+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

Saint Pierre a-t-il été le premier Évêque de Rome ?

Dossier sur la Papauté : ici

Saint Pierre fut-il le premier Évêque de Rome ? C’est une question fondamentale pour la doctrine de la Papauté. En effet, le Pape, lui-même Évêque de Rome, affirme être en tant que tel, successeur de saint Pierre et donc chef visible et temporel de l’Église, vicaire de Jésus-Christ, son chef invisible et éternel. En conséquence, si Pierre ne fut pas Évêque de Rome, le Pape n’est pas son successeur et donc pas non plus chef de l’Église du Christ. C’est pour cela que de nombreux protestants, orthodoxes etc, affirment que Pierre ne fut pas Évêque de Rome ; certains protestants ou assimilés vont même jusqu’à dire qu’il n’est pas allé à Rome du tout ! Nous avons déjà démontré que Pierre a écrit sa première Epître depuis Rome, que saint Marc a composé son Evangile sous la direction de saint Pierre à Rome, que Pierre y fut martyr et qu’il a sa sépulture et que les premiers chrétiens sont unanimes à rapporter son voyage dans cette ville. Nous nous attacherons ici à démontrer qu’il fonda l’Eglise de Rome et qu’il en fut le premier Évêque.

Voici le plan de notre étude :

I) Preuves tirées de l’Ecriture Sainte

A) La persécution de Claude

B) Datation de l’Evangile de Marc de la Ière Epître de Pierre

C) La salutation finale de la Ière Epître de Pierre

D) Les propos de saint Paul

II) Preuves tirées de la Tradition

A) Une Tradition univoque et unanime

1) Le témoignage constant des Pères de l’Eglise

2) Le IIIè concile de Constantinople : une preuve définitive pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

B) Un épiscopat de 25 ans

III) Réponses aux objections

A) Le silence des Actes des Apôtres

B) Le silence de l’Epître aux Romains et de la IInde Epître à Timothée

C) Saint Paul qui alla à Rome ne s’interdisait-il pas de prêcher l’Evangile là où le Christ avait déjà été nommé, « afin de ne pas bâtir sur le fondement qu’un autre aurait posé » (Romains XV, 20) ?

D) N’y avait-il pas des chrétiens à Rome dès après la Pentecôte (Actes II, 1-10) ?

E) Le silence de Flavius Josèphe

F) A-t-on des preuves de la venue et du séjour de saint Pierre à Rome ?

G) Saint Pierre et saint Paul, premiers évêques de Rome tous les deux ?

H) Saint Lin évêque de Rome pendant la vie de saint Pierre selon le Liber pontificalis ?

I) Une surinterprétation d’un passage d’Eusèbe de Césarée

J) Saint Lin « premier évêque de Romains » selon saint Irénée et Eusèbe de Césarée ?

1) Réfutation péremptoire

2) Quelques explications

a) Chez Eusèbe de Césarée

b) Chez saint Irénée de Lyon

3) Un langage identique chez saint Jérôme (347-420)

4) Les témoignages postérieurs à Eusèbe

K) Une ambigüité chez Tertullien

L) Les affirmations des Constitutions apostoliques

M) L’épiscopat de saint Pierre à Rome contredit par des propos de saint Innocent ?

I) Preuves tirées de l’Ecriture Sainte

A) La persécution de Claude

L’empereur Claude ordonna l’expulsion des Juifs de Rome. Cela nous est rapporté par l’Ecriture Sainte :

« Après cela, [Paul] partit d’Athènes et se rendit à Corinthe. Il (y) trouva un Juif nommé Aquila, originaire du Pont, récemment arrivé d’Italie, et sa femme Priscille, parce que Claude avait décrété que tous les Juifs eussent à s’éloigner de Rome. » (Actes XVIII, 1 et 2)

Cela a lieu peu de temps après le concile de Jérusalem qui se tint vers 49 (Actes XV). L’historien romain Suétone (vers 70-vers 122) nous donne de très précieuses informations au sujet de cette expulsion : sa date précise et surtout son motif. En effet, il rapporte qu’en 49, par édit impérial :

« [Claude] chassa de la ville les Juifs qui se soulevaient sans cesse à l’instigation d’un certain Chrestus. » (Vie de Claude, XXV)

« Chrestus » est évidemment une déformation du mot grec « Christos », ce qui veut dire Christ en grec. Cela veut donc dire qu’en 49 le Christianisme était déjà présent à Rome. Il est de plus significatif qu’il parle de Juifs, car comme nous le rapporte l’Ecriture Sainte, Pierre était d’abord l’apôtre des circoncis (Galates II, 7-9). Il est donc normal que là où Pierre évangélisa, il se trouva plus de juifs que de Gentils à professer le nom du Christ ! Il est d’ailleurs criant que l’Epître aux Romains est adressée  à un lectorat issu du judaïsme. En effet, il est tout du long question de la Loi ancienne, entre autres dans ses rapports avec la nouvelle, des interdits alimentaires et de la théologie concernant Israël.

Cela correspond aux données dont nous disposons par ailleurs concernant l’Evangile de Marc. La Tradition nous apprend, et les découvertes de Qûmran nous confirment, d’une part que celui-ci fut écrit à Rome sous la direction de Pierre, et d’autre part que cette rédaction se fit avant l’an 50.

C’est aussi sous le règne de Claude que les auteurs chrétiens anciens placent l’arrivée de Pierre à Rome. Paul Orose (vers 380-vers 417) dit :

« Claude fut le quatrième César après Auguste et régna quatorze ans. Ce fut au commencement de son règne que Pierre, apôtre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vint à Rome, enseigna fidèlement tous ceux qui voulaient croire à la foi qui conduit au salut, et la prouva par les plus grands miracles; c’est à partir de cette époque que les chrétiens commencèrent à exister à Rome. » (P.L., t. XXXI, p. 1072)

D’autres en donnent aussi le motif : la poursuite de Simon le Magicien. Ce récit n’est pas certains, mais les Pères ne lui aurait jamais donné un tel crédit s’il n’avait pas été par ailleurs certains que c’est saint Pierre qui introduisit le christianisme à Rome dès la décennie 40 (ce qui nous ai quoi qu’il en soit garantit par l’analyse de l’Evangile de Marc).

Eusèbe de Césarée (vers 260-vers 340) :

« Le père et l’artisan de tous ces maux fut Simon, A cette époque la puissance malfaisante, haineuse du bien, et ennemie du salut des hommes, le suscita comme on digne adversaire des grands et saints apôtres de notre Sauveur. […] Alors le magicien dont nous parlons eut les yeux de l’esprit éblouis comme par une lumière divine et miraculeuse, dès qu’en Judée il fut convaincu de ses entreprises criminelles par l’apôtre Pierre : il fit donc un grand voyage d’outre-mer et s’enfuit d’Orient en Occident, croyant que là seulement il pourrait vivre à sa guise. Il vint à Rome et la puissance qui était établie dans cette ville l’y assista pour de grands prodiges. Ses affaires allèrent rapidement si bien qu’il fut, ainsi qu’un dieu, honoré d’une statue par les gens de ce pays. Sa prospérité ne fut pas de longue durée ; tout au début du même règne de Claude, la Providence divine dans son entière bonté et son amour immense pour les hommes, conduisit par la main à Rome, comme contre ce fléau du monde, Pierre, le courageux et grand apôtre qui surpassait tous les autres par sa vertu : ainsi qu’un vaillant capitaine des armées de Dieu, il venait muni d’armes célestes et apportait d’Orient aux hommes d’Occident la marchandise précieuse de la lumière spirituelle. Il prêcha la lumière elle-même et le Verbe sauveur des âmes, annonçant le royaume des cieux. » (Histoire ecclésiastique, II, 14)

Saint Cyrille de Jérusalem (vers 315-387) :

« Le premier auteur de toutes les hérésies fut Simon le Magicien, ce même Simon dont il est parlé aux Actes des Apôtres, qui prétendait acheter au prix d’argent les dons du Saint-Esprit, et auquel il fut dit : Tu n’as point de part à ce qui vient de se dire, etc., (Act. VIII, 24) et qui était du nombre de ceux dont il est écrit : Ils sont sortis d’avec nous, mais ils n’étaient pas des nôtres ; s’ils eussent été des nôtres, ils seraient restés avec nous. (I Jean II, 9.) Repoussé, chassé par les Apôtres, il vint à Rome, suivi d’une femme publique qu’il nommait Hélène C’est lui qui le premier eut l’audacieuse impiété de se dire être celui qui, sous le nom de Dieu le Père, s’était manifesté aux hommes sur le mont Sinaï, qui au milieu de la Judée s’était fait voir sous la figure du Christ, non pas réellement, mais en apparence, et enfin de se dire le Paraclet (l’esprit consolateur) promis par Jésus-Christ. Il séduisit tellement toute la ville de Rome, que l’Empereur Claude lui fit ériger une statue avec cette inscription latine : A SIMON DIEU SAINT. Comme l’erreur se propageait au loin, Pierre et Paul, chefs de l’Eglise, accoururent au-devant de ce séducteur et se hâtèrent d’arrêter les progrès du mal, et frappèrent de mort subite ce monstre d’impiété qui se vantait d’être Dieu lui-même. Il avait promis au peuple romain de s’élever dans les airs ; et déjà en effet il volait sur ailes des démons lorsque les serviteurs de Dieu, Pierre et Paul, chefs de l’Eglise, se jetèrent à genoux pleins de confiance dans ces paroles du Sauveur : Si deux d’entre vous s’unissent sur la terre pour demander chose quelconque, elle leur sera accordée. (Matth. XVIII, 19.) Ils lancèrent de concert contre le suppôt de Satan le trait puissant de leurs prières, et le précipitèrent à terre. Quelque merveilleux que vous paraisse ce fait, n’en soyez cependant pas surpris ; car Pierre était celui à qui les clefs du ciel avaient été confiées, Paul avait été ravi jusqu’au troisième ciel, il ‘avait entendu des choses qu’il n’est pas permis à l’homme de révéler. Du haut des airs ils précipitèrent ce prétendu Dieu sur la terre et de là dans les enfers. Telle fut la fin de ce premier dragon, qui de son souffle impur vint infecter la semence de l’Evangile. Mais cette hydre, dont la tête venait d’être abattue, en reproduisit bientôt mille autres. » (Catéchèse, VI, 14 et 15)

Sulpice-Sévère (vers 363-410 ou 429), chroniqueur et ecclésiastique:

« Néron fut le premier qui entreprit de détruire la religion chrétienne : car toujours le vice est ennemi de la vertu, et les méchants voient dans la conduite des gens de bien la censure de la leur. A cette époque, le christianisme avait déjà fait de grand progrès dans Rome, dont saint Pierre était évêque. Saint Paul s’y trouvait aussi, ayant interjeté appel de l’injuste sentence d’un gouverneur, au tribunal de César. On se réunissait pour l’entendre, et l’évidence de la vérité, ainsi que les miracles fréquents que faisaient les apôtres, opéraient un grand nombre de conversions. Ce fut alors que saint Pierre et saint Paul eurent cette fameuse dispute avec Simon. A l’aide de la magie, Simon, qui se donnait pour un dieu, s’éleva dans les airs, soutenu par deux démons. Mais les prières des apôtres mirent en fuite ces démons, et Simon tomba au milieu d’une foule de peuple, et se tua dans sa chute. » (Histoire sacrée, II, 18)

Saint Filastre de Brescia (mort après 427) :

« Simon le magicien s’enfuit de Jérusalem, chassé par l’apôtre saint Pierre et vint à Rome. Il y combattit saint Pierre sous l’empereur Néron et vaincu de toutes parts à la prière de l’apôtre […] il mérita de périr. » (Livre des hérésies, chapitre 29 dans PL, 12/1141, ou dans Bibl. PP., t. V, p. 703)

La venue de Simon le Magicien à Rome est généralement relégué au rang des fables. Nous publierons peut-être prochainement une étude démontrant qu’elle est en fait au moins vraisemblable. Rappelons que même sans cela, le seul fait de la rédaction dans la décennie 40 de l’Evangile de Marc à Rome suffit à prouver que Pierre était à Rome sous Claude.

B) Datations de l’Evangile de Marc et de la Ière Epître de Pierre

Nous avons mentionné en introduction du présent article notre démonstration que « Babylone » de laquelle Pierre affirme écrire cette Epître est un nom de code pour Rome. Nous y revoyons le lecteur. Il ne suffit cependant pas ici de prouver que Pierre fut présent à Rome, mais encore qu’il y fut le premier. En particulier qu’il y fut le premier avant saint Paul, que les auteurs des trois premiers siècles nous présentent souvent comme étant tous les deux à Rome sans nous dire s’ils y étaient venus en même temps ou l’un après l’autre et dans quel ordre. Il faut donc constater que les dates de la rédaction de cette Epître et celle de l’arrivée de saint Paul à Rome ne laissent pas de place au doute.

Nous en avons la preuve dans les Actes des Apôtres. En effet, comme nous venons de le rappeler, lorsque saint Pierre dit écrire sa Ière Epître depuis « Babylone », c’est-à-dire Rome, il dit aussi qu’il est avec saint Marc, son « fils », c’est-à-dire son disciple ; et que Marc écrivit à Rome pour Pierre et ceux avant l’an 50. Il est donc établi que Marc était avec Pierre à Rome avant l’expulsion des juifs de la Ville, décidée par Claude. Aussi, le concile de Jérusalem qui se tint vers 49-50 est rapportée en Actes XV, 4-29. Par la suite, Actes XV, 37-39 nous confirme que Pierre fut avant Paul à Rome. En effet, ces trois versets nous apprennent que Barnabé suggéra à Paul de prendre Marc avec eux pour la suite de leurs voyages apostoliques, mais que Paul ayant refusé, Barnabé partit sans Paul mais avec Marc pour Chypre. C’est donc au plus tard juste après le concile de Jérusalem en 49-50 que les chemins de Pierre et Marc se séparèrent. Ils étaient donc ensemble à Rome avant cela. Cela seul constitue une preuve car ce n’est qu’en Actes XXVIII, 14 que Paul arrive à Rome.

