salaire, à la grève, ne sont pas purement économiques et susceptibles, dès lors, d’être résolues en dehors de l’autorité de l’Eglise, « attendu que, bien au contraire, et en toute vérité, la question sociale est avant tout une question morale et religieuse, et que, pour ce motif, il faut surtout la résoudre d’après les règles de la morale et le jugement de la religion » (Encycl. Graves de communi). » (Encyclique Singulari quadam caritate, 24 septembre 1912 – Sur les Associations ouvrières catholiques et mixtes)

Allocution La vostra presenza, 23 février 1913

« L’Église pourvoira de façon admirable au salut et à la tranquillité des populations, parce qu’en exerçant le magistère qui lui est divinement confié, elle conservera intacts et en vigueur les principes de vérité et de justice sur lesquels s’appuie tout ordre et d’où germeront la paix, l’honnêteté et toute culture civique. »

Lettre C’est avec une bien douce et grande satisfaction, 22 octobre 1913

« La force des sociétés est dans la reconnaissance pleine et entière de la royauté sociale de Notre-Seigneur et dans l’acceptation sans réserve de la suprématie doctrinale de son Église. « 

Benoît XV

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Encyclique Ad Beatissimi Apostolorum Principis, 1er novembre 1914 – Sur les horreurs de la guerre et les exigences de la charité chrétienne

Benoît XV affirma que « les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des États » et que cela était la cause des maux et des guerres. Ainsi, ce Pape détruit l’idée selon laquelle la laïcité pourrait être un facteur de paix :

« Mais ce n’est pas seulement la guerre actuelle avec ses horreurs, qui est la cause du malheur des peuples, et qui provoque Nos anxiétés et Nos alarmes. Il y a un autre mal, inhérent aux entrailles mêmes de la société humaine, un mal funeste, qui épouvante toutes les personnes sensées, car, en outre des ravages qu’il a déjà produits et qu’il produira encore dans les différents Etats, on peut le considérer à bon droit comme la véritable cause de la terrible guerre présente. En effet, depuis que les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des Etats, ceux-ci ont commencé, par une conséquence nécessaire, à chanceler sur leurs bases, et il s’en est suivi dans les idées et dans les mœurs une telle perturbation, que la société humaine court à sa ruine, si Dieu ne se hâte de lui venir en aide. […] Mais cette doctrine de la Foi, doctrine si importante, est négligée par le plus grand nombre, et beaucoup semblent même l’avoir complètement oubliée. Il est donc nécessaire, vénérables Frères, de la faire revivre dans l’esprit de tous : sans cela l’homme et la société humaine n’auront point de paix. » (Encyclique Ad Beatissimi Apostolorum Principis, 1er novembre 1914 – Sur les horreurs de la guerre et les exigences de la charité chrétienne)

Lettre Anno iam exeunte, 7 mars 1917 – Au Révérend-Père Joseph HISS, Supérieur Général de la Société de Marie, à l’occasion du centenaire de la Société

« Depuis les trois premiers siècles et les origines de l’Eglise, au cours desquels le sang des chrétiens féconda la terre entière, on peut dire que jamais l’Eglise ne courut un tel danger que celui qui se manifesta à la fin du XVIIIe siècle. C’est alors, en effet, qu’une Philosophie en délire, prolongement de l’hérésie et de l’apostasie des Novateurs, acquit sur les esprits une puissance universelle de séduction et provoqua un bouleversement total, avec le propos déterminé de ruiner les fondements chrétiens de la société, non seulement en France, mais peu à peu en toutes les nations.

Ainsi, comme on faisait profession de rejeter publiquement l’autorité de l’Eglise, et qu’on avait cessé de tenir la Religion pour la gardienne et la sauvegarde du droit, du devoir et de l’ordre dans la cité, on se plut à placer dans le peuple, et non en Dieu, l’origine du pouvoir ; à prétendre qu’entre les hommes l’égalité de nature entraîne l’égalité des droits ; que l’argument du bon plaisir définit ce qui est permis, en exceptant ce qu’interdirait la loi ; que rien n’a force de loi s’il n’émane d’une décision de la multitude; et, ce qui surpasse tout, à se prévaloir de la liberté de penser en fait de religion, et même de publier, tout ce que l’on veut, sous le prétexte qu’on ne nuit à personne. 

Tels sont les éléments qui, à la manière de principes, sont depuis cette époque, à la base de la théorie des Etats. 

Veut-on savoir alors combien ils peuvent être désastreux pour la société humaine, partout où des passions aveugles et la rivalité des partis les mettent aux mains de la multitude ? Jamais cela n’a été plus évident qu’à l’époque même où s’en fit la première proclamation. […] Aussitôt que les institutions civiles eurent reçu une forme inspirée des nouveaux principes, le culte divin fut rétabli sans lequel jamais aucun Etat ne tiendra debout. Cependant, si l’on voulait assurer vraiment la stabilité et la cohésion de l’ordre public retrouvé, il fallait qu’une action plus profonde pénétrât les peuples, en quelque sorte jusqu’aux moelles, et que partout soient créées des Institutions, sources de vie chrétienne ; et comme il n’était pas assuré désormais que la forme antique du régime politique serait rétablie, il fallait tout mettre en œuvre pour faire pénétrer graduellement dans la nouvelle Constitution de la cité l’esprit chrétien. 

Et il est ici permis d’admirer la miséricordieuse Providence de Dieu ; par sa permission, en effet, la France était venue au point de répudier son héritage de sagesse chrétienne, rejet mortel pour elle-même et du plus funeste exemple pour les autres ; grâce encore à la Providence, la France donna le jour à des enfants insignes par leur mère et que leur mère avait éprouvés ou avait causés. […]

Dieu aidant, cet Institut réussit au mieux : au dedans régnait une étroite union de fraternité réciproque ; au dehors, l’activité combinée des sociétaires permettait d’atteindre toute catégorie de personnes sans effaroucher qui que ce fût. Par là même, la nouvelle Société servit excellemment les intérêts publics en ranimant le sens chrétien et en réapprenant la pratique de la religion. Divers étaient ses moyens d’action ; mais elle se livra principalement à l’éducation de la jeunesse. » (Lettre Anno jam exeunte, 7 mars 1917, au Révérend Père Joseph HISS, Supérieur Général de la Société de Marie, à l’occasion du centenaire de la Société, AAS, tome IX-Ière partie (1917), page 172 ; cité in : La Paix intérieure des nations, collection Les enseignements pontificaux, Desclée, 1957, n°487)

Pie XI

Encyclique Maximam gravissimamque du 18 janvier 1924 sur les Associations diocésaines, adressée à l’épiscopat français

Certains affirment que Pie XI accepta le principe de laïcité car dans sa Lettre encyclique Maximam gravissimamque du 18 janvier 1924 sur les Associations diocésaines, adressée à l’épiscopat français, il autorisait la création d’associations cultuelles. Ce que saint Pie X avait interdit à l’occasion de la loi de séparation de 1905 dans la Lettre encyclique Gravissimo officii munere du 10 août 1906 interdisant au clergé français de se constituer en associations cultuelles dont nous avons déjà parlé. A cela il faut répondre par les mots même de Pie XI qui, voyant venir la terrible erreur que pourrait engendrer une mauvaise lecture de sa décision, cru nécessaire de déclarer :

« Quoi qu’il en soit, que personne ne se permette de détourner, dans un sens qui est très loin de Notre pensée, Notre déclaration présente, comme si Nous voulions abolir les condamnations portées par Notre prédécesseur de sainte mémoire, Pie X, ou nous réconcilier avec les lois que l’on nomme laïques. Car, ce que Pie X a condamné, Nous le condamnons de même ; et toutes les fois que par « laïcité » on entend un sentiment ou une intention contraire ou étrangère à Dieu et à la religion, Nous réprouvons entièrement cette « laïcité » et Nous déclarons ouvertement qu’elle doit être réprouvée. Qu’on ne dise non plus que Notre permission est d’elle-même en contradiction avec les prohibitions de Pie X ; car celles-ci portent sur des objets bien différents et dans des circonstances non moins différentes. » 

Cette seule déclaration de Pie XI suffirait à clore le débat. Toutefois il est intéressant de connaître le contexte de l’autorisation qu’il fit de constituer des associations cultuelles. Il s’agit d’un contexte où cette dernière apparait comme anecdotique, car elle n’est que la conséquence de la en 1921 de la reprise des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la république dite française, qui avaient été rompues en 1904 ! En effet, en 1904, la France était gouvernée par des anti-cléricaux qui multipliaient les lois anti-religieuses et préparaient la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui se concrétisa en 1905. Tandis ce qu’en 1924, elle était gouvernée par des Ministères investis par la XIIè législature de la IIIè république, dont la majorité était détenue par le Bloc national, et dite « Chambre bleu-horizon », élue en 1919 et portant ce surnom car beaucoup de ses membres étaient des vétérans de la Première Guerre Mondiale, lors de laquelle les uniformes de l’armée française étaient bleu-horizon, mais également car elle était à Droite. Aussi la Chambre bleu-horizon était-elle favorable à un rapprochement avec l’Eglise : c’est déjà avec elle qu’en 1921 les relations diplomatiques purent être rétablies, et elle refusa d’étendre la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat à l’Aslace-Moselle, récupérée par la France après la guerre. La constitution d’associations cultuelles qui aurait donc était une soumission à une idéologie perverse en 1906, n’était plus qu’une simple formalité en 1921. C’est cela que Pie XI veut dire lorsqu’il écrit : « Notre permission est d’elle-même en contradiction avec les prohibitions de Pie X ; car celles-ci portent sur des objets bien différents et dans des circonstances non moins différentes. »

On se convaincra de plus que Pie XI n’était pas et ne pouvait pas être une défenseur de la laïcité lorsqu’on lira ses nombreux enseignements contre celle-ci :

Allocution prononcée à l’ouverture du XXVIè Congrès eucharistique international, le 24 mai 1922

« Ce Congrès eucharistique — le premier d’une série nouvelle de Congrès eucharistiques — doit inaugurer, il inaugurera, avec la grâce de Dieu, par l’infinie bonté et miséricorde du Cœur eucharistique de Jésus, cette pacification complète qui est la première condition essentielle de toute reconstruction sociale. Il faut que commence une vraie et réelle régénération, par le retour de la société à Jésus-Christ et la rentrée de Jésus-Christ dans la société. Cette régénération renferme l’élément substantiel le plus vrai et le plus ferme de toute autre reconstruction et reconstitution.

La superbe et l’orgueil de l’esprit humain ont chassé, éloigné, exilé Jésus de la société pour le reléguer dans la solitude de ses tabernacles ; la poursuite acharnée des biens de la terre a éveillé des passions violentes et des instincts barbares dans le cœur des hommes, qu’elle a dressés les uns contre les autres. Du même pas que Jésus, la paix abandonnait l’humanité. » (Allocution prononcée à l’ouverture du XXVIè Congrès eucharistique international, le 24 mai 1922 ; in : Actes de S. S. Pie XI, tome 1 (Années 1922 et 1923), page 65 ; Documentation catholique, tome VII, colonne 403)

Encyclique Ubi Arcano du 23 décembre 1922, encyclique inaugurale de son règne

De plus, les déclarations suivantes du même pape ne laissent subsister aucun doute quant à la réprobation absolue de la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui était la sienne :

« De tout temps ces oracles divins se sont vérifiés, mais la vérité n’en a jamais avec une telle évidence éclaté aux yeux de tous que de nos jours. C’est pour s’être misérablement séparés de Dieu et de Jésus-Christ que de leur bonheur d’autrefois les hommes sont tombés dans cet abîme de maux ; c’est pour la même raison que sont frappés d’une stérilité à peu près complète tous les programmes qu’ils échafaudent en vue de réparer les pertes et de sauver ce qui reste de tant de ruines. Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, et l’autorité ne tirant plus son origine de Dieu, mais des hommes, les lois ont perdu la garantie de sanctions réelles et efficaces, ainsi que des principes souverains du droit, qui, aux yeux mêmes de philosophes païens comme Cicéron, ne peuvent dériver que de la loi éternelle de Dieu ; bien plus, les bases mêmes de l’autorité ont été renversées dès là qu’on supprimait la raison fondamentale du droit de commander pour les uns, du devoir d’obéir pour les autres. Inéluctablement, il s’en est suivi un ébranlement de la société tout entière, désormais privée de soutien et d’appui solides, livrée en proie aux factions qui briguaient le pouvoir pour assurer leurs propres intérêts et non ceux de la patrie.

On décida de même que Dieu ni le Seigneur Jésus ne présideraient plus à la fondation de la famille, et l’on fit rentrer dans la catégorie des contrats civils le mariage, dont le Christ avait fait un grand sacrement (Ephes. V, 32) et qui, dans sa pensée, devait être le symbole saint et sanctificateur du lien indissoluble qui l’unit lui-même à son Église. Aussi, dans les masses populaires s’obscurcissent les idées et les sentiments religieux que l’Église avait infusés à la cellule-mère de la société qu’est la famille ; la hiérarchie et la paix du foyer disparaissent ; l’union et la stabilité de la famille sont de jour en jour plus compromises ; le feu des basses convoitises et l’attachement mortel à des intérêts mesquins violent si fréquemment la sainteté du mariage, que les sources mêmes de la vie des familles et des peuples en sont infectées.

Enfin, on a paru exclure Dieu et le Christ de l’éducation de la jeunesse ; on est arrivé, et c’était inévitable, non pas tant à supprimer la religion dans les écoles qu’à l’y faire attaquer à mots couverts ou même ouvertement ; les enfants en ont conclu qu’ils n’avaient rien ou pour le moins fort peu à attendre, pour la conduite de la vie, de cet ordre de choses, qu’on passait absolument sous silence ou dont ou ne parlait qu’avec des termes de mépris. Et, de fait, si Dieu et sa loi sont proscrits de l’enseignement, on ne voit plus comment on peut demander aux jeunes gens de fuir le mal et de mener une vie honnête et sainte, ni comment préparer pour la famille et la société des hommes de mœurs rangées, partisans de l’ordre et de la paix, capables, et à même de contribuer à la prospérité publique. […]

Ayant été seule constituée par Dieu interprète et gardienne de ces vérités et de ces préceptes, l’Église seule aussi jouit à jamais du pouvoir efficace d’extirper de la vie publique, de la famille et de la société civile, la plaie du matérialisme, qui y a déjà opéré tant de ravages ; d’y faire pénétrer les principes chrétiens, bien supérieurs aux systèmes des philosophes, sur la nature spirituelle ou l’immortalité de l’âme ; d’opérer le rapprochement de toutes les classes de citoyens, et d’unir le peuple tout entier par les sentiments d’une profonde bienveillance et par une certaine fraternité (S. Aug., de Moribus Ecclesiæ Catholicæ, I, 30) : de défendre la dignité humaine et de l’élever jusqu’à Dieu qui voit les cœurs, et conforme à ses enseignements et à ses préceptes, que le sentiment sacré du devoir soit la loi de tous, particuliers et gouvernants, et même des institutions publiques ; et qu’ainsi le Christ soit tout et en tous (Coloss. III, 11).

L’Église, qui détient la vérité et le pouvoir du Christ, a seule mission de donner aux esprits la formation qui convient ; elle est aussi seule en mesure non seulement de rétablir aujourd’hui la véritable paix du Christ, mais encore de la consolider pour l’avenir en conjurant les menaces imminentes de nouvelles guerres que Nous avons signalées. Seule, en vertu d’un mandat et d’un ordre divin, l’Église enseigne l’obligation pour les hommes de conformer à la loi éternelle de Dieu toute leur activité, publique aussi bien que privée, en tant que particuliers comme en tant que membres de la collectivité : par ailleurs, il est évident que ce qui a trait au sort du grand nombre a une importance beaucoup plus grande.

Le jour où États et gouvernements se feront un devoir sacré de se régler, dans leur vie politique, au dedans et au dehors, sur les enseignements et les préceptes de Jésus-Christ, alors, mais alors seulement, ils jouiront à l’intérieur d’une paix profitable, entretiendront des rapports de mutuelle confiance, et résoudront pacifiquement les conflits qui pourraient surgir.

En cet ordre d’idées, certains efforts ont bien été tentés jusqu’ici ; mais, on le sait, ils n’ont abouti à rien ou presque rien, principalement sur les points où les divergences internationales sont les plus vives.

C’est qu’il n’est point d’institution humaine en mesure d’imposer à toutes les nations une sorte de Code international, adapté à notre époque, analogue à celui qui régissait au moyen âge cette véritable Société des Nations qui s’appelait la chrétienté. Elle aussi a vu commettre en fait beaucoup trop d’injustices ; du moins la valeur sacrée du droit demeurait incontestée, règle sûre d’après laquelle les nations avaient à rendre leurs comptes.

Mais il est une institution divine capable de garantir l’inviolabilité du droit des gens ; une institution qui, embrassant toutes les nations, les dépasse toutes, qui jouit d’une autorité souveraine et du glorieux privilège de la plénitude du magistère, c’est l’Église du Christ : seule elle se montre à la hauteur d’une si grande tâche grâce à sa mission divine, à sa nature, à sa constitution même, et au prestige que lui confèrent les siècles ; et les vicissitudes mêmes des guerres, loin de l’amoindrir, lui apportent de merveilleux développements.

Il ne saurait donc y avoir aucune paix véritable – cette paix du Christ si désirée – tant que tous les hommes ne suivront pas fidèlement les enseignements, les préceptes et les exemples du Christ, dans l’ordre de la vie publique comme de la vie privée ; il faut que, la famille humaine régulièrement organisée, l’Église puisse enfin, en accomplissement de sa divine mission, maintenir vis-à-vis des individus comme de la société tous et chacun des droits de Dieu.

Tel est le sens de notre brève formule : le règne du Christ.

Jésus-Christ, en effet, règne d’abord sur tous les hommes pris individuellement : il règne sur leurs esprits par ses enseignements, sur leurs cœurs par la charité, sur toute leur vie enfin quand elle se conforme à sa loi et imité ses exemples.

Jésus-Christ règne ensuite dans la famille lorsque, ayant à sa base le sacrement du mariage chrétien, elle conserve inviolablement son caractère d’institution sacrée, où l’autorité paternelle reflète la paternité divine qui en est la source et lui donne son nom (Ephes. III, 15), où les enfants imitent l’obéissance de Jésus adolescent, et dont toute la vie respire la sainteté de la Famille de Nazareth.

Jésus-Christ règne dans la société lorsque, rendant à Dieu un souverain hommage, elle reconnaît que c’est de lui que dérivent l’autorité et ses droits, ce qui donne au pouvoir ses règles, à l’obéissance son caractère impératif et sa grandeur ; quand cette société reconnaît à l’Église son privilège, qu’elle tient de son Fondateur, de société parfaite, maîtresse et guide des autres sociétés ; non que l’Église amoindrisse l’autorité de ces sociétés – légitimes chacune dans sa sphère, – mais elle les complète très heureusement, comme le fait la grâce pour la nature ; d’ailleurs le concours de l’Église permet à ces sociétés d’apporter aux hommes une aide puissante pour atteindre leur fin dernière, qui est le bonheur éternel, et les met plus à même d’assurer le bonheur de leurs membres durant leur vie mortelle.

Il apparaît ainsi clairement qu’il n’y a de paix du Christ que par le règne du Christ, et que le moyen le plus efficace de travailler au rétablissement de la paix est de restaurer le règne du Christ.

Aussi, lorsqu’il s’efforçait de tout restaurer dans le Christ, Pie X, comme par une inspiration divine, préparait cette grande œuvre du rétablissement de la paix, qui devait être le programme de Benoît XV. […]

Un événement très remarquable, que vous connaissez bien, est venu ces tout derniers temps offrir comme un augure de cette unité religieuse ; il s’est produit contre l’attente de tous, a pu déplaire à certains, mais Nous a procuré à Nous et à vous une joie très profonde : la plupart des princes et les chefs de presque toutes les nations, comme pressés par un même désir instinctif de paix, ont cherché comme à l’envi soit à renouer d’anciens liens d’amitié, soit à entrer pour la première fois en relations avec ce Siège apostolique. Nous avons le droit de nous réjouir de ce fait : non seulement il rehausse le prestige de l’Église, mais encore il constitue un hommage plus éclatant rendu à ses services, et fait toucher du doigt à tous la vertu merveilleuse dont seule dispose l’Église de Dieu pour assurer toute prospérité même temporelle, à la société humaine.

Encore que, de par sa mission divine, elle ait directement en vue les biens spirituels et non les biens périssables, l’Église – tous les biens se favorisant et s’enchaînant les uns les autres – n’en coopère pas moins à la prospérité, même terrestre, des individus et de la société, et cela avec une efficacité qu’elle ne pourrait surpasser si elle n’avait pour but que le développement de cette prospérité.

Certes, l’Église ne se reconnaît point le droit de s’immiscer sans raison dans la conduite des affaires temporelles et purement politiques, mais son intervention est légitime quand elle cherche à éviter que la société civile tire prétexte de la politique, soit pour restreindre en quelque façon que ce soit les biens supérieurs d’où dépend le salut éternel des hommes, soit pour nuire aux intérêts spirituels par des lois et décrets iniques, soit pour porter de graves atteintes à la divine constitution de l’Église, soit enfin pour fouler aux pieds les droits de Dieu lui-même dans la société. » (Encyclique Ubi Arcano du 23 décembre 1922, encyclique inaugurale de son règne)

Encyclique Studiorum ducem, 29 juin 1923, sur la conduite des études avec saint Thomas d’Aquin, pour le VIème centenaire de sa canonisation

« En morale également, Thomas a formulé une solide doctrine théologique qui dirige tous nos actes d’une manière appropriée à notre fin surnaturelle. Et parce qu’il possède – comme Nous le disions – une connaissance parfaite de la théologie, il donne des règles sûres qui doivent guider non seulement l’individu dans sa vie personnelle, mais aussi la famille et la société, objet de la morale politique.

Et nous avons alors, dans la deuxième partie de la Somme théologique, ces magnifiques enseignements sur le gouvernement paternel ou domestique, le pouvoir légitime dans les cités ou les Etats, le droit naturel et le droit des gens, la paix et la guerre, la justice et la propriété, les lois et leur observation, le devoir de soulager la misère privée et de collaborer à la prospérité publique, dans l’ordre naturel et surnaturel.

Le jour où, dans la vie privée, dans la vie publique et dans les rapports qui s’imposent de nation à nation, ces règles seraient religieusement et inviolablement observées, rien ne manquerait plus pour assurer aux hommes cette « paix du Christ par le règne du Christ » à laquelle le monde entier aspire si ardemment. Il est donc à souhaiter qu’on prenne de plus en plus en considération les enseignements de Thomas d’Aquin, spécialement sur le droit des gens et les lois qui règlent les relations internationales, car on y trouve les bases de la véritable Société des Nations. » (Encyclique Studiorum ducem, 29 juin 1923, sur la conduite des études avec saint Thomas d’Aquin, pour le VIème centenaire de sa canonisation)

Encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925 instaurant la Fête du Christ-Roi

Le 11 décembre 1925, Pie XI promulgua la Lettre encyclique Quas Primas dont on pourrait dire de cette encyclique que tout est dans son sous-titre : « De l’institution d’une fête du Christ-Roi ». Elle mériterait d’être lue dans son entier, mais nous nous limitons ci-dessous à recenser quelques passages significatifs :

« Dans [1] la première Encyclique qu’au début de Notre Pontificat Nous adressions aux évêques du monde entier [2], Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.

Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses: l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C’est pourquoi, après avoir affirmé qu’il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ, Nous avons déclaré Notre intention d’y travailler dans toute la mesure de Nos forces ; par le règne du Christ, disions-Nous, car, pour ramener et consolider la paix, Nous ne voyions pas de moyen plus efficace que de restaurer la souveraineté de Notre Seigneur. » (Encyclique Quas Primas, 11 décembre 1925, n° 1)

 

« Mais, pour entrer plus à fond dans Notre sujet, il est de toute évidence que le nom et la puissance de roi doivent être attribués, au sens propre du mot, au Christ dans son humanité ; car c’est seulement du Christ en tant qu’homme qu’on peut dire : Il a reçu du Père la puissance, l’honneur et la royauté. [DANIEL, VII 13-14] » (Encyclique Quas Primas, 11 décembre 1925, n° 5)

 

« Il est presque inutile de rappeler qu’elle comporte les trois pouvoirs, sans lesquels on saurait à peine concevoir l’autorité royale. Les textes des Saintes Lettres que Nous avons apportés en témoignage de la souveraineté universelle de notre Rédempteur le prouvent surabondamment. C’est, d’ailleurs, un dogme de foi catholique que le Christ Jésus a été donné aux hommes à la fois comme Rédempteur, de qui ils doivent attendre leur salut, et comme Législateur, à qui ils sont tenus d’obéir [Concile de Trente sess. VI c. 21, Denzinger n. 831.]. Les évangélistes ne se bornent pas à affirmer que le Christ a légiféré, mais ils nous le montrent dans l’exercice même de son pouvoir législatif. A tous ceux qui observent ses préceptes, le divin Maître déclare, en diverses occasions et de diverses manières, qu’ils prouveront ainsi leur amour envers lui et qu’ils demeureront en son amour [Cf. S. JEAN, XIV 15 ; XV 10]. Quant au pouvoir judiciaire, Jésus en personne affirme l’avoir reçu du Père, dans une réponse aux Juifs qui l’accusaient d’avoir violé le Sabbat en guérissant miraculeusement un malade durant ce jour de repos : « Le Père, leur dit-il, ne juge personne, mais il a donné au Fils tout jugement [S. JEAN, V 22]. Dans ce pouvoir judiciaire est également compris – car il en est inséparable – le droit de récompenser ou de châtier les hommes, même durant leur vie. Il faut encore attribuer au Christ le pouvoir exécutif : car tous inéluctablement doivent être soumis à son empire ; personne ne pourra éviter, s’il est rebelle, la condamnation et les supplices que Jésus a annoncés. » (Ibid. n° 10, PIN. 536)

 

« Toutefois, ce royaume est avant tout spirituel et concerne avant tout l’ordre spirituel : les paroles de la Bible que Nous avons rapportées plus haut en sont une preuve évidente, que vient confirmer, à maintes reprises, l’attitude du Christ-Seigneur.