Cependant, il existe deux autres preuves tirées de l’Epître aux Romains que celle-ci est écrite après le concile de Jérusalem. D’une part Paul dit qu’il est l’hôte du chrétien Caïus ou Gaius (Romains XVI, 23), qu’il a baptisé lui-même à Corinthe (I Corinthiens I, 14), or nous savons que Paul n’évangélisa Corinthe qu’après le concile (Actes XVIII, 1-18). D’autre part il écrit avoir déjà évangélisé « depuis Jérusalem et les pays voisins jusqu’à l’Illyrie » (Romains XV, 19), or les chapitre XIII et XIV des Actes (après sa conversion) nous montrent qu’avant le concile, il ne voyagea qu’en Palestine, au Sud de l’Asie mineure et à Antioche ; tous ses autres voyages plus au Nord de l’Asie mineure, ainsi qu’en Grèce et en Macédoine (limitrophe de l’Illyrie) n’ont lieu qu’à partir d’Actes XVI. Les auteurs situent en général la rédaction de l’Epître aux Romains entre 53 et 58.

C) La salutation finale de la Ière Epître de Pierre

Comme nous l’avions également souligné dans notre article sur l’origine romaine de la Ière Epître de Pierre, nous pouvons ajouter encore une autre remarque quant à la phrase dont nous traitons [I Pierre V, 13]. En effet, elle et le verset suivant disent :

« L’Église de Babylone, élue avec vous, et Marc, mon fils, vous saluent. Saluez-vous les uns les autres par un baiser d’amour. La paix soit avec vous tous qui êtes dans le Christ ! Amen ! » (I Pierre V, 13-14).

Tout le monde comprendra que par là, Pierre nous informe sur l’endroit depuis lequel il écrit, que celui-ci soit indiqué au sens littéral ou au sens allégorique. Mais ces mots nous apprennent également autre chose : ils nous renseignent sur la nature du lien que Pierre entretient avec cet endroit. En effet, Au début des lettres du Nouveau Testament, que ce soit les Epîtres ou la lettre envoyé par saint Jean dans l’Apocalypse aux sept Eglises qui sont en Asie (Apocalypse I, 4), ou dans les lettres envoyées par les premiers chrétiens, commencent par la mention de celui qui écrit la lettre, c’est-à-dire le nom personnel de l’auteur si il écrit en son nom propre (Pierre, Paul, Ignace, etc) soit le nom de l’Eglise locale de la part de laquelle la lettre est écrite (l’Eglise de Babylone, l’Eglise de Rome, l’Eglise qui séjourne à Smyrne, etc), suivit de la mention du destinataire, qui sera encore une fois un nom personnel ou le nom d’une Eglise locale. Enfin, la plupart du temps, il y a une invocation à la grâce et à la paix du Christ. Aussi, l’auteur de la lettre écrit en fonction de celui au nom de qui il peut parler. Si ce n’est que lui-même, il ne mentionne que son propre nom. S’il peut le faire au nom d’une Eglise locale, il la mentionne. Aussi le fait que saint Pierre parle au nom de la communauté depuis laquelle il écrit en y adjoignant au passage une invocation de la paix divine, signifie qu’il a un lien avec cette ville d’une nature différente de celle d’un simple Apôtre de passage. Et ce lien, ça est le lien épiscopal ! Pierre écrit en tant qu’évêque de la « Babylone » depuis laquelle il écrit. En effet, dans les deux premiers siècle, chaque fois qu’une lettre commence de cette manière là, cela signifie que c’est l’Église locale, soit en tant que communauté, soit par la voix de son évêque, qui s’exprime. Voici les autres occurrences :

« L’Église de Dieu qui séjourne à Rome à l’Église de Dieu qui séjourne à Corinthe, à ceux qui ont été appelés et sanctifiés dans la volonté de Dieu, par Notre Seigneur Jésus-Christ. » (Saint Clément de Rome, Lettre aux Corinthiens, incipit, vers 95)

« Polycarpe et les presbytres qui sont avec lui à l’Église de Dieu qui séjourne comme une étrangère à Philippes ; que la miséricorde et la paix vous soient données en plénitude de la part du Dieu tout-puissant et de Jésus-Christ notre Sauveur. » (Saint Polycarpe de Smyrne, Lettre aux Philippiens, incipit, vers 110)

« L’Église de Dieu qui séjourne à Smyrne à l’Église de Dieu qui séjourne à Philomelium et à toutes les communautés de la sainte Église catholique qui séjournent en tout lieu: que la miséricorde, la paix et l’amour de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ vous soient données en plénitude [cf. Jude 2]. » (Lettre de l’Église de Smyrne ou Martyre de Polycarpe, incipit, 155 ou 169)

« Les serviteurs du Christ qui habitent Vienne et Lyon en Gaule, aux frères de l’Asie et de Phrygie qui ont la même foi et la même espérance de la rédemption que nous, paix, grâce et gloire de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Seigneur. » (Lettre des martyrs de Lyon, incipit, 177, rapportée par Eusèbe, Histoire ecclésiastique V, 1)

C’était par ailleurs un usage déjà en vigueur chez les juifs de l’Ancienne Alliance. En effet, le deuxième livre des Machabées qui fut rédigé par les juifs de Judée à l’intention de ceux d’Egypte, chacun considérés en tant que communautés formant un tout, commence par ces mots :

« À leurs frères, aux Juifs qui sont en Égypte, salut ! Les Juifs, leurs frères, qui sont à Jérusalem et dans le pays de Juda souhaitent une heureuse paix ! Que Dieu vous fasse du bien et qu’il se souvienne de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, ses fidèles serviteurs ! Qu’il vous donne à tous un coeur pour l’adorer et accomplir ses volontés de grand coeur et de bon gré ! Qu’il ouvre votre coeur à sa loi et à ses préceptes, et qu’il y fasse la paix ! Qu’il exauce vos prières et se réconcilie avec vous, et qu’il ne vous délaisse pas au temps du malheur ! » (II Machabées I, 1-5)

Nous y retrouvons une salutation, puis des invocations de bénédiction et de paix.

Pierre n’écrit pas la lettre en tant que qu’évêque, cela il le fait en son nom propre (I Pierre I, 1), aussi, ce qu’il fait au nom de la communauté chrétienne de « Babylone », ce n’est pas écrire la lettre, mais donner le salut et invoquer la paix de Dieu. Cela revient exactement au même en ce qui nous concerne: il a le pouvoir d’agir au nom d’une communauté particulière, cela signifie qu’il en est l’évêque. Nous ne retrouvons cette formule dans aucune des épîtres de saint Paul ou de saint signale d’Antioche. Il est ainsi établi que c’est en tant qu’évêque de « Babylone » que Pierre écrit, or, s’il est pratiquement incontesté que saint Pierre fut le premier évêque de Rome, il n’est en revanche jamais ne serait-ce qu’allégué qu’il ait put être l’évêque d’une autre Babylone. »

D) Les propos de saint Paul

Il s’agit ici d’un argument qui est en même temps une réponse à une objection. En effet, certains objectent que le fondateur de l’Eglise de Rome ne fut pas saint Pierre mais saint Paul. Selon certaines théories, saint Pierre ne serait arrivé à Rome que très peu de temps avant son martyre ; de plus saint Paul dit lui-même, dans l’Epître aux Romains qui plus est, qu’il prêchait en de nombreux endroits,

« mettant [son] honneur à prêcher l’Evangile là où le Christ n’avait pas encore été nommé, afin de ne pas bâtir sur le fondement qu’un autre aurait posé mais selon qu’il est écrit : « Ceux à qui il n’avait pas été annoncé le verront, et ceux qui n’en avaient pas entendu parler le connaîtront.«  » (Romains XV, 20-21)

Cela exclurait qu’il alla prêcher là où l’Evangile avait déjà été enseigné, surtout par le grand apôtre Pierre !

A cela nous répondrons premièrement par l’argument d’autorité suprême : celui de la Bible ! En effet, nos adversaires n’auraient jamais émis une telle objection s’ils avaient simplement lu les trois versets suivants :

« C’est ce qui m’a souvent empêché d’aller chez vous. Mais maintenant n’ayant plus rien qui me retienne dans ces contrées, et ayant depuis plusieurs années le désir d’aller vers vous j’espère vous voir en passant, quand je me rendrai en Espagne, et y être accompagné par vous, après que j’aurai satisfait, en partie du moins, mon désir de me trouver parmi vous. » (Romains XV, 22-24)

Aussi c’est précisément le fait que les Romains aient déjà été prêchés qui a « empêché » saint Paul d’aller vers eux plus tôt ! Ce passage nous prouve donc irréfutablement que l’Eglise de Rome avait bel et bien déjà été édifiée ! Mais maintenant que saint Paul a achevé son ouvrage en Orient et qu’il doit se rendre en Espagne, rien ne le retient plus de passer par l’Eglise de Rome qu’il aime tant. Ce passage ne dit pas que c’est saint Pierre qui prêcha à Rome avant saint Paul, mais d’une part la preuve qu’offre ce passage qu’un apôtre fut à Rome avant saint Paul, et d’autre part la Tradition constante confirmée par les sciences profanes que c’est saint Pierre qui fonda l’Eglise de Rome prouvent suffisamment qu’il arrive dans une Eglise dont le « fondement fut » posé par saint Pierre.

Deuxièmement, nous répondrons de nouveau par l’argument d’autorité suprême qu’est la Bible ! En effet, au début de cette même Epître, l’Apôtre dit à ses lecteurs romains : « je rends grâce à mon Dieu, par Jésus-Christ, au sujet de vous tous, de ce que votre foi est renommée dans le monde entier. » (Romains I, 8). Paul arrive donc dans une ville déjà évangélisée et tellement bien évangélisée que la foi de ses habitants est réputée dans le monde entier ! Ce qui indique d’ailleurs que Pierre est passé avant lui car seul un apôtre aurait pu arriver à un tel résultat.

Troisièmement, il y de bonnes raisons de penser que Paul allait souvent là où Pierre était déjà passé. En tout cas, nous avons les preuves bibliques ou traditionnelles que les voyages apostoliques de Pierre et Paul ont de nombreux points de passages communs. Il y a d’abord Antioche dont la Tradition nous rapporte que Pierre l’évangélisa et en fut le premier évêque entre 33-34 et 38-40 (Antiq. scriptor, apud Bolland. 6 maii et 29 junii, et tom. IV, p. 1 et 144.) avant que Paul ne s’y rendit et n’y demeure une année entière, lorsque « les disciples reçurent le nom de chrétiens » (Actes XIII, 26), peu avant le concile de Jérusalem (Actes XV) qui eut lieu vers l’an 49. Sa Première Epître nous informe ensuite sur son trajet après avoir quitté Antioche, en effet, Pierre la commence en l’adressant :

« aux élus, étrangers et dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie » (I Pierre I, 1)

Cela veut dire qu’il est allé en tous ces endroits et qu’il écrit pour fortifier des communautés prêchées par lui, et c’est la même chose que Paul fait en écrivant ses Epîtres. Cela nous est confirmé par l’historien de l’Eglise antique Eusèbe de Césarée (vers 260-vers 340) :

« Pierre paraît avoir prêché dans le Pont, en Galatie, en Bithynie, en Cappadoce et en Asie aux juifs de la dispersion. Venu lui aussi à Rome en dernier lieu, il y fut crucifié la tête en bas, ayant demandé de souffrir ainsi. » (Histoire ecclésiastique, III, 1)

Aussi, le Nouveau Testament ne nous apprend pas que Paul évangélisa dans le Pont, en Cappadoce et en Bithynie (ce qui ne signifie pas qu’il ne l’ait pas fait), mais nous savons qu’il le fit en Galatie, d’où son Epître aux Galates ; ainsi que dans la province d’Asie car il écrit une Epître aux Ephésiens, or Ephèse était la capitale de cette province, et étant donné que Pierre passa en Asie, il y a sûrement principalement enseigné à Ephèse. Après avoir évangélisé l’Asie mineure :

« Il arriva d’abord en Macédoine, et donna pour évêque à l’Eglise de Philippes, Olympas, l’un des Soixante-Douze Disciples de Jésus ; il institua Jason évêque de Thessalonique, et Silas évêque de Corinthe, où ce Disciple séjournait en attendant l’arrivée du Grand Paul. Après avoir pareillement placé Hérodion à la tête de l’Eglise de Palras, il s’embarqua pour la Sicile [Antiq. Script, apud Boll. 29 junii, p. 414 ; apud Metaphr. et Surium, 29 junii ; apud Baron., Annal, an. 44, n. 51] » (Abbé Stéphane MAISTRE, Histoire complète de saint Pierre, prince des apôtres, de ses prédications, de ses miracles, de ses courses apostoliques et de son glorieux martyre, F. Wattelier et Cie, Libraires, 1870, page 325).

Les savants historiens nous rapportent donc la fondation des Eglises de Philippes, de Thessalonique et de Corinthe par saint Pierre. Or nous savons que Paul y passa également, nous en avons la certitude grâces aux Epîtres qu’il leur adressa. Le passage à Corinthe de Pierre et Paul nous est également rapporté par l’évêque saint Denys de Corinthe qui, écrivant aux Romains, en 166, leur disait :

« Dans un tel avertissement, vous aussi avez uni Rome et Corinthe, ces deux arbres que nous devons à Pierre et à Paul. Car, de même l’un et l’autre ont planté dans notre Corinthe et nous ont instruits ; de même, après avoir enseigné ensemble en Italie, ils ont souffert le martyre au même temps. » (Cité par Eusèbe de CésaréeHistoire ecclésiastique, II, 25)

« Venus tous deux à Corinthe, les deux apôtres Pierre et Paul nous ont élevés dans la doctrine évangélique ; partis ensuite ensemble pour l’Italie, ils nous ont transmis les mêmes enseignements, puis ont subi en même temps le martyre. » (Cité par Eusèbe de CésaréeHistoire ecclésiastique, IV, 23)

Les travaux des historiens nous confirment la Tradition nous rapportant le voyage de saint Pierre en Espagne, or saint Paul affirme qu’il désire s’y rendre (Romains XV, 24 et 28) et vers 160, le Fragment de Muratori nous dit :

« Quant aux Actes de tous les apôtres, ils ont été écrits en un seul livre. Luc, pour l’excellent Théophile, (y) rassemble tous les faits qui s’étaient passés en sa présence, ainsi qu’il le montre aussi de manière évidente en laissant de côté le martyre de Pierre, et aussi le départ de Paul quittant la Ville [Rome] pour l’Espagne. » (Fragment de Muratori, Préface)

Voilà donc encore un point de passage commun. Enfin, nous savons que Paul et Luc arrivèrent à Rome (Actes XXVIII, 14) vers 63. Cette date de 63 sera démontrée plus bas et nous montrerons à cette occasion que cette date nous fournit un élément supplémentaire en faveur de la thèse catholique. De tout ce qui vient d’être dit, nous pouvons pratiquement déduire de cette venue de Paul à Rome, la venue antécédente de Pierre en cette même ville.