Quand les Juifs, et même les Apôtres, s’imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d’Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir ; lorsque la foule qui l’entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché ; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n’est pas de ce monde. Dans ce royaume, tel que nous le dépeignent les Evangiles, les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence. Personne ne peut y entrer sans la foi et sans le baptême ; mais le baptême, tout en étant un rite extérieur, figure et réalise une régénération intime. Ce royaume s’oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres ; à ses adeptes il demande non seulement de détacher leur cœur des richesses et des biens terrestres, de pratiquer la douceur et d’avoir faim et soif de la justice, mais encore de se renoncer eux-mêmes et de porter leur croix. C’est pour l’Eglise que le Christ, comme Rédempteur, a versé le prix de son sang ; c’est pour expier nos péchés que, comme Prêtre, il s’est offert lui-même et s’offre perpétuellement comme victime : qui ne voit que sa charge royale doit revêtir le caractère spirituel et participer à la nature supraterrestre de cette double fonction ? » (Ibid. n° 11)

 

« D’autre part, ce serait une erreur grossière de refuser au Christ-Homme la souveraineté sur les choses temporelles, quelles qu’elles soient : il tient du Père sur les créatures un droit absolu, lui permettant de disposer à son gré de toutes ces créatures.

Néanmoins, tant qu’il vécut sur terre, il s’est totalement abstenu d’exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l’administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu’il a fait alors, il le continue aujourd’hui. Pensée exprimée d’une manière fort heureuse dans la liturgie : « Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du ciel » [Non eripit mortalia, qui regna dat coelestia, Office de la fête de l’Epiphanie, hymne Crudelis Herodes] » (Ibid. n°12)

 

« Ainsi donc, le souverain domaine de notre Rédempteur embrasse la totalité des hommes. Sur ce sujet, Nous faisons Volontiers Nôtres les paroles de Notre Prédécesseur Léon XIII, d’immortelle mémoire: « Son empire ne s’étend pas exclusivement aux nations catholiques ni seulement aux chrétiens baptisés, qui appartiennent juridiquement à l’Eglise même s’ils sont égarés loin d’elle par des opinions erronées ou séparés de sa communion par le schisme; il embrasse également et sans exception tous les hommes, même étrangers à la foi chrétienne, de sorte que l’empire du Christ Jésus, c’est, en stricte vérité, l’universalité du genre humain [LÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899 AAS XXXI (1898-1899) 647]. »

Et, à cet égard, il n’y a lieu de faire aucune différence entre les individus, les familles et les Etats ; car les hommes ne sont pas moins soumis à l’autorité du Christ dans leur vie collective que dans leur vie privée. Il est l’unique source du salut, de celui des sociétés comme de celui des individus : Il n’existe de salut en aucun autre ; aucun autre nom ici-bas n’a été donné aux hommes qu’il leur faille invoquer pour être sauvés [Actes IV 12].

Il est l’unique auteur, pour l’Etat comme pour chaque citoyen, de la prospérité et du vrai bonheur : « La cité ne tient pas son bonheur d’une autre source que les particuliers, vu qu’une cité n’est pas autre chose qu’un ensemble de particuliers unis en société [S. AUGUSTIN, Epist. CLIII ad Macedonium ch. III, PL XXXIII, 656]. » Les chefs d’Etat ne sauraient donc refuser de rendre – en leur nom personnel, et avec tout leur peuple – des hommages publics, de respect et de soumission à la souveraineté du Christ ; tout en sauvegardant leur autorité, ils travailleront ainsi à promouvoir et à développer la prospérité nationale. » (Ibid. n° 13, cf. PIN. 543)

 

« Au début de Notre Pontificat, Nous déplorions combien sérieusement avaient diminué le prestige du droit et le respect dû à l’autorité; ce que Nous écrivions alors n’a perdu dans le temps présent ni de son actualité ni de son à-propos : « Dieu et Jésus-Christ ayant été exclus de la législation et des affaires publiques, et l’autorité ne tenant plus son origine de Dieu mais des hommes, il arriva que… les bases mêmes de l’autorité furent renversées dès lors qu’on supprimait la raison fondamentale du droit de commander pour les uns, du devoir d’obéir pour les autres. Inéluctablement, il s’en est suivi un ébranlement de la société humaine tout entière, désormais privée de soutien et d’appui solides. » [PIE XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS XIV (1922), 683, CH n. 936]

Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits incroyables – une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix — se répandraient infailliblement sur la société tout entière.

En imprimant à l’autorité des princes et des chefs d’Etat un caractère sacré, la dignité royale de Notre Seigneur ennoblit du même coup les devoirs et la soumission des citoyens. Au point que l’Apôtre saint Paul, après avoir ordonné aux femmes mariées et aux esclaves de révérer le Christ dans la personne de leur mari et dans celle de leur maître, leur recommandait néanmoins de leur obéir non servilement comme à des hommes, mais uniquement en esprit de foi comme à des représentants du Christ ; car il est honteux, quand on a été racheté par le Christ, d’être soumis servilement à un homme: Vous avez été rachetés un grand prix, ne soyez plus soumis servilement à des hommes. [S. PAUL, I Cor. VII 25].

Si les princes et les gouvernants légitimement choisis étaient persuadés qu’ils commandent bien moins en leur propre nom qu’au nom et à la place du divin Roi, il est évident qu’ils useraient de leur autorité avec toute la vertu et la sagesse possibles. Dans l’élaboration et l’application des lois, quelle attention ne donneraient-ils pas au bien commun et à la dignité humaine de leurs subordonnés ! » (Idid. N° 14)

 

« Alors on verrait l’ordre et la tranquillité s’épanouir et se consolider ; toute cause de révolte se trouverait écartée ; tout en reconnaissant dans le prince et les autres dignitaires de l’Etat des hommes comme les autres, ses égaux par la nature humaine, en les voyant même, pour une raison ou pour une autre, incapables ou indignes, le citoyen ne refuserait point pour autant de leur obéir quand il observerait qu’en leurs personnes s’offrent à lui l’image et l’autorité du Christ Dieu et Homme.

Alors les peuples goûteraient les bienfaits de la concorde et de la paix. Plus loin s’étend un royaume, plus il embrasse l’universalité du genre humain, plus aussi – c’est incontestable – les hommes prennent conscience du lien mutuel qui les unit. Cette conscience préviendrait et empêcherait la plupart des conflits ; en tout cas, elle adoucirait et atténuerait leur violence. Pourquoi donc, si le royaume du Christ s’étendait de fait comme il s’étend en droit à tous les hommes, pourquoi désespérer de cette paix que le Roi pacifique est venu apporter sur la terre ? Il est venu tout réconcilier [S. PAUL, Coloss. I 20] ; il n’est pas venu pour être servi, mais pour servir [S. MATTHIEU, XX 28] ; maître de toutes créatures, il a donné lui-même l’exemple de l’humilité et a fait de l’humilité, jointe au précepte de la charité, sa loi principale ; il a dit encore : Mon joug est doux à porter et le poids de mon autorité léger [S. MATTHIEU, XI 30]. » (Idid. N°15)

 

« Oh ! qui dira le bonheur de l’humanité si tous, individus, familles, Etats, se laissaient gouverner par le Christ ! « Alors enfin – pour reprendre les paroles que Notre Prédécesseur Léon XIII adressait, il y a vingt-cinq ans, aux évêques de l’univers – il serait possible de guérir tant de blessures ; tout droit retrouverait, avec sa vigueur native, son ancienne autorité ; la paix réapparaîtrait avec tous ses bienfaits; les glaives tomberaient et les armes glisseraient des mains, le jour où tous les hommes accepteraient de bon cœur la souveraineté du Christ, obéiraient à ses commandements, et où toute langue confesserait que « le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père »[LÉON XIII, Lettre encyclique Annum sacrum, 25 mai 1899, AAS XXXI (1898-1899) 647] ». » (Ibid. n°16)

 

« C’est ici Notre tour de pourvoir aux nécessités des temps présents, d’apporter un remède efficace à la peste qui a corrompu la société humaine. Nous le faisons en prescrivant à l’univers catholique le culte du Christ-Roi. La peste de notre époque, c’est le laïcisme, ainsi qu’on l’appelle, avec ses erreurs et ses entreprises criminelles. Comme vous le savez, Vénérables Frères, ce fléau n’est pas apparu brusquement ; depuis longtemps, il couvait au sein des Etats. On commença, en effet, par nier la souveraineté du Christ sur toutes les nations ; on refusa à l’Eglise le droit – conséquence du droit même du Christ – d’enseigner le genre humain, de porter des lois, de gouverner les peuples en vue de leur béatitude éternelle. Puis, peu à peu, on assimila la religion du Christ aux fausses religions et, sans la moindre honte, on la plaça au même niveau. On la soumit, ensuite, à l’autorité civile et on la livra pour ainsi dire au bon plaisir des princes et des gouvernants. Certains allèrent jusqu’à vouloir substituer à la religion divine une religion naturelle ou un simple sentiment de religiosité. Il se trouva même des Etats qui crurent pouvoir se passer de Dieu et firent consister leur religion dans l’irréligion et l’oubli conscient et volontaire de Dieu. Les fruits très amers qu’a portés, si souvent et d’une manière si persistante, cette apostasie des individus et des Etats désertant le Christ, Nous les avons déplorés dans l’Encyclique Ubi arcano [PIE XI, Lettre encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922, AAS XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629]. Nous les déplorons de nouveau aujourd’hui. Fruits de cette apostasie, les germes de haine, semés de tous côtés; les jalousies et les rivalités entre peuples, qui entretiennent les querelles internationales et retardent, actuellement encore, l’avènement d’une paix de réconciliation; les ambitions effrénées, qui se couvrent bien souvent du masque de l’intérêt public et de l’amour de la patrie, avec leurs tristes conséquences: les discordes civiles, un égoïsme aveugle et démesuré qui, ne poursuivant que les satisfactions et les avantages personnels, apprécie toute chose à la mesure de son propre intérêt. Fruits encore de cette apostasie, la paix domestique bouleversée par l’oubli des devoirs et l’insouciance de la conscience ; l’union et la stabilité des familles chancelantes ; toute la société, enfin, ébranlée et menacée de ruine. » (Ibid. n° 18, cf. PIN 543)

 

« Mais il y a plus. Une fête célébrée chaque année chez tous les peuples en l’honneur du Christ-Roi sera souverainement efficace pour incriminer et réparer en quelque manière cette apostasie publique, si désastreuse pour la société, qu’a engendrée le laïcisme. Dans les conférences internationales et dans les Parlements, on couvre d’un lourd silence le nom très doux de notre Rédempteur ; plus cette conduite est indigne et plus haut doivent monter nos acclamations, plus doit être propagée la déclaration des droits que confèrent au Christ sa dignité et son autorité royales. » (Ibid. n°19)

 

« Au terme de cette Lettre, Nous voudrions encore, Vénérables Frères, vous exposer brièvement les fruits que Nous Nous promettons et que Nous espérons fermement, tant pour l’Eglise et la société civile que pour chacun des fidèles, de ce culte public rendu au Christ-Roi.

L’obligation d’offrir les hommages que Nous venons de dire à l’autorité souveraine de Notre Maître ne peut manquer de rappeler aux hommes les droits de l’Eglise. Instituée par le Christ sous la forme organique d’une société parfaite, en vertu de ce droit originel, elle ne peut abdiquer la pleine liberté et l’indépendance complète à l’égard du pouvoir civil. Elle ne peut dépendre d’une volonté étrangère dans l’accomplissement de sa mission divine d’enseigner, de gouverner et de conduire au bonheur éternel tous les membres du royaume du Christ.

Bien plus, l’Etat doit procurer une liberté semblable aux Ordres et aux Congrégations de religieux des deux sexes. Ce sont les auxiliaires les plus fermes des pasteurs de l’Eglise; ceux qui travaillent le plus efficacement à étendre et à affermir le royaume du Christ, d’abord, en engageant la lutte par la profession des trois vœux de religion contre le monde et ses trois concupiscences; ensuite, du fait d’avoir embrassé un état de vie plus parfait, en faisant resplendir aux yeux de tous, avec un éclat continu et chaque jour grandissant, cette sainteté dont le divin Fondateur a voulu faire une note distinctive de la véritable Eglise. » (Ibid. n°21)

 

« Les Etats, à leur tour, apprendront par la célébration annuelle de cette fête que les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. Les chefs de la société civile se rappelleront, de leur côté, le dernier jugement, où le Christ accusera ceux qui l’ont expulsé de la vie publique, mais aussi ceux qui l’ont dédaigneusement mis de côté ou ignoré, et punira de pareils outrages par les châtiments les plus terribles ; car sa dignité royale exige que l’État tout entier se règle sur les commandements de Dieu et les principes chrétiens dans l’établissement des lois, dans l’administration de la justice, dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse, qui doit respecter la saine doctrine et la pureté des mœurs. » (Ibid. n° 21, cf. PIN. 569)

Hymne de vêpres de la fête du Christ-Roi

A la suite de cette encyclique, Pie XI donna à l’Eglise des prescriptions pour célébrer la fête du Christ-Roi. On y trouve entre autres un hymne de vêpres qui dit entre autre ceci :

« Que les chefs des nations Vous glorifient par des honneurs publics ; Que les maîtres et les juges vous confessent, Que les lois et les arts portent votre marque. Que les étendards des rois vous soient consacrés Et resplendissent de vous être soumis, Que votre douce autorité Régente la patrie et les foyers. »

Donc la sainte Église catholique romaine croit et enseigne infailliblement dans sa sainte liturgie romaine que Jésus-Christ doit régner sur les nations temporelles, puisqu’elle prie ce qu’elle croit et enseigne. en effet, Pie XII écrit : 

« Que si l’on veut discerner et déterminer d’une façon absolue et générale les rapports entre la foi et la liturgie, on peut dire à juste titre : Lex credendi legem statuat supplicandi,  » que la règle de la croyance fixe la règle de la prière « . Et il faut parler de même quand il s’agit des autres vertus théologales : In… fide, spe, caritate continuato desiderio semper oramus,  » nous, prions toujours et avec une ardeur continue, dans la foi, l’espérance et la charité  » (S. Augustin, Epist. 130, ad Probam, 18.) […] Or si, d’une part, Nous constatons avec douleur que dans quelques pays le sens, la connaissance et le goût de la sainte liturgie sont parfois insuffisants et même presque inexistants, d’autre part Nous remarquons, non sans préoccupation et sans crainte, que certains sont trop avides de nouveauté et se fourvoient hors des chemins de la saine doctrine et de la prudence. Car, en voulant et en désirant renouveler la sainte liturgie, ils font souvent intervenir des principes qui, en théorie ou en pratique, compromettent cette sainte cause, et parfois même la souillent d’erreurs qui touchent à la foi catholique et à la doctrine ascétique. La pureté de la foi et de la morale doit être la règle principale de cette science sacrée qu’il faut en tout point conformer aux plus sages enseignements de l’Église. […] Ce droit indiscutable de la hiérarchie ecclésiastique est corroboré encore par le fait que la liturgie sacrée est en connexion intime avec les principes doctrinaux qui sont enseignés par l’ Église comme points de vérité certaine, et par le fait qu’elle doit être mise en conformité avec les préceptes de la foi catholique édictés par le Magistère suprême pour assurer l’intégrité de la religion révélée de Dieu […] Le culte qui est rendu par elle au Dieu très saint est, comme le dit de façon expressive saint Augustin, une profession continue de foi catholique et un exercice d’espérance et de charité : Fide, spe, caritate colendum Deum, affirme-t-il. (Enchiridion. cap. 3.) Dans la liturgie sacrée, nous professons la foi catholique expressément et ouvertement, non seulement par la célébration des mystères, l’accomplissement du sacrifice, l’administration des sacrements, mais aussi en récitant ou chantant le  » Symbole  » de la foi, qui est comme la marque distinctive des chrétiens, et de même en lisant les autres textes, et surtout les Saintes Écritures inspirées par l’Esprit-Saint. Toute la liturgie donc contient la foi catholique, en tant qu’elle atteste publiquement la foi de l’Église […] la sainte liturgie ne désigne et n’établit point la foi catholique absolument et par sa propre autorité, mais plutôt, étant une profession des vérités célestes soumises au suprême magistère de l’Église, elle peut fournir des arguments et des témoignages de grande valeur pour décider d’un point particulier de la doctrine chrétienne […] C’est pourquoi au seul Souverain Pontife appartient le droit de reconnaître et établir tout usage concernant le culte divin, d’introduire et approuver de nouveaux rites, de modifier ceux mêmes qu’il aurait jugés immuables (cf. C. I. C., can. 1257) ; le droit et le devoir des évêques est de veiller diligemment à l’exacte observation des préceptes des saints canons sur le culte divin (cf. C. I. C. can. 1261). » (Encyclique Mediator Dei, 20 novembre 1947 – Sur la sainte liturgie et le culte eucharistique)

Et le Chanoine Jean-Michel-Alfred VACANT, Maître en Théologie, Professeur au Grand séminaire de Nancy, écrit :

« Les enseignements implicites et infaillibles du magistère ordinaire nous sont fournis par les pratiques universelles de l’Église, par les liturgies, dans ce qu’elles ont de commun, et par les lois générales de l’Église. Tous les actes conformes à ces pratiques, à ces liturgies ou à ces lois sont sanctionnés par les dépositaires de l’infaillibilité ; ils ne peuvent, par conséquent, être mauvais, ni nous détourner du salut. Chaque fois donc, que ces actes supposent manifestement la vérité d’une doctrine, il y a proposition implicite de cette doctrine par l’Église […] Les usages universels de l’Église qui ont un but marqué, comme les rites des sacrements et du Saint Sacrifice, manifestent, d’une autre manière, la foi infaillible de l’Église. Celle-ci ne les emploie, en effet, que parce qu’elle croit à leur efficacité. Il faut admettre, par exemple, que l’Église regarde la matière et la forme usitées dans l’administration des divers sacrements comme capables d’en produire les effets, et qu’elle ne se trompe pas sur ce point. » (Le magistère ordinaire de l’Église et ses organes, imprimé avec l’autorisation de Monseigneur l’Évêque de Nancy et de Monseigneur l’Archevêque de Paris, 1887)

Allocution Consistoriale du 14 décembre 1925

« En dépit des excellentes relations qui existaient antérieurement et qui existent encore entre elle et le Saint-Siège, la République du Chili a décrété l’application du régime dit de séparation. A la lumière de la foi catholique, ce régime n’est certainement pas conforme à la doctrine de l’Eglise, non plus qu’à la nature des hommes ou de la société civile. Cependant, il est appliqué d’une manière tellement amicale que, loin d’être une séparation, il semble plutôt une union amicale. Aussi, nous l’espérons, l’Eglise catholique n’en continuera pas moins d’exercer son influence et son action sur la vie morale de ce pays qui nous est cher, et pour son plus grand bonheur. En effet, malgré son extrême éloignement, le Chili a conduit à Rome deux groupes de pèlerins; il s’est acquis de la sorte une place d’honneur parmi les peuples qui affluèrent dans la Ville Eternelle en ce saint temps du Jubilé ; et de sa foi, comme de son eminente piété envers l’Eglise, Mère de toutes les Eglises, et ce Siège Apostolique, il a donné des preuves magnifiques. » (Allocution Consistoriale du 14 décembre 1925 ; Actes de S. S. Pie XI, Maison de la Bonne Presse, tome Tome 3 (Années 1925-1926) , page 109

Chirographe Ci si è domandato, 30 mai 1929, au Cardinal Pietro GASPARRI à propos des Conventions entre le Saint-Siège et le Royaume d’Italie

« Cultes « tolérés, permis, admis » : ce n’est pas Nous qui soulèverons des questions de mots. La question est d’ailleurs résolue, non sans élégance, par une distinction entre le texte statutaire et le texte purement législatif, le premier, en soi, plus théorique et doctrinal, où le mot « tolérés » est mieux à sa place ; le second qui vise à la pratique et où l’on peut laisser « permis ou admis », pourvu qu’on s’entende loyalement là-dessus ; pourvu qu’il soit et reste clairement et loyalement entendu que la religion catholique est et qu’elle est seule, suivant la constitution et les traités, la religion de l’État, avec les conséquences logiques et juridiques d’une telle situation de droit constitutionnel, particulièrement par rapport à la propagande ; pourvu qu’il reste non moins clairement et loyalement entendu que le culte catholique n’est pas purement et simplement un culte permis et admis, mais qu’il est tel que la lettre et l’esprit du traité et du Concordat le veulent.

Une question plus délicate se présente quand, avec tant d’insistance, on parle de la liberté de conscience non violée et de la pleine liberté de discussion.

Il n’est pas admissible que l’on ait eu en vue une liberté absolue de discussion, y compris ces formes de discussion qui peuvent facilement tromper la bonne foi des auditeurs peu éclairés et qui deviennent facilement des formes dissimulées de propagande, non moins facilement dommageable à la religion de l’État, et, par le fait, à l’État lui-même, et justement en ce qu’a de plus sacré la tradition du peuple italien, et de plus essentiel son unité.

Il nous semble moins admissible encore que l’on ait entendu assurer complète, intacte, l’absolue liberté de conscience. Autant vaudrait dire que la créature n’est pas dépendante du Créateur, autant vaudrait légitimer toute formation ou plutôt toute déformation des consciences, même les plus criminelles et les plus désastreuses socialement. Si l’on veut dire que la conscience échappe aux pouvoirs de l’État, si l’on entend reconnaître, comme on le reconnaît, qu’en fait de conscience c’est l’Église qui est compétente, qu’elle l’est seule en vertu de sa mission divine, on reconnaît du même coup que dans un État catholique liberté de conscience et liberté de discussion doivent s’entendre et se pratiquer selon la doctrine et selon la loi catholique. Il faut reconnaître aussi – la logique l’exige – que les responsabilités, en matière d’éducation, incombent dans toute leur plénitude à l’Église, non à l’État ; que l’État ne peut empêcher l’Église de remplir une pareille mission, qu’il ne peut l’entraver d’aucune façon, ni non plus la réduire à l’enseignement exclusif des vérités religieuses.

Aucun dommage n’en peut résulter pour les droits véritables et spécifiques de l’État ou, pour mieux dire, pour les devoirs de l’État par rapport à l’éducation des citoyens, – les droits de la famille, bien entendu, restant saufs.

L’État n’a rien à craindre de l’éducation donnée par l’Église, et sous les directives de l’Église ; c’est cette éducation qui a préparé la civilisation moderne en tout ce qu’elle a de vraiment bon, en ce qu’elle a de meilleur et de plus élevé.

La famille s’est tout de suite aperçue qu’il en est ainsi, et dès les premiers jours du christianisme jusqu’à nos jours, pères et mères, fussent-ils peu croyants ou même totalement incroyants, n’ont cessé d’envoyer et de conduire par millions leurs fils aux instituts d’éducation fondés et dirigés par l’Église. » (Chirographe Ci si è domandato,  30 mai 1929, au Cardinal Pietro GASPARRI à propos des Conventions entre le Saint-Siège et le Royaume d’Italie ; Actes de S. S. Pie XI, Maison de la Bonne Presse, tome Tome 5 (Année 1929 — 1er semestre) , pages 128 à 130)

Lorsque Pie XI parle du « texte statutaire », il parle du Statut du Royaume (en italien Statuto del Regno), ou Statut fondamental de la monarchie de Savoie du 4 mars 1848 (Statuto Fondamentale della Monarchia di Savoia del 4 marzo 1848), qui est la loi fondamentale promulguée par le roi Charles-Albert, d’où son nom commun de Statut albertin (Statuto Albertino). En effet, le Concordat entre le Saint-Siège et le royaume d’Italie, qui est un des accords du Latran, stipule en son article premier : 

« L’Italie reconnaît et réaffirme le principe consacré dans l’article premier du statut du royaume en date du 4 mars 1848, en vertu duquel la religion catholique, apostolique et romaine, est la seule religion de l’État. »

Or, ledit Statut stipule en son article premier :

« La religion catholique, apostolique et romaine est la seule religion de l’État. Les autres cultes actuellement existants sont tolérés conformément aux lois. »

Quant au « texte purement législatif », nous ignorons s’il s’agit des lettres patentes du Charles-Albert, Roi de Sardaigne, accordant la liberté de culte aux vaudois et aux juifs, ou d’une loi postérieure aux accords du Latran. Toujours est-il qu’il fait référence à une loi italienne parlant des fausses religions comme étant permises et admises.

Et Pie XI approuve plus particulièrement le Statut comme étant « plus théorique et doctrinal, où le mot « tolérés » est mieux à sa place », tout en acceptant que dans le texte législatif, « qui vise à la pratique […] l’on peut laisser « permis ou admis », pourvu qu’on s’entende loyalement là-dessus ». Cela signifie que d’un point de vue « plus théorique et doctrinal », c’est le mot mot « tolérés » qui est adapté pour parler des faux cultes, tandis que les termes « permis ou admis » ne peuvent leur être appliqués que d’un point de vue pratico-pratique, sans que cela ait d’implication doctrinale.