On peut se demander pourquoi les deux apôtres ont prêché aux mêmes endroits. Peut-être parce que leurs vocations particulières étaient différentes : celle de Pierre étant de prêcher aux Juifs et celle de Paul de prêcher aux Gentils (Galates II, 7-8) ; aussi peut-être que là où Pierre était allé prêcher spécialement pour les Juifs, Paul passait pour y prêcher spécialement les Gentils ? C’est peut-être ce que nous indique Eusèbe lorsque juste après la phrase citée plus haut dans laquelle il nous apprend que Pierre prêcha dans différentes provinces d’Asie mineure « aux juifs de la dispersion », il dit :

« Que dire de Paul? Depuis Jérusalem jusqu’à l’Illyricum, il acheva la prédication de l’évangile du Christ et fut enfin martyrisé à Rome sous Néron. Voilà ce qui est dit textuellement par Origène, dans son troisième livre de ses Expositions sur la Genèse. » (Histoire ecclésiastique, III, 1)

Qu’est-ce que Paul aurait bien pu devoir « achever » ? Peut-être la prédication de l’Evangile aux Gentils là où Pierre était passé avant lui pour la prêcher aux Juifs.

C’est en tout cas l’explication de saint Thomas d’Aquin (vers 1225-1274), le Docteur des Docteurs, ce qui expliquerait aussi la contradiction apparente entre Romains I, 8 et Romains XV, 20. Voici ses mots :

« 3° En ajoutant (verset 20) : « Mais j’ai prêché l’Evangile dans les lieux où le nom du Christ n’était pas connu, » il fait ressortir la difficulté d’obtenir un pareil résultat; il est, en effet, absolument difficile de convertir à la foi les ignorants.

A) Il fait donc voir d’abord qu’il a eu à vaincre cette difficulté : « Mais j’ai prêché l’Evangile, non pas à la vérité »« Jésus-Christ était connu, » c’est-à-dire non pas auprès de ceux qui avaient ouï parler de son nom (Psaume XVII, 48) : « Un peuple que je ne connaissais pas m’a servi; » et (Isaïe, LV, 5) : « Vous appellerez des nations que vous ne connaissiez pas, et des peuples qui vous ignoraient accourront à. vous. » Paul en donne la raison, en disant (verset 20) : « Pour ne pas bâtir sur le fondement d’autrui. » Or cette expression peut s’entendre de deux manières : d’abord, de la doctrine hérétique, qui ne repose plus sur à fondement de la vraie foi; dans ce sens, ces mots : « Pour ne pas bâtir, a sont mis pour indiquer la cause, car l’Apôtre a voulu prêcher à ceux qui n’avaient pas entendu parler du nom de Jésus-Christ, dans la crainte que, s’ils étaient prévenus par les doctrines des faux apôtres, il ne fût plus difficile de les ramener à la vérité. C’est pour cela qu’il est dit en S. Matthieu (VII, 26) : « Celui-là est insensé qui bâtit sa maison sur le sable, » auquel on compare la fausse doctrine. Par « le fondement d’autrui, » on peut entendre la doctrine de la foi véritable, prêchée par d’autres, et, dans ce sens, l’expression « ne pas » peut être prise comme indiquant la conséquence. Car S. Paul n’a pas évité de prêcher à ceux à qui d’autres avaient prêché d’abord, par exemple aux fidèles de Rome, auxquels il prêcha spécialement, quoiqu’ils avaient été d’abord instruits par S. Pierre. Mais de ce qu’il a prêché à ceux qui n’avaient rien entendu du nom de Jésus-Christ, il s’en est suivi qu’il n’a pas bâti sur le fondement d’autrui, et qu’il a jeté lui-même les premiers fondements de la foi, suivant ce passage de la 1ère épître aux Corinthiens (III, 10) : « Selon la grâce que Dieu m’a donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte. »

B) Ensuite il appuie ce qu’il a dit par une autorité, en disant (verset 20) : « Vérifiant par là cette prophétie » (Isaïe L, 15) : « Ceux à qui il n’avait pas été annoncé verront, ils contempleront Celui dont ils n’ont pas entendu parler, » paroles dans lesquelles le Prophète paraît annoncer que les Gentils parviendront à la connaissance de Dieu d’une manière plus excellente que les Juifs qui l’avaient connu auparavant. a) Paul montre donc d’abord cette excellence quant à la cause de la connaissance, qui est de deux espèces : ce qu’on a entendu et ce qu’on a vu; car les sens qui connaissent ainsi sont susceptibles de perfectionnement. Les Juifs, donc, sont parvenus à la connaissance des mystères du Christ par les paroles annoncées par les prophètes (I Pierre, I, 10) : « Les prophètes ont prédit la grâce que vous devez recevoir; pénétrant dans quel temps et dans quelles circonstances l’Esprit du Christ, qui les instruisait de l’avenir, leur annonçait les souffrances du Christ et la gloire qui les devait suivre. » Mais les Gentils virent ces mystères de Jésus-Christ déjà réellement accomplis; voilà pourquoi il est dit (verset 21) : « Que les Gentils, à qui les prophètes ne l’avaient pas annoncé, » c’est-à-dire n’avaient pas annoncé Jésus-Christ, comme il l’avait été aux Juifs, « verront » les mystères déjà accomplis (Luc, X, 26) : « Plusieurs rois et plusieurs prophètes ont désiré voir les choses que vous voyez, et ne les ont pas vues. » b) Il montre, en second lieu, l’excellence de la connaissance quant au mode de l’obtenir, parce que les Juifs ne purent qu’entendre les révélations des prophètes (Abdias, I, 4) : « Nous avons ouï l’ordre du Seigneur; il a envoyé des ambassadeurs aux nations. » Mais les Gentils ont connu pour avoir vu de leurs yeux; c’est de là que S. Paul dit : « Et les nations, » c’est-à-dire ceux qui n’entendirent pas auparavant les prophètes annoncer le Christ, « comprendront, » à savoir la vérité de la foi (Psaume II, 10) : « Et maintenant, ô rois, ayez l’intelligence! » » (Commentaire de l’Epître de saint Paul aux Romains, chapitre XV, leçon 2)

II) Preuves tirées de la Tradition

A) Une Tradition univoque et unanime

1) Le témoignage constant des Pères de l’Eglise

Nous précisions que nous produisons des témoignages ne mentionnant pas explicitement saint Pierre, mais qui appellent le siège de Rome « siège apostolique« , ce qui revient au même car cela veut dire qu’un apôtre fut l’Evêque de Rome. Et cet apôtre ne peut être que saint Pierre, non seulement parce que toutes les autres preuves, y compris une foule de Pères de l’Eglise explicites, indique ce denier comme premier Evêque de Rome, mais aussi parce que s’il y a plusieurs sièges apostoliques, avec le temps, les Pères de l’Eglise se sont mit à désigner Rome comme le siège apostolique, puisque saint Pierre était le chef des apôtres, ainsi son siège est le seul à conserver un rôle apostolique autre que le simple épiscopat, contrairement aux autres sièges apostoliques.

Saint Irénée de Lyon (vers 125-vers 202)

« Cerdon, l’un des adeptes de Simon, vint à Rome, sous Iginus, le neuvième évêque dans la succession apostolique ; il enseigna que le Dieu révélé par les prophètes n’était pas le père de notre Seigneur Jésus-Christ. L’un s’était révélé, l’autre restait ignoré ; l’un était juste, et l’autre bon. » (Contre les hérésies, I, 27, 1)

Or, pour que saint Hygin soit le neuvième évêque de Rome, il faut que saint Pierre soit le premier. En s’appuyant sur des passages mal compris, certains contestent que saint Irénée ait fait de saint Pierre le premier Evêque de Rome. L’explication se trouve dans les réponses aux objections en fin d’article.

Tertullien (vers 155-vers 230)

« Maintenant, je prends acte de ta déclaration, pour te demander à quel titre tu usurpes le droit de l’Eglise. Si de ce que le Seigneur a dit à Pierre : « Je bâtirai mon Eglise sur cette pierre; Je t’ai donné les clefs du royaume des Cieux » (Matthieu XVI, 1819), ou bien : « Tout ce que lu lieras ou délieras sur la terre, sera lié ou délié dans les cieux » (Matthieu XVI, 19) ; tu t’imagines orgueilleusement que la puissance de lier et de délier est descendue jusqu’à toi, c’est-à-dire à toute l’Eglise, qui est en communion avec Pierre, quelle est ton audace de pervertir et de ruiner la volonté manifeste du Seigneur, qui ne conférait ce privilège qu’à la personne de Pierre ? « C’est sur toi que je bâtirai mon Eglise » (Matthieu XVI, 18), lui dit-il ; « c’est à toi que je donnerai les clefs », et non à l’Eglise. « Tout ce que tu lieras ou que tu délieras etc. » (Matthieu XVI, 19) ; mais non pas tout ce qu’ils lieront ou délieront. » (De la pudicité, XXI, 4)

On remarque d’ailleurs que c’est saint Pierre seul qui est désigné comme ayant reçu les clefs du Royaume des Cieux, non pas que Tertullien ait nié que les autres apôtres l’aient aussi reçu, mais il témoignait que c’est principalement saint Pierre qui les reçut comme chef des autres. Et il témoigne de la foi de l’Eglise de son temps que les Evêques de Rome héritent de cette prérogative. Voir notre article :

Comment Tertullien (vers 155-vers 230) témoigna, après en être sorti, que la véritable Eglise obéissait à l’Evêque de Rome

Pseudo-Tertullien (vers 250 ou 270)

« Pseudo-Tertullien » est le nom donné à l’auteur anonyme du Poème contre Marcion, autrefois attribué à tort à Tertullien, mais en réalité d’un auteur ayant écrit 30 à 50 ans après sa mort :

« Pseudo-Tertullien, (peut-être Commodien. Voir H. Waitz, « Ps. Tert. Gedicht ad M. », Darmstadt, 1901) a écrit un long poème contre Marcion en hexamètres doggerel, qui est aujourd’hui précieux. » (Catholic encyclopedia, article « Marcionites »)

Cette oeuvre affirme la venue et l’épiscopat de saint Pierre à Rome, en disant ce qui suit, après avoir parlé des apôtres, premiers prédicateurs de l’Evangile :

« Leurs disciples, qui se sont succédés dans l’univers, ces hommes vertueux qui ont été nos maîtres, nous ont fait à notre tour l’honneur de nous associer à leurs travaux. Le premier de tous a été Lin, cet homme distingué entre tous et chéri du peuple, que la grande Rome a fait asseoir sur le trône où Pierre avait siégé lui-même. Après Lin, ce fut Clet qui prit la garde du troupeau ; puis Anaclet, puis Clément, connu par ses Constitutions apostoliques [ndlr : attribution ancienne et fausse]. Après Clément, Evariste remplit sans reproche les fonctions d’interprète souverain des lois divines. Puis vint Alexandre, qui, à son tour, légua à Sixte le soin du troupeau. Sixte, après un lustre accompli, laissa son siège à Télesphore, cet excellent pontife, ce témoin fidèle. Après Télesphore, la clef de la doctrine fut confiée à celui sous le pontificat duquel Cerdon, le précurseur et l’auteur de votre impiété (des marcionites) vint à Rome infliger à l’Eglise de nouvelles blessures. Mais il fut découvert, malgré le soin qu’il prenait de ne répandre qu’en secret le venin de ses erreurs ; en conséquence il fut mis hors du bercail, ce qui ne l’empêcha pas d’enfanter cette race sacrilège qui a pour père le dragon qui l’inspirait lui-même. L’Eglise de Rome, créée par Pierre, et alors gouvernée par Hygin, son neuvième successeur, se distinguait par la piété de début ses fidèles. A Hygin succéda Pie, dont le frère Hermas a composé le Pasteur, cet ouvrage qu’on dirait être celui des anges. Pie à son tour fut remplacé par Anicet, sous lequel parut Marcion, cette peste nouvelle sortie du Pont-Euxin. Il sut d’abord renfermer en lui-même son impiété, puis la répandre en secret avec un art perfide ; mais quand on le vit lancer à découvert ses flèches mortelles, on se hâta d’expulser, comme il le méritait, l’auteur de ces doctrines funestes, on le retrancha de la société des saints, et ce monstre d’impiété se montra au monde dans toute sa laideur. » (Poème contre Marcion, Livre III, Chapitre 9)

Saint Cyprien de Carthage (vers 200-258)

Saint Cyprien appellent le siège de Rome « siège de Pierre » :

« Après tout cela, ils se sont encore fait sacrer un pseudo-évêque par des hérétiques, et c’est dans ces conditions qu’ils osent passer la mer, pour venir au siège de Pierre et l’Église principale, d’où l’unité épiscopale est sortie, et y apporter des lettres de schismatiques et de profanes. Ils ne réfléchissent donc pas que ce sont là les mêmes Romains dont l’Apôtre a loue la foi et auprès de qui la perfidie ne saurait avoir accès. » (Lettre 59 [55] au pape Corneille, chapitre 14)

« Corneille a été élu évêque [de Rome] par le Jugement de Dieu et de son Christ, par le témoignage favorable de la presque unanimité des clercs, par l’accord avec eux de la portion du peuple fidèle qui était présente, par la communauté des évêques vénérables et des gens de bien, personne ne l’ayant été avant lui, la place de Fabianus [Fabianus était décédé en janvier 250. L’élection de Corneille eut lieu dans la première quinzaine de mars], c’est-à-dire la place de Pierre et le siège épiscopal étant vacants. » (Lettre 52 [alias 55] à Antonius, chapitre 7, PL tome IV, colonnes 345 et 346)

On notera que saint Cyprien écrit le mot « vacants » au pluriel. Cela signifie que ce n’est pas seulement le siège épiscopal de Rome, qui se trouve avoir été celui de Pierre qui était vacant, mais aussi « la place de Pierre », c’est-à-dire son rôle d’enseignant et de gouverneur de l’Eglise qu’il avait au sein du collège apostolique et qui se continue à travers les siècles par l’Evêque de Rome.