Il faut de plus mettre cela en relation avec ce qu’il dit peut après :

« […] pourvu qu’il soit et reste clairement et loyalement entendu que la religion catholique est et qu’elle est seule, suivant la constitution et les traités, la religion de l’État, avec les conséquences logiques et juridiques d’une telle situation de droit constitutionnel, particulièrement par rapport à la propagande »

Il dit que seule la religion catholique doit avoir droit à la propagande, et que cela découle du fait qu’elle est la religion de l’État. Pour lui c’est une conséquence logique, et donc nécessaire.

Encyclique Divini Illius Magistri, 31 décembre 1929 – Sur l’éducation chrétienne de la jeunesse

Pie XI rappelle comme ses prédécesseurs Pie IX et Léon XIII que l’éducation chrétienne est indispensable à toute société humaine, cette idée exclut absolument la laïcité :

« Mais aussi, dans l’ordre présent de la Providence, c’est-à-dire depuis que Dieu s’est révélé dans son Fils unique, qui seul est la voie, la vérité et la vie [S. JEAN, XIV, 6], il ne peut y avoir d’éducation complète et parfaite en dehors de l’éducation chrétienne.

On voit par-là l’importance suprême de l’éducation chrétienne, non seulement pour chaque individu, mais aussi pour les familles et pour toute la communauté humaine, dont la perfection suit nécessairement la perfection des éléments qui la composent. Pareillement, des principes énoncés ressort clairement et avec évidence l’excellence, peut-on dire incomparable, de l’œuvre de l’éducation chrétienne, puisqu’elle a pour but, en dernière analyse, d’assurer aux âmes de ceux qui en sont l’objet la possession de Dieu, le Souverain Bien, et à la communauté humaine le maximum de bien-être réalisable sur cette terre; ce qui s’accomplit de la part de l’homme de la manière la plus efficace qui soit possible, lorsqu’il coopère avec Dieu au perfectionnement des individus et de la société. L’éducation, en effet, imprime aux âmes la première, la plus puissante et la plus durable direction dans la vie, selon une sentence du sage bien connue : Le jeune homme suit sa voie ; et même lorsqu’il sera vieux il ne s’en détournera pas [Proverbes XXII, 6]. C’est ce qui faisait dire avec raison à saint Jean Chrysostome : « Qu’y a-t-il de plus grand que de gouverner les âmes et de former les jeunes gens aux bonnes mœurs ? » [S. JEAN CHRYSOSTOME, In Matthaeum homilia LX, PG LVII 573] […]

Cependant, pour ce qui concerne l’objet propre de sa mission, c’est-à-dire « la foi et la règle des mœurs, Dieu lui-même a fait l’Église participante de son divin magistère et l’a mise, par privilège divin, à l’abri de l’erreur. Elle est donc la maîtresse suprême et très sûre des hommes, et elle a reçu un droit inviolable au libre exercice de son magistère » [LÉON XIII, Lettre encyclique Libertas præstantissimum, 20 juin 1888, ASS XX (1888) 607. Cf. CH n. 85]. La conséquence nécessaire en est l’indépendance de l’Église vis-à-vis de tout pouvoir terrestre, aussi bien dans l’origine que dans l’exercice de sa mission éducatrice, et non seulement dans ce qui concerne l’objet propre de cette mission, mais aussi dans le choix des moyens nécessaires ou convenables pour la remplir. De là, à l’égard de toute autre science humaine et de tout enseignement qui, considérés en eux-mêmes, sont le patrimoine de tous, individus et sociétés, l’Église a le droit indépendant d’en user et surtout d’en juger, dans la mesure où ils peuvent se montrer utiles ou contraires à l’éducation chrétienne. Il en est ainsi parce que l’Église, en tant que société parfaite, a un droit indépendant sur les moyens propres à sa fin, et que tout enseignement, comme toute action humaine, a une relation nécessaire de dépendance vis-à-vis de la fin dernière de l’homme, et ne peut, dès lors, se soustraire aux règles de la loi divine, dont l’Église est la gardienne, l’interprète et la maîtresse infaillible.

C’est ce que Pie X, de sainte mémoire, a clairement exprimé : « Quoi que fasse un chrétien, même dans l’ordre des choses terrestres, il ne lui est pas permis de négliger les biens surnaturels ; bien plus, il doit, selon les enseignements de la sagesse chrétienne, diriger toutes choses vers le Souverain Bien comme vers la fin dernière. En outre, toutes ses actions, en tant que bonnes ou mauvaises moralement, c’est-à-dire en tant que conformes ou non au droit naturel et divin, sont sujettes au jugement et à la juridiction de l’Église » [PIE X, Lettre encyclique Singulari quadam, 24 septembre 1912, AAS XV (1912) 658. Cf. CH n. 499].

Il vaut la peine de remarquer combien parfaitement a su comprendre et exprimer cette doctrine catholique fondamentale un laïque, écrivain admirable autant que penseur profond et consciencieux : « Quand l’Église dit que la morale lui appartient vraiment, par-là elle n’entend pas affirmer que celle-ci est exclusivement de son domaine, mais qu’elle lui revient dans sa totalité. Elle n’a jamais prétendu qu’en dehors d’elle et sans son enseignement l’homme ne puisse connaître aucune vérité morale ; au contraire, elle a même réprouvé cette doctrine plus d’une fois, parce qu’elle s’est montrée sous plus d’une forme. Certes, elle dit encore, comme elle l’a dit et le dira toujours, que par l’institution qu’elle a reçue de Jésus-Christ et par le Saint-Esprit qui lui a été envoyé au nom de Jésus-Christ par le Père, elle seule possède originairement, et sans pouvoir la perdre, la vérité morale tout entière dans laquelle sont comprises toutes les vérités morales particulières, aussi bien celles que l’homme peut arriver à connaître par le seul moyen de la raison, que celles qui font partie de la Révélation ou qui peuvent s’en déduire » [A. MANZONI, Osservazioni sulla morale cattolica III]. […]

De là il ressort nécessairement que l’école dite neutre ou laïque, d’où est exclue la religion, est contraire aux premiers principes de l’éducation. Une école de ce genre est d’ailleurs pratiquement irréalisable, car, en fait, elle devient irréligieuse. Inutile de reprendre ici tout ce qu’ont dit sur cette matière Nos Prédécesseurs, notamment Pie IX et Léon XIII, parlant en ces temps où le laïcisme commençait à sévir dans les écoles publiques. Nous renouvelons et confirmons leurs déclarations et, avec elles, les prescriptions des sacrés canons : La fréquentation des écoles non catholiques, ou neutres ou mixtes (celles à savoir qui s’ouvrent indifféremment aux catholiques et non-catholiques, sans distinction), doit être interdite aux enfants catholiques ; elle ne peut être tolérée qu’au jugement de l’Ordinaire, dans des circonstances bien déterminées de temps et de lieu et sous de spéciales garanties.

Il ne peut donc même être question d’admettre pour les catholiques cette école mixte (plus déplorable encore si elle est unique et obligatoire pour tous) où, l’instruction religieuse étant donnée à part aux élèves catholiques, ceux-ci reçoivent tous les autres enseignements de maîtres non catholiques, en commun avec les élèves non catholiques.

Ainsi donc, le seul fait qu’il s’y donne une instruction religieuse (souvent avec trop de parcimonie) ne suffit pas pour qu’une école puisse être jugée conforme aux droits de l’Église et de la famille chrétienne et digne d’être fréquentée par les enfants catholiques.

Pour cette conformité, il est nécessaire que tout l’enseignement, toute l’ordonnance de l’école, personnel, programmes et livres, en tout genre de discipline, soient régis par un esprit vraiment chrétien sous la direction et la maternelle vigilance de l’Église, de telle façon que la religion soit le fondement et le couronnement de tout l’enseignement, à tous les degrés, non seulement élémentaire, mais moyen et supérieur : « Il est indispensable, pour reprendre les paroles de Léon XIII, que non seulement à certaines heures la religion soit enseignée aux jeunes gens, mais que tout le reste de la formation soit imprégné de piété chrétienne. Sans cela, si ce souffle sacré ne pénètre pas et ne réchauffe pas l’esprit des maîtres et des disciples, la science, quelle qu’elle soit, sera de bien peu de profit ; souvent même il n’en résultera que des dommages sérieux » [LÉON XIII, Lettre encyclique Militantis Ecclesiae, 1er août 1897, ASS XXX (1897-1898) 3].

Et qu’on ne dise pas qu’il est impossible à l’État, dans une nation de croyances diverses, de pourvoir à l’instruction publique autrement que par l’école neutre ou par l’école mixte, puisqu’il doit le faire pour être plus raisonnable, et qu’il le peut plus facilement en laissant la liberté et en venant en aide par des subsides appropriés à l’initiative et à l’action de l’Église et des familles.

Que cela soit réalisable à la satisfaction des familles et pour le bien de l’instruction, de la paix et de la tranquillité publiques, l’exemple de certains peuples, divisés en plusieurs confessions religieuses, le démontre. Chez eux l’organisation scolaire sait se conformer aux droits des familles en matière d’éducation pour tout l’enseignement (spécialement en accordant des écoles entièrement catholiques aux catholiques), mais ils observent encore le respect de la justice distributive, l’État donnant des subsides à toute école voulue par les familles.

En d’autres pays de religion mixte, les choses se passent autrement, mais là au prix d’une lourde charge pour les catholiques. Ceux-ci, sous les auspices et la direction de l’épiscopat, avec le concours infatigable du clergé séculier et régulier, soutiennent complètement à leurs frais l’école catholique pour leurs enfants, telle que l’exige d’eux un grave devoir de conscience. Avec une générosité et une constance dignes de tout éloge, ils persévèrent dans leur résolution d’assurer entièrement (comme ils l’expriment dans une sorte de mot d’ordre) : « L’éducation catholique, pour toute la jeunesse catholique, dans des écoles catholiques ».

Pareil programme, si les deniers publics ne lui viennent pas en aide, comme le demanderait la justice distributive, du moins ne pourra pas être entravé par le pouvoir civil qui a vraiment conscience des droits de la famille et des conditions indispensables de la légitime liberté.

Mais là aussi où cette liberté élémentaire est empêchée ou contrecarrée de différentes manières, les catholiques ne s’emploieront jamais assez, fût-ce au prix des plus grands sacrifices, à soutenir et à défendre leurs écoles, comme à obtenir des lois justes en matière d’enseignement. » (Encyclique Divini Illius Magistri, 31 décembre 1929 – Sur l’éducation chrétienne de la jeunesse)

Encyclique Dilectissima Nobis, 3 juin 1933

« Mais, pour en revenir à cette funeste loi sur les “Confessions religieuses et les Congrégations”, grande a été Notre douleur, en constatant que les législateurs ont ouvertement affirmé dès le début que l’État n’a aucune religion particulière et que, par suite, ils voulaient confirmer et ratifier le principe de la séparation de l’Église et de l’État. […] Sans nous arrêter longtemps sur ce point, Nous voulons tout de suite affirmer combien sont loin de la vérité et se trompent ceux qui tiennent pour permise en soi et bonne pareille séparation. »

Encyclique Mit brennender Sorge, 14 mars 1937 – Sur la situation de l’Eglise dans le Reich allemand

« Prenez garde, Vénérables Frères, à l’abus croissant, dans la parole comme dans les écrits, qui consiste à employer le nom de Dieu trois fois saint comme une étiquette vide de sens que l’on place sur n’importe quelle création, plus ou moins arbitraire, de la spéculation et du désir humain. Agissez sur vos fidèles, afin qu’ils soient attentifs à opposer à une telle aberration le refus qu’elle mérite. Notre Dieu est le Dieu personnel, surnaturel, tout-puissant, infiniment parfait, unique dans la Trinité des Personnes, et tripersonnel dans l’unité de l’Essence divine, le Créateur de tout ce qui existe, le Seigneur et Roi et l’ultime consommateur de l’histoire du monde, qui n’admet ni ne peut admettre à côté de lui aucun autre dieu.

Ce Dieu a, en Souverain Maître, donné ses commandements.

Ils valent indépendamment du temps et de l’espace, du pays et de la race. De même que le soleil de Dieu luit sur tout visage humain, de même sa loi ne connaît ni privilège ni exception. Gouvernants et gouvernés, couronnes et non couronnés, grands et humbles, riches et pauvres sont également soumis à sa parole. De la totalité de ses droits de Créateur découle naturellement la totalité de Son droit à être obéi par les individus et par les communautés de toute espèce. Cette obéissance exigée embrasse toutes les branches de l’activité dans lesquelles des questions morales réclament la mise en accord avec la loi de Dieu, et par conséquent l’intégration de la changeante loi humaine dans l’ensemble de l’immuable loi divine. […]

Les évêques de l’Église du Christ, établis « pour ce qui se rapporte à Dieu » (Hebr., V, I), doivent veiller à ce que de pernicieuses erreurs de cette sorte, que des pratiques encore plus pernicieuses ont coutume de suivre, ne prennent pas pied parmi les fidèles. Il appartient à la sainteté de leur charge de tout faire, autant qu’il dépend d’eux, pour que les commandements de Dieu soient considérés et observés, comme étant le fondement obligatoire de toute vie privée et publique moralement ordonnée ; pour que les droits de la Majesté divine, le Nom et la parole de Dieu ne soient pas profanés (Tite, II, 5) ; pour mettre fin aux blasphèmes qui par la parole, la plume et l’image sont multipliés aujourd’hui comme le sable de la mer ; pour que, à côté de l’obstination et des provocations de ceux qui nient Dieu, qui méprisent Dieu, qui haïssent Dieu, ne se relâche jamais la prière réparatrice des fidèles, qui tel un encens, d’heure en heure, monte vers le Très-Haut et arrête sa main vengeresse. […]

Sur la foi en Dieu, gardée intacte et sans tache, repose la moralité de l’humanité. Toutes les tentatives pour ôter à la morale et à l’ordre moral le fondement, solide comme le roc, de la foi et pour .les établir sur le sable mouvant des règles humaines, conduisent tôt ou tard individus et sociétés. à la ruine morale. L’insensé qui dit dans son cœur : Il n’y a pas de Dieu, marchera dans les voies de la corruption morale (Ps., XIII, 1 sq.). Le nombre de ces insensés, qui aujourd’hui entreprennent de séparer Moralité. et Religion, est devenu légion. Ils ne voient pas ou ne veulent pas voir que bannir le Christianisme confessionnel, c’est-à-dire la conception claire et précise du Christianisme, de l’enseignement et de l’éducation, de l’organisation de la vie sociale et publique, c’est aller à l’appauvrissement spirituel et à la décadence. Aucune puissance coercitive de l’État, aucun idéal purement humain, si noble et si élevé soit-il en lui-même, ne sera jamais capable de remplacer en fin de compte les suprêmes et décisives impulsions que donne la foi en Dieu et au Christ. Si, à celui qui est appelé à faire les plus grands sacrifices, à immoler son « moi » au bien commun, on ôte l’appui de l’éternel et du divin, la foi réconfortante et consolante au Dieu qui récompense tout bien et punit tout mal, alors, pour un grand nombre, le résultat final sera, non pas l’acceptation du devoir, mais la fuite devant lui. La consciencieuse observation des dix commandements de Dieu et des préceptes de l’Église (qui ne sont, eux, que des déterminations pratiques des règles de l’Évangile) est pour chaque individu une incomparable école de discipline individuelle, d’éducation morale et de formation du caractère, une école qui exige beaucoup, mais pas trop. Le Dieu plein de bonté, qui, comme législateur, dit : « Tu dois », donne aussi par Sa grâce « le pouvoir et le faire ». Laisser inutilisées des forces de formation morale d’une efficacité aussi profonde, les exclure même positivement de l’éducation du peuple, c’est contribuer d’une façon injustifiable à la sous-alimentation religieuse de la nation. Livrer la morale à l’opinion subjective des hommes, qui change suivant les fluctuations des temps, au lieu de l’ancrer dans la sainte volonté du Dieu éternel et dans ses commandements, c’est ouvrir la porte toute grande aux forces destructrices. L’abandon, qui en résulte, des éternels principes d’une morale objective, pour l’éducation des consciences, pour l’ennoblissement de tous les domaines et de toutes les organisations de la vie, c’est un péché contre l’avenir du peuple, un péché dont les générations futures devront goûter les fruits amers. » (Encyclique Mit brennender Sorge, 14 mars 1937 – Sur la situation de l’Eglise dans le Reich allemand)

Lettre Quas ante, 3 mai 1937, à S. Em. le Cardinal Auguste HLOND, Archevêque de Gniezno et Poznan, sur le premier Congrès international en l’honneur du Christ-Roi, qui doit se tenir à Poznan

« Nous Nous réjouissons beaucoup des fruits très abondants produits dans toute l’Eglise par Notre Lettre encyclique Quas primas, datant d’environ douze ans, sur la dignité royale de notre Sauveur et l’institution de la fête du Christ-Roi. Parmi ces fruits, c’est avec une joie toute particulière que Nous plaçons le projet, si sage et si salutaire, formé par de nombreux ecclésiastiques, de réunir, à époques fixes, des Congrès en l’honneur du Christ-Roi. Ces assemblées feraient converger tous leurs travaux sur un seul point, à savoir : faire reconnaître par tous les hommes, dans tout l’univers, la dignité royale de notre Rédempteur, et soumettre à l’empire si suave de notre divin Roi la vie publique de tous les peuples. De ces Congrès, les quatre premiers furent célébrés d’une façon plutôt modeste, dans un cadre assez limité. Mais, au mois de juin prochain, le cinquième va réunir, dans l’illustre cité de Poznan, tous ceux qui, dans l’univers catholique, ont au cœur le désir ardent de voir régner le Christ.

Avant toutes choses, c’est ce caractère international (comme on dit) du Congrès de Poznan qui Nous réjouit tout spécialement. Ceux, en effet, qui ne veulent pas du règne du Christ essayent tous les moyens pour entraîner dans leur haine le monde entier ; et, dès lors aussi, les hommes qui, dans toutes les nations et dans tous les peuples, se font un titre de gloire d’être les enfants de ce royaume, ne doivent-ils pas faire tous leurs efforts pour unir leurs entreprises et leurs forces dans le but de former, dans le monde, une seule armée au service du Christ-Roi ? […]

Il faut qu’Il règne ! Par-dessus tout, ayez sans cesse ce but devant votre pensée ; que vos aspirations y tendent avec une inébranlable confiance. Et le Christ doit régner, de telle sorte que non seulement il vive dans l’intérieur de l’âme de chaque homme par la grâce sanctifiante, mais encore de façon à inspirer et à diriger toute la vie publique des peuples, dans la vérité et la justice, grâce à ses serviteurs qui plongent leur regard sur la loi parfaite, la loi de liberté. Ce n’est pas, en effet, aux princes de ce monde de ténèbres, mais à « Celui-là qui, seul, est le Roi immortel des siècles », qu’il a été dit : Je te donnerai les nations pour héritage et pour domaine les extrémités de la terre. » (Lettre Quas ante, 3 mai 1937, à S. Em. le Cardinal Auguste HLOND, Archevêque de Gniezno et Poznan, sur le premier Congrès international en l’honneur du Christ-Roi, qui doit se tenir à Poznan ; in : Actes de S. S. Pie XI, tome 15 (Années 1936-1937), pages 137 à 141)

Pie XII

Allocution à la colonie des Marches, 23 mars 1958

Les catholiques défenseurs de la laïcité invoquent souvent l’autorité de Pie XII, affirmant que ce dernier plaidait en faveur d’une « saine laïcité ». Mais à la réalité cette expression n’a pas dans la pensée de Pie XII le sens qu’ils lui donnent. En effet, voici la citation complète :

« Que vos cités soient une partie vivante de l’Eglise. Il y a des gens, en Italie, qui s’agitent parce qu’ils craignent que le christianisme enlève à César ce qui est à César. Comme si donner à César ce qui lui appartient n’était pas un commandement de Jésus ; comme si la légitime et saine laïcité de l’Etat n’était pas un des principes de la doctrine catholique ; comme si ce n’était pas une tradition de l’Eglise, de s’efforcer continuellement à maintenir distincts, mais aussi toujours unis, selon les justes principes, les deux Pouvoirs ; comme si, au contraire, le mélange entre le sacré et le profane ne s’était pas plus fortement vérifié dans l’histoire quand une portion de fidèles s’était détachée de l’Eglise. » (Allocution à la colonie des Marches, 23 mars 1958)

Avant de répondre sur la signification de ces paroles du Pape, nous tenons à souligner que peu avant et immédiatement après, Pie XII réaffirme la doctrine catholique d’union des sociétés civiles et religieuse :

« Mais l’amour de la patrie peut également dégénérer et devenir un nationalisme excessif et nuisible. Pour que cela n’arrive pas, vous devez viser bien au-delà de la patrie ; vous devez considérer le monde. Mais il n’y a qu’une seule façon de considérer le monde, tout en continuant à aimer sa région et à aimer sa patrie : il faut prendre conscience d’une réalité suprême : l’Eglise. Et il faut en être une partie vivante.

Il faut que chaque individu soit une partie vivante de l’Eglise ; qu’il subordonne tout à la grâce divine qui doit être conservée et accrue ; qu’il soit prêt à surmonter tous les obstacles, à affronter même la mort pour ne pas perdre la foi, pour ne pas perdre la grâce. C’est ce que fit une jeune fille née parmi vous, sur une terre des Marches : Maria Goretti. […]

Les villes seront une partie vivante de l’Eglise, si la vie des individus, la vie des familles, la vie des grandes et petites collectivités y est alimentée par la doctrine de Jésus-Christ, qui est amour de Dieu et est, en Dieu, amour de tout le prochain. »

Alors quid de la « saine et légitime laïcité » dont parle Pie XII ? Il saute aux yeux que dans ce contexte, la seule chose que Pie XII condamne est le gouvernement clérical ou du moins l’empiétement du spirituel en dehors de son champ de compétence. Cela est pareillement affirmé par ses prédécesseurs condamnant la laïcité comme nous venons de le voir. Ici, la notion de « laïcité » est synonyme de « non-clérical » et pas de « non-religieux ». Selon cette définition le pouvoir séculier le plus catholique de tous les temps, le royaume de France sous saint Louis, était laïc. C’est d’ailleurs ce modèle de chrétienté que Pie XII souhaite, comme il le manifestera en de nombreuses occasions, dont la plus importante est à mon sens la suivante : 

Discours au Xe congrès international des sciences historiques du 7 septembre 1955

« L’historien ne devrait pas oublier que, si l’Eglise et l’Etat connurent des heures et des années de lutte, il y eut, de Constantin le Grand jusqu’à l’époque contemporaine et même récente des périodes tranquilles, souvent prolongées, pendant lesquelles ils collaborèrent dans une pleine compréhension à l’éducation des mêmes personnes. L’Eglise ne dissimule pas qu’elle considère en principe cette collaboration comme normale, et qu’elle regarde comme un idéal l’unité du peuple dans la vraie religion et l’unanimité d’action entre elle et l’Etat. » (Discours au Xe congrès international des sciences historiques, 7 septembre 1955)

Il est vrai que Pie XII poursuivait ainsi :

« Mais elle [l’Eglise] sait aussi que depuis un certain temps les événements évoluent plutôt dans l’autre sens, c’est-à-dire vers la multiplicité des confessions religieuses et des conceptions de vie dans une même communauté nationale, où les catholiques constituent une minorité plus ou moins forte.  Il peut être intéressant et même surprenant pour l’Histoire, de rencontrer aux États-Unis d’Amérique un exemple, parmi d’autres, de la manière dont l’Eglise réussit à s’épanouir dans des situations les plus disparates. » (Ibid.)

Mais cette précision ne change rien à ce que l’Eglise considère comme « normal » et comme « l’idéal », par rapport à ce qu’elle tient pour l’exception liée à des « circonstances particulières ». Un état de fait qui tend de plus en plus à la négation du principe laisse néanmoins intact le principe ! Le Pape Pie XII constate simplement la laïcisation progressive et générale des nations où le Christ régnait auparavant de droit et de fait, et il note ensuite que paradoxalement, dans certains pays où le Christ n’avait jamais régné selon la « thèse » catholique, l’Eglise réussit à s’épanouir. Il n’y a aucune différence entre ce qu’exprime Pie XII au sujet de la laïcité en Amérique d’avec ce que disait son prédécesseur Léon XIII qui, comme nous l’avons vu, prescrivait d’accepter ce système pour des raisons de circonstances tout en le condamnant dans l’absolu. Nous voyons ainsi qu’en prônant une « légitime et saine laïcité de l’Etat ». Pie XII ne justifie nullement que les Etats puissent être non-confessionnels, au contraire, il rejoint parfaitement Pie XI qui, comme nous l’avons vu, prenait bien soin de mettre entre guillemets le mot « laïcité », sous entendant qu’un Etat pouvait dans l’absolu recevoir le qualificatif de laïc sans que cela ne soit mauvais – par exemple la France de saint Louis – sans que cela ne signifie en aucune manière la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Pour achever de nous convaincre que le regard de Pie XII sur la laïcité était le même que celui de ses prédécesseurs, et donc contraire à celui de ses successeurs, il nous suffira de prendre connaissance des déclarations suivantes :

Encyclique Summi Pontificatus du 20 octobre 1939 – Sur consécration universelle au Christ-Roi

« La diffusion et l’approfondissement du culte rendu au Divin Cœur du Rédempteur, culte qui trouva son splendide couronnement non seulement dans la consécration de l’humanité, au déclin du siècle dernier, mais aussi dans l’introduction de la fête de la Royauté du Christ par Notre immédiat prédécesseur, d’heureuse mémoire, ont été une source d’indicibles bienfaits pour des âmes sans nombre, un fleuve qui réjouit de ses courants la Cité de Dieu [Ps., XLV, 5]. Quelle époque eu jamais plus grand besoin que la nôtre de ces bienfaits ? Quelle époque fut plus que la nôtre tourmentée de vide spirituel et de profonde indigence intérieure, en dépit de tous les progrès d’ordre technique et purement civil ? Ne peut-on pas lui appliquer la parole révélatrice de l’Apocalypse : Tu dis : je suis riche et dans l’abondance et je n’ai besoin de rien ; et tu ne sais pas que tu es un malheureux, un misérable, pauvre, aveugle et nu [Apoc., III, 17] ?