Il dit encore :

« A une époque où les plus dangereuses hérésies ne s’étaient pas encore déchaînées, ou Marcion le Pontique n’était pas encore sorti du Pont, lui dont le maître Cerdon ne vint à Rome que sous l’épiscopat d’Hygin, le neuvième évêque de cette ville. Marcion, suivit son maître, en ajoutant à ses crimes. Il blasphéma contre Dieu le Père, le Créateur, avec plus d’impudence et de violence que les autres, et mit une plus grande scélératesse à munir d’armes sacrilèges la fureur hérétique en révolte contre l’Église. » (Lettre 74 à Pompéius, chapitre II)

Pour que saint Hygin soit le neuvième Evêque de Rome, il faut que saint Pierre soit le premier.

Saint Firmilien de Césarée (mort en 256)

Le cas de saint Firmilien, ensemble avec celui de saint Cyprien sont souvent pris en exemple par les adversaires de la Papauté au motif de l’opposition au Pape qui fut la leur, et particulièrement les injures de saint Firmilien contre le Pape saint Étienne. Mais en réalité cet épisode n’est pas utilisable par les négateurs de la Papauté, comme nous le démontrons dans l’annexe de notre article Saint Cyprien témoigne de la Papauté dans l’affaire des lapsi dans lequel nous prouvons d’ailleurs, comme son titre l’indique, que l’attitude de saint Cyprien prouve au contraire que ses contemporains et lui croyaient en la Papauté. Mais au delà de cela, la lettre dans laquelle saint Firmilien injurie le Pape, laisse transpirer malgré elle la foi de l’Église en la Papauté. Laissons-lui la parole :

« Et ici une juste indignation s’empare de moi devant l’évidente et manifeste folie d’Étienne. Ne le voit-on pas, lui, si fier du rang de son siège épiscopal, lui qui revendique l’honneur d’être le successeur de Pierre, sur qui ont été établis les fondements de l’Église, introduire beaucoup d’autres pierres, et beaucoup de nouvelles Églises, en prêtant au baptême qui se donne chez les hérétiques l’appui de son autorité ? Ce sont les baptisés, incontestablement qui remplissent les cadres de l’Église. Celui donc qui approuve leur baptême, admet aussi qu’il y a là une Église composée de ces baptisés. Et il ne s’aperçoit pas qu’on obscurcit, qu’on anéantit en quelque sorte la vérité de la pierre chrétienne, en trahissant ainsi et en abandonnant l’unité. Les Juifs, bien qu’aveuglés, et chargés du plus grand des forfaits, ont cependant, au témoignage de l’apôtre, le zèle de la gloire de Dieu. Étienne, qui se vante de succéder à Pierre et d’occuper sa chaire, n’est animé d’aucun zèle contre les hérétiques, puisqu’il leur accorde au point de vue de la grâce, non un petit, mais un grand pouvoir. Il dit en effet, il soutient que, par le sacrement de baptême, ils effacent les souillures du vieil homme, relèvent des anciens péchés et de la mort, donnent par une nouvelle et divine régénération des enfants à Dieu, et par la sanctification du bain céleste rendent apte à la vie éternelle. » (Lettre à Cyprien, conservée par saint Cyprien : Lettre 75 (74), 16)

Ce document est intéressant car il prouve que saint Firmilien croit  non seulement que l’Église est fondée sur Pierre et que l’évêque de Rome est son successeur, mais encore que cette succession implique un privilège particulier pour ce qui est de la foi. En effet, il parle de :

« l’évidente et manifeste folie d’Étienne […] lui, si fier du rang de son siège épiscopal, lui qui revendique l’honneur d’être le successeur de Pierre, sur qui ont été établis les fondements de l’Église, introduire beaucoup d’autres pierres, et beaucoup de nouvelles Églises, en prêtant au baptême qui se donne chez les hérétiques l’appui de son autorité ? […] Étienne, qui se vante de succéder à Pierre et d’occuper sa chaire, n’est animé d’aucun zèle contre les hérétiques, puisqu’il leur accorde au point de vue de la grâce, non un petit, mais un grand pouvoir. »

Si l’évêque de Rome occupe la « chaire de Pierre », il ne s’agit pas sa chaire physique, mais de sa fonction. Aussi, Firmilien témoigne qu’Étienne occupe la chaire de Pierre  « sur qui ont été établis les fondements de l’Église« , ce que Firmilien ne conteste pas, et que, selon lui à tort, il « appui de son autorité » les baptêmes des hérétiques et ainsi d’accorder à ceux-ci un « au point de vue de la grâce, non un petit, mais un grand pouvoir ». Qu’est-ce que tout cela pourrait-il bien faire si l’évêque de Rome n’avait pas de prérogative sur l’Église universelle en matière de foi ? De quelle autorité pourrait-il bien couvrir quoi que ce soit ? Et quel motif pousserait à mentionner qu’il succède à saint Pierre ? Il est d’ailleurs stupéfiant de constater que malgré son grave désaccord avec le Pape, il ne remet pas la Papauté en cause, indice que cette dernière était un article de foi indiscutable :

« Il fallait qu’il fût bien impossible de nier le double fait du séjour de saint Pierre à Rome et de la transmission de son autorité aux évêques de cette ville, pour que Firmilien, si irrité, ne le niât pas, et qu’il raillât seulement Étienne de ses soins à faire valoir un titre qu’il ne soutenait guère, disait-il, par son enseignement. L’Église a justifié Étienne de sa folie et pardonné à Firmilien les emportements de son zèle en les rangeant tous deux au nombre des saints. La papauté n’a pas été rancunière » (Abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI, Défense de l’Eglise contre les erreurs historiques, troisième édition, Lyon 1864, tome 4, page 160-161)

Cette lettre prend place dans le contexte de la querelle des rebaptisants qui vu s’affronter les saints. Il s’agissait de savoir si les baptêmes administrés par des hérétiques pouvaient être valides. La réponse est oui. Mais ce fut alors un conflit atroce qui vit entre autres le Pape saint Étienne soutenir la validité de ces baptêmes et saint Cyprien ainsi que saint Firmilien la nier.

« Saint Denys d’Alexandrie, dans une lettre au pape Étienne. ibid. [Eusèbe, Histoire ecclésiatique]., VII, nomme Firmilien au premier rang des évêques d’Asie Mineure qui réprouvaient le novatianisme. Mais la part active que Firmilien a prise à querelle baptismale du siècle forme le côté le plus saillant et le plus important de son épiscopat. Entre 230 et 235, on voit l’évêque de Césarée siéger dans les conciles d’Iconium et de Synuada, tenus l’un et l’autre en Phrygie, qui rejettent tout baptême administré hors de l’Église, établissant ainsi dans l’Asie Mineure la même règle que le concile de Carthage, vers 220, avait formulée en Afrique. De là, vers la fin de 253, la mésintelligence du pape Étienne et de Firmilien, soutenu par tes évêques de Cappadoce, de Cilicie et des provinces voisines. Peu s’en fallut que le pape, Eusèbe, H. E., VII, 5, P. G., t. XX, col. 645, ne fulminât l’excommunication contre tous ces évêques, qui persistaient à renouveler, contrairement à l’usage de Rome, le baptême conféré par hérétiques. Seule l’intervention de saint Denys d’Alexandrie, ibid., VII, 3, P. XX, col. 641, détourna le coup de leur tête. Mais le conflit s’envenima, lorsque le pape Étienne, dans le courant 256, enjoignit aux évêques d’Afrique comme à ceux d’Orient de se conformer sur la question du baptême, à l’usage de Rome et les menaça de rompre au besoin rapport avec eux. Un peu avant ou aussitôt après le concile de Carthage du 1er septembre, saint Cyprien envoya la diacre Rogatien à l’évêque de Césarée, pour nouer des relations avec lui et s’encourager à la résistance par son exemple. La lettre de saint Cyprien est perdue ; mais nous avons encore la longue lettre dans laquelle Firmilien approuve sans réserve les principes et l’attitude de son collègue, et qui, traduite du grec en latin par saint Cyprien lui-même, selon toute apparence, forme le n. 75 du recueil des lettres de ce dernier, P. L., t. III, col. 1101 Sq. Lettre virulente et irrévérencieuse envers le pape Étienne, à ce point que l’authenticité en a été autrefois contestée. Molkenbuhr, Binae dissertationes de S. Firmiliano, Münster, 1790, P.L., t. III, col. 1357-1418. Elle ne l’est plus aujourd’hui : locutions et manuscrits, tout attesté la main de l’évêque de Césarée. Acta sanctorum, Bruxelles, 1867, t. XII, octobris, p. 480-493. » (P. GODET, Dictionnaire de théologie catholique, article « FIRMILIEN »)

Pseudo-Clément (IIIème siècle)

Cet auteur anonyme décrit Pierre comme l’évêque de Rome et dit à propos de lui peu de temps avant son martyr

« Mais vers l’époque où lui [Pierre] allait mourir, les frères étant rassemblés, il attrapa soudain ma main, et l’éleva, et dit en présence de l’église : ‘écoutez-moi, frères et confrères. Puisque, tel que je l’ai appris du Seigneur et Maître Jésus-Christ, dont je suis un Apôtre, le jour de ma mort approche, je pose les mains sur Clément pour qu’il soit votre évêque; et je lui confie aussi ma charge d’enseignement, à lui qui a voyagé avec moi depuis le début jusqu’à la fin. » (Lettre de Clément à Jacques, II)

NB : cette attribution à Clément de la succession directe de Pierre sur le siège de Rome est erronée. C’est une erreur que nous réfutons dans notre article sur les premiers évêques de Rome selon le Liber pontificalis. Cependant ce document apocryphe demeure une preuve que les contemporain de l’auteur croyaient que Pierre fut évêque de Rome, autrement une telle affirmation l’aurait discrédité. Nous savons par ailleurs qu’il était orientale car de langue grecque, et qu’il connaissait bien les milieux judéo-chrétiens qui étaient présents en Syrie à son époque, cela signifie que la Tradition faisant de Pierre le premier évêque de Rome était incontestée à l’extrême Est de l’empire, là où on ne parlait même pas la même langue qu’à Rome, et ce malgré les moyens de communication de l’époque, ainsi que les persécutions subies par le chrétiens.

Eusèbe de Césarée (vers 260-vers 339)

« L’apôtre saint Pierre […] ayant commencé par fonder une église à Antioche, partit ensuite pour Rome. Il prêcha l’Évangile et demeura évêque dans cette ville pendant vingt-cinq ans. » (Chronique, Livre 2 dans PG 19/739-740)

« Lin, dont il mentionne la présence à Rome avec lui dans la seconde épître à Timothée, reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de l’église des Romains ainsi que nous l’avons déjà dit auparavant. » (Histoire ecclésiastique, III, 4, 8)

De même que pour saint Irénée, en s’appuyant sur des passages mal compris, certains contestent qu’Eusèbe ait fait de saint Pierre le premier Evêque de Rome. L’explication se trouve dans les réponses aux objections en fin d’article.

Concile de Sardique (343)

« L’évêque Ossius dit : cela aussi (..doit être ajouté..): qu’aucun évêque ne voyage d’une province à une autre province dans laquelle se trouvent des évêques, à moins qu’il n’y soit invité par ses frères, de manière que nous n’ayons pas l’air d’avoir fermé la porte de la charité. À cela aussi il faut pourvoir : si dans une province un évêque devait avoir un litige avec un autre évêque, son frère, qu’aucun des deux n’appelle à l’aide des évêques d’une autre province. Mais si un évêque a été condamné dans une cause et s’il pense que sa cause est bonne pour être jugée à nouveau, honorons s’il vous plaît la mémoire du très saint apôtre Pierre : que ceux qui ont examiné la cause, ou bien les évêques qui résident dans la province voisine, écrivent à l’évêque de Rome ; et si celui-ci juge qu’il faut réviser le procès, qu’il soit révisé et qu’il : donne des juges. Si par contre il estime la cause telle qu’on ne doive pas reprendre ce qui a été fait, ce qu’il aura décidé sera confirmé. Cela plaît-il à tous ? Le synode répondit : oui. » (Canon 3)

« Ce qui apparaîtra le meilleur et comme convenant le mieux, c’est ceci : que de toutes les diverses provinces les prêtres du Seigneur fassent rapport à la tête, c’est-à-dire au Siège de l’apôtre Pierre. » (Lettre Quod semper adressée au pape Jules 1er)

Saint Athanase d’Alexandrie (vers 295-373)

Saint Athanase assista au concile de Sardique et approuva ses délibérations. Il s’y réfère comme au :

« grand Concile » (Défense contre es Ariens, I) et au « Saint Synode » (Lettre au peuple d’Antioche, V)

Il dit encore :

« En effet, les ariens n’épargnèrent pas même l’évêque de Rome Libère, dès le début de son pontificat. Ils étendirent leur rage jusqu’aux citoyens de cette ville, et l’idée qu’il y avait là le trône apostolique ne les arrêta nullement. […] Car ces impies, voyant que Libère avait le culte de la vraie foi, […] crurent que, s’ils pouvaient le séduire, ils s’empareraient de tous les esprits. » (Lettre aux moines sur l’histoire de l’arianisme, n° 35 dans PG, 25/734.)