Vénérables Frères, peut-il y avoir un devoir plus grand et plus urgent que d’annoncer les insondables richesses du Christ [Eph., III, 8] aux hommes de notre temps ? Et peut-il y avoir chose plus noble que de déployer les Etendards du Roi – Vexilla Regis – devant ceux qui ont suivi et suivent des emblèmes trompeurs, et de regagner au drapeau victorieux de la Croix ceux qui l’ont abandonné ? […]

La reconnaissance des droits royaux du Christ et le retour des individus et de la société à la loi de sa vérité et de son amour sont la seule voie de salut. […]

Le saint Evangile raconte que, quand Jésus fut crucifié, les ténèbres se firent sur toute la terre (Matth., XXVII, 45) : effrayant symbole de ce qui est arrivé et arrive encore dans les esprits, partout où l’incrédulité aveugle et orgueilleuse d’elle-même a de fait exclu le Christ de la vie moderne, spécialement de la vie publique, et avec la foi au Christ a ébranlé aussi la foi en Dieu. Les valeurs morales selon lesquelles, en d’autres temps, on jugeait les actions privées et publiques sont tombées, par voie de conséquence, comme en désuétude; et la laïcisation si vantée de la société, qui a fait des progrès toujours plus rapides, soustrayant l’homme, la famille et l’Etat à l’influence bienfaisante et régénératrice de l’idée de Dieu et de l’enseignement de l’Eglise, a fait réapparaître, même dans des régions où brillèrent pendant tant de siècles les splendeurs de la civilisation chrétienne, les signes toujours plus clairs, toujours plus distincts, toujours plus angoissants d’un paganisme corrompu et corrupteur : les ténèbres se firent tandis qu’ils crucifiaient Jésus (Brev. Rom., Parascev., respons. IV). […]

Vénérables Frères, si l’oubli de la loi de charité universelle, qui seule peut consolider la paix en éteignant les haines et en atténuant les rancœurs et les oppositions, est la source de maux très graves pour la pacifique vie en commun des peuples, il est une autre erreur non moins dangereuse pour le bien-être des nations et la prospérité de la grande société humaine qui rassemble et embrasse dans ses limites toutes les nations: c’est l’erreur contenue dans les conceptions qui n’hésitent pas à délier l’autorité civile de toute espèce de dépendance à l’égard de l’Etre suprême, cause première et maître absolu, soit de l’homme soit de la société, et de tout lien avec la loi transcendante qui dérive de Dieu comme de sa première source. De telles conceptions accordent à l’autorité civile une faculté illimitée d’action, abandonnée aux ondes changeantes du libre arbitre ou aux seuls apostolats d’exigences historiques contingentes et d’intérêts s’y rapportant.

L’autorité de Dieu et l’empire de sa loi étant ainsi reniés, le pouvoir civil, par une conséquence inéluctable, tend à s’attribuer cette autorité absolue qui n’appartient qu’au Créateur et Maître suprême, et à se substituer au Tout-Puissant, en élevant l’État ou la collectivité à la dignité de fin ultime de la vie, d’arbitre souverain de l’ordre moral et juridique, et en interdisant de ce fait tout appel aux principes de la raison naturelle et de la conscience chrétienne.

Nous ne méconnaissons pas, il est vrai, que par bonheur, des principes erronés n’exercent pas toujours entièrement leur influence, surtout quand les traditions chrétiennes, plusieurs fois séculaires dont les peuples se sont nourris restent encore profondément – quoique inconsciemment – enracinées dans les cœurs. Toutefois, il ne faut pas oublier l’essentielle insuffisance et fragilité de toute règle de vie sociale qui reposerait sur un fondement exclusivement humain, s’inspirerait de motifs exclusivement terrestres, et placerait sa force dans la sanction d’une autorité simplement externe.

Là où est niée la dépendance du droit humain à l’égard du droit divin, là où l’on ne fait appel qu’à une vague et incertaine idée d’autorité purement terrestre, là où l’on revendique une autonomie fondée seulement sur une morale utilitaire, le droit humain lui-même perd justement dans ses applications les plus onéreuses l’autorité morale qui lui est nécessaire, comme condition essentielle, pour être reconnu et pour postuler même des sacrifices.

Il est bien vrai que le pouvoir fondé sur des bases aussi faibles et aussi vacillantes peut obtenir parfois, par le fait de circonstances contingentes, des succès matériels capables de susciter l’étonnement d’observateurs superficiels. Mais vient le moment où triomphe l’inéluctable loi qui frappe tout ce qui a été construit sur une disproportion, ouverte ou dissimulée, entre la grandeur du succès matériel et extérieur et la faiblesse de la valeur interne et de son fondement moral : disproportion qui se rencontre toujours, là où l’autorité publique méconnaît ou renie l’empire du Législateur suprême qui, s’il a donné la puissance aux gouvernants, en a aussi assigné et déterminé les limites.

La souveraineté civile, en effet, a été voulue par le Créateur (comme l’enseigne sagement Notre grand prédécesseur Léon XIII dans l’Encyclique Immortale Dei), afin qu’elle réglât la vie sociale selon les prescriptions d’un ordre immuable dans ses principes universels, qu’elle rendît plus aisée à la personne humaine, dans l’ordre temporel, l’obtention de la perfection physique, intellectuelle et morale, et qu’elle l’aidât à atteindre sa fin surnaturelle.

C’est par conséquent la noble prérogative et la mission de l’Etat, que de contrôler, aider et régler les activités privées et individuelles de la vie nationale, pour les faire converger harmonieusement vers le bien commun, lequel ne peut être déterminé par des conceptions arbitraires, ni trouver sa loi primordiale dans la prospérité matérielle de la société, mais bien plutôt dans le développement harmonieux et dans la perfection naturelle de l’homme, à quoi le Créateur a destiné la société en tant que moyen.

Considérer l’Etat comme une fin à laquelle toute chose doive être subordonnée et orientée ne pourrait que nuire à la vraie et durable prospérité des nations. Et c’est ce qui arrive, soit quand un tel empire illimité est attribué à l’Etat, considéré mandataire de la nation, du peuple, de la famille ethnique ou encore d’une classe sociale, soit quand l’Etat y prétend en maître absolu, indépendamment de toute espèce de mandat.

En effet, si l’Etat s’attribue et ordonne à soi les initiatives privées, celles-ci régies comme elles le sont par des règles internes délicates et complexes, garantissant et assurant l’obtention du but qui leur est propre, peuvent être lésées au détriment du bien public lui-même, du fait qu’elles se trouvent exclues de leur milieu naturel, autrement dit de leurs propres responsabilités et de leurs activités privées. » (Encyclique Summi Pontificatus, 20 octobre 1939 – Sur consécration universelle au Christ-Roi)

Concordat avec le Portugal et félicitations à Antonio de OLIVEIRA-SALAZAR, Président du Portugal (1940)

Antonio de OLIVEIRA-SALAZAR accorda un appui si puissant à l’Eglise qu’il lui permit de retrouver un rayonnement considérable. Il signa un Concordat avec le Saint-Siège le 7 mai 1940 :

« Sa Sainteté le pape Pie XII et S. Exc. le président de la République portugaise, voulant préciser d’un commun accord et d’une manière durable la situation juridique de l’Eglise catholique au Portugal, pour la paix et le plus grand bien de l’Eglise et de l’Etat, ont résolu de conclure entre eux une convention solennelle qui reconnaisse et garantisse la liberté de l’Eglise et protège les légitimes intérêts de la nation portugaise également en tout ce qui concerne les missions catholiques et le patronat en Orient. »

Ce Concordat, tout en ne faisant pas du catholicisme la religion de l’Etat, garantissait une entière liberté à l’Eglise pour l’exercice de son ministère, il rétablit par exemple l’enseignement de la religion et de la morale catholique même dans les écoles publiques, ou encore le respect du caractère indissoluble du mariage catholique et l’interdiction du divorce. Pie XII loua publiquement SALAZAR de la manière suivante :

« Le Seigneur a donné à la nation portugaise un chef de gouvernement qui a su conquérir non seulement l’amour de son peuple, et spécialement des classes les plus pauvres, mais aussi le respect et l’estime du monde. A lui revient le mérite d’avoir été, de la part de ce gouvernement, sous les auspices de l’éminent président de la République, l’artisan d’une grande oeuvre de paix entre l’Etat et l’Eglise, cette société parfaite et suprême, dont l’action bienfaisante, après les tristes expériences faites dans un passé trouble, pourra maintenant s’exercer en assurance au milieu du bien-aimé peuple portugais. Il Nous a semblé que la reconnaissance formelle et la garantie d’un libre et fécond apostolat dans la mère-patrie et dans les terres d’outre-mer, en faveur des âmes qui attendent encore le salut, était chose plus importante, plus précieuse, plus agréable au Seigneur, que n’importe quel autre bien ou avantage matériel et terrestre. Nous avons confiance dans la sagesse de l’épiscopat, dans le zèle du clergé séculier et régulier, dans la ferveur de Nos chers fils et filles du Portugal, particulièrement de ceux qui se dévouent dans les rangs de l’Action catholique ; Nous espérons donc fermement que, dans une noble fidélité à l’Eglise et à la patrie, en faisant courageusement face aux difficultés et aux sacrifices, qu’apporte ordinairement avec soi l’instauration d’un nouvel ordre de choses, ils mettront tout en oeuvre, pour animer les articles des deux pactes solennels — concordat et accord missionnaire — conclus entre l’Eglise et l’Etat, d’un souffle de vie joyeux, palpitant, conquérant, qui en fera une réalité féconde. » (Allocution au nouvel ambassadeur du Portugal, 20 octobre 1940)

Allocution à un groupe de jeunes filles de l’Action Catholique italienne du 6 octobre 1940

« L’une de vos grandes tâches consistera à répandre la doctrine du Christ. Dans le monde présent domine largement le « laïcisme » qui représente l’effort de l’homme pour se passer de Dieu ; tendance vaine et entreprise impie qui revêt, selon les temps et les pays, divers aspects et divers noms : indifférence, négligence, mépris, révolte ou haine. Ces derniers et plus mauvais sentiments ne se trouvent pas, grâce à Dieu, du moins fréquemment, au sein des familles italiennes imprégnées et nourries de christianisme depuis des siècles ; mais trop souvent, même ici, comme en d’autres pays, le développement, le progrès, la diffusion des sciences et des arts mécaniques, le progrès du bien-être matériel n’ont pas été sans faire naître chez beaucoup l’indifférence croissante à l’égard de Dieu et des choses divines. En se croyant, pour avoir conquis de plus grands biens ici-bas, moins dans la dépendance immédiate du Créateur et du souverain Maître, les hommes ingrats oublient que tout est un don de Dieu, même les forces de la nature qu’ils subjuguent, ainsi que leurs facultés intellectuelles et leurs bras qui sont les armes de leurs succès et de leurs victoires.

En d’autres temps — non exempts eux aussi de faiblesses et de déviations — la foi religieuse pénétrait et envahissait la vie sociale et encore plus la vie familiale avec les murs ornés du crucifix, d’images et souvenirs pieux. La littérature et les arts du foyer domestique s’inspiraient des récits bibliques ; les noms des saints protecteurs désignaient les cités et les bourgades, les montagnes et les sources ; les routes des campagnes et les coins des rues présentaient au regard des passants les images du Christ en croix et de sa Mère bénie. Il semblait que tout, l’air lui-même, parlât du Seigneur : en sorte que l’homme vivait comme en contact avec Dieu dans la pensée de son universelle présence et de sa souveraine puissance. La cloche de l’Eglise le réveillait, l’invitait au divin sacrifice, à la triple salutation angélique, aux cérémonies sacrées ; elle réglait l’ordre des travaux quotidiens comme la voix du prêtre en assurait le consciencieux accomplissement. » (Allocution à un groupe de jeunes filles de l’Action Catholique italienne, 6 octobre 1940)

Radiomessage du 1er juin 1941 pour le cinquantenaire de l’encyclique Rerum novarum

« Incontestable en revanche est la compétence de l’Eglise dans cette part de l’ordre social qui entre en contact avec la morale, pour juger si les bases d’une organisation sociale donnée sont conformes à l’ordre immuable des choses que Dieu a manifesté par le droit naturel et la Révélation, double manifestation dont se réclame Léon XIII dans son encyclique. Et avec raison : les principes du droit naturel et les vérités révélées viennent, en effet, par des voies diverses, comme deux courants non contraires, mais convergents, de la même source divine ; et l’Eglise gardienne de l’ordre surnaturel chrétien, dans lequel s’unissent nature et grâce, a la mission de former les consciences, les consciences donc aussi de ceux qui sont appelés à trouver des solutions pour les problèmes et les devoirs imposés par la vie sociale. De la forme donnée à la société, en harmonie ou non avec les lois divines, dépend et s’infiltre le bien ou le mal des âmes, c’est-à-dire si les hommes, appelés tous à être vivifiés par la grâce du Christ, respireront dans les contingences terrestres du cours de leur vie l’air sain et vivifiant de la vérité et des vertus morales, ou le microbe morbide et souvent mortel de l’erreur et de la dépravation. Devant de telles considérations et prévisions, comment pourrait-il être permis à l’Eglise, Mère si aimante et si soucieuse du bien de ses fils, de rester indifférente à la vue de leurs dangers, de se taire, ou de faire comme si elle ne voyait pas et ne comprenait pas des conditions sociales qui, volontairement ou non, rendent ardue ou pratiquement impossible une conduite chrétienne, conforme aux commandements du souverain Législateur ? » (Radiomessage du 1er juin 1941 pour le cinquantenaire de l’encyclique Rerum novarum, Documents pontificaux de Sa Sainteté Pie XII (année 1941), Saint-Maurice (Suisse), éditions Saint-Augustin, p.144)

Radiomessage de Noël du 24 décembre 1941

Le radiomessage de Noël expose les causes du conflit et les principes essentiels sur lesquels devra être reconstruit le nouvel ordre international :

« La cause n’en est pas la faillite du christianisme…

Quand on recherche les causes des ruines actuelles, devant lesquelles l’humanité qui les contemple reste perplexe, il n’est pas rare d’entendre affirmer que le christianisme a failli à sa mission. De qui et d’où vient une semblable accusation ? Serait-ce de ces apôtres, gloire du Christ, de ces héroïques zélateurs de la foi et de la justice, de ces pasteurs et de ces prêtres, hérauts du christianisme, qui, à travers persécutions et martyres, civilisèrent la barbarie et la jetèrent à genoux devant l’autel du Christ, donnèrent naissance à la civilisation chrétienne, sauvèrent les restes de la sagesse et de l’art d’Athènes et de Rome, unirent les peuples sous le nom chrétien, répandirent le savoir et la vertu, élevèrent la croix sur les pinacles aériens et sur les voûtes des cathédrales, images du ciel, monuments de foi et de piété, qui dressent encore leur tête vénérable parmi les ruines de l’Europe ? Non : le christianisme, dont la force dérive de Celui qui est Voie, Vérité et Vie, qui est et sera avec lui jusqu’à la consommation des siècles, n’a pas failli à sa mission, mais les hommes se sont révoltés contre le christianisme vrai et fidèle au Christ et à sa doctrine ; ils se sont forgé un christianisme à leur guise, une nouvelle idole qui ne sauve pas, qui ne s’oppose pas aux passions de la concupiscence de la chair, à l’avidité de l’or et de l’argent qui fascine les yeux, à l’orgueil de la vie, une nouvelle religion sans âme ou une âme sans religion, un masque de christianisme mort privé de l’esprit du Christ ; et ils ont proclamé que le christianisme a failli à sa mission.

mais la déchristianisation progressive des individus et des sociétés…

Fouillons au fond de la conscience de la société moderne, recherchons la racine du mal : où la trouvons-nous ? Sans doute ici non plus Nous ne voulons pas passer sous silence la louange qui est due à la sagesse des gouvernants qui ont ou toujours favorisé ou voulu et su remettre en honneur, pour le bien du peuple, les valeurs de la civilisation chrétienne, par d’heureux rapports entre l’Eglise et l’Etat, par la protection de la sainteté du mariage et par l’éducation religieuse de la jeunesse. Mais Nous ne pouvons fermer les yeux à la triste vision de la progressive déchristianisation individuelle et sociale qui du relâchement des moeurs est passée à l’affaiblissement et à la négation ouverte de vérités et de forces destinées à éclairer les intelligences sur le bien et sur le mal, à fortifier la vie familiale, la vie privée, la vie des Etats et la vie publique. Une anémie religieuse se répandant comme une maladie contagieuse a ainsi frappé de nombreux peuples d’Europe et du monde, et fait dans les âmes un tel vide moral qu’aucun succédané religieux, aucune mythologie nationale ni internationale ne pourrait le combler. Par les paroles, par les actions, par les mesures prises pendant des dizaines et des centaines d’années, qu’a-t-on su faire de mieux ou de pire qu’arracher des coeurs des hommes, de l’enfance à la vieillesse, la foi en Dieu, Créateur et Père de tous, rémunérateur du bien et vengeur du mal, en dénaturant l’éducation et l’instruction, en combattant et en opprimant la religion et l’Eglise du Christ de toutes façons et par tous les moyens, par la diffusion de la parole et de la presse, par l’abus de la science et du pouvoir ?

… et ses conséquences sur tous les plans.

L’esprit, une fois entraîné dans le gouffre moral pour s’être éloigné de Dieu et de la pratique chrétienne, les pensées, les projets, les entreprises des hommes, leur estimation des choses, leur action et leur travail n’avaient plus d’autre issue que de se tourner et de regarder vers le monde matériel ; leurs fatigues et leurs peines, plus d’autre but que se dilater dans l’espace pour grandir plus que jamais au-delà de toute limite dans la conquête des richesses et de la puissance, rivaliser de vitesse à produire plus et mieux tout ce que l’avancement et le progrès matériels semblaient exiger. D’où, dans la politique, la prévalenoe d’un élan effréné vers l’expansion et le pur crédit politique, sans souci de la morale ; dans l’économie, la domination des grandes et gigantesques entreprises et groupements ; dans la vie sociale, Paffluence et l’entassement des masses d’hommes, en pénible surabondance, dans les grandes villes et dans les centres d’industrie et de commerce et cette instabilité qui suit et accompagne toute multitude d’hommes qui change de maison et de résidence, de pays et de métier, de passions et d’amitiés.

Il s’ensuivit alors que les rapports mutuels de la vie sociale prirent un caractère purement physique et mécanique. Au mépris de toute mesure et de tous égards raisonnables, l’empire de la contrainte extérieure, le simple fait de la possession du pouvoir remplacèrent les règles de l’ordre qui doit régir la vie sociale des hommes, règles qui, émanées de Dieu, établissent quelles sont les relations naturelles et surnaturelles qui existent entre le droit et l’amour envers les individus et la société. La majesté, la dignité de la personne humaine et des sociétés particulières furent blessées, ravalées, supprimées par l’idée de la force qui crée le droit ; la propriété privée devint pour les uns un pouvoir dirigé vers l’exploitation du travail d’autrui, chez les autres, elle engendra la jalousie, l’intolérance et la haine ; l’organisation qui en résultait se transforma en puissante arme de combat pour faire prévaloir des intérêts de parti. Dans certains pays, une conception athée ou antichrétienne de l’Etat lia tellement à elle l’individu de ses vastes tentacules, qu’elle en vint à le priver presque d’indépendance dans la vie privée autant que dans la vie publique.

Qui pourra s’étonner aujourd’hui qu’une telle opposition radicale aux principes de la doctrine chrétienne en arriva enfin à se transformer en un choc violent de tensions internes et externes, au point de conduire à une extermination de vies humaines, à une destruction de biens, comme celles que Nous voyons et auxquelles Nous assistons avec une peine profonde ? Funeste conséquence et fruit des conditions sociales que Nous venons de décrire, la guerre, loin d’en arrêter l’influence et le développement, les favorise, les accélère et les amplifie, avec des effets d’autant plus ruineux qu’elle dure davantage, rendant la catastrophe encore plus générale. […]

… le remède à cette situation est dans le retour à la foi.

En face de l’ampleur du désastre engendré par les erreurs que Nous venons d’indiquer, il n’y a pas d’autre remède que le retour au pied des autels, où d’innombrables générations de croyants ont puisé dans le passé la bénédiction et l’énergie morale de l’accomplissement de leurs devoirs ; le retour à la foi qui éclairait individus et sociétés et enseignait quels sont les droits et les devoirs de chacun, le retour aux sages et inébranlables normes d’un ordre social qui, sur le terrain national comme sur le terrain international, dressent une barrière efficace contre l’abus de la liberté non moins que contre l’abus du pouvoir. Mais il faudra que le rappel à ces sources bienfaisantes résonne bien haut, insistant, universel, à l’heure où l’ancienne organisation sera sur le point de disparaître et de céder le pas et la place à une organisation nouvelle.

Les bases de la reconstruction future.

La future reconstruction pourra présenter et donner de précieuses facilités pour promouvoir le bien, facilités qui ne seront pas exemptes, cependant, du danger de tomber dans l’erreur, et par l’erreur de favoriser le mal. Elle exigera un sérieux plein de prudence et une mûre réflexion, non seulement à cause de la gigantesque difficulté de l’oeuvre, mais encore à cause des graves conséquences qu’entraînerait sa faillite tant dans le domaine matériel que dans le domaine spirituel. Elle exigera des intelligences aux vues larges et des volontés aux fermes résolutions, des hommes courageux et actifs, mais surtout, et avant tout, des consciences qui, dans les projets, les délibérations, les actions soient animées, poussées et soutenues par un sens aigu des responsabilités, et ne refusent pas de s’incliner devant les saintes lois de Dieu ; car si, à la vigueur organisatrice dans l’ordre matériel ne s’unissent pas une souveraine pondération et une intention sincère dans l’ordre moral, il n’est pas douteux qu’on verra se vérifier la sentence de saint Augustin : Bene currunt, sed in via non currunt. Quanto plus currunt, plus errant, quia a via recedunt, « ils courent bien, mais ils courent à côté du chemin ; plus ils courent, plus ils s’égarent, car ils s’éloignent du chemin » (Serm. CXLI, c. IV ; Migne, P. t. LXXXIII, col. 777).

Ce ne serait pas la première fois que des hommes, s’apprêtant à se couronner des lauriers de victoires militaires, aient songé à donner au monde une nouvelle organisation, en indiquant de nouvelles voies qui conduiraient selon eux au bien-être, à la prospérité et au progrès. Mais chaque fois qu’ils cédèrent à la tentation d’imposer leur construction contre ce que prescrivait la raison, la modération, la justice et un noble sens de l’humanité, ils se trouvèrent par terre, tout étonnés à contempler les ruines d’espérances déçues et de projets avortés. L’histoire enseigne que les traités de paix conclus dans un esprit et à des conditions opposés soit aux prescriptions morales soit à une authentique sagesse politique, n’eurent jamais qu’une vie misérable et brève, mettant ainsi à nu et témoignant une erreur de calcul, humaine, sans doute, mais non moins funeste pour cela.

Les ruines de cette guerre sont maintenant trop considérables pour qu’on y ajoute encore celles d’une paix frustrée et trompeuse. Aussi, pour éviter un tel malheur, faut-il qu’avec une parfaite sincérité de volonté et d’énergie, et résolus à une généreuse contribution, viennent y coopérer, non seulement tel ou tel parti, non seulement tel ou tel pays, mais tous les peuples et l’humanité entière. C’est une entreprise universelle de bien commun qui requiert la collaboration de la chrétienté pour les aspects religieux et moraux du nouvel édifice que l’on veut construire.

Le rétablissement de la loi morale.

Nous faisons, par conséquent, usage d’un droit qui est Nôtre ou, pour mieux dire, Nous remplissons un de Nos devoirs si aujourd’hui, à la veille de Noël, divine aurore d’espérance et de paix pour le monde, avec l’autorité de Notre ministère apostolique et la chaude incitation de Notre coeur, Nous appelons l’attention et la méditation de l’univers entier sur les périls qui guettent et menacent une paix qui soit la base appropriée d’un nouvel ordre de choses et réponde à l’attente et aux voeux des peuples pour un plus tranquille avenir.

Cette nouvelle organisation, que tous les peuples aspirent à voir réalisée, après les épreuves et les ruines de cette guerre, devra être élevée sur le rocher inébranlable et immuable de la loi morale, manifestée par le Créateur lui-même au moyen de la loi naturelle et inscrite par lui dans le coeur des hommes en caractères ineffaçables ; loi morale dont l’observance doit être inculquée et favorisée par l’opinion publique de toutes les nations et de tous les Etats avec une telle unanimité de voix et de force que personne ne puisse oser la mettre en doute ou en atténuer l’obligation.