Saint Athanase parle du siège de Libère comme du « trône apostolique », ce qui signifie qu’il considère son siège comme remontant à un apôtre. Et cet apôtre bien évidemment c’est saint Pierre. Comme le commente le Cardinal Louis BILLOT :

« Cette expression est si souvent utilisée, elle est d’usage si courant chez les Pères et les conciles que le titre de « Siège apostolique » a fini par devenir le nom propre et distinctif du siège de Rome. Mais remarquons bien que ce siège est appelé apostolique en ce sens absolument unique, non seulement à cause de son origine ou de sa fondation, au sens où, dans l’antiquité, bien des sièges épiscopaux étaient eux aussi apostoliques, mais surtout à cause de son pouvoir, dans la mesure où le pouvoir apostolique de gouvernement s’y trouvait non pas comme un pouvoir participé et dérivé, ce qui était le cas de tous les autres sièges épiscopaux, mais de manière excellente et en plénitude, comme dans sa source, dans sa matrice, dans sa racine. » (L’Église, tome 2, n° 882, éditions du Courrier de Rome, page 416)

Saint Damase (vers 300-384)

A l’image de saint Athanase et d’autres Pères, désigne le Siège de Rome comme « le » siège apostolique, qui se rattache donc à un apôtre, saint Pierre :

« Quand votre charité, mes très-chers, et très-honorés fils, rend un profond respect au S. Siège Apostolique, elle agit très avantageusement pour vous-même. Car bien que je sois obligé de tenir le ce gouvernail de l’Eglise, où le saint Apôtre a enseigné la doctrine de l’Evangile, je me tiens tout à fait indigne de cet honneur, et travaille autant que je puis pour arriver à la félicité qu’il possède. Vous saurez donc, s’il vous plaît, que nous avons condamné le profane Timothée Disciple de l’hérétique Apollinaire, avec sa doctrine toute remplie d’impiété, et que nous espérons qu’aucun reste de sa secte ne subsistera à l’avenir. Que si ce vieux serpent revit pour son supplice, bien qu’il ait été frappé une, ou deux fois, et chassé hors de l’Eglise, et qu’il tâche de corrompre par son venin quelques fidèles, ayez soin de l’éviter, et vous souvenant toujours de la foi des Apôtres qui a été écrite, et publiée par les Évêques dans le Concile de Nicée, demeurez y fermes, et immuables  sans  permettre que ni le Clergé, ni le peuple qui sont commis à votre conduite, prêtent l’oreille aux questions vaines qui ont été abolies. Car nous avons déjà établi cette règle, que quiconque fait profession d’être Chrétien, doit observer tout ce qui est contenu dans la tradition des Apôtres, selon ce que dit le bienheureux Paul :

« Si quelqu’un vous prêche un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème. » [Galates I, 9]

Jésus-Christ fils unique de Dieu, notre Seigneur a mérité par ses souffrances. une rédemption parfaite à la nature humaine, et a délivré l’homme entier de tout péché. Quiconque dit qu’il a eu ou une divinité, ou une humanité imparfaite, est rempli de l’esprit du démon, et montre qu’il est un fils de perdition. Qu’est-il donc besoin que vous me demandiez que je dépose Timothée, puisqu’il a déjà été déposé avec Apollinaire son Maître, par le jugement du Siège Apostolique, rendu en présence de Pierre Évêque d’Alexandrie, et qu’il souffrira au jour du Jugement les supplices qu’il mérite ? Que s’il attire à son opinion de faibles esprits, et qu’après avoir renoncé à l’espérance qu’il devait avoir en Jésus-Christ, il mette sa confiance en la multitude des personnes qui le suivent, tous ceux qui voudront s’opposer avec lui aux règles de l’Église, périront aussi avec lui. Je prie Dieu qu’il vous conserve, mes très-chers fils. » (Lettre de Damase Évêque de Rome contre Apollinaire et Timothée, cité in Théodoret de Cyr, Histoire ecclésiastique, V, 10)

Saint Sirice (vers 320-399)

A l’instar de saint Athanase parle de son siège, celui de Rome comme « du siège apostolique », c’est-à-dire celui de saint Pierre :

« Nous ne refusons pas à ta demande la réponse qui convient, puisque eu égard à Notre charge, Nous n’avons pas la liberté de pouvoir dissimuler ou taire quelque chose, puisque plus qu’à tous Nous incombe le zèle pour la religion chrétienne. Nous portons les charges de tous ceux qui peinent, et plus encore : les porte en Nous le bienheureux apôtre Pierre dont Nous croyons avec confiance qu’il Nous protège et Nous garde en toutes choses comme l’héritier de son ministère… » (Lettre Directa ad decessorem, 10 février 385, à l’évêque Himère de Tarragone, Introduction, §1)

« Maintenant, que tous vos prêtres observent la règle ici donnée, à moins qu’ils ne souhaitent être arrachés à la roche solide et apostolique sur laquelle Christ a construit l’Église universelle. » (Lettre Directa ad decessorem, 10 février 385, à l’évêque Himère de Tarragone, II)

« Maintenant Nous encourageons encore et encore le propos de ta fraternité d’observer les canons et de garder les décrets édictés, pour que ce que Nous avons écrit en réponse à ta demande, tu fasses en sorte que cela soit porté à la connaissance de tous nos coévêques, et non pas de ceux-là seulement qui se trouvent dans ta province ; mais ce qui a été déterminé par Nous selon une ordonnance salutaire doit être envoyé aussi, accompagné de ta lettre, à tous les évêques de Carthage, de la Bétie, de Lusitanie et de Galice. Et bien qu’aucun prêtre du Seigneur n’ait la liberté d’ignorer les décisions du Siège apostolique ou les déterminations vénérables des canons, il pourra être néanmoins très utile et — compte tenu de l’ancienneté de ton sacerdoce — très glorieux pour ta Charité, que ce qui t’a été écrit à titre spécial en termes généraux soit porté, par ton souci de l’unanimité, à la connaissance de tous nos frères : afin que qui a été édicté par Nous, non pas de façon inconsidérée mais de façon circonspecte, avec une grande prudence et longue réflexion, demeure inviolé, et qu’à l’avenir soit fermée la voie des excuses, laquelle ne pourra plus être ouverte à personne auprès de Nous. » (Lettre Directa ad decessorem, 10 février 385, à l’évêque Himère de Tarragone, XV, §20)

Saint Optat de Milève (mort vers 397)

Cité par saint Augustin aux côtés d’hommes disparus depuis longtemps, cet évêque « de vénérable mémoire » apparaît comme l’égal d’Ambroise de Milan, dit :

« tous conservent l’unité dans l’unique chaire de saint Pierre. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, Livre II, Chapitre 2, PL, 11/947)

« Nous prouvons que l’Église catholique est celle qui est répandue dans tout l’univers. Il s’agit maintenant d’énumérer ses privilèges, et de voir où ils se trouvent dans leur nombre de cinq ou de six, comme vous le dites. Le premier de ces privilèges, c’est de posséder une chaire qu’occupe un évêque, qui soit comme l’anneau sans lequel il n’y aurait pas lieu d’y joindre d’autres propriétés ; et il s’agit par conséquent de voir quel est l’évêque qui a siégé le premier, et où il a fixé son siège. Apprenez-le, si vous l’ignorez encore ; rougissez, si vous ne l’ignorez pas. On ne peut supposer que vous l’ignoriez ; il reste donc à dire que vous le savez. Errer avec connaissance de cause, c’est ce qui fait le crime. Car pour ce qui est de l’ignorance, elle est quelquefois excusable. Vous ne sauriez donc nier, sous prétexte d’ignorance, qu’à Rome Pierre ait le premier occupé la chaire épiscopale ; Pierre, le chef de tous les apôtres, et appelé pour cette raison Céphas [Ici saint Optat commet assez visiblement une erreur d’étymologie : le mot Cephas ne vient pas, comme il semble le croire, du mot grec κεφαλη, tête ou chef ; mais c’est un mot syriaque qui signifie la même chose que pierre ou rocher : « Tu vocaberis Cephas, quod interpretatur Petrus » (Jean, I, 42). Au reste, le mot grec κεφαλη peut avoir lui-même pour étymologie le mot syriaque כיפא]. C’est cette chaire qui doit être pour tout le monde le centre de l’unité, et à laquelle les autres apôtres n’ont jamais pu avoir la pensée d’opposer leurs chaires particulières ; en sorte que ce serait commettre ce crime de schisme, que d’élever aujourd’hui une autre chaire en opposition avec celle-là. Donc cette chaire unique, première des propriétés de l’Eglise, a été occupée par Pierre le premier. A Pierre a succédé Lin ; à Lin a succédé Clément ; à Clément Anaclet ; etc. ; à Jules, Libère ; à Libère Damase ; et à Damase, Sirice, qui est aujourd’hui notre collègue, et avec lequel tout l’univers, en même temps que nous-même, est en société de communion par le commerce des lettres formées [On trouvera dans le Protestantisme et la règle de foi du Père Giovanni/Jean PERONNE, tome II, p. 116578 et suivantes (traduction française par le Chanoine Adolphe-Charles PELTIER) ce qu’on doit entendre par lettres formées. Le tome I est disponible à la lecture en ligne ici, et le tome II ici]. Vous, à votre tour, dites quelle est l’origine de votre chaire épiscopale, vous, qui vous attribuez les privilèges de la vraie Eglise. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, Livre II, Chapitres 2-3 ; PL, 11/946-950)

Juste après avoir donné la liste des évêques de Rome, démontre que les schismatiques sont en dehors de l’Église catholique en donnant pour preuve qu’aucun de leurs évêques n’est en communion avec la chaire de Rome et il conclut ainsi :

« Cette chaire est le premier de tous les dons du Christ, et comme nous l’avons prouvé c’est saint Pierre qui nous l’a communiqué. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, Livre II, chapitre 6 ; PL, 11/958)

« Et cette chaire de saint Pierre qui nous a été donnée est le principe grâce auquel nous parviennent tous les autres dons. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, Livre II, chapitre 6 ; PL, 11/958)

Dans ce passage, saint Optat entend désigner avec cette prérogative de la chaire la note d’apostolicité, qui se trouve chez tous ceux qui sont en communion avec cette chaire, où réside la source et l’origine du pouvoir apostolique.

« Pour le bien de l’unité, le béni Pierre, pour qui il aura suffi que, après son reniement, il n’eût obtenu que le pardon, pour mériter d’être préféré à tous les Apôtres, et seul il a reçu les clefs du Royaume des Cieux pour les communiquer aux autres. » (Contre les donatistes, Contre Parménien, Livre VII, Chapitre 3 ; PG 11/1087)

Saint Épiphane de Salamine (vers 315-403)

« Car les évêques de Rome étaient, d’abord Pierre et Paul, les apôtres eux-mêmes et aussi les évêques, puis Lin, puis Clet, alors Clément, contemporain de Pierre et Paul, que Paul mentionne dans l’Épître aux Romains. Et personne n’a besoin de se demander pourquoi les autres avant lui ont succédé aux apôtres dans l’épiscopat, même s’il était contemporain de Pierre et Paul — car lui aussi est le contemporain des apôtres. Je ne suis pas tout à fait au clair sur le fait qu’il ait reçu la nomination épiscopale de Pierre alors qu’ils étaient encore en vie, et qu’il refusa et n’exerça pas cet office—car dans une de ses épîtres il dit, donnant ce conseil à quelqu’un, “c’est moi qui apporte ici la sédition, la discorde, le schisme, je vais m’en aller où vous voudrez et je ferai ce que décidera l’assemblée ; seulement que le troupeau du Christ demeure dans la paix avec ses presbytres constitués,” [Lettre aux Corinthiens, 54, 2] (j’ai trouve cela dans certains travaux historiques) — ou s’il a été nommé par l’évêque Clet après la mort des apôtres. » (Panarion, ou Pharmacie contre toutes les hérésies, XXVII, 6, 2-4, P. G., t. XLI, col. 373)

« En tout cas, la succession des évêques à Rome est dans cet ordre : Pierre et Paul, Linus et Clet, Clément, Evariste, Alexandre, Xystus, Telesphore, Hygin, Pie et Anicet, dont j’ai parlé plus haut, sur la liste » (Panarion, ou Pharmacie contre toutes les hérésies, XXVII, 6, 7)

Ruffin d’Aquilée (vers 345-vers 411)

C’est lui qui traduisit le Roman pseudo-clémentin en latin. Il écrivit au sujet de la lettre du pseudo-Clément que nous avons produite plus haut :

« Il y a une lettre dans laquelle ce même Clément, écrivant à Jacques le ‘frère du Seigneur’, rapporte la mort de Pierre, et dit qu’il l’a laissé comme son successeur, en tant que dirigeant et enseignant de l’église. Lin et Clet furent évêques de la ville de Rome avant Clément. Comment alors, demandent certains, est-ce que Clément dans sa lettre à Jacques dit que Pierre lui avait transmis sa position d’enseignant de l’église. L’explication de ce point, tel que je le comprends, est la suivante. Lin et Clet furent, sans aucun doute, évêques dans la ville de Rome avant Clément, mais c’était durant la vie de Pierre; c’est-à-dire qu’ils prirent en charge le travail épiscopal, pendant qu’il s’acquittait des devoirs de l’apostolat. » (Préface de la traduction des Récognitions).

Il écrit cela pour concilier les assertions de la lettre et les de la Tradition au ujet de l’épiscopat de Lin et Clet. Mais par-là il prouve que l’épiscopat de Pierre à Rome ne fait aucun doute pour lui. Pour approfondir cette question, nous n voyons à notre article qui en traite.

Saint Jérôme de Stridon (347-420)

Ce grand érudit qui eut accès à toute la meilleure documentation qu’offrait son époque, écrivit dans son Livre des Hommes illustres dans le premier chapitre, consacré à saint Pierre :

« Fils de Jean, frère d’André apôtre, et prince des apôtres, naquit à Bethsaïde en Galilée. Après avoir fondé l’Eglise d’Antioche, dont il fut l’évêque, et après avoir prêché l’Évangile aux Juifs convertis qui étaient dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie-Mineure et la Bithynie, il vint à Rome la deuxième année du règne de l’empereur Claude, pour confondre Simon-le Magicien. Il y occupa pendant vingt-cinq ans la chaire pontificale, jusqu’à la quatorzième et dernière année du règne de Néron, époque à laquelle il reçut la palme du martyre. » (Chapitre I)

Et au chapitre consacré à saint Clément, il écrit que ce dernier :

« fut après Pierre le quatrième évêque de Rome; Lin avait été le second et Anaclet le troisième. Toutefois, la plupart des Latins pensent que Clément succéda immédiatement à Pierre. » (Chapitre XV)

Nous avons vu plus haut la raison de cette erreur des Latins : il s’agit de l’influence du Roman pseudo-clémentin. Toutefois autant cette idée des Latins que la phrase qui précède prouve que la foi de l’Eglise universelle était que saint Pierre fut le premier Evêque de Rome.

Saint Jérôme est l’auteur de deux monuments très connus témoignant de la foi de l’Eglise antique en la Papauté. Ce sont ses deux lettres au Pape saint Damase où il le questionne au sujet du schisme de l’Eglise d’Antioche. Il affirme avec force la nécessité d’être en communion avec la « chaire de saint Pierre » pour faire partie de la véritable Eglise. Il lui demande de rendre son jugement pour savoir qui de Paulin, de Vital ou de Mélèce est le véritable Evêque d’Antioche : c’est un témoignage de l’universalité de juridiction entre les mains de l’Evêque de Rome. Par ailleurs, ces lettres témoignent aussi de l’infaillibilité Papale, étant donné que saint Jérôme déclare avoir « cru devoir consulter la chaire de Pierre, et cette foi romaine tant exaltée par l’apôtre, en demandant l’aliment de [son] âme là où j’ai autrefois reçu le vêtement de Jésus-Christ ». Il répond encore par avance à ceux qui voudraient opposer la juridiction du Pape à la souveraineté du Christ sur l’Eglise, en disant « Moi, qui ne veux suivre personne autre que le Christ, je communique avec votre béatitude, c’est-à-dire, avec la chaire de Pierre; je sais que l’Église est bâtie sur cette pierre ». Voir notre article :

Saint Jérôme (347-420) sur « la Chaire de Pierre sur laquelle l’Eglise est bâtie »

Empereur Théodose Ier (347-395)

« Nous voulons que tous les peuples que régit la modération de Notre Clémence s’engagent dans cette religion que le divin Pierre Apôtre a donné aux Romains – ainsi que l’affirme une tradition qui depuis lui est parvenue jusqu’à maintenant » (Edit de Thessalonique ou Edit de Théodose du 27 février 380, faisant du Christianisme la religion officielle de l’empire)

Saint Augustin (354-430)

On trouvera tous les témoignages de saint Augustin à ce sujet dans notre article :

Un Papiste nommé saint Augustin

Saint Pélage Ier affirma, comme une évidence, à des évêques de Toscane que telle était la doctrine de saint Augustin :

« Avez-vous pu oublier les prérogatives du Siège Apostolique au point de me croire capable d’autoriser moi-même un schisme dans l’Eglise ? A Dieu ne plaise que la Siège de Pierre, établi pour garder le dépôt de la Foi, se laisse entraîner par le mouvement populaire selon les caprices de l’opinion ! […] Le très bienheureux Augustin d’illustre mémoire, s’appuyant sur les paroles de Notre-Seigneur, place le fondement de l’Eglise dans le Siège Apostolique. Il déclare schismatiques ceux qui repoussent l’autorité ou se séparent de la communion du Pontife Romain. Il ne connaît d’autre Eglise que celle qui a ses racines dans la pierre fondamentale. Comment donc pouvez-vous croire que vous n’être pas séparés de la communion d’avec le monde entier sans faire mémoire de mon nom dans la célébration des Saints Mystères, alors que quoiqu’indigne, c’est en mon humble personne que s’est transmise l’hérédité du Siège Apostolique par la succession de l’épiscopat et que se concentre à l’heure actuelle son immutabilité.

Cessez donc, vous et les fidèles confiés à votre direction, de soupçonner la foi que je professe. […] S’il vous reste sur ce point quelques difficultés à éclaircir, venez sans crainte me les exposer ; car, suivant la parole de l’Apôtre, nous sommes toujours prêt à rendre compte de notre Foi [I Pierre III, 16]. » (Lettre V [alias VI] aux Evêques de Tuscie ; PL 69, colonnes 397 à 399)

Les conciles de Carthage (juin 416) et de Milève (septembre 416)

Saint Augustin présida également les conciles de Carthage et de Milève. Les Pères de ces deux conciles et lui-même, demandèrent a l’évêque de Rome, saint Innocent Ier de confirmer leur décisions. Voici la lettre du concile de Carthage :

« Nous avons cru, vénérable frère, devoir porter cet acte à la connaissance de votre charité, afin que vous confirmiez par l’autorité du siège apostolique les décisions de notre médiocrité pour mettre à couvert le salut d’un grand nombre, et corriger au besoin la perversité de quelques-uns.  […] Quand même donc Pélage paraîtrait à votre sainteté avoir été justement absous par certains actes qu’on dit être des évêques d’orient, son erreur et son impiété, qui compte en divers pays tant de partisans, n’en devrait pas moins être anathématisée par l’autorité du siège apostolique. » (Lettre 90 (175) au pontife romain Innocent, Opera S. Augustini, t. II, col. 923 et 925, édit. de Gaume ; col. 617 et 619, édit. de Montfaucon)

Et la lettre que les Pères du concile de Milève et lui adressèrent au même Pape :

« Puisque le Seigneur, par un bienfait signalé de sa grâce, vous a élevé sur le siège apostolique, et vous a placé dans un poste tel, qu’il y aurait négligence de notre part à ne pas déférer à votre révérence ce que les besoins de l’Eglise demandent de nous, sans que nous puissions avoir à craindre que notre démarche soit, ou dédaigneusement repoussée, ou froidement accueillie de vous ; nous vous prions d’apporter votre soin pastoral à la guérison de membres infirmes. Car une hérésie nouvelle et excessivement pernicieuse cherche à s’élever pour anéantir la grâce du Christ. » (Lettre 92 alias 176, Cf. Opera S. Augustini, t. II, col. 927, édit. de Gaume ; col. 620, édit. de Montfaucon)

Saint Innocent Ier (mort en 417)

Ce pape adressa ses réponses à ces deux conciles dans deux lettres datées du même jour, le 27 janvier 417.

Il fit d’abord la réponse suivante aux Pères du concile de Carthage, dans laquelle il assimila l’Église de la ville de Rome à une source pure de toute souillure hérétique, qui vivifiait les églises locales :

« Voilà ce que vous avez estimé dans la vigilance de votre office sacerdotal, à savoir qu’on ne doit pas fouler aux pieds les ordonnances des Pères ; car ceux-ci, dans une pensée plus divine qu’humaine, avaient décrété que n’importe quelle affaire à traiter, fût-ce des provinces les plus éloignées et les plus retirées, ne serait pas considérée comme finie avant d’avoir été portée à la connaissance de ce Siège, pour qu’il confirmât de toute son autorité les justes sentences et que les autres églises – comme les eaux qui jaillissent de leur source originelle et qui s’écoulent dans toutes les régions du monde par de purs ruisseaux venus de la source non corrompue – reçoivent de lui ce qu’elles prescriront et sachent qui elles doivent purifier et qui, souillé d’une fange ineffaçable, ne recevra pas l’eau digne des corps purs » (Lettre In requirendis du 27 janvier 417 aux évêques du concile de Carthage, chapitre I (Dz. 217) ; citée dans la lettre 181 (alias 191) de SAINT AUGUSTIN – PL, 33 / 780).

Ainsi que cette réponse à ceux du concile de Milève :

« Je loue la diligence que vous avez apportée à rendre hommage au siège apostolique, je veux dire au siège de celui qui, sans compter les embarras qui peuvent lui survenir d’ailleurs, est chargé du soin de toutes les Eglises, en nous consultant sur le parti que vous pouvez avoir à prendre dans vos doutes, vous conformant ainsi à l’antique règle que vous savez aussi bien que moi avoir toujours été observée par tout l’univers. Mais je me tais là-dessus, persuadé que vous en êtes d’avance parfaitement instruits, puisque vous l’avez reconnu par votre conduite même, sachant bien que le siège apostolique ne manque jamais de répondre aux consultations qui lui viennent de toutes les parties de l’univers. Mais surtout s’il s’agit de ce qui intéresse la foi, tous nos frères ou nos collègues dans l’épiscopat se font, comme je n’en doute pas, un devoir d’en référer à Pierre, ou à celui de qui il tient son nom et son privilège, ainsi que vous l’avez fait vous-mêmes pour obtenir une décision qui puisse, dans le monde entier, servir en commun à toutes les Eglises. Elles doivent en effet devenir plus prudentes, lorsqu’elles voient que, selon la relation du double synode, les inventeurs du mal sont séparés de la communion de par les déterminations de notre jugement. » (Lettre aux Pères du concile de Milève, Inter epistolas du 27 janvier 417, chapitre II (Dz 218), citée par saint Augustin, lettre 182 (alias 193), PL, 33 / 784 ; S. Augustini, Opera S. Augustini, t. II, col. 934, édit. de Gaume ; col. 638, édit. de Montfaucon)

Et nous ne pouvons que constater que saint Augustin fait entièrement siennes ces deux sentences papales ! En effet, lorsque dans sa Lettre à Paulin, saint Augustin rapporte ces actes, il recommande les réponses que le pape Innocent Ier donna par écrit, en ajoutant :

« Outre les rapports des conciles, nous avons adressé au pape Innocent, de bienheureuse mémoire [Le Pape saint Innocent Ier mourut le 12 mars 417], des lettres particulières où nous avons, un peu plus à fond, traité cette question. Il a répondu à tout comme on devait l’attendre d’un pontife du Siège apostolique [Voir ses lettres 175, 176, 177, 181, 182, 183]. » (Lettre 186 (alias 106) à Alype et Paulin, § 2 – PL, 33 / 817)

Plus bas, il identifie le jugement du Siège apostolique au jugement du Sauveur :

« Celui qui enseigne autrement et ne s’en tient pas aux saines paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ qui a dit […]

On se trouvera ainsi en contradiction avec cette parole du Sauveur : « Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts : voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mangera ne meure point. » Il ne parlait pas de cette mort à laquelle ne sauraient échapper ceux même qui mangent de ce pain de vie. « En vérité, en vérité, je vous le dis, ajoute-t-il, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, nous n’aurez pas la vie en vous (Jean, VI, 49, 50, 54), » sans aucun doute celle aussi qui doit venir après cette mort. On est en contradiction avec l’autorité du siège apostolique qui invoque le témoignage évangélique, de peur qu’on ne croie que les enfants non baptisés puissent avoir la vie éternelle (Lettre 182, n. 5) . On est enfin en contradiction avec Pélage lui-même, car en présente des évêques, il a anathématisé ceux qui soutiendraient que les enfants sans baptême ont la vie éternelle. » (Lettre 186 (alias 106) à Alype et Paulin, § 27-28 – PL, 33 / 825-826)

Puis identifie encore « l’autorité du siège apostolique » à la personne du « Maître et Seigneur des Apôtres » (saint Pierre) :

« Nous avons insisté sur ce point, parce que, si ce que nous avons entendu est vrai, il y a auprès de vous, ou plutôt dans votre ville, des gens qui défendent cette erreur avec tant d’opiniâtreté qu’il leur serait, disent-ils, plus facile de quitter et de mépriser Pélage qui l’a anathématisé, que de se séparer de son sentiment sur ce point qu’ils croient être la vérité. S’ils se rendent à l’autorité du siège apostolique, ou plutôt au Maître et Seigneur des Apôtres qui dit qu’ils n’auront pas la vie en eux s’ils ne mangent la chair du Fils de l’homme et ne boivent son sang, ce qu’ils ne peuvent faire sans avoir été baptisés, ils reconnaîtront enfin que les petits enfants non baptisés ne peuvent pas avoir la vie éternelle, et que, par conséquent, quoi qu’ils doivent endurer moins de tourments que ceux qui sont damnés pour des péchés personnels, ils sont néanmoins punis de la mort éternelle. » (Lettre 186 (alias 106) à Alype et Paulin, § 29 – PL, 33 / 826)

Et dans un célèbre sermon :

« Réfutez leurs contradictions, amenez-nous les quand ils résistent. Déjà effectivement on a envoyé sur ce sujet les actes de deux Conciles au Siège Apostolique, dont on a aussi reçu les réponses. La cause est finie; puisse ainsi finir l’erreur ! Aussi les avertissons-nous de rentrer en eux-mêmes; nous prêchons pour leur faire connaître la vérité et nous prions pour obtenir leur changement. » (Sermon 131, 10)

C’est d’ailleurs des mots « [le] Siège Apostolique, dont on a aussi reçu les réponses. La cause est finie » que fut tirée le célébrissime adage : « Roma locuta, causa finita est » : « Rome a parlé, la cause est entendue » !

Saint Zosime (mort en 418)

Au tout début de son pontificat, Zosime, dans le cadre de ces mêmes conciles écrivit à Aurélien de Carthage :

« L’importance de l’affaire qui nous est soumise exige une enquête approfondie, afin que la balance ne soit pas plus légère que les objets qui y sont déposés. Cette maturité de jugement importe surtout à l’honneur et à l’autorité du Siège apostolique, auquel les décrets de nos Pères, par respect pour le très-bienheureux apôtre Pierre, ont attribué la solution définitive des causes majeures. Il nous faut donc redoubler de prières et de supplications pour que le Seigneur, par une grâce continuelle et un secours incessant, fasse découler de cette Chaire comme d’une source pure la paix de la foi et l’union sans nuage de la société catholique. Le prêtre Célestius s’est présenté à notre tribunal, demandant à se justifier des accusations précédemment portées contre lui. […] Or il est notoire qu’Héros et Lazare, au mépris des saints canons et malgré la résistance du clergé et du peuple, ont été, à la suite de leurs brigues, tumultueusement intronisés dans les Eglises d’Aix et d’Arles, où ils avaient été jusque-là inconnus. Il est notoire qu’ils ont depuis abdiqué leur titre, et que le Siège apostolique leur a retiré tout pouvoir et toute juridiction dans leurs Eglises, en tenant compte cependant du repentir dont ils ont plus tard donné la preuve. » (Lettre 2 à Aurélien de Carthage ; PL XX, 649-650)

Plus tard, l’affaire se compliquant, Zosime eut à écrire à nouveau au même, dans une lettre où il identifie les promesses faites par le Christ en Matthieu XVI, 18 et Matthieu XVI, 19 à saint Pierre, au ministère de l’Evêque de Rome :

« Bien que la tradition des pères ait reconnu au Siège apostolique une telle autorité que personne n’a osé mettre en cause son jugement, et qu’elle ait toujours observé cela par des canons et des règles, et que, par ses lois, la discipline ecclésiastique en vigueur jusqu’ici manifeste au nom de Pierre, dont elle descend elle-même ; l’antiquité canonique, du consentement de tous, a dévolu un tel pouvoir à cet apôtre, à qui Jésus-Christ Notre-Seigneur a conféré le privilège de lier ou de délier [Matthieu XVI, 19]. Ce privilège appartient également par droit d’héritage à ses successeurs sur son siège. Pierre continue toujours à porter la sollicitude de toutes les Eglises, mais il veille avec un soin particulier sur le Siège de Rome qui est le sien propre ; il ne souffre ni défaillance ni incorrection dans les jugements doctrinaux émanés de la Chaire qu’il a honorée de son nom et constituée sur des fondements inébranlables [Matthieu XVI, 18]. Quiconque se heurte à cette pierre, s’y brisera [Matthieu XXI, 44]. Bien que donc Pierre soit l’origine d’une telle autorité et que les décrets suivants de tous les anciens confirment que l’Eglise romaine est affermie par toutes les lois et coutumes aussi bien humaines que divines – et vous ne l’ignorez pas, mais vous l’avez appris, frères très chers, et comme prêtres vous devez savoir que Nous en dirigeons la région et que nous détenons aussi le pouvoir de son nom, et alors que Nous aurions une telle autorité que personne ne pourrait débattre encore une fois de notre décision, Nous n’avons rien fait cependant que Nous n’aurions pas, de notre propre mouvement, porté à votre connaissance par notre lettre ; concédant cela à la fraternité et consultant ensemble, non pas parce que Nous n’aurions pas su ce qui doit être fait, ou que Nous aurions fait quelque chose qui déplairait parce que cela irait contre l’utilité de l’Eglise, mais Nous voulions avoir traité ensemble avec vous à son sujet (de Célestin qui est accusé), lui qui a déjà été accusé à votre tribunal, comme vous nous l’avez fait savoir par lettre, et qui se constitue devant le nôtre pour y purger un appel antérieur, provoquant lui-même sa confrontation avec ses accusateurs, et anathématisant les erreurs qui lui étaient, dit-il, faussement reprochées. » (Lettre 12 Quamvis Patrum à Aurélien et au concile de Carthage, 21 mars 418, PL, XX, 675-677 ; DS 221)

Certains affirment que cette lettre prouverait que saint Zosime était pélagien, du fait qu’il ait défendu le pélagien Célestin. Bien sûr il n’en est rien. Nous renvoyons à ce sujet à notre article :

Le Pape saint Zosime était-il pélagien ?