Comme un phare resplendissant, elle doit par les rayons de ses principes diriger l’activité des hommes et des Etats qui auront à en suivre les salutaires et bienfaisantes admonitions et indications, s’ils ne veulent pas condamner à la tempête et au naufrage tout travail et tout effort pour établir une nouvelle organisation. Résumant donc et complétant ce qui fut exposé par Nous en d’autres occasions 4, Nous insistons, aujourd’hui encore, sur certains présupposés essentiels d’un ordre international qui assure à tous les peuples une paix juste et durable, féconde de bien-être et de prospérité.

Les principes essentiels d’un ordre international : respect de la liberté de tous les Etats…

[…]

. respect de Dieu et de l’Eglise.

5° Dans le domaine d’une nouvelle organisation fondée sur les principes moraux, il n’y a pas de place pour la persécution de la religion et de l’Eglise. D’une foi vive en un Dieu personnel transcendant se dégage une franche et résistante vigueur morale qui donne le ton à tout le cours de la vie ; car la foi n’est pas seulement une vertu : elle est la porte divine par laquelle entrent dans le temple de l’âme toutes les vertus qui forment ce caractère fort et tenace qui ne vacille pas dans les épreuves de la raison et de la justice. Cela vaut en tout temps ; mais cela doit resplendir bien plus encore quand de l’homme d’Etat comme du dernier des citoyens on exige le maximum de courage et d’énergie morale pour reconstruire une nouvelle Europe et un nouveau monde sur les ruines que, par sa violence, par la haine et la division des âmes, le conflit mondial a accumulées.

Quant à la question sociale en particulier, qui à la fin de la guerre se présentera d’une façon plus aiguë, Nos prédécesseurs et Nous-même avons indiqué les principes de sa solution ; mais il faut remarquer que ceux-ci ne pourront être totalement suivis et donner leur plein fruit que si hommes d’Etat et peuples, employeurs et ouvriers sont animés de la foi en un Dieu personnel, législateur et juge, auquel ils doivent répondre de leurs actions. Car si l’incrédulité qui se dresse contre Dieu ordonnateur de l’univers est la plus dangereuse ennemie d’un équitable ordre nouveau, en revanche, chaque homme qui croit en Dieu, en est un puissant soutien et champion. Quiconque a foi au Christ, à sa divinité, à sa loi, à son oeuvre d’amour et de fraternité parmi les hommes, apportera des éléments particulièrement précieux à la reconstruction sociale ; à plus forte raison en porteront davantage les hommes d’Etat, s’ils se montrent prompts à ouvrir largement les portes et à aplanir le chemin à l’Eglise du Christ, afin qu’elle puisse, librement et sans entraves, mettre ses énergies surnaturelles au service ‘de l’entente entre les peuples et de la paix, et coopérer ainsi, avec son zèle et son amour, à la tâche immense de guérir les blessures de la guerre.

Liberté pour l’action religieuse.

Aussi est-il pour Nous inexplicable que dans certains pays de multiples dispositions entravent la voie au message de la foi chrétienne, tandis qu’elles ouvrent un large et libre passage à une propagande qui la combat. Elles soustraient la jeunesse à la bienfaisante influence de la famille chrétienne et l’écartent de l’Eglise ; elles l’éduquent dans un esprit opposé au Christ, lui inculquant des conceptions, des maximes et des pratiques antichrétiennes ; elles rendent pénible et agité le travail de l’Eglise dans le ministère des âmes et dans les oeuvres de bienfaisance ; elles méconnaissent et rejettent son influence sur l’individu et la société ; toutes mesures qui, loin d’avoir été mitigées ou abolies au cours de la guerre, n’ont fait, au contraire, qu’empirer à bien des égards. Que tout cela, et autre chose encore, puisse être continué au milieu des souffrances de l’heure présente, c’est un triste signe de l’esprit dans lequel les ennemis de l’Eglise imposent aux fidèles, outre tous les autres sacrifices qui ne sont pas légers, le poids douloureux d’une anxiété pleine d’amertume qui s’appesantit sur les consciences.

Dieu Nous est témoin que Nous aimons d’une égale affection tous les peuples, sans aucune exception ; et c’est pour éviter jusqu’à l’apparence d’être guidé par l’esprit de parti que Nous Nous sommes imposé jusqu’ici la plus grande réserve ; mais les dispositions prises contre l’Eglise et les fins qu’elles se proposent sont maintenant telles que Nous Nous sentons obligé, au nom de la vérité, de parler pour empêcher qu’il ne s’ensuive par malheur un trouble dans les âmes des fidèles.

La Rome chrétienne, phare de la civilisation.

Nous contemplons aujourd’hui, chers fils, l’Homme-Dieu, né dans une grotte pour rétablir l’homme dans la grandeur dont il était déchu par sa faute, pour le replacer sur le trône de liberté, de justice et d’honneur que les siècles des faux dieux lui avaient refusé. Le fondement de ce trône sera le Calvaire, son ornement ne sera pas l’or ou l’argent, mais le sang du Christ, sang divin qui depuis vingt siècles coule sur le monde et empourpre les joues de son épouse, l’Eglise, et, purifiant, consacrant, sanctifiant, glorifiant ses fils, se transforme en céleste candeur.

O Rome chrétienne, ce sang-là est ta vie : c’est par ce sang-là que tu es grande et que tu éclaires même les restes et les ruines de ta grandeur païenne, que tu purifies et consacres les codes de la sagesse juridique des préteurs et des Césars. Tu es la mère d’une justice plus haute et plus humaine, qui t’honore, qui honore le lieu où tu sièges et ceux qui t’écoutent. Tu es un phare de civilisation, et l’Europe civilisée et le monde te doivent ce qu’il y a de plus sacré et de plus saint, de plus sage et de plus honnête chez tous les peuples, ce qui les exalte et fait la beauté de leur histoire. Tu es mère de la charité : tes fastes, tes monuments, tes hospices, tes monastères et tes couvents, tes héros et tes héroïnes, tes prédicateurs et tes missionnaires, les divers âges et siècles de ton histoire avec leurs écoles et leurs universités, témoignent de ta charité qui embrasse tout, supporte tout, espère tout, entreprend tout pour se faire tout à tous, pour réconforter tous les hommes et les consoler, les guérir et les appeler à la liberté donnée à l’homme par le Christ, les pacifier tous dans cette paix qui rend les peuples frères et fait de tous les hommes, quels que soient les cieux qui les abritent, la langue ou les coutumes qui les distinguent, une seule famille, et du monde une patrie commune.

Noël, route d’espérance.

De cette Rome, centre, rocher et maîtresse du christianisme, de cette cité que le Christ, bien plus que les Césars, a immortalisée dans le temps, Nous, poussé par le désir vif et ardent du bien de chaque peuple et de l’humanité tout entière, Nous adressons à tous Notre parole, priant et demandant avec instance que ne tarde pas à venir le jour où, dans tous les lieux où aujourd’hui l’hostilité contre Dieu et le Christ entraîne les hommes à la ruine temporelle et éternelle, prévaudront des connaissances religieuses plus étendues et de nouvelles résolutions ; le jour où sur la crèche de la nouvelle organisation des peuples resplendira l’étoile de Bethléem, annonciatrice d’un nouvel esprit qui poussera à chanter avec les anges : Gloria in excelsis Deo, et à proclamer à toutes les nations, en recevant le don enfin accordé par le ciel : Pax hominibus bonae voluntatis. Quand se lèvera l’aurore de ce jour, avec quelle joie, nations et gouvernants, l’âme délivrée de la crainte d’embûches et de reprises de conflits, transformeront les épées qui auront déchiré des poitrines humaines en charrues qui traceront leur sillon au soleil de la bénédiction divine dans le sein fécond de la terre, pour en faire sortir un pain arrosé de sueur, c’est vrai, mais non plus de sang et de larmes !

Voeux du Saint-Père.

C’est dans cette attente et avec cette anxieuse prière sur les lèvres, que Nous adressons Notre salut et Notre Bénédiction à tous Nos fils de l’univers entier. Que Notre Bénédiction descende plus large sur ceux — prêtres, religieux et laïques — qui souffrent peines et tribulations pour leur foi ; qu’elle descende aussi sur ceux qui, sans appartenir au corps visible de l’Eglise catholique, Nous sont proches par la foi en Dieu et en Jésus-Christ, et sont d’accord avec Nous sur l’organisation et les buts fondamentaux de la paix ; qu’elle descende, avec une émotion et une affection particulière sur tous ceux qui gémissent dans la tristesse, dans la dure angoisse des souffrances de cette heure. Qu’elle serve de bouclier à ceux qui sont sous les armes, de remède aux malades et aux blessés, de réconfort aux prisonniers, à ceux qui ont été chassés du pays natal, éloignés du foyer domestique, déportés en terre étrangère, aux millions de malheureux qui luttent à toute heure contre les terribles morsures de la faim. Qu’elle soit un baume pour toute douleur et pour toute infortune ; qu’elle soit un soutien et une consolation pour tous ceux qui, dans la misère et dans le besoin, attendent une parole amie qui verse dans leur coeur la force, le courage, la douceur de la compassion et de l’aide fraternelle. Que Notre Bénédiction se pose enfin sur les âmes et les mains compatissantes qui, au prix d’inépuisables et généreux sacrifices, Nous ont donné de quoi pouvoir, au-delà des limites étroites de Nos propres moyens, sécher les larmes, adoucir la pauvreté de beaucoup, spécialement des plus pauvres et des plus abandonnés parmi les victimes de la guerre, donnant ainsi la preuve que la bonté et la bénignité de Dieu, dont la suprême et ineffable révélation est l’Enfant de la crèche qui a voulu Nous enrichir de sa pauvreté, ne cessent jamais à travers les âges et les calamités d’être vivantes et opérantes dans l’Eglise. » (Radiomessage de Noël du 24 décembre 1941)

Radiomessage de Noël du 24 décembre 1942

« Une claire intelligence des bases normales de toute vie sociale est d’une importance capitale, aujourd’hui plus que jamais, alors que l’humanité empoisonnée par le virus d’erreurs ou de perversions sociales, tourmentée par la fièvre de désirs, de doctrines, de tendances divergents, se débat avec angoisse dans le désordre qu’elle-même a créé et ressent les effets de la force destructrice d’idées sociales erronées, qui laissent de côté les lois de Dieu ou sont en opposition avec elles. Et comme le désordre ne peut être vaincu que par un ordre qui ne soit pas simplement imposé et factice (tout comme l’obscurité qui, avec l’abattement et la peur qu’elle engendre, ne peut être chassée que par la lumière et non par la lueur de feux follets) ; le salut, la restauration et une amélioration progressive ne peuvent s’attendre et ne peuvent naître que d’un retour de groupements larges et influents à de justes conceptions sociales ; retour qui requiert à la fois une grâce extraordinaire de Dieu et une volonté inébranlable, disposée et prête au sacrifice, de la part d’esprits honnêtes et clairvoyants. De ces groupements plus influents et plus ouverts, capables de saisir et d’apprécier la séduisante beauté de justes lois sociales, passera et pénétrera ensuite dans les foules la conviction de l’origine véritable, divine et spirituelle, de la vie sociale, ouvrant ainsi la voie au renouveau, au progrès, à l’affermissement de ces conceptions morales, sans lesquelles les plus orgueilleuses réalisations ne représenteront qu’une tour de Babel dont les habitants, bien qu’enfermés dans une enceinte commune, parlent des langues diverses et opposées.

Dieu, cause première et ultime fondement de la vie individuelle et sociale.

De la vie individuelle et sociale, il convient de monter à Dieu, cause première et dernier fondement, en tant que Créateur de la première société conjugale, source de la société familiale, de la société des peuples et des nations. Reflétant bien qu’imparfaitement son modèle, Dieu un en trois personnes, qui, par le mystère de l’Incarnation, a racheté et exalté la nature humaine, la vie sociale, dans son idéal et dans sa fin, possède, à la lumière de la raison et de la Révélation, une autorité morale et un caractère absolu qui domine toutes les vicissitudes des temps ; elle est une force d’attraction qui, loin d’être mortifiée et amoindrie par les déceptions, les erreurs et les échecs, pousse irrésistiblement les esprits les plus nobles et les plus fidèles au Seigneur, à reprendre avec une énergie retrempée, avec de nouvelles connaissances, avec de nouvelles études et d’autres moyens et méthodes, ce qui, en d’autres temps et en d’autres circonstances, avait été vainement tenté.

Développement et perfectionnement de la personne humaine.

L’origine et le but essentiel de la vie sociale doit être la conservation, le développement et le perfectionnement de la personne humaine qu’elle aide à mettre correctement en oeuvre les règles et les valeurs de la religion et de la culture, assignées par le Créateur à chaque homme et à toute l’humanité, soit dans son ensemble, soit dans ses ramifications naturelles.

Toute doctrine ou toute construction sociale qui exclut cet aspect intérieur, l’essentielle connexion avec Dieu de tout ce qui regarde l’homme ou qui seulement la néglige, fait fausse route, et, tout en construisant d’une main, prépare de l’autre les moyens qui, tôt ou tard, saperont et détruiront l’ouvrage. Quand, au mépris des égards dus à la personne et à la vie qui lui est propre, elle ne lui réserve aucune place dans son organisation, dans son activité législative et exécutive, loin de servir la société, elle la lèse ; loin de promouvoir et d’informer la pensée sociale, d’en réaliser les attentes et les espérances, elle lui ôte toute valeur intrinsèque en l’exploitant comme une rhétorique utilitaire, qui, dans des milieux de plus en plus nombreux, ne rencontre qu’une énergique et franche réprobation.

Si la vie sociale comporte l’unité intérieure, elle n’exclut pas pour autant les différences qui résultent de la réalité et de la nature. Mais lorsqu’on s’attache avec fermeté au suprême Régulateur de tout ce qui regarde l’homme, Dieu, les ressemblances aussi bien que les différences entre les hommes trouvent leur place convenable dans l’ordre absolu de l’être, des valeurs, et aussi, par suite, de la moralité. Qu’au contraire, soit ébranlé ce fondement, aussitôt s’ouvre un dangereux fossé entre les divers domaines de la culture et se manifestent une incertitude et une fragilité des contours, des limites et des valeurs, en sorte que seuls les facteurs purement extérieurs et souvent aussi des instincts aveugles en viennent à dicter, suivant la tendance dominante du moment, laquelle des directions opposées doit l’emporter.

A la funeste économie des décennies passées, durant lesquelles toute vie civile se trouvait subordonnée à l’appât du gain, succède maintenant une conception non moins nuisible qui, regardant tout, choses et personnes, sous l’aspect politique exclut toute considération morale et religieuse. Altération et fourvoiement fatals, gros de conséquences imprévisibles pour la vie sociale qui n’est jamais plus voisine de la ruine de ses plus nobles prérogatives qu’au moment où elle s’imagine pouvoir renier ou oublier impunément l’éternelle source de sa dignité : Dieu.

La raison, éclairée par la foi, assigne dans l’organisation sociale une place déterminée et honorable à chaque individu comme à chaque société particulière. Elle sait, pour ne parler que du point le plus important, que toute l’activité politique et économique de l’Etat est ordonnée à la réalisation durable du bien commun, c’est-à-dire de ces conditions extérieures nécessaires à l’ensemble des citoyens pour le développement de leurs qualités, de leurs fonctions, de leur vie matérielle, intellectuelle et religieuse. Et cela, parce que, d’une part, les forces et les énergies de la famille et des autres organismes à qui revient une naturelle primauté, sont, à elles seules, insuffisantes, et parce que, d’autre part, la volonté salvifique de Dieu n’a pas déterminé au sein de l’Eglise une autre société universelle au service de la personne humaine et de la réalisation de ses fins religieuses.

Dans une conception sociale, pénétrée et confirmée par la pensée religieuse, l’activité de l’économie et de toutes les autres branches de la culture forme un universel et très noble foyer d’activité très riche pour sa variété cohérente dans son harmonie, où l’égalité intellectuelle des hommes et la diversité de leurs fonctions obtiennent leur droit et trouvent leur adéquate expression. Dans le cas contraire, on déprécie le travail, on humilie l’ouvrier.

Le statut juridique de la société et ses fins.

Pour que la vie sociale, telle qu’elle est voulue par Dieu, atteigne son but, il est essentiel qu’un ordre juridique lui serve d’appui extérieur, de refuge et de protection. Le rôle de cet ordre n’est pas de dominer, mais de servir, de tendre à développer et à fortifier la vitalité de la société dans la riche multiplicité de ses objectifs, en dirigeant vers leur perfection toutes les énergies particulières en un pacifique concours et en les défendant par tous les moyens appropriés et honnêtes contre tout ce qui pourrait porter préjudice à leur plein épanouissement. Un tel ordre, pour garantir l’équilibre, la sécurité, l’harmonie de la société, possède aussi un pouvoir de coercition contre ceux qui ne peuvent être maintenus que par cette voie dans la noble discipline de la vie sociale. Mais, précisément, dans le juste exercice de ce droit, une autorité vraiment digne de tel nom ne pourra pas ne pas sentir une anxieuse responsabilité en face de l’éternel Juge au tribunal duquel toute sentence inique, et spécialement tout renversement des règles voulues par Dieu, recevra infailliblement sa sanction et sa condamnation.

Les lois ultimes, profondes, lapidaires et fondamentales de la société ne peuvent être entamées par une intervention de l’esprit humain. On pourra les nier, les ignorer, les dédaigner, les violer, mais jamais les abroger avec une efficacité juridique. Sans doute, avec le temps qui passe, les conditions de vie changent aussi. Mais il ne peut jamais y avoir de lacune absolue, jamais de solution de continuité totale entre le droit d’hier et celui d’aujourd’hui, entre l’expiration des anciens pouvoirs et constitutions et l’apparition d’ordres nouveaux. De toute manière, à travers tous les changements et toutes les transformations, la fin de toute vie sociale reste identique, sacrée, obligatoire : le développement des valeurs personnelles de l’homme qui est image de Dieu. Et l’obligation demeure pour chaque membre de la famille humaine de réaliser ses fins immuables, quels que soient le législateur et l’autorité à qui il est soumis. Par conséquent, demeure aussi pour toujours sans qu’aucune opposition puisse l’abolir, le droit inaliénable de l’homme, qu’amis et ennemis doivent reconnaître, à un ordre et à une pratique juridiques, dont le devoir essentiel est de servir le bien commun.

L’ordre juridique a, de plus, la haute et difficile tâche d’assurer la concorde, soit entre les individus, soit entre les sociétés, soit également à l’intérieur de celles-ci. Le résultat sera atteint si les législateurs s’abstiennent de suivre ces théories et ces pratiques dangereuses, néfastes à la communauté et à sa cohésion, qui tirent leur origine et leur diffusion de toute une série de postulats erronés. Au nombre de ces derniers, il faut compter le positivisme juridique, qui attribue une trompeuse majesté à l’émanation de lois purement humaines et fraye la voie à une funeste dissociation de la loi d’avec la moralité ; en outre, la conception qui revendique pour certaines nations ou classes, l’instinct juridique comme impératif souverain et comme règle sans appel ; enfin, ces théories variées qui, différentes entre elles et dérivant d’idéologies contradictoires, s’accordent pourtant à considérer l’Etat ou un groupe qui le représente comme une entité absolue et suprême, au-dessus de tout contrôle et de toute critique, alors même que ses postulats théoriques et pratiques conduisent d’une manière choquante à la négation formelle des données essentielles de la conscience humaine et chrétienne.

Si l’on considère d’un regard clair et pénétrant la connexion vitale entre l’ordre social normal et l’ordre juridique véritable, si l’on ne perd pas de vue que l’unité interne avec sa variété de formes dépend de la prédominance de forces spirituelles, du respect de la dignité humaine en soi-même et dans les autres, de l’amour pour la société et pour les fins que Dieu lui a marquées, on ne peut pas s’étonner des tristes effets de ces conceptions juridiques qui, abandonnant la voie royale de la vérité, s’aventurent sur le terrain mouvant des postulats matérialistes ; mais on se rendra compte de l’urgente nécessité d’un retour à une conception spirituelle et morale, sérieuse et profonde, réchauffée à la chaleur d’une vraie humanité, illuminée à la splendeur de la foi chrétienne, qui fait voir dans l’ordre juridique un reflet extérieur de l’ordre social voulu de Dieu, un fruit lumineux de l’esprit humain, lui aussi image de l’esprit de Dieu.

Sur cette conception organique, la seule vitale, dans laquelle fleurissent en harmonie la plus noble humanité et le plus pur esprit chrétien, est gravée la maxime de l’Ecriture mise en lumière par le grand saint Thomas d’Aquin : Opus iustitiae pax 5, qui s’applique aussi bien au côté intérieur qu’au côté extérieur de la vie sociale.

Elle n’admet ni l’opposition ni l’alternative : l’amour ou le droit, mais la synthèse féconde : l’amour et le droit.

Dans l’un et dans l’autre élément, double irradiation d’un même esprit de Dieu, résident le programme et le cachet de la dignité de l’esprit humain ; l’un et l’autre s’intègrent mutuellement, coopèrent, s’animent, se soutiennent, se donnent la main dans la voie de la concorde et de la pacification ; le droit fraye la route à l’amour, l’amour tempère le droit et le sublimise. Ensemble, ils font monter la vie humaine dans cette atmosphère sociale où nonobstant les déficiences, les obstacles et les duretés de cette terre, une communauté fraternelle de vie devient possible. Laissez, au contraire, l’esprit mauvais des idées matérialistes dominer, l’appétit du pouvoir et de la domination saisir dans ses mains brutales les rênes des événements, alors vous verrez apparaître chaque jour davantage les effets dissolvants, disparaître l’amour et la justice ; triste présage de catastrophes prêtes à fondre sur une société apostate de Dieu.

2° COMMUNAUTÉ DANS LA TRANQUILLITÉ

Le second élément fondamental de la paix, où tend comme instinctivement toute société humaine, c’est la tranquillité. O bienheureuse tranquillité ! tu n’as rien de commun avec l’attachement dur et obstiné, tenace et puérilement entêté dans ce qui est ; ni avec le refus, enfant de la paresse et de l’égoïsme, qui rechigne à appliquer l’esprit aux problèmes et aux questions que l’évolution des temps et le cours des générations avec leurs besoins et leur progrès font mûrir et tirent avec soi comme d’inéluctables nécessités du présent. Mais pour un chrétien, conscient de sa responsabilité même envers le plus petit de ses frères, il n’y a pas de tranquillité paresseuse ni de fuite, mais la lutte, l’action contre toute inaction, contre toute désertion dans la grande bataille spirituelle dont l’enjeu est l’édification, ou mieux, l’âme même de la société future.

Harmonie entre la tranquillité et l’activité.

Tranquillité, au sens où l’entend saint Thomas, et ardeur au travail, loin de s’opposer, se joignent plutôt harmonieusement aux yeux de quiconque est convaincu de la beauté et de la nécessité d’une base spirituelle de la société et de la noblesse de son idéal. Or, c’est à vous, jeunes gens, à vous qui, volontiers, tournez le dos au passé et fixez vers l’avenir vos yeux brillants d’aspirations et d’espérances, c’est à vous, jeunes gens, que, poussé par Notre grand amour et Notre sollicitude paternelle, Nous disons : l’exubérance et l’audace, à elles seules, ne suffisent pas si elles ne sont mises, comme il faut, au service du bien et d’un drapeau sans tache.

Vaines sont l’agitation, la fatigue, l’inquiétude, qui ne se reposent pas en Dieu et dans sa loi éternelle. Il faut que vous soyez animés par la volonté de combattre pour la vérité et de lui consacrer vos sympathies et vos énergies, vos aspirations et vos sacrifices ; de combattre pour les droits éternels de Dieu, pour la dignité de la personne humaine et pour la réalisation de ses fins. Là où des hommes mûrs et des jeunes gens, toujours ancrés dans l’océan de la tranquillité éternellement vivante de Dieu, coordonnent les diversités de leurs tempéraments et de leurs activités dans un véritable esprit chrétien, là où s’accouplent l’élément moteur et l’élément modérateur la différence naturelle entre les générations ne deviendra jamais un danger, mais elle conduira, au contraire, vigoureusement à la réalisation des lois éternelles de Dieu dans le cours changeant des temps et des conditions de vie.

Le monde ouvrier.

Dans un domaine particulier de la vie sociale où, durant un siècle, ont surgi des mouvements et d’âpres conflits, règne aujourd’hui le calme, du moins en apparence : dans le monde vaste et toujours grandissant du travail, dans l’immense armée des ouvriers, des salariés, des serviteurs. Si l’on considère le présent avec ses nécessités de guerre comme une donnée de fait, on pourra regarder ce calme comme une exigence nécessaire et fondée. Mais si l’on regarde la situation actuelle du point de vue de la justice d’un mouvement ouvrier légitime et ordonné, alors la tranquillité ne sera jamais qu’apparente tant que le but ne sera pas atteint.