Saint Possidius de Calame (vers 397-vers 437)

Cet historien rapporte lui aussi ce recours des conciles d’Afrique du Nord à Rome pour être confirmés :

« Comme ces hérétiques s’efforçaient, par leurs artifices, de persuader leur erreur au Saint-Siège Apostolique, les saints évêques d’Afrique, réunis en concile, résolurent de montrer, avec le plus grand soin, au saint pape de Rome, le vénérable Innocent et ensuite à saint Zozime, son successeur, combien cette secte devait être abhorrée et condamnée par la foi catholique. Ces pontifes du Siège Suprême les censurèrent à diverses reprises et les retranchèrent des membres de l’Église : par des lettres adressées aux églises d’Afrique en Occident et à celles d’Orient, ils ordonnèrent à tous les fidèles de les anathématiser et de les fuir. Ayant appris le jugement que venait de porter sur eux l’Église catholique de Dieu, le très pieux empereur Honorius, pour s’y conformer, ordonna de les ranger parmi les hérétiques condamnés par ses lois. Alors quelques-uns d’entre eux rentrèrent dans le sein de l’Église, notre mère, d’où ils étaient sortis ; d’autres y reviennent encore tous les jours, à mesure que la vérité de la vraie foi se manifeste à eux et l’emporte sur cette détestable erreur. » (Vie d’Augustin, XVIII, PL tome XXXII, colonnes 48 et 49)

Rufin le Syrien (début du Vème siècle)

Dans son Libellus Fidei que Migne inséra en appendice du tome 10 des œuvres de saint Augustin :

« Si la foi que nous confessons reçoit l’approbation de votre décision apostolique, quiconque voudra me reprocher une faute montrera son impéritie, sa malveillance ou même qu’il n’est plus catholique, au lieu de me taxer d’hérésie ».

Ainsi, on le voit : on est ou on n’est pas catholique ou hérétique selon qu’en décide le jugement du Siège apostolique, et c’est pourquoi on peut reconnaître quel est sur terre le tribunal suprême du Christ auquel il revient sans conteste de juger en matière de foi.

Saint Boniface Ier (mort en 422)

« Nous avons envoyé au synode [de Corinthe]… des directives écrites pour que tous les frères comprennent qu’on ne doit pas débattre à nouveau de ce que nous avons jugé. Jamais en effet il n’a été permis de traiter à nouveau de ce qui a été décidé une fois par le Siège apostolique. » (Lettre Retro maioribus, II, à l’évêque Rufus de Thessalie, 11 mars 422 ; PL tome XX, colonne 776 ; MANSI, tome VIII, colonne 754)

« L’institution de l’Eglise universelle naissante prit son départ dans le titre d’honneur du bienheureux Pierre en qui consiste son gouvernement et son couronnement. C’est de sa source en effet qu’a coulé la discipline dans toutes les Eglises, lorsque la vénération de la religion croissait déjà. Les préceptes du concile de Nicée n’attestent rien d’autre ; il n’a pas osé en effet établir quelque chose au-dessus de lui, car il voyait que rien ne pouvait être placé au-dessus de son rang, et enfin il savait que tout lui était accordé par la parole du Seigneur. Cette (Eglise romaine) est donc avec certitude pour toutes les Eglises répandues par le monde entier comme la tête de ses membres ; si quelqu’un se sépare d’elle, qu’il soit éloigné de la religion chrétienne, puisqu’il a cessé de se trouver dans ce même assemblage. » (Lettre Institutio, I, aux évêques de Thessalie, 11 mars 422)

« Demeure au bienheureux apôtre Pierre, de par la parole du Seigneur, la sollicitude reçue de lui pour l’ensemble de l’Eglise, laquelle, comme il le sait, a été fondée sur lui selon le témoignage de l’Evangile. Et jamais une position d’honneur ne peut être exempte de soucis, puisqu’il est sûr que toutes choses dépendent de sa réflexion. … Qu’il n’arrive pas aux prêtres du Seigneur que l’un d’entre eux tombe dans la faute de tenter quelque chose par une usurpation nouvelle, et qu’il devienne l’ennemi des décisions des anciens, alors qu’il sait qu’il a pour rival en particulier celui auprès de qui notre Christ a placé le souverain sacerdoce ; et quiconque se dresse pour l’outrager ne pourra être un habitant du Royaume des cieux.  » A toi, dit-il, je donnerai les clés du Royaume des cieux  » Mt 16, 19 dans lequel nul n’entrera sans la faveur du portier. Puisque le lieu l’exige, recensez s’il vous plaît les déterminations des canons, et vous trouverez quel est après l’Eglise romaine le deuxième siège, et quel est le troisième. … Jamais personne n’a levé la main avec audace contre l’éminence apostolique dont il n’est pas permis de réviser le jugement, personne ne s’est dressé contre elle s’il ne voulait pas être jugé. Les dites grandes Eglises observent les dignités par les canons : celles d’Alexandrie et d’Antioche [voir Concile de Nicée, canon 6] ; car elles ont connaissance du droit de l’Eglise. Elles observent, dis-je, les décisions des anciens, en accordant leur bonne grâce en toutes choses comme ils reçoivent cette grâce en retour : celle dont ils savent qu’ils Nous la doivent dans le Seigneur qui est notre paix. Mais puisque la chose le demande, on montrera par des documents que les Eglises des Orientaux surtout, dans les grandes affaires qui rendaient nécessaire un débat de plus grande ampleur, ont toujours consulté le Siège romain et lui ont demandé aide chaque fois que cela était nécessaire. [suivent des exemples d’appels et de requêtes dans l’affaire d’Athanase et de Pierre d’Alexandrie, de l’Eglise d’Antioche, de Nectaire de Constantinople et des Orientaux séparés au temps d’Innocent Ier] » (Lettre Manet beatum à Rufus et aux autres évêques de Macédoine, etc., 11 mars 422)

Saint Jean Cassien (vers 360-vers 435)

« Mais le grand homme, le disciple des disciples, le maître parmi les maîtres, qui exerçait le gouvernement de l’Église romaine possédait l’autorité dans la foi et le sacerdoce. Dis-nous donc, Dis-nous que nous te prions, Pierre, prince des Apôtres, dis-nous comment les églises doivent croire en Dieu. (Contre Nestorius, III, 12)

Saint Célestin Ier († 432)

La communion avec le Siège apostolique est le critérium de la communion avec l’Eglise universelle

Saint Célestin Ier fut le Pape qui dut gérer la crise de l’hérésie nestorienne. Il manifeste l’autorité romaine en déclarant nulle les excommunications fulminées par Nestorius :

« Cependant, pour éviter que cet abus de pouvoir pût prévaloir, ne serait-ce que temporairement, alors même que Nestorius a déjà attiré sur lui la condamnation de Dieu, Notre Siège a fait valoir son autorité pour décider que si un évêque, un clerc, ou un simple fidèle catholique, a été démis de son rang ou rejeté de l’appartenance à l’Eglise, par Nestorius et ses comparses, depuis que ceux-ci ont entrepris de prêcher leur hérésie, nul ne doit les considérer comme ayant réellement encouru ces sanctions. Au contraire, ils sont tous demeurés dans notre communion et y demeurent encore. » (Lettre XIV au clergé et au peuple de Constantinople, n°7 ; PL tome 50, colonne 497)

On voit ici que la communion à l’Eglise universelle est identifiée à la communion à l’Evêque de Rome, et que ce qui compte en dernier ressort est la communion avec la personne de l’Evêque de Rome, au dessus de celle de son Evêque local. Cela se ressent aussi dans cette autre lettre, envoyée un peu plus tôt, lors de la même affaire, où saint Célestin fait savoir à l’Evêque Jean d’Antioche que l’excommunication de Nestorius ne vaut rien, mais que l’Eglise d’Antioche doit continuer à regarder comme faisant partie de l’Eglise ceux qui étaient en communion avec lui, bien que rejetés par Nestorius :

« Si quelque fidèle a été excommunié ou dépouillé de la dignité épiscopale ou cléricale par Nestorius et ses comparses, depuis que ceux-ci ont entrepris de prêcher leur hérésie, il est clair qu’il est demeuré et demeure encore dans notre communion. » (Lettre XII à Jean d’Antioche, n°2, PL tome 50, colonne 467)

Le contrôle sur le Concile d’Ephèse (431)

Le contrôle que le Pape saint Célestin exerça sur le Concile d’Ephèse (431) est exposé dans notre article :

La Papauté au concile d’Ephèse (431)

On y trouvera la délégation de pouvoir qu’il donna à saint Cyrille d’Alexandrie pour présider le Concile, l’ordre qu’il donna à d’autres représentants : « Nous vous commandons de sauvegarder l’autorité du Siège Apostolique. […] Si l’on en vient à débattre, vous devez juger les avis des pères, sans vous laisser mener par leur débats. » (Lettre XVII, PL, tome 50, colonne 503), et l’autorisation nécessaire qu’il donna d’excommunier Nestorius en lui imposant son décret doctrinal et disciplinaire.

Saint Cyrille d’Alexandrie (376-444)

Son attitude à l’occasion de Concile d’Ephèse (431)

L’attitude de soumission au Pape de saint Cyrille à l’occasion du Concile d’Ephèse (431) est exposé dans notre article :

La Papauté au concile d’Ephèse (431)

On y trouvera la délégation de pouvoir qu’il reçut du Pape saint Célestin, l’autorisation qu’il lui demanda pour excommunier Nestorius dont l’hérésie était pourtant incontestable et la reconnaissance que c’est par la confirmation de saint Sixte III, successeur de saint Célestin que le Concile acquis son autorité.

Autres témoignages

« De même que le Christ a reçu du Père le sceptre pour gouverner l’Église des nations, comme un chef qui, sorti d’Israël, placé au-dessus de tout pouvoir et de toute puissance, domine sur tout ce qui existe, au point que tout être se prosterne devant lui, ainsi le Christ a remis en plénitude son pouvoir à saint Pierre et à ses successeurs. » (Des Trésors, Thesaurus de sancta et consubstantiali Trinitate, cité par Saint Thomas d’Aquin dans son traité Contre les erreurs des grecs aux chapitre 34, § 1121 dans l’édition Marietti)

« C’est au Siège apostolique des évêques de Rome et à lui seul qu’il appartient de reprendre, de corriger, de décider, de délier, d’ordonner et de lier au nom de celui qui l’a établi. »

Concile d’Ephèse (431)

Ce concile est une manifestation éclatante de la soumission de l’Eglise universelle au pontife romain comme à son chef, successeur de Pierre. Cet épisode est traité dans cet article.

Saint Vincent de Lérins (mort vers 450)

Ce saint moine rédigea en 434 un Commonitorium où il énonce les critères qui permettent de savoir si une doctrine est orthodoxe ou hérétique. Il écrit en son chapitre VI :

« C’est un grand exemple que celui de ces bienheureux, et tout à fait divin, digne aussi d’être repris par tous les vrais catholiques dans une infatigable méditation : en effet, rayonnant, comme le chandelier à sept branches, des sept lumières du Saint Esprit, ils ont en effet révélé à la postérité le principe très lumineux grâce auquel, plus tard, dans tous les vains propos des erreurs, l’audace d’une nouveauté profane serait laminée par l’autorité de la sainte antiquité. La méthode à coup sûr, n’est pas nouvelle, puisque ce fut dans l’Église une coutume toujours en vigueur que, plus chacun était religieux, plus rapidement il s’opposait aux inventions nouvelles. Tout est rempli de tels exemples. Pour faire court, nous n’en citerons qu’un seul, emprunté de préférence au siège apostolique, afin que tous voient, plus clairement que le jour, avec quelle vigueur, quelle ardeur, quels efforts, les bienheureux successeurs des bienheureux apôtres, ont défendu l’intégrité de la religion traditionnelle. Jadis Agrippinus, de vénérable mémoire, évêque de Carthage, fut le premier de tous les mortels qui pensa, contrairement au canon divin, contrairement à la règle de l’Église universelle, contrairement à l’opinion de tous ses confrères, contrairement aux usages et aux institutions des aïeux, que l’on devait rebaptiser [les hérétiques]. Cette théorie trompeuse apporta tant de mal qu’elle fournit non seulement une procédure sacrilège aux hérétiques, mais en outre à certains catholiques une occasion d’erreur. Comme, de toute part, tous protestaient contre la nouveauté de ce rite et que tous les évêques, en tous pays, résistaient chacun dans la mesure de sa vigueur, le pape Étienne, de bienheureuse mémoire, qui occupait le siège apostolique, y fit opposition, avec tous ses autres collègues il est vrai, mais plus qu’eux néanmoins, car il trouvait normal, je pense, de surpasser tous les autres par le dévouement de sa foi autant qu’il les dominait par l’autorité de sa charge. » (Commonitorium, VI)

Commentaire de l’abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI (1803-1859) :

« Tout l’ensemble de ce passage, où il n’est question ni du sénat ni de l’empereur, mais du siège spécialement nommé apostolique, tout ce passage montre que l’autorité du lieu, grâce à laquelle le pape surpassait les autres évêques, était l’autorité religieuse de Rome et non son autorité politique. Le choix même du mot autorité le prouve ; s’il s’agissait du relief donné à Etienne par la capitale du monde, on aurait parlé de la splendeur, de la célébrité, de la majesté de cette ville, expressions ne risquant pas de devenir amphibologiques comme celle dont a usé saint Vincent, qui, en rapprochant les idées de supériorité dans Etienne et d’autorité dans le lieu, nous porte nécessairement à croire que les deux choses corrélatives étaient de même nature et de l’ordre ecclésiastique. D’ailleurs, son second extrait expliquera le premier. » (Abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI, Défense de l’Eglise contre les erreurs historiques, troisième édition, Lyon 1864, tome 1, page 118-119, note de bas de page)

A la fin du Commonitorium, saint Vincent de Lérins récapitule les preuves que lui ont fournies la Bible et l’usage constant des conciles, puis il ajoute :

« Tout cela suffit abondamment et surabondamment, sans doute, à l’extinction totale des profanes nouveautés ; cependant, afin qu’il ne parût rien manquer à la plénitude des preuves, quelque grande qu’elle soit déjà, nous avons rapporté, en ter-minant, deux autorités du siège apostolique, l’une du saint pape Sixte, qui fait aujourd’hui l’ornement de l’église romaine, et une autre de son prédécesseur, le pape Célestin, de bienheureuse mémoire, que nous avons jugé nécessaire de répéter encore ici. » (Commonitorium, XXIII)

NB : ce Commonitorium peut prêter à confusion, nous suggérons de lire cet article pour l’appréhender correctement.