Toujours guidée par des motifs religieux, l’Eglise a condamné les divers systèmes du socialisme marxiste et elle les condamne encore aujourd’hui, conformément à son devoir et à son droit permanent de mettre les hommes à l’abri de courants et d’influences qui mettent en péril leur salut éternel. Mais l’Eglise ne peut pas ignorer ou ne pas voir que l’ouvrier, dans son effort pour améliorer sa situation, se heurte à tout un système qui, loin d’être conforme à la nature, est en opposition avec l’ordre de Dieu et avec la fin qu’il a assignée aux biens terrestres. Si fausses, si condamnables, si dangereuses qu’aient été et que soient les voies qu’on a suivies ; qui, et surtout quel prêtre, quel chrétien pourrait demeurer sourd au cri qui monte d’en bas et réclame, dans le monde d’un Dieu juste, justice et esprit de fraternité ? Le silence serait coupable et inexcusable devant Dieu, contraire à la doctrine éclairée de l’apôtre qui, tout en prêchant la fermeté contre l’erreur, sait en même temps qu’il faut montrer beaucoup de délicatesse envers les égarés, aller à eux le coeur ouvert pour comprendre leurs aspirations, leurs espérances, leurs raisons. […]

CINQ POINTS FONDAMENTAUX POUR L’ORDRE ET LA PACIFICATION DE LA SOCIÉTÉ HUMAINE

Quiconque examine à la lumière de la raison et de la foi les fondements et les fins de la vie sociale, tels que Nous les avons brièvement exposés, et les contemple dans leur pureté, dans leur élévation morale comme dans les fruits bienfaisants qu’ils portent dans tous les domaines ne peut pas manquer d’être convaincu de la puissance de ces principes d’ordre et de pacification que des énergies tendues vers de grands idéals et résolues à affronter les obstacles pourraient offrir, disons mieux, pourraient restituer à un monde entièrement désaxé, une fois abattues les barricades intellectuelles et juridiques dressées par les préjugés, les erreurs, l’indifférence, par un long travail de laïcisation de la pensée, du sentiment et de l’action, qui a ravi et soustrait la cité terrestre à la lumière et à la force de la cité de Dieu. […]

Ce qui apparaissait clairement au chrétien qui, profondément croyant, souffrait de l’ignorance des autres, le fracas de l’épouvantable catastrophe du bouleversement actuel, qui revêt la terrible solennité d’un jugement universel et qui frappe jusqu’aux oreilles des plus tièdes, des plus indifférents, des plus étourdis, nous le met sous les yeux avec un éclat éblouissant. Vérité à coup sûr antique, qui se manifeste tragiquement sous des formes toujours nouvelles et retentit de siècle en siècle, de peuple en peuple, par la voix du prophète : Omnes qui te derelinquunt, confundentur : recedentes a te in terra scribentur : quoniam dereliquerunt venam aquarum viventium, Dominum, « tous ceux qui t’abandonnent seront confondus ! Ceux qui se détournent de toi seront inscrits sur la terre, car ils ont abandonné la source des eaux vives, le Seigneur » (Jr 17,13).

Le devoir de l’heure présente n’est pas de gémir, mais d’agir. Pas de gémissements sur ce qui est ou ce qui fut ; mais reconstruction de ce qui se dressera et doit se dresser pour le bien de la société. Aux membres les meilleurs de l’élite de la chrétienté, vibrants d’un enthousiasme de Croisés, il appartient de se grouper dans l’esprit de vérité, de justice et d’amour, au cri de : Dieu le veut ! Prêts à servir et à se sacrifier comme les anciens Croisés. Il s’agissait alors de délivrer la terre sanctifiée par la vie du Verbe de Dieu incarné, il s’agit aujourd’hui, si Nous pouvons Nous exprimer ainsi, d’une nouvelle traversée, bravant la mer des erreurs du jour et du temps pour délivrer la terre sainte des âmes qui est destinée à être le soutien et le fondement des normes et des lois immuables pour des constructions sociales d’une solide consistance interne.

En vue d’une fin si haute, de la crèche du Prince de la paix, avec la confiance que sa grâce se répande dans tous les coeurs, Nous Nous adressons à vous, chers fils, qui reconnaissez et adorez dans le Christ votre Sauveur, Nous Nous adressons à tous ceux qui Nous sont unis au moins par le lien spirituel de la foi en Dieu, à tous ceux enfin qui aspirent à se libérer des doutes et des erreurs et qui désirent ardemment une lumière et un guide. Nous vous exhortons avec toute l’insistance suppliante d’un coeur paternel, non seulement à comprendre intimement l’angoissante gravité de l’heure présente, mais aussi à en méditer les possibles aurores bienfaisantes et surnaturelles, à vous unir pour travailler tous ensemble au renouvellement de la société en esprit et en vérité.

Le but essentiel de cette croisade nécessaire et sainte est que l’étoile de la paix, l’étoile de Bethléem, se lève de nouveau sur toute l’humanité dans son brillant éclat, dans son pacifiant réconfort, promesse et présage d’un avenir meilleur, plus fécond et plus heureux.

Il est vrai que le chemin qui va de la nuit â un matin radieux sera long ; mais les premiers pas sont décisifs sur le sentier dont les cinq premières bornes milliaires portent, gravées par un stylet de bronze, les maximes suivantes :

1° Dignité et droits de la personne humaine.

Qui veut que l’étoile de la paix se lève et se repose sur la société concourt pour sa part à rendre à la personne humaine la dignité qui lui a été conférée par Dieu dès l’origine ; qu’il s’oppose à l’excessif rassemblement des hommes à la façon d’une masse sans âme, à leur instabilité économique, sociale, politique, intellectuelle et morale, à leur manque de principes fermes et de fortes convictions, à la surabondance d’excitations instinctives et sensibles et à leur versatilité ; qu’il favorise par tous les moyens licites et dans tous les domaines de la vie, les formes sociales qui rendent possible et qui garantissent une pleine responsabilité personnelle, aussi bien dans l’ordre terrestre que dans l’ordre éternel ; qu’il promeuve le respect et l’exercice pratique des droits fondamentaux de la personne, à savoir : le droit à maintenir et à développer la vie corporelle, intellectuelle et morale, en particulier le •droit à une formation et à une éducation religieuses ; le droit au culte de Dieu, privé et public, y compris l’action charitable religieuse ; le droit, en principe, au mariage et à l’obtention de sa fin ; le droit à la société conjugale et domestique ; le droit au travail comme moyen indispensable à l’entretien de la vie familiale ; le droit au libre choix d’un état de vie, et donc aussi de l’état sacerdotal et religieux ; le droit à l’usage des biens matériels dans la conscience des devoirs propres et des limitations aussi sociales. […]

3° Dignité et prérogatives du travail.

Qui veut que l’étoile de la paix se lève et se repose sur la société donne au travail la place que Dieu lui a marquée dès l’origine. Comme moyen indispensable de possession du monde, que Dieu a voulu pour sa gloire, tout travail possède une dignité inaliénable et, en même temps, un lien étroit avec le perfectionnement personnel ; noble dignité et prérogative du travail, que ne déprime ni la peine ni le fardeau qu’il faut accepter comme conséquence du péché originel, en esprit d’obéissance et de soumission à la volonté de Dieu.

Qui connaît les grandes encycliques de Nos prédécesseurs et Nos précédents messages sait que l’Eglise n’hésite pas à tirer les conclusions pratiques qui dérivent de la noblesse morale du travail et à les appuyer de tout le poids de son autorité. Ces exigences comprennent, outre un juste salaire suffisant aux nécessités de l’ouvrier et de sa famille, la conservation et le perfectionnement d’un ordre social qui rende possible et assurée, si modeste qu’elle soit, une propriété privée à toutes les classes de la société, qui favorise une formation supérieure pour les enfants des classes ouvrières spécialement doués d’intelligence et de bonne volonté, qui encourage le zèle et l’exercice pratique de l’esprit social dans le voisinage, dans le village, dans la province, dans le peuple et dans la nation, qui, atténuant les heurts d’intérêts et de classes, ôte aux ouvriers l’impression d’être tenus à l’écart et leur procure l’expérience réconfortante d’une solidarité véritablement humaine et chrétiennement fraternelle. […]

5° Conception chrétienne de l’Etat.

Qui veut que l’étoile de la paix se lève et se repose sur la société humaine collabore à l’éveil d’une conception et d’une pratique de l’Etat fondées sur une discipline rationnelle, sur un sens humain élevé, sur la conscience chrétienne de la responsabilité ; qu’il aide à ramener l’Etat et sa puissance au service de la société, au respect absolu de la personne humaine et de son activité pour l’obtention de ses fins éternelles ; qu’il s’efforce et s’emploie à dissiper les erreurs qui tendent à détourner l’Etat et son pouvoir du sentier de la morale et à le dégager du lien éminemment moral qui les relie à la vie individuelle et sociale et à leur faire renier ou pratiquement ignorer sa relation essentielle de dépendance à l’égard du Créateur ; qu’il promeuve la reconnaissance et la propagation de la vérité, qui enseigne que, même dans l’ordre temporel, le sens profond, l’ultime règle morale et la légitimité universelle du regnare consiste à servir. […]

INVOCATION AU RÉDEMPTEUR DU MONDE

Où pourriez-vous donc déposer ce voeu pour la restauration de la société avec plus de tranquille et de confiante assurance et avec une foi plus efficace, qu’aux pieds du « Désiré de toutes les nations » couché devant nous en sa crèche, avec tout le charme de sa douce humanité de petit enfant et, en même temps, avec tout l’émouvant attrait de sa mission rédemptrice qui commence ? En quel lieu cette noble et sainte croisade pour la purification et le renouvellement de la société pourrait-elle trouver sa plus expressive consécration et son stimulant le plus efficace, sinon à Bethléem où, dans l’adorable mystère de l’Incarnation, se révéla le nouvel Adam, aux sources de vérité et de grâce de qui de toutes manières l’humanité doit venir chercher l’eau salutaire si elle ne veut pas périr dans le désert de cette vie ? De plenitudine eius nos omnes accepimus, « nous avons tous reçu du débordement de sa plénitude» (Jn 1,16). Sa plénitude de vérité et de grâce, aujourd’hui comme depuis vingt siècles, déborde sur le monde avec une force qui n’est pas diminuée ; sa lumière est plus puissante que les ténèbres, le rayon de son amour plus fort que le glacial égoïsme qui empêche tant d’hommes de grandir et de faire dominer ce qu’il y a de meilleur en eux. Vous, Croisés volontaires d’une nouvelle et noble société, levez le nouveau labarum de la régénération morale et chrétienne, déclarez la guerre aux ténèbres d’un monde séparé de Dieu, à la froideur de la discorde entre frères, déclarez la guerre au nom d’une humanité gravement malade et qu’il faut guérir au nom d’une conscience chrétienne rehaussée. 

Que Notre bénédiction, Nos souhaits paternels et Nos encouragements accompagnent votre généreuse entreprise et demeurent sur tous ceux qui ne reculent pas devant de durs sacrifices qui sont armes plus puissantes que le fer contre le mal dont souffre la société ! Que sur votre croisade pour un idéal social, humain et chrétien, resplendisse, consolatrice et entraînante, l’étoile qui brille sur la grotte de Bethléem, astre augurai et immortel de l’ère chrétienne ! A sa vue, tous les coeurs fidèles ont puisé, puisent et puiseront la force : Si consistant adversum me castra, in hoc ego sperabo, « quand toutes les armées se dresseraient contre moi, j’espérerai en lui » (Ps 26,3). Là où resplendit l’étoile, là est le Christ : Ipso ducente, non errabimus ; per ipsum ad ipsum eamus, ut cum nato hodie puero in perpetuum gaudeamus, « sous sa conduite, nous ne nous égarerons pas ; par lui, allons à lui pour nous réjouir éternellement avec l’Enfant né aujourd’hui ». » (Radiomessage de Noël du 24 décembre 1942)

Discours au premier ambassadeur d’Équateur près le Saint-Siège, S.E. M. Manuel SOTOMAYOR LUNA, à l’occasion de la présentation des lettres de créance (27 décembre 1944)

« Dans les paroles très nobles par lesquelles Votre Excellence a voulu commencer à remplir sa haute mission, Nous avons particulièrement apprécié le rappel de la nation équatorienne, qui est la « République du Sacré Cœur » ; elle fut, en effet, le premier État américain qui, sous l’impulsion du grand président Garda Moreno, voulut faire de sa vie un acte de réparation ininterrompu. […]

Votre Excellence Nous a affirmé, dans son discours ému et éloquent, que sur l’autre rive de l’immense océan la catholique population équatorienne s’attache avec un amour filial à écouter Nos paroles, à suivre Nos efforts en faveur de la paix et de la charité chrétienne. L’entendre en cet instant sur les lèvres de Votre Excellence console dans l’affliction Notre esprit dans tout ce qu’il a réalisé et réalise en faveur de la vérité contre l’erreur, de la justice contre la violence, et en vue d’alléger, dans la mesure du possible, toute douleur et toute misère. Il n’a fait que suivre, et il continue à le faire, les impulsions de Notre devoir apostolique et la tradition multiséculaire de Notre Siège romain. […]

L’histoire enseigne, et même très abondamment, que les mesures de sécurité techniques et juridiques sont insuffisantes. Les sécurités d’ordre spirituel sont aussi nécessaires, ou plus encore : un sentiment de la justice joint étroitement à une sage grandeur de vues, une compréhension et une bienveillance mutuelles, un esprit prompt à la conciliation, jusqu’au sacrifice de son intérêt propre si l’intérêt de la concorde et de la paix l’exige ainsi. Mais ces dispositions bienfaisantes ne pourront apparaître dans l’esprit international sans qu’aient été détruits, auparavant, des amas d’hostilités et de haines, de défiances, d’incompréhensions et de préjugés. La République de l’Équateur a donné, il y a peu de temps, un exemple magnifique de ce sentiment de fraternité et de sacrifice, et il Nous est agréable de saluer en Votre Excellence l’un des constructeurs de cette noble et prévoyante politique de paix.

Que Votre Excellence soit donc la bienvenue et que cette conduite sage et chrétienne apparaisse comme l’aube d’un jour nouveau, avant tout pour les relations entre l’Église et l’État dans votre patrie, qui s’appuie sur elle dans une tradition glorieuse. Bienheureuse, doit-on dire – et Nous sommes heureux de répéter en cette circonstance solennelle les paroles prononcées par Notre immortel Prédécesseur Pie IX en des jours pour vous inoubliables, – bienheureuse la nation dont l’autorité civile est unie par un lien si étroit à l’autorité sacrée que l’une et l’autre n’agissent qu’en vue de réaliser le bien commun ; en elle fleurit la tranquillité née de l’ordre… ; la prospérité du peuple s’y trouve à un degré élevé et tout contribue à son bonheur. » » (Discours au premier ambassadeur d’Équateur près le Saint-Siège, S.E. M. Manuel SOTOMAYOR LUNA, à l’occasion de la présentation des lettres de créance, 27 décembre 1944)

Radiomessage du 24 décembre 1944 aux peuples du monde entier

La fin de la guerre étant proche, et le IIIè Reich étant de fait vaincu, Pie XII, sachant que les vainqueur instaureraient (par pure idéologie) des démocraties partout en Europe, donna (uniquement par principe, car il savait que cela ne servirait à rien, les Alliés étant aux ordres la franc-maçonnerie), les condition pour qu’une démocratie soit bonne. L’une d’elle est évidemment la soumission à Dieu avant la soumission au « peuple » :

« L’Etat démocratique, qu’il soit monarchique ou républicain, doit, comme n’importe quelle autre forme de gouvernement, être investi du pouvoir de commander avec une autorité vraie et effective. L’ordre absolu des êtres et des fins, qui montre dans l’homme une personne autonome, c’est-à-dire un sujet de devoirs et de droits inviolables d’où dérive et où tend sa vie sociale, comprend également l’Etat comme société nécessaire, revêtue de l’autorité sans laquelle il ne pourrait ni exister ni vivre. Si donc les hommes, en se prévalant de la liberté personnelle, niaient toute dépendance par rapport à une autorité supérieure munie du droit de coercition, ils saperaient par le fait même le fondement de leur propre dignité et liberté, c’est-à-dire cet ordre absolu des êtres et des fins.

Ainsi établis sur cette même base, la personne, l’Etat, le pouvoir public avec leurs droits respectifs se trouvent tellement liés et unis entre eux qu’ils se soutiennent ou s’écroulent tous ensemble.

Et comme cet ordre absolu, aux yeux de la saine raison et surtout de la foi chrétienne, ne peut avoir d’autre origine qu’en un Dieu personnel, notre Créateur, il suit de là que la dignité de l’homme est la dignité de l’image de Dieu, que la dignité de l’Etat est la dignité de la communauté morale voulue par Dieu, que la dignité de l’autorité politique est la dignité de sa participation à l’autorité de Dieu.

Aucune forme d’Etat ne saurait se dispenser d’avoir égard à cette intime et indissoluble connexion ; moins que toute autre la démocratie. Par conséquent, si celui qui détient le pouvoir public ne la voit pas, ou s’il la néglige plus ou moins, il ébranle dans ses bases sa propre autorité. De même, s’il ne tient pas suffisamment compte de cette relation, s’il ne voit pas dans sa charge la mission de réaliser l’ordre voulu par Dieu, le danger surgira que l’égoïsme du pouvoir ou des intérêts l’emporte sur les exigences essentielles de la morale politique et sociale, que les vaines apparences d’une démocratie de pure forme ne servent souvent que de masque à tout ce qu’il y a en réalité de moins démocratique.

Seule la claire intelligence des fins assignées par Dieu à toute société humaine, jointe au sentiment profond des sublimes devoirs de l’oeuvre sociale, peut mettre ceux à qui est confié le pouvoir en mesure d’accomplir leurs propres obligations dans l’ordre législatif, judiciaire ou exécutif, avec cette conscience de leur propre responsabilité, avec cette objectivité, cette impartialité, cette loyauté, cette générosité, cette incorruptibilité, sans lesquelles un gouvernement démocratique réussirait difficilement à obtenir le respect, la confiance et l’adhésion de la meilleure partie du peuple. » (http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/chh.htm#gu)

Sans illusion il disait :

« Pour accomplir une action féconde, pour se concilier l’estime et la confiance, tout corps législatif doit, comme l’attestent d’incontestables expériences, accueillir dans son sein une élite d’hommes spirituellement éminents et au caractère ferme, qui se considèrent comme les représentants du peuple tout entier et non pas comme les mandataires d’une foule, aux intérêts particuliers de laquelle sont souvent, hélas ! sacrifiés les vrais besoins et les vraies exigences du bien commun. Une élite d’hommes qui ne soit restreinte à aucune profession ni à aucune condition, mais qui soit l’image de la vie multiple de tout le peuple. Une élite d’hommes de conviction chrétienne solide, de jugement juste et sûr, de sens pratique et équitable, et qui, dans toutes les circonstances, restent conséquents avec eux-mêmes ; des hommes de doctrine claire et saine, aux desseins solides et droits ; avant tout, des hommes qui, par l’autorité qui émane de leur conscience pure et rayonne largement autour d’eux, soient capables d’être des guides et des chefs, spécialement dans les temps où les nécessités pressantes surexcitent l’impressionnabilité du peuple et le rendent plus facile à être dévoyé et à s’égarer ; des hommes qui, dans les périodes de transition, généralement travaillées et déchirées par les passions, par les divergences d’opinions et par les oppositions de programmes, se sentent doublement tenus de faire circuler dans les veines enfiévrées du peuple et de l’Etat l’antidote spirituel des vues claires, de la bonté empressée, de la justice également favorable à tous, et la tendance résolue à l’union et à la concorde nationale dans un esprit de sincère fraternité. »

On sent poindre le même jugement que celui de ses prédécesseurs Pie IX et Pie XI. En effet, Pie IX déclarait :

« Je bénis tous ceux qui coopèrent à la résurrection de la France. Je les bénis dans le but, laissez-moi vous le dire, de les voir s’occuper d’une œuvre bien difficile mais bien nécessaire, celle qui consiste à faire disparaitre ou à diminuer une plaie horrible qui afflige la société contemporaine, et qu’on appelle le suffrage universel.

Remettre la décision des questions les plus graves aux foules nécessairement inintelligentes et passionnées, n’est-ce pas se livrer au hasard et courir volontairement vers l’abîme ? Oui, le suffrage universel mériterait plutôt le nom de folie universelle ; et quand les sociétés secrètes s’en emparent, comme il arrive souvent, celui de mensonge universel. » (Allocution à des pèlerins français, 5 mai 1874)

Et Pie XI dans son encyclique inaugurale :

« Dans le domaine de la politique, les partis se sont presque fait une loi non point de chercher sincèrement le bien commun par une émulation mutuelle et dans la variété de leurs opinions, mais de servir leurs propres intérêts au détriment des autres. Que voyons-nous alors ? Les conjurations se multiplient : embûches, brigandages contre les citoyens et les fonctionnaires publics eux-mêmes, terrorisme et menaces, révoltes ouvertes et autres excès de même genre, qui deviennent plus graves dans la mesure où, comme c’est le cas pour les modernes régimes représentatifs, le peuple prend une part plus large à la direction de l’État. La doctrine de l’Église ne réprouve point ces institutions politiques – non plus que les autres institutions conformes au droit et à la raison, – mais il est manifeste qu’elles se prêtent plus aisément que toutes autres au jeu déloyal des factions. » (Encyclique Ubi Arcano du 23 décembre 1922, encyclique inaugurale de son règne)

Lettre à S. E. le Cardinal Luigi LAVITRANO, à l’occasion de la XIXè Semaine Sociale des catholiques italiens, 19 octobre 1945

« En réfléchissant sérieusement aux conséquences délétères qu’aurait, au sein de la société et dans le cours incertain de son histoire, une Constitution qui abandonnerait « la pierre angulaire » qu’est la conception chrétienne de la vie pour tenter de se baser sur l’agnosticisme moral et religieux, tous les catholiques comprendront facilement qu’à l’heure actuelle la question qui doit, de préférence à toutes les autres, attirer leur attention et stimuler leur activité, consiste à assurer aux générations présentes et futures le bienfait d’une loi fondamentale de l’Etat qui ne s’oppose pas à de sains principes religieux et moraux, mais qui, au contraire, y puise une vigoureuse inspiration, en proclame et en poursuive sagement les hautes finalités.

Sous ce rapport, il est utile de se rappeler que la nouveauté des lois n’est pas toujours source de santé pour le peuple. Souvent même, la recherche hâtive de changements radicaux est un indice d’oubli de sa propre dignité et de sa propre histoire, ainsi que d’un assujettissement facile à des influences étrangères et non à des idées mûrement réfléchies. Que les catholiques italiens sachent donc que le fait de rester fidèles aux meilleures traditions spirituelles et juridiques qui ont fait leurs preuves ne signifie pas qu’on soit hostile aux réformes sociales qui répondent mieux au bien commun ; qu’ils disent hautement à leur grand et malheureux pays que l’accord par lequel il veut être conduit à l’unité et à la stabilité ne peut se cimenter ni avec la haine ni avec l’égoïsme des classes, mais bien avec la mutuelle charité chrétienne qui rend frères tous les citoyens, dans l’aide réciproque, la collaboration et le respect. » (Lettre à S. E. le Cardinal Luigi LAVITRANO, à l’occasion de la XIXè Semaine Sociale des catholiques italiens, 19 octobre 1945AAS. 37, 274)

Allocution à des journalistes français, 17 avril 1946

« Quand Nous lisons les articles de presse, les discours de personnages autorisés, Nous y trouvons souvent exprimée cette conviction : « Le monde a besoin de la France. Que deviendrait le monde sans la France ? » Chose étrange, à première vue, et émouvante aussi : les situations les plus critiques, les épreuves les plus accablantes n’ont jamais fait taire cette voix des peuples. C’est que, si d’autres nations peuvent l’emporter et l’emportent tour à tour sur elle par la puissance des armes, par la puissance de l’or, par la puissance des machines, par la puissance de l’organisation, la vraie force de la France est dans les valeurs spirituelles. Tant que celles-ci se maintiendront dans leur vigueur, aucun revers ne saurait définitivement l’abattre, et, de toutes les crises, elle pourra sortir purifiée, rajeunie, plus grande et plus apte à s’acquitter de sa mission. Mais si jamais — Dieu Nous garde d’accueillir un tel pressentiment ! — elle venait à y être infidèle, les dons merveilleux qu’elle a reçus du ciel à son baptême de Reims seraient désormais stériles ; son prestige moral resterait affaibli, et le monde, qui comptait et qui compte toujours sur une France forte et pleine de vie, contemplant avec effroi son déclin, sentirait qu’elle lui manque !

Encore une fois, Notre esprit se refuse à admettre que cela puisse arriver : Dieu ne sera pas le premier à abandonner la France, tant que la France n’aura pas abandonné Dieu ; et Nous savons bien que dans son sein fleurissent et fructifient d’admirables vertus, secret de sa vitalité et de ses redressements indéfinis. Mais cela, ceux qui l’envient le savent aussi, et il est à craindre que des forces destructives, ennemies de toute grandeur, de toute beauté, de toute lumière, multiplient leurs assauts, usent tour à tour de la violence et de l’astuce pour la séduire, pour la faire tomber, à son grand dommage et au dommage de toutes les nations et de tous les peuples. » (http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/es/cdi.htm#cv)

Allocution au Patriciat et à la noblesse de Rome du 8 janvier 1947

« Ce bien commun, c’est-à-dire la réalisation de conditions publiques normales et stables, telles que les individus et les familles, usant de leurs forces propres, réussissent sans trop de difficultés à mener une vie digne, régulière, heureuse, conforme à la loi de Dieu, ce bien commun est la fin et la règle de l’Etat et de ses organes.

Les hommes, aussi bien les individus que la société humaine, et leur bien commun, sont toujours liés à l’ordre absolu des valeurs établi par Dieu. Or, précisément, pour réaliser et rendre efficace cette connexion, d’une manière digne de la nature humaine, a été donnée à l’homme la liberté personnelle et la protection de cette liberté est le but de tout règlement juridique digne de ce nom. Mais il s’ensuit que ne peuvent coexister la liberté et le droit de violer cet ordre absolu des valeurs. On arriverait donc à blesser cet ordre et à manquer à la défense de la moralité publique, qui est sans aucun doute l’un des principaux éléments du maintien du bien commun de la part de l’Etat si, pour ne citer qu’un exemple, on accordait, sans souci de cet ordre suprême, une liberté inconditionnelle à la presse et au film. Dans ce cas, on ne reconnaîtrait pas le droit à la vraie et authentique liberté, mais on arriverait à rendre légale la licence si on permettait à la presse et au film de détruire les fondements religieux et moraux de la vie du peuple. Pour comprendre et admettre ce principe il n’est pas nécessaire d’être chrétien ; il suffit de posséder l’usage de sa raison non troublée par les passions et d’un sens sain des choses morales et juridiques.

Il est fort possible que certains graves événements survenus au cours de l’année qui vient de s’achever aient eu dans le coeur de beaucoup d’entre vous des échos douloureux. Mais qui vit de la richesse de la pensée chrétienne ne se laisse ni abattre ni déconcerter par les événements humains quels qu’ils soient, et il tourne vaillamment ses regards vers tout ce qui est resté et qui est encore si grand et si digne de sa sollicitude. Ce qui est resté, c’est la patrie, c’est le peuple ; c’est l’Etat dont la fin suprême est le vrai bien de tous et dont la mission réclame la coopération commune dans laquelle chaque citoyen a sa place ; ce sont les millions d’âmes intègres qui aiment à voir ce bien commun dans la lumière de Dieu et à le promouvoir selon les dispositions jamais caduques de sa loi.

L’Italie est sur le point de se donner une nouvelle Constitution. Qui pourrait méconnaître l’importance capitale d’une telle entreprise ? Ce qu’est le principe vital dans le corps vivant, la Constitution l’est dans l’organisme social, dont le développement non seulement économique, mais aussi moral lui est étroitement conditionné. Si quelqu’un a donc maintenant besoin de tenir les regards fixés sur l’ordre établi par Dieu, si quelqu’un est tenu à avoir constamment devant les yeux le vrai bien de tous, ce sont assurément ceux auxquels est confiée la grande oeuvre de rédiger une Constitution.

D’autre part, à quoi servent les meilleures lois si elles restent lettre morte ? » (Allocution au Patriciat romain, 8 janvier 1947 ; dont en partie : PIN. 981)

Encyclique Mediator Dei, 20 novembre 1947 – Sur la sainte liturgie

« C’est un devoir qui oblige en premier lieu les hommes pris en particulier, mais c’est aussi un devoir collectif de toute la communauté humaine basée sur des liens sociaux réciproques, parce qu’elle aussi dépend de l’autorité suprême de Dieu.

Il faut remarquer, en outre, que les hommes y sont tenus d’une manière spéciale, pour avoir été élevés par Dieu à l’ordre surnaturel.

C’est pourquoi nous voyons Dieu dans l’établissement de la loi ancienne, édicter aussi des préceptes rituels et préciser avec soin les règles que le peuple devait observer pour lui rendre un culte légitime. Il établit, en conséquence, divers sacrifices et fixa les diverses cérémonies pour les bien offrir ; il détermina clairement tout ce qui concernait l’arche d’Alliance, le temple et les jours de fête. Il constitua la tribu sacerdotale et le Grand Prêtre, il indiqua avec détail les vêtements dont se serviraient les ministres sacrés, et tout ce qui pourrait avoir quelque relation avec le culte divin [12].

Ce culte, du reste, n’était qu’une ombre [13] de celui que le Prêtre suprême du Nouveau Testament devait rendre au Père céleste. […]

ce ne sont pas seulement les individus, mais aussi la collectivité humaine, qui ont besoin de rendre leur culte à Dieu ; celui-ci doit être social ; ce qui est impossible si, dans le domaine religieux lui aussi, il n’existe pas d’assujettissements extérieurs et de manifestations extérieures » (Encyclique Mediator Dei, 20 novembre 1947 – Sur la sainte liturgie et le culte eucharistique)

Soutien apporté à Antonio de OLIVEIRA-SALAZAR, Président du Portugal (1948)

Dans la suite du Concordat avec le Portugal et des félicitations de Pie XII à SALAZAR, en 1948, Pie XII dit de lui en 1948 :

« Je le banis de tout coeur et je fais les voeux les plus ardents pour qu’il puisse mener à bout son oeuvre de restauration nationale, tant matérielle que spirituelle. » 

Allocution Con vivo compiacimento du 13 novembre 1949 au Tribunal de la Rote

« Les causes immédiates d’une telle crise doivent être principalement recherchées dans le positivisme juridique et dans l’absolutisme de l’Etat ; deux manifestations qui à leur tour dérivent et dépendent l’une de l’autre. Si l’on enlève, en effet, au Droit sa base constituée par la loi divine naturelle et positive, et par cela même immuable, il ne reste plus qu’à le fonder sur la loi de l’Etat comme sa norme suprême, et voilà posé le principe de l’Etat absolu. Vice versa, cet Etat absolu cherchera nécessairement à soumettre toutes choses à son pouvoir arbitraire, et spécialement à faire servir le droit lui-même à ses propres fins.

Le positivisme juridique et l’absolutisme de l’Etat ont altéré et défiguré la noble physionomie de la justice dont les fondements essentiels sont le droit et la conscience.

Dans ce discours, le Pape insiste sur les règles objectives du Droit :

Ce fait appelle une série de réflexions qui se réduisent toutes à deux points : les normes objectives du droit et leur conception subjective. Pour aujourd’hui, Nous Nous bornerons à parler du premier point, en reportant l’étude du second point à une autre occasion, s’il plaît au Seigneur.

Il n’y a en effet qu’un seul Droit qui mérite ce nom :

Dans la science comme dans la pratique juridique, revient continuellement sur le tapis la question du vrai et juste Droit. Il y en a donc un autre ? un droit faux et illégitime ? Assurément, le voisinage de ces deux termes choque en lui-même et répugne. Il n’en est pas moins vrai, pourtant, que la notion qu’ils renferment a toujours eu un sens juridique, même chez les classiques païens. Aucun d’eux peut-être n’en a formulé une expression plus profonde que Sophocle dans sa tragédie Antigone (vers 23-24). […]

Aujourd’hui on préconise souvent de faux droits ; il faut donc irriguer ceux-ci du vrai droit :

Tout le conflit que Nous avons rappelé se résume dans l’antagonisme entre le vrai et le faux droit. L’intérêt avec lequel de sérieux et profonds juristes se sont appliqués à l’étude de cette question, Nous semble un heureux auspice pour la solution de la crise. Mais pour cela il faut le courage de vouloir clairement en voir et en reconnaître loyalement les racines.

Le fondement du Droit est la volonté même de Dieu :

Où devons-nous donc les chercher, sinon sur le terrain de la philosophie du droit ?

Il est impossible d’observer avec attention le monde corporel et spirituel, physique et moral, sans être frappé d’admiration devant le spectacle de l’ordre et de l’harmonie qui règnent à tous les degrés de l’échelle de l’être. Dans l’homme, jusqu’à cette ligne frontière où s’arrête son activité inconsciente et commence son action consciente et libre, cet ordre et cette harmonie sont étroitement réalisés selon les lois déposées par le Créateur dans l’être existant. Au-delà de cette ligne prévaut encore la volonté ordonnatrice de Dieu ; toutefois, sa réalisation et son développement sont laissés à la libre détermination de l’homme, laquelle peut être conforme ou opposée à la volonté divine.

C’est pourquoi le Droit doit exprimer la Volonté de Dieu :

Dans ce domaine de l’action humaine consciente, du bien et du mal, de ce qui est prescrit, permis ou défendu, la volonté ordonnatrice du Créateur se manifeste au moyen du commandement moral de Dieu inscrit dans la nature et dans la révélation, au moyen aussi du précepte ou de la loi de l’autorité humaine légitime dans la famille, dans l’Etat et dans l’Eglise. Si l’activité humaine est réglée et dirigée suivant ces règles, elle reste par elle-même en harmonie avec l’ordre universel voulu par le Créateur.

Ceux qui veulent baser le droit sur le fait sont dans l’erreur. C’est là le vice fondamental du positivisme juridique :

C’est cela qui constitue la réponse à la question du droit vrai et du droit faux. Le simple fait pour une loi d’être déclarée par le pouvoir législatif norme obligatoire dans l’Etat, fait considéré seul et par lui-même, ne suffit pas à créer un vrai droit.

Le positivisme juridique base le droit non sur Dieu, mais sur l’auteur humain des lois, c’est-à-dire sur l’Etat législateur qui de ce fait devient un Etat absolu :

Le « critère du simple fait » vaut seulement pour Celui qui est l’Auteur et la Règle souveraine de tout droit : Dieu. L’appliquer indistinctement et définitivement au législateur humain, comme si la loi était la règle suprême du droit, est l’erreur du positivisme juridique, au sens propre et technique du mot ; erreur qui est à la base de l’absolutisme d’Etat et équivaut à une déification de l’Etat lui-même. […]

Les conséquences de l’élaboration de ce droit non fondé sur Dieu sont pertinents ; on retourne purement et simplement à la loi de la jungle :

Faut-il peut-être remonter beaucoup en arrière dans l’histoire pour trouver un tel « droit légal », qui enlève à l’homme toute dignité personnelle ; qui lui dénie le droit fondamental à la vie et à l’intégrité de ses membres, en livrant l’une et l’autre au pouvoir arbitraire du parti et de l’Etat ; qui ne reconnaît pas à l’individu le droit à l’honneur ni à une bonne réputation ; qui conteste aux parents le droit sur leurs enfants et la tâche de leur éducation ; qui surtout considère la reconnaissance de Dieu, Maître suprême, et la dépendance de l’homme à son égard comme sans intérêt pour l’Etat et pour la communauté humaine ? Ce « droit légal » au sens où il vient d’être exposé, a bouleversé l’ordre établi par le Créateur ; il a appelé le désordre, ordre ; la tyrannie, autorité ; l’esclavage, liberté ; le crime, vertu patriotique. […]

Il faut revenir à un ordre juridique qui soit l’expression d’un ordre moral dont le seul fondement doit être trouvé en Dieu :

Il faut que l’ordre juridique se sente de nouveau lié à l’ordre moral, sans se permettre d’en franchir les limites. Or, l’ordre moral est essentiellement fondé sur Dieu, sur sa volonté, sur sa sainteté, sur son être. Même la plus profonde ou la plus subtile science du droit ne saurait indiquer d’autre critère, pour distinguer les lois injustes des lois justes, le simple droit légal du vrai droit, que celui qui est déjà perçu par la seule lumière de la raison se basant sur la nature des choses et de l’homme, que sur le critère de la loi, inscrite par le Créateur dans le coeur de l’homme (cf. Rom. II, 14-15)1 et expressément confirmée par la révélation. Si le droit et la science juridique ne veulent pas renoncer à leur seul guide capable de les maintenir dans le droit chemin, ils doivent reconnaître les « obligations morales » comme règles objectives valables même pour l’ordre juridique. » (Allocution Con vivo compiacimento, 13 novembre 1949, au Tribunal de la Rote, dont : PIN. 1064, 1072, 1076)

Radio-message au monde entier du 24 décembre 1951

« Quel est le titre juridique que l’Eglise a là où elle a à se prononcer sur la paix internationale ?

L’Enfant de Bethléem nous l’indique :

« Son titre juridique ? Regardez. En aucun endroit vous ne le trouverez aussi évident et aussi palpable que devant le berceau de Bethléem. L’enfant qui y repose est le Fils éternel de Dieu fait homme, et son nom est Princeps Pacis Prince de la paix. Prince et fondateur de la paix, tel est le caractère du Sauveur et Rédempteur de tout le genre humain. Sa haute et divine mission est d’établir la paix entre chacun des hommes et Dieu, entre les hommes eux-mêmes et entre les peuples.

Cette mission, cependant, et cette volonté de paix, ne naissent pas d’une pusillanimité et d’une faiblesse, capables d’opposer au mal uniquement la résignation et la patience. Tout dans la fragilité de l’enfant de Bethléem est majesté et force contenue, que l’amour seul retient, pour donner aux coeurs des hommes la capacité de faire germer et de maintenir la paix, et la vigueur pour vaincre et dissiper tout ce qui pourrait en compromettre la sûreté.

L’Eglise a hérité du Christ sa mission pacificatrice :

Mais le Sauveur divin est aussi le Chef invisible de l‘Eglise ; c’est pourquoi sa mission de paix continue à subsister et à valoir dans l’Eglise. Chaque année le retour de Noël ravive en elle l’intime conscience de son titre à contribuer à l’oeuvre de la paix, titre unique, qui transcende toute chose terrestre et émane directement de Dieu, élément essentiel de sa nature et de sa puissance religieuse.

Cette année encore l’Eglise se prosterne devant la crèche, et le divin enfant, Prince de la paix, lui transmet sa mission. Près de Lui, elle respire le souffle de la véritable humanité, véritable dans le sens le plus plein du terme, car, c’est l’humanité même de Dieu, son Créateur, son Rédempteur et son Restaurateur. Les yeux amoureusement fixés sur le visage du Prince infiniment aimable de la paix, elle sent les battements de son coeur annonçant l’amour qui embrasse tous les hommes, elle s’enflamme d’un zèle ardent pour la mission pacificatrice de son Seigneur et Chef, mission qui est aussi la sienne.

Léon XIII a rappelé à la fin du siècle dernier ce principe :La conscience de cette mission de paix s’est toujours révélée vivante et efficacement opérante dans l’Eglise, spécialement en ses chefs visibles, les Pontifes romains ; aussi est-ce à bon droit que notre grand prédécesseur Léon XIII rappela à la mémoire des peuples cette action pacificatrice des Papes quand en 1899, à la veille de la première Conférence pour la paix, il prononçait ces paroles : « Et ce qui les incita (les Pasteurs romains), ce fut la conscience d’un ministère très haut, ce fut l’impulsion d’une paternité spirituelle qui unit comme des frères et qui sauve » 3.

Et aujourd’hui encore, c’est la même chose, comme Nous l’avons déjà dit.

Or, le monde ne reconnaît pas de fait cette autorité de l’Eglise :

Pauvres myopes, dont le champ de vue restreint ne s’étend pas au-delà des possibilités qui peuvent se rencontrer à l’heure présente, au-delà des chiffres des potentiels militaires et économiques ! Comment pourraient-ils se faire la moindre idée du poids et de l’importance de l’autorité religieuse pour la solution du problème de la paix ? Esprits superficiels, incapables de voir dans toute sa vérité et dans toute son ampleur la valeur créatrice du Christianisme, comment pourraient-ils ne pas demeurer sceptiques et méprisants à l’égard de la puissance pacificatrice de l’Eglise ? Mais les autres — et Dieu veuille qu’ils soient la majorité — se rendront compte plus ou moins consciemment, que, en soustrayant à l’autorité religieuse de l’Eglise ce qui est présupposé pour une action efficace en faveur de la paix, la condition tragique du monde moderne bouleversé a été rendue encore plus grave.

Le fait qu’un grand nombre d’hommes a fait défection de la foi catholique a poussé à cette faute presque intolérable. Et l’on dirait que Dieu a répondu au crime, qui consiste à s’éloigner du Christ par le fléau d’une menace permanente pesant sur la paix et du cauchemar angoissant de voir la guerre éclater.

La valeur de la contribution que l’Eglise apporte à l’oeuvre de la paix est aussi incomparable que son titre juridique. […]

L’Eglise doit entrer en rapport avec la Société des Etats :

Avec l’Etat et la Société des Etats considérés comme une organisation pour la paix, Jésus-Christ, Prince de la Paix — et avec Lui l’Eglise, dans laquelle il continue à vivre — est entré dans un nouveau rapport intime d’élévation et de confirmation vitales. Tel est le fondement de la contribution singulière que l’Eglise donne à la paix par sa nature, autrement dit quand son existence et son action entre les hommes ont la place qui leur revient.

Et comment s’effectue tout ceci sinon par le moyen de l’influence continue, illuminante et fortifiante de la grâce du Christ sur l’intelligence et sur la volonté des citoyens et de leurs chefs, afin que ceux-ci reconnaissent et poursuivent les buts assignés par le Créateur dans tous les domaines de la vie des hommes en commun, qu’ils s’appliquent à diriger vers ces fins la collaboration des individus et des peuples et exercent la justice et la charité sociales à l’intérieur des Etats et entre eux ?

Dans la mesure où cette union de l’Eglise et des Etats sera harmonieuse, la paix s’établira :

Si l’humanité, se conformant à la volonté divine, applique ce sûr moyen de salut qu’est le parfait ordre chrétien dans le monde, elle verra bien vite s’évanouir pratiquement jusqu’à la possibilité de la guerre juste elle-même, qui n’aura plus de raison d’être du moment que sera garantie l’activité de la Société des Etats comme véritable organisation pour la paix.

Quelle est la contribution pratique que l’Eglise donne à la cause de la paix ?

L’ordre chrétien est le seul fondement et la seule garantie de la paix :

Nos dernières paroles montrent clairement Notre pensée sur ce problème. Aujourd’hui encore, comme d’autres fois déjà, devant la crèche du divin Prince de la Paix, Nous Nous voyons dans la nécessité de déclarer : le monde est bien éloigné de l’ordre voulu par Dieu dans le Christ, cet ordre qui garantit une paix réelle et durable. On dira peut-être que dans ce cas il ne valait pas la peine de tracer les grandes lignes de cet ordre et de mettre en lui la contribution fondamentale de l’Eglise à l’oeuvre de la paix. On Nous opposera enfin que Nous donnons effectivement raison à qui voit dans la « paix armée » le mot dernier et définitif dans la cause de la paix, solution déprimante pour les forces économiques des peuples, exaspérante pour leurs nerfs.

Nous estimons cependant indispensable de fixer le regard sur l’ordre chrétien, aujourd’hui perdu de vue par trop de gens, si on veut non seulement en théorie mais aussi en pratique se rendre compte de la contribution que tous, et en premier lieu l’Eglise, peuvent en vérité apporter, même en des circonstances défavorables et en dépit des sceptiques et des pessimistes.

Avant tout, ce regard convaincra tout observateur impartial que le noeud du problème de la paix est présentement d’ordre spirituel, qu’il est déficience ou défaut spirituel. Trop rare dans le monde d’aujourd’hui est le sens profondément chrétien, trop peu nombreux sont les vrais et parfaits chrétiens. De la sorte, les hommes eux-mêmes mettent obstacle à la réalisation de l’ordre voulu par Dieu.

Il faut que chacun se persuade du caractère spirituel Inhérent au péril de guerre. Inspirer une telle persuasion est en premier lieu un devoir de l’Eglise, c’est aujourd’hui sa première contribution à la paix.

Il faut condamner l’usage des armes atomiques ou autres semblables, mais il faut encore bien davantage condamner le fait qu’on refuse d’admettre l’ordre chrétien.

Nous aussi — et plus que quiconque — Nous déplorons la monstrueuse cruauté des armes modernes. Nous les déplorons et Nous ne cessons de prier Dieu qu’elles ne soient jamais employées. Mais d’autre part, n’est-ce pas une sorte de matérialisme pratique, de sentimentalisme superficiel, que de considérer dans le problème de la paix uniquement ou principalement l’existence et la menace de telles armes, alors qu’on ne fait aucun cas de l’absence de l’ordre chrétien, qui est le vrai garant de la paix ?

De là, entre autres motifs, les désaccords et même les inexactitudes sur la licéité ou l’illicéité de la guerre moderne ; de là également l’illusion d’hommes politiques qui comptent trop sur l’existence ou sur la disparition de ces armes. La terreur qu’elles inspirent perd à la longue son efficacité, comme tout autre cause d’épouvante ; ou du moins ne suffirait pas, l’occasion venue, à arrêter le déchaînement d’une guerre, spécialement là où les sentiments des citoyens n’ont pas un poids suffisant sur les déterminations de leurs gouvernements. […]

L’ordre chrétien suppose aussi que les personnes et les peuples soient vraiment libres.

Mais elle se heurte ici à une difficulté particulière, due à la forme des conditions sociales actuelles : son exhortation en faveur de l’ordre social chrétien, en tant que facteur principal de pacification, est en même temps un stimulant à la juste conception de la vraie liberté. Car finalement, l’ordre chrétien, en tant qu’organisation pour la paix, est essentiellement un ordre de liberté. Il est le concours solidaire d’hommes et des peuples libres pour la réalisation progressive, dans tous les domaines de la vie, des buts assignés par Dieu à l’humanité. C’est pourtant un fait douloureux qu’aujourd’hui on n’estime plus ou ne possède plus la vraie liberté. Dans ces conditions, la vie des hommes en commun, comme organisation pour la paix, est intérieurement énervée et exsangue, extérieurement exposée à des périls constants. » (Radio-message au monde entier, 24 décembre 1951, dont : PIN. 1174, 1177)

Allocution à Son Excellence D. Juan O’LEARY, Ambassadeur du Paraguay, 10 mars 1952

« La sincérité spirituelle d’un croyant tel que Votre Excellence, en arrivant au faîte d’une vie placée sous l’égide de « Dieu et la Patrie », voit dans cet appel au centre vital de la Chrétienté — surtout en un moment si chargé de problèmes et de conflits — un signe particulier de la main affectueuse de la Providence. Et la noble âme du vieux chrétien veut y répondre en se laissant inonder d’une joie intime et en se stimulant elle-même à des choses de plus en plus grandes, pour contribuer ici, en une pacifique émulation avec les si dignes représentants de tant de nations, à ce que les forces fécondes de la Religion, absolument nécessaires à tous les peuples — s’ils veulent résoudre leurs problèmes nationaux et particuliers aussi bien que les supranationaux et universels — se développent librement en se faisant présentes sans cesse davantage et en se consolidant avec plus de profondeur dans votre patrie aimée.

Nous ne pouvons douter que des intentions si élevées trouveront toujours la sûre approbation et le prudent appui du premier magistrat de votre nation, de celui-là même qui un jour, celui du Saint-Rosaire de 1950, en une solennelle occasion, à Ciudad de Villeta, manifesta ouvertement sa conviction de ne point connaître, pour arriver à la paix et au triomphe de la charité entre les hommes, d’autre chemin que celui tracé par Jésus-Christ et par sa Sainte Eglise, qui est la Catholique, Apostolique et Romaine.

Les émouvantes phrases que Votre Excellence, Monsieur l’Ambassadeur, vient de prononcer, auront un juste écho dans le peuple croyant du Paraguay, toujours dévoué au Siège Apostolique ; toujours fidèle à sa tradition catholique, jusqu’au point de répéter encore aujourd’hui en langue « guarani » les prières que lui enseignèrent les missionnaires à la fin du XVIe siècle ; toujours reconnaissant envers ses grands hommes — comme au fameux Hernandarias de Saavedra, trait d’union entre deux chapitres d’histoire, grand protecteur des propagateurs de la foi et grand chrétien — ; toujours si dévot, surtout, à l’égard de sa Mère Céleste, avec la protection et le secours de laquelle il a écrit les meilleures pages de sa glorieuse histoire.

Précisément, pour satisfaire un désir filialement exposé par votre nation — une de celles qui s’est le plus distinguée entre toutes en manifestant sa joie, à l’occasion de la récente définition dogmatique — Nous avons été profondément heureux durant la période d’été de l’Année Sainte Universelle passée, d’accueillir l’ardent désir de vos autorités ecclésiastiques et civiles, en proclamant Notre-Dame de l’Assomption, déjà titulaire de votre capitale, comme patronne de toute la République (Cf. Lettre Apostolique, du 9 juin 1951, dans A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 451).

Sous sa puissante protection, comme le demande avec constance et ferveur au ciel le Père commun, se réalisera rapidement l’élévation matérielle et spirituelle de votre patrie, si souvent et durement éprouvée.

Excellence, en faisant l’examen rétrospectif, à la fois intelligent et reconnaissant, du développement historique de votre grand pays, vous avez rappelé à la mémoire en des termes élogieux la grandiose geste que les fils du Patriarche de Loyola, stimulés par son idéal de la plus grande gloire de Dieu, accomplirent en terre paraguayenne pour l’admiration du monde et l’honneur de l’Eglise. Ce que le tiède baiser du soleil de la charité fit percer, croître avec abondance et enfin fleurir, le souffle froid de la fureur, de l’avidité et de l’envie, des outrages et des persécutions jusque contre les généreux semeurs du bien se chargerait bien de le dessécher par la suite. Mais le feu qui, un jour, vivifia, illumina et donna sa chaleur à de si vastes régions n’arrive jamais à s’éteindre sous les cendres chaudes ; il attend seulement le souffle providentiel qui, avec l’aide de Dieu et la collaboration des hommes de bien, fera se lever de nouveau la flamme.

Heureux ce jour où tout le Paraguay sentira ce feu le brûler et le pénétrer tout entier. Une profonde pénétration de la Religion dans la vie privée et publique est capable de tout le purifier ; elle ne détruit rien, si ce n’est le péché ; elle n’enlève rien de légitime à l’autorité de ceux qui gouvernent ; rien à la liberté raisonnable des gouvernés ; elle éduque les uns et les autres avec le sens de la responsabilité envers une loi éternelle qui a fixé les limites sacrées au-delà desquelles ne peuvent aller ni l’abus du pouvoir, ni l’excès de la liberté. Dans des limites tout à fait inviolables, dont les bornes sont les principes les plus solides, les différences naturelles de chaque peuple, les oscillations causées par les divers systèmes ou les préférences distinctes — dans ce qui est purement politique — conservent et exercent l’exacte liberté d’action et de mouvement, sans laquelle, dans le domaine du temporel, ne pourra jamais se réaliser l’équilibre des opinions, peut-être diverses mais toujours admissibles, qui doivent circuler comme une sève vitale dans les veines du complexe organisme national.

Ainsi un peuple profondément religieux, dans la pleine conscience de ses propres moyens et avec les yeux fixés sur les buts universels suprêmes qui se dressent au-delà des étroites frontières nationales, pourra regarder sans crainte l’avenir, bien qu’il ait eu à vivre des jours aussi tristes et sombres que les nôtres. Ni les allusions du passé n’ont mis l’amertume dans son coeur, ni les périls de l’avenir ne le paralysent pour demain.

Il vit son jour présent, sereinement, avec une conscience pure et virile ; il sait que son évolution et sa puissance futures seront en proportion de la fermeté avec laquelle il sait maintenir à présent sa position, de la vigilance avec laquelle il continue à observer et prévenir les dangers publics et secrets, et de la générosité avec laquelle il est capable de se consacrer à l’accomplissement de son devoir et de tous les devoirs qui lui reviennent en qualité de membre de la grande famille humaine.

Avec toute la sollicitude que peut contenir le coeur d’un Père, Nous exhortions voici peu de temps les catholiques de la Ville éternelle et à travers eux ceux du monde entier, à se réveiller tout de suite et à se rendre compte avec courage, générosité et résolution, de tout ce que la gravité du moment exige de tous et de chacun.

Ce n’est pas pour Nous une modeste consolation, Monsieur l’Ambassadeur, de supposer que cette exhortation, motivée par des raisons qui ne sont pas de ce monde et orientée vers des finalités qu’il est inutile de chercher à limiter ou à dévier, a été écoutée et suivie également dans votre lointaine patrie. S’il en a été ainsi ce sera pour son plus grand bien, pour sa

plus grande prospérité dans tous les domaines, pour le pacifique progrès culturel et social de ce très cher peuple auquel, en accédant avec joie à ce que Votre Excellence Nous a demandé, Nous donnons de tout Notre coeur, en gage de la protection divine, et en témoignage de notre inaltérable affection, la Bénédiction apostolique. » (Allocution à Son Excellence D. Juan O’LEARY, Ambassadeur du Paraguay, 10 mars 1952)

Allocution à l’Ambassadeur du Salvador, 25 mars 1952

« C’est avec la plus vive satisfaction que Nous avons entendu de la bouche du nouveau représentant de la République du Salvador que l’élévation de la précédente mission au rang d’ambassade a son inspiration et sa raison d’être dans la ferme volonté d’un peuple, pour ainsi dire intégralement catholique, qui désire donner un témoignage de la profonde vénération et de la filiale dévotion qu’il professe à l’égard du Siège apostolique, reconnu par lui comme l’institution particulière, oeuvre de la main du Seigneur, dont le destin est de faciliter à l’humanité entière la réalisation de ses plus hautes fins ; l’institution qui « en ces moments de trouble dans le monde — comme a dit Votre Excellence en une phrase aussi vraie qu’exacte — représente une voie lumineuse de paix et de concorde ».

Une semblable attitude est conforme à la qualité qui correspond au digne Représentant d’une Nation, portant dans son nom la plus haute évocation religieuse et, dans son histoire, l’empreinte indélébile du catholicisme le plus enraciné ; donc — si Nous voulons laisser de côté les temps semi-nébuleux du mythique Votàn ou du préhistorique Quezalcohualt — personne ne peut ignorer que votre histoire débute avec ce Pierre de Alvarado qui, en 1524, plaça ses conquêtes sous la protection de la Sainte Trinité et, en 1528, donna le nom de San Salvador à votre capitale, ni qu’elle entre dans les temps actuels avec une liste de grands personnages, Pères de la patrie, dans laquelle on ne peut omettre les noms des prêtres Delgado, Rodri-guez, Aguilar et Arce.

Elle n’était donc qu’une conséquence de l’adhésion franche et claire du peuple du Salvador à une mission qui est fondamentale dans l’Eglise de Jésus-Christ et à l’exercice et au succès de laquelle devait demeurer inébranlablement fidèle — et de fait, il l’est demeuré — son Chef visible, bien que tous les autres — hommes et institutions — vacillent dans leurs intentions de paix ou vont jusqu’à les oublier. Cependant, il est nécessaire de reconnaître que cette entente acquiert une signification spéciale à l’heure actuelle, quand l’évolution des événements et le cours des conversations mondiales révèlent que l’on s’achemine de plus en plus vers de nouvelles discordes et de plus funestes tensions ; et elle donne en même temps à sa première intervention officielle en ce centre de la Chrétienté un profond contenu moral ; Nous en sommes reconnaissant envers Monsieur le Président de la République dont la confiance vous a envoyé auprès de Nous ; envers le cher peuple du Salvador et, tout spécialement, envers Votre Excellence qui s’est faite, avec tant de dignité, l’interprète de sentiments si élevés.

En évoquant les paroles, qui ne Nous sont pas inconnues, du Message inaugural de votre Chef d’Etat, vous avez manifesté, Excellence, votre souhait que le but des harmonieuses et fécondes relations entre l’Eglise et l’Etat dans votre pays soit fixé dans l’extension à toutes les catégories de votre bon peuple d’un haut niveau intellectuel et moral, en exprimant, en même temps, la confiance de pouvoir compter pour cette fin, sur Notre bienveillant appui. Nous vous le garantissons, avec Notre coeur de Père débordant de joie et d’espérance et en vous priant de vouloir recourir à lui largement et constamment.

Si, d’un regard rétrospectif qui embrasse ces derniers temps, Nous voulons considérer la vie de votre pays, sans pour cela détourner les yeux attentifs et vigilants des temps présents, il serait facile de prédire que, grâce à une intelligence réciproque et sereine, soutenue par la pureté des intentions et par le sincère désir de réalisation, on ne manquerait pas de trouver les occasions où pourrait se démontrer de la part de votre gouvernement une compréhension effective, à l’égard du peuple fidèle du Salvador, dans toutes ses classes, de tout ce qui a trait à la réalisation de ses plus légitimes aspirations religieuses et culturelles.

Quant à ce qui touche à l’Eglise, l’évolution de la situation constitutionnelle et législative ne s’est pas toujours réalisée dans votre patrie, comme dans d’autres nations, en accord avec les principes et les critériums que paraissaient réclamer les sentiments religieux du peuple et les exigences inéluctables d’un bien commun justement entendu.

Sous l’influence pernicieuse de certaines idées, dont la futilité est chaque jour plus évidente, se succédèrent dans votre nation, entre certaines organisations bien orientées, des reculs et des heurts dont souffre encore sensiblement de leurs effets une bonne partie de votre peuple.

Quoi qu’il en soit, Nous comprenons bien qu’il est toujours plus facile de constater l’existence de telles déficiences que de les surmonter avec sérénité et prudence en s’engageant sur une voie nouvelle et bienfaisante. Mais il est également certain que tout gouvernement disposé à tirer les enseignements opportuns des expériences du passé et à tenir compte des légitimes aspirations de l’immense majorité de la population, trouve toujours, précisément dans la rencontre de ces mêmes éléments, le moyen sûr de commencer, pour le moins, le travail de correction et d’entreprendre l’exécution du programme ardemment souhaité, dont les effets salutaires se feront aussitôt noter par des fruits permanents.

Le Salvador, Monsieur l’Ambassadeur, ne peut manquer de tenir compte de la position détachée et transcendentale que lui concèdent sa situation et ses caractéristiques géographiques. Il pourrait sembler à certains un petit pays ; mais, en revanche, tout le monde est d’accord pour lui reconnaître une notable et forte singularité dans cette sorte de ferveur de vie que dénotent la haute densité de sa population, le caractère industrieux de ses fils et la nature accidentée et variée de son sol — par cela même plus pittoresque, plus attrayant et plus riche — ; sans oublier la beauté sans pareille de ses vallées ouvertes sur la mer et du haut desquelles la vue se récrée sur un horizon illimité de verdure, plein d’enchantement et de promesses.

Il est donc riche dans sa vie matérielle, il l’est beaucoup plus dans sa vie spirituelle. Les forces latentes du peuple catholique du Salvador, après avoir éliminé résolument les empêchements reconnus par tous spécialement dans le domaine de l’enseignement, doivent se relever puissantes et accourir, bienfaisantes, à tous les centres vitaux de la nation, déjà préparée pour cette élévation morale, culturelle et spirituelle ; d’un tel relèvement aucune administration prudente n’a rien à redouter, mais elle a, au contraire, beaucoup à espérer.

Dans la conviction, Monsieur l’Ambassadeur, que votre mission, si heureusement commencée aujourd’hui, doit arriver, pour l’intérêt commun et dans le sens que Nous avons indiqué, à aplanir le chemin vers des résultats de plus en plus élevés, Nous envoyons à tous Nos très chers fils de votre magnifique pays, unis à Nous par le lien de la Foi, la Bénédiction apostolique. » (Allocution à l’Ambassadeur du Salvador, 25 mars 1952)

Discours aux hommes de l’Action catholique d’Italie du 12 octobre 1952

« Oh ! ne Nous demandez pas qui est « l’ennemi » ni sous quel aspect il se présente. Il se trouve partout et au milieu de tous : il sait être violent et rusé. Ces derniers siècles, il a tenté de réaliser la désagrégation intellectuelle, morale, sociale de l’unité dans l’organisme mystérieux du Christ. Il a voulu la nature sans la grâce ; la raison sans la foi ; la liberté sans l’autorité ; parfois l’autorité sans la liberté. C’est un « ennemi » devenu de plus en plus concret, avec une absence de scrupules qui surprend encore : le Christ oui, l’Eglise non ! Puis : Dieu oui, le Christ non ! Finalement le cri impie : Dieu est mort ; et même : Dieu n’a jamais existé. Et voici, maintenant, la tentative d’édifier la structure du monde sur des bases que Nous n’hésitons pas à indiquer comme principales responsables de la menace qui pèse sur l’humanité : une économie sans Dieu, un droit sans Dieu, une politique sans Dieu. L’« ennemi » s’est employé et s’emploie à ce que le Christ soit un étranger dans les universités, dans l’école, dans la famille, dans l’administration de la justice, dans l’activité législative, dans les assises des nations, là où se décide la paix ou la guerre. » (Discours aux hommes d’Action catholique d’Italie, 12 octobre 1952)

Concordat entre le Saint-Siège et l’Espagne du 27 août 1953

Le 27 août 1953, le Saint-Siège et l’Espagne conclurent un nouveau Concordat entre le Saint-Siège et l’Espagne. Pie XII le considérait comme un modèle du genre. Il portait dans son introduction :

« Au nom de la Très Sainte Trinité, 

Le Saint-Siège apostolique et l’Etat espagnol, animés du désir d’assurer une féconde collaboration, pour le plus grand bien de la vie religieuse et civile de la nation espagnole, ont décidé de signer un Concordat qui, reprenant les accords antérieurs et les complétant, constitue la norme qui doit régler les relations réciproques des hautes parties contractantes, en conformité à la loi de Dieu et à la tradition catholique de la nation espagnole. »

Le 1er article disposait :

« La religion catholique, apostolique, romaine continue d’être la seule de la nation espagnole et elle jouira des droits et des prérogatives qui lui reviennent en conformité avec la loi divine et le droit canonique. »

Ce Concordat contenait un « Protocole final », qui tirait ainsi la conséquence du 1er article :

« Au moment de procéder à la signature du Concordat, conclu aujourd’hui entre le Saint-Siège et l’Espagne, les plénipotentiaires soussignés ont fait, d’un commun accord, les déclarations suivantes, qui feront partie intégrante du même Concordat.

En relation avec l’article premier.

Sur le territoire national continuera d’être en vigueur ce qui est établi à l’article 6 de la charte des Espagnols.

En ce qui se réfère à la tolérance des cultes non catholiques, sur les territoires de souveraineté espagnole en Afrique, continuera d’être en vigueur le statu quo observé jusqu’à présent. »

Ce Concordat entérinait donc la charte des Espagnols, en espagnol Fuero de los Españoles du 13 juillet 1945, disposait en effet en son article 6 :

« La profession et la pratique de la religion catholique, qui est celle de l’Etat espagnol, jouiront de la protection officielle.

Personne ne sera inquiété pour ses croyances religieuses ni pour l’exercice privé de son, culte. On n’autorisera pas d’autres cérémonies ni manifestations extérieures que celles de la religion catholique. » (Documentation Catholique n° 948, 1945, p.691)

Les choses sont donc claires : seuls les catholiques ont un droit à exprimer leur religion en public, les autres ne peuvent bénéficier que d’une tolérance si les circonstances l’imposent (en l’occurrence ce principe est appliqué strictement en Espagne métropolitaine, et une garantie supplémentaire est accordée au culte musulman pour les territoires marocains sous protectorat espagnol). Et l’Eglise signa ce Concordat en le certifiant « en conformité à la loi de Dieu » ! Pie XII rappela quelque mois plus tard que : « Quand l’Eglise a apposé sa signature à un Concordat, cela vaut pour tout son contenu » (Allocution Ci riesce, 6 décembre 1953, aux juristes catholiques italiens) !

Mgr Roland MINNERATH, Archevêque émérite de Dijon, ancien professeur de droit canonique, commente ainsi ce Concordat :

« affirmation centrale que l’on dirait tirée d’un manuel de droit public ecclésiastique. […] Rien ne semble plus justifié que l’affirmation d’Ottaviani [Secrétaire du Saint-Office] selon laquelle le concordat de 1953 « est huius generis concordatorum in tota Ecclesiae historia perfectissimum » [le plus parfait de toute l’histoire de l’Eglise] [Institutiones Iuris Publici Ecclesiastici, 2 volumes [Vatican 1958 et 1960], Vol. II, p. 357] ». » (L’Eglise catholique face aux Etats, Cerf, 2012, p. 145)

Allocution Ci riesce, 6 décembre 1953, aux juristes catholiques italiens

L’allocution suivante n’enseigne pas en soi le devoir pour la société civile d’être officiellement unies à l’Eglise, mais ce qui y est dit n’aurait aucun sens si ce n’était pas le cas :

« Au sujet des intérêts religieux et moraux surgit une double question : la première concerne la vérité objective et les devoirs de la conscience envers ce qui est objectivement vrai et bon ; la seconde envisage le comportement effectif de la Communauté des peuples vis-à-vis d’un Etat souverain quelconque et de celui-ci vis-à-vis de la Communauté des peuples dans les affaires de religion et de moralité. La première question peut difficilement faire l’objet d’une discussion et d’un règlement entre les Etats particuliers et leur Communauté, surtout en cas d’une pluralité de confessions religieuses dans la Communauté elle-même. La seconde question peut être par contre d’une urgence et d’une importance extrême.

Dans certaines conditions concrètes on ne doit pas vouloir supprimer toute erreur.

Voici le chemin pour répondre correctement à la seconde question. D’abord il faut affirmer clairement qu’aucune autorité humaine, aucun Etat, aucune Communauté d’Etats, quel que soit leur caractère religieux, ne peuvent donner un mandat positif ou une autorisation positive d’enseigner ou de faire ce qui serait contraire à la vérité religieuse et au bien moral. Un mandat ou une autorisation de ce genre n’auraient pas force obligatoire et resteraient inefficaces. Aucune autorité ne pourrait les donner parce qu’il est contre-nature d’obliger l’esprit et la volonté de l’homme à l’erreur et au mal ou de considérer l’un et l’autre comme indifférents.

Même Dieu ne pourrait donner un tel mandat positif ou une telle autorisation positive parce que cela serait en contradiction avec son absolue véridicité et sainteté.

Une autre question essentiellement différente est celle-ci : dans une Communauté d’Etats peut-on, au moins dans des circonstances déterminées, établir la norme que le libre exercice d’une croyance ou d’une pratique religieuse en vigueur dans un des Etats-membres ne soit pas empêché dans tout le territoire de la Communauté au moyen de lois ou d’ordonnances coercitives de l’Etat. En d’autres termes, on demande si le fait de « ne pas empêcher » ou de tolérer est permis dans ces circonstances et si, par là, la répression positive n’est pas toujours un devoir.

Nous avons invoqué tantôt l’autorité de Dieu. Bien qu’il lui soit toujours possible et facile de réprimer l’erreur et la déviation morale, Dieu peut-il choisir dans certains cas de « ne pas empêcher » sans entrer en contradiction avec son infinie perfection ? Peut-il se faire que, dans des circonstances déterminées, Il ne donne aux hommes aucun commandement, n’impose aucun devoir, ne donne même aucun droit d’empêcher et de réprimer ce qui est faux et erroné ? Un regard sur la réalité autorise une réponse affirmative. Elle montre que l’erreur et le péché se rencontrent dans le monde dans une large mesure. Dieu les réprouve ; cependant il leur permet d’exister. Donc l’affirmation : l’erreur religieuse et morale doit toujours être empêchée quand c’est possible, parce que sa tolérance est en elle-même immorale – ne peut valoir dans un sens absolu et inconditionné. D’autre part, même à l’autorité humaine Dieu n’a pas donné un tel précepte absolu et universel, ni dans le domaine de la foi ni dans celui de la morale. On ne le trouve ni dans la conviction commune des hommes, ni dans la conscience chrétienne, ni dans les sources de la révélation, ni dans la pratique de l’Eglise. Pour omettre ici d’autres textes de la Sainte Ecriture qui se rapportent à cet argument, le Christ dans la parabole de la zizanie a donné l’avertissement suivant : « Dans le champ du monde, laissez croître la zizanie avec la bonne semence à cause du froment ». Le devoir de réprimer les déviations morales et religieuses ne peut donc être une norme ultime d’action. Il doit être subordonné à des normes plus hautes et plus générales qui, dans certaines circonstances, permettent et même font peut-être apparaître comme le parti le meilleur celui de ne pas empêcher l’erreur, pour promouvoir un plus grand bien.

Par-là se trouvent éclairés les deux principes desquels il faut tirer dans les cas concrets la réponse à la très grave question touchant l’attitude que le juriste, l’homme politique et l’Etat souverain catholique doivent prendre à l’égard d’une formule de tolérance religieuse et morale comme celle indiquée ci-dessus, en ce qui concerne la Communauté des Etats. Premièrement : ce qui ne répond pas à la vérité et à la loi morale n’a objectivement aucun droit à l’existence, ni à la propagande, ni à l’action. Deuxièmement : le fait de ne pas l’empêcher par le moyen de lois d’Etat et de dispositions coercitives peut néanmoins se justifier dans l’intérêt d’un bien supérieur et plus vaste.

Quant à la « question de fait », à savoir si cette condition se vérifie dans le cas concret, c’est avant tout au Juriste catholique lui-même d’en décider. Il se laissera guider dans sa décision par les conséquences dommageables qui naissent de la tolérance, comparées avec celles qui par suite de l’acceptation de la formule de tolérance se trouveront épargnées à la Communauté des Etats ; puis par le bien qui, selon de sages prévisions, pourra en dériver pour la Communauté elle-même en tant que telle, et indirectement pour l’Etat qui en est membre. Pour ce qui regarde le terrain religieux et moral, il demandera aussi le jugement de l’Eglise. De la part de celle-ci, en de telles questions décisives, qui touchent la vie internationale, est seul compétent en dernière instance Celui à qui le Christ a confié la conduite de toute l’Eglise, le Pontife Romain. » (Allocution Ci riesce, 6 décembre 1953, aux juristes catholiques italiens

Radiomessage à la jeunesse féminine d’action catholique espagnole, 27 janvier 1955

Deux ans après le Concordat, Pie XII salua à nouveau de la catholicité de la nation espagnole, et donc du grand bien qu’était son Concordat :

« « L’Espagne est belle, faisons-la sainte » dit la devise de votre vingt-cinquième anniversaire. L’Espagne est belle, oui, dans les mille dons qui l’enrichissent venus de la main généreuse du Créateur, avec ses cimes couronnées de neige, avec ses plaines dorées par les moissons, avec ses vallées fécondes et riantes, avec ses plages sans fin où deux mers viennent lui apporter richesse et fraîcheur ; belle dans les fruits dorés et doux de son sol ; dans son ciel d’azur, dans ses fleuves argentés et abondants, dans les coeurs de ses fils ; belle dans ses souffrances, belle dans ses entreprises, belle dans son histoire. Mais l’Espagne est encore plus belle dans les vertus chrétiennes qui la distinguent, dans la pureté des moeurs, dans l’intégrité de la famille, dans la fidélité à l’Eglise, dans sa ferme adhésion à la foi pour laquelle elle a démontré qu’elle savait mourir ; l’Espagne est encore plus belle dans ses Saints. Que cette flamme ne s’éteigne jamais dans les coeurs espagnols ; que ce désir de sainteté vive et croisse en vous, et pour y arriver soyez vous-mêmes saintes et ensuite sanctifiez tout ce qui vous entoure. » (Radiomessage à la jeunesse féminine d’action catholique espagnole, 27 janvier 1955)

Allocution à des Maires et Administrateurs provinciaux italiens, 22 juillet 1956

« C’est à Dieu qu’appartiennent les hommes et les choses, les structures et les institutions, les continents et les nations ; à Dieu sont donc provinces et communes, et, en tant que telles, elles doivent le glorifier, elles doivent lui rendre l’honneur qui lui est dû.

Ce n’est certes pas votre tâche d’approcher directement les âmes pour les éclairer et pour les convaincre, pour les inciter au bien malgré les obstacles à vaincre : l’apostolat proprement dit revient plutôt aux prêtres et à ceux qui collaborent avec eux, en militant dans l’Action catholique ou dans d’autres organisations similaires. Mais qui voudrait nier que l’autorité civile légitime tout en demeurant un organe immédiat de bien-être matériel, ne puisse devenir un moyen auxiliaire de salut spirituel, en facilitant et en soutenant l’oeuvre que l’Eglise accomplit pour conduire les âmes vers leur destin éternel ? 

Ainsi le monde, illuminé par le Christ qui est Vérité, guidé par le Christ qui est Voie, vivifié par le Christ qui est Vie, reprendra avec confiance sa route. Celle-ci ne sera sans doute pas toujours couverte de fleurs, mais elle ouvrira sûrement aux hommes l’accès à de plus hautes et plus impérissables conquêtes. » (Allocution à des Maires et Administrateurs provinciaux italiens, 22 juillet 1956)

Allocution au Premier ministre d’Irlande du 4 octobre 1957

« Appuyées sur la loi naturelle, ces prérogatives humaines fondamentales, que votre Constitution garantit et assure à tout citoyen d’Irlande dans les limites de l’ordre et de la moralité, ne pourraient trouver une plus ample et plus sûre garantie, contre les forces athées de la subversion et l’esprit de faction et de violence, que dans la confiance mutuelle entre les autorités de l’Eglise et de l’Etat, chacune indépendante dans sa propre sphère, mais alliées pour le bien commun, sur la base des principes de la foi et de la doctrine catholique. […]

Le peuple qui a le Seigneur pour Dieu (cf Ps 143, 15) est heureux en vérité, même sous un aspect humain raisonnable. Durant cette période de crise spirituelle et d’angoisse révolutionnaire, à travers chaque phase de sa vaillante lutte pour survivre, pour la paix et la prospérité avec son honneur intact, l’Irlande n’a jamais oublié que son Rédempteur est avec elle (cf Jb 19, 25) et, au plus profond de son cœur, l’Irlande a su qu’Il ne l’abandonnerait jamais à l’heure de l’épreuve ou du triomphe. Ce fut le plus solide de ses nombreux nobles instincts, guidé par la grâce divine, qui la poussa à proclamer sa Constitution « au nom de la Très Sainte Trinité, de Laquelle vient toute Autorité et à Laquelle, comme notre fin ultime, doivent se référer toutes les actions à la fois des hommes et des Etats ». » (Allocution au Premier ministre d’Irlande, 4 octobre 1957, PIN. 1271)

Encyclique Meminisse Iuvat, 14 juillet 1958 Sur les prières pour l’Église persécutée

« I – La religion chrétienne, sans laquelle il ne peut y avoir de paix, est oubliée et persécutée.

[…]

a) La loi chrétienne et la religion catholique sont souvent privées de la place qui leur revient.

Il est donc nécessaire de revenir à la loi chrétienne, si l’on veut former une société solide, juste et équitable. Il est nuisible, il est imprudent d’entrer en conflit avec la religion chrétienne, dont la pérennité est garantie par Dieu et attestée par l’histoire. Qu’on y songe bien : sans la religion, il ne saurait y avoir de moralité et d’ordre public dans un Etat. Car la religion forme les esprits à la justice, à la charité, à l’obéissance des justes lois ; elle proscrit le vice ; elle porte les citoyens à la vertu et règle leur conduite publique et privée ; elle enseigne enfin que la meilleure distribution de la richesse ne s’obtient pas par la violence ni la révolution, mais par de justes lois, grâce auxquelles le prolétariat, qui serait encore dépourvu des ressources nécessaires et convenables, puisse être élevé à une condition plus digne, dans une heureuse solution des conflits sociaux. La religion fournit ainsi à l’ordre et à la justice une contribution plus efficace que si elle avait été instituée uniquement pour procurer et accroître le bien-être de cette vie. » (Encyclique Meminisse Iuvat, 14 juillet 1958 Sur les prières pour l’Église persécutée)

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Cette entrée a été publiée le 23 février 2019 par dans Foi Catholique.