« C’est ainsi que l’ouvrage du moine de Lérins commence et se termine par deux passages élogieux en l’honneur de la papauté ; le premier nous apprend que l’évêque de Rome surpasse tous les autres évêques par l’autorité que donne à cette ville la présence du siège de saint Pierre ; le second montre saint Vincent qui, après avoir cité la Bible et les conciles, après avoir terrassé l’hérésie sous ses coups, appréhende, tout victorieux qu’il est, de paraître n’avoir pas su employer toutes ses armes. Qu’a-t-il donc oublié, lui qui a invoqué les témoignages de l’Eglise universelle et de l’Ecriture sainte ? Pour quelle autorité y a-t-il donc place entre ces deux oracles du christianisme ? Quelle est donc cette autre parole sacrée que les fidèles regretteraient de n’avoir pas entendue, même à la suite de tant de paroles infaillibles et divines ? C’est la décision de la papauté. Saint Vincent la donne, et se réjouit en voyant que rien ne manque plus à sa triomphante démonstration.

Par conséquent, ce que saint Vincent dit des papes suppose en eux une prééminence, et ce que, d’accord avec tous les chrétiens et les papes eux-mêmes, il leur dénie, ne touche en rien aux privilèges dont on croit le Saint-Siège investi. » (Abbé Jean-Marie-Sauveur GORINI, Défense de l’Eglise contre les erreurs historiques, troisième édition, Lyon 1864, tome 1, page 119-120)

Saint Sixte III (mort en 440)

« Le bienheureux Pierre dans ses successeurs a livré ce qu’il a reçu. Qui serait disposé à se séparer de la doctrine dont le Maître lui-même a instruit le premier parmi les apôtres ? » (Lettre VI à Jean d’Antioche)

Saint Prosper d’Aquitaine (vers 390-vers 463)

« Rome, le siège de saint Pierre, a été établie à la tête du monde en recevant l’honneur de la charge pastorale et tout ce que les armes ne lui ont pas donné, elle le possède par le pouvoir de la religion. » (Poème sur les ingrats, I, PL 51, 97)

Code de Théodose (adopté le 25 décembre 438, entré en vigueur 1er janvier 439)

« Puisque le mérite de saint Pierre prince de l’épiscopat, la dignité de la ville de Rome et l’autorité du sacré concile ont confirmé la primauté du Siège apostolique, nous défendons que personne, dans sa présomption, ose rien entreprendre contre l’autorité de ce Siège. Car la paix ne peut être universellement conservée que si toute l’Église reconnaît son maître. » (Code de Théodose, Titre XXIV)

Précisons que dans la pensée du Code théodosien, ce n’est nullement le Sacré Concile qui a attribué son autorité au siège de Rome. Mais le Saint-Synode a témoigné de manière éclatante de l’existence de cette autorité en ne s’arrogeant rien contre ce siège, alors même que lui-même en tant que concile représentait l’Eglise universelle.

Empereur Valentinien III (419-455)

« Nous sommes obligés de défendre avec zèle l’honneur et la dignité de saint Pierre, et d’avoir soin que rien n’empêche son successeur l’Evêque de Rome, qui a toujours eu la primauté du sacerdoce, de juger en toute liberté de la foi et des évêques. » (Lettre à son Collègue Théodose II, année 445)

Saint Pierre Chrysologue (vers 380-450/451)

« Nous vous exhortons, vénérable frère, à vous soumettre en toute chose à ce qu’a écrit le bienheureux Evêque de Rome, car saint Pierre, qui vit et préside en son siège, communique la vraie foi à ceux qui la cherchent. Pour notre part, pour l’amour de la paix et le bien de la vraie foi, nous ne pouvons pas juger des questions de doctrine sans le consentement de l’Evêque de Rome. » (Lettre à Eutyché ; in : Lettres de saint Léon, XXV, édition Ballerini)

Saint Léon le Grand (vers 395-461)

Nous rapportons les témoignages que saint Léon le Grand rend à la Papauté dans notre article :

L’autorité du successeur de Pierre d’après saint Léon le Grand

Le concile de Chalcédoine (451)

Convoqué par le pape saint Léon Ier sur demande de l’empereur Byzantin Marcien et son épouse l’impératrice Pulchérie. Se tint du 8 octobre au 1er novembre 451 dans l’église Sainte Ephémie de la ville éponyme, sur l’actuelle rive asiatique d’Istanbul. Il réunit 343 évêques (un record) dont quatre seulement viennent d’Occident.

Lors de la session III furent présentée les requêtes des diacres Théodore et Ischyrion, du prêtre Athanase et du laïque Sophrone contre Dioscore, adressées tant au pape Léon qu’au concile ; Léon y est désigné sous les titres d’archevêque universel et de patriarche de la grande Rome. Dans la même action ou session, on attribue aux légats de Léon la présidence du concile comme aux représentants du pape, et ils sont les premiers à prononcer la sentence contre Dioscore en ces termes :

« C’est pourquoi le très-saint archevêque de Rome, Léon, par nous et par le présent concile, avec l’apôtre saint Pierre, qui est la pierre et la base de l’Eglise catholique et le fondement de la foi orthodoxe, l’a dépouillé de la dignité épiscopale et de tout ministère sacerdotal. »

À la fin de cette même session, le concile demanda au pape Léon, dans le compte qu’il lui rendit, la confirmation de tous ses actes, et lui dit entre autres choses :

« Qu’est-ce qui en effet donne plus de joie que la foi ? […] Cette foi, le Sauveur lui-même nous l’a transmise depuis les temps anciens en disant : « Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit » [Matthieu XXVIII, 19] ; toi-même tu l’as gardée comme une chaîne d’or qui, au commandement de celui qui ordonne, vient jusqu’à nous, en étant pour tous l’interprète de la voix du bienheureux Pierre, et en procurant à tous la bénédiction de sa foi. Nous servant donc nous aussi de toi avec fruit comme d’un guide vers ce bien, nous avons montré aux enfants de l’Eglise l’héritage de la vérité… en faisant connaître d’un même coeur et d’un même esprit la confession de la foi. Et nous étions dans un même choeur, faisant nos délices, comme dans un banquet royal, des nourritures spirituelles que le Christ, par tes écrits, a préparés aux convives du festin, et nous pensions voir l’époux céleste en convive parmi nous. Car si là où deux ou trois sont rassemblés en son nom il est présent, comme il le dit, au milieu d’eux [Matthieu XVIII, 20], quelle familiarité n’a-t-il pas manifestée alors aux cinq cent vingt prêtres qui ont placé la connaissance de la confession de la foi plus haut que leur patrie et que les fatigues ? Eux que, comme la tête le fait pour les membres, tu as conduits en ceux qui tenaient ta place en faisant connaître ton conseil excellent […] Voilà ce que nous avons fait de concert avec vous, qui étiez présent d’esprit au milieu de nous comme d’autant de frères et qu’il nous semblait voir dans la personne de vos sages légats. Nous vous annonçons en même temps que nous avons pris encore quelques autres mesures pour le maintien du bon ordre et l’exécution des lois ecclésiastiques, sachant bien que votre sainteté les approuverait et les confirmerait dès que la connaissance lui en serait parvenue […] Nous vous conjurons donc d’honorer de votre suffrage définitif le jugement que nous avons porté et de donner à vos fils cette preuve de votre bienveillance, de même que nous nous sommes attachés à vous suivre en tout comme notre chef. » (Lettre synodale au pape Léon 1er, début de novembre 451, Labbe, t. IV, col. 833-834 et 837-838)

On doit souligner l’épisode qui se déroula, dit-on, lors du concile de Chalcédoine, à l’occasion du fameux canon 28 que les schismatiques grecs contemporains et les Russes invoquent en leur faveur. Ce canon accorde au siège de Constantinople le premier rang après celui de Rome et lui reconnaît aussi les prérogatives du patriarcat ; mais il fut introduit de manière illégitime, en dehors des sessions conciliaires. Ayant découvert cette fraude, les légats du pape saint Léon protestèrent sur le champ :

« On dit qu’hier, après que Votre Puissance a levé la séance […] certains événements ont eu lieu, que nous estimons contraires aux canons ecclésiastiques et à la discipline de l’Église. Nous demandons donc à Votre Magnificence de faire réexaminer ces faits, afin que toute l’assemblée vérifie si les choses se sont passées conformément ou non à la justice. »

On relut alors en plein concile le fameux canon. Les pères furent tous unanimes à vouloir qu’on le confirmât (car c’était le désir des empereurs Valentinien et Marcien, du sénat et de toute la ville impériale) et c’est pourquoi les légats rétorquèrent qu’ils avaient reçu du Très Saint Père des avis contraires et publièrent leurs instructions, où on trouve les prescriptions suivantes :

« Ne souffrez pas que l’on ait jamais l’audace de violer ou d’amoindrir la constitution établie par les saints Pères et préservez de toutes vos forces en vous la dignité de Notre Personne dont vous êtes les représentants. Et si les membres du concile, confiants dans le prestige de leurs villes, tentaient quelque usurpation, repoussez-les avec la constance nécessaire. »

C’est pourquoi, on délibéra à nouveau sur le même sujet, mais une fois encore le canon fut confirmé à l’unanimité et les évêques s’écriaient : « Nous sommes tous du même avis, ce canon a notre agrément, cette décision est juste. » C’est alors que Lucentius, représentant du Siège apostolique dit :

« Le Siège apostolique ne doit pas être humilié en notre présence et c’est pourquoi nous réclamons que Votre Sublimité fasse annuler toutes les décisions qui ont été prises hier au mépris des lois de l’Église. Si Elle s’y refuse, il faut que notre opposition soit mentionnée dans le texte de ces décisions, afin que nous ayons un rapport à présenter au Chef de toute l’Église, tenant du siège apostolique, et que celui-ci puisse se prononcer sur l’injure subie par le Saint-Siège ou sur la désobéissance aux lois de l’Église. »

Tels sont les faits qui sont rapportés dans les actes authentiques du concile de Chalcédoine.

Or, cela est absolument hors de doute, au milieu de ces circonstances et dans un tel état d’esprit, cette protestation de soumission à l’égard du Siège de Rome, si on tient compte de l’affaire qui était à l’origine du litige, devait prendre une signification particulière. Examinons bien ce que disent les pères présents au concile dans le rapport qu’ils adressèrent au pape saint Léon, concernant tous les événements qui se sont déroulés. Premièrement, ils font état de la définition de foi, et ils rappellent qu’en y souscrivant ils se sont conformés à la première définition portée par saint Léon dans sa lettre à l’empereur Flavien. Ils disent que saint Léon fut « désigné par tous comme le porte-parole de saint Pierre » et qu’il était, en la personne de ses représentants, le chef de tous les pères du concile, placé comme une tête vis-à-vis de tous les autres membres du corps. Ils informent ensuite le pape de la déposition de Dioscore d’Alexandrie. Entre autres crimes, ce dernier avait poussé la folie jusqu’à s’en prendre :

« à celui auquel le Sauveur avait confié la garde de sa vigne, c’est-à-dire à Votre Sainteté Apostolique et il projetait même de lancer l’excommunication contre vous, qui tâchez d’unir le corps de l’Église »

Ils en viennent enfin au litige, qui prit prétexte de la prérogative du siège de Constantinople :

« Nous avons confirmé […] la règle d’après laquelle Constantinople doit être honorée, comme prenant place au second rang après votre Siège apostolique très saint. Nous sommes sûrs que la lumière apostolique gardera en vous tout son éclat et que vous saurez la répandre aussi souvent que possible jusqu’à l’église de Constantinople, puisque vous avez pris l’habitude d’enrichir de vos biens, sans parcimonie, les habitants de cette ville. C’est pourquoi, Très Saint Père, daignez recevoir notre définition, afin de mettre un terme à toute confusion. Car ceux qui représentent Votre Sainteté, les saints évêques Paschase et Lucentius, et avec eux le révérend père Boniface, ont tâché de s’opposer fermement à ces décisions, et, c’est hors de doute, ils ont voulu faire dépendre de votre prudence leur résistance, de sorte que l’on Vous attribuât le mérite d’avoir sauvé le bon ordre de la paix, comme celui d’avoir préservé la foi. […] En effet, nous jugeons opportun que tout le concile reconnaisse la décision que vous aurez prise pour confirmer le titre honorifique de Constantinople, et nous avons pris la liberté de confirmer ce titre, comme si Votre Sainteté en avait pris l’initiative, car nous le savons : tout ce que les fils peuvent faire de juste, on l’attribue au père, comme si cela venait de sa propre initiative. Nous vous demandons donc d’honorer notre jugement en le confirmant par vos décrets. Qu’ainsi Votre Grandeur achève en faveur de ses fils ce qui convient, de la même manière que ceux-ci sont restés unis à leur chef, en faisant le bien. » (Lettre 93 du concile de Chalcédoine au pape saint Léon le Grand, dans PL, 54/957).

Ce discours se passe de commentaire. Et à cette profession de foi si avérée de l’Église d’Orient, on peut en ajouter d’autres, qui sont tout aussi explicites, comme celle du quatrième concile œcuménique de Constantinople, celle du deuxième concile de Lyon, ou encore celle du concile de Florence. Le concile Vatican I les rappelle et les mentionne toutes en détail, au chapitre 4 de la constitution Pastor æternus.

N’oublions pas que saint Léon a toujours refusé de souscrire à la requête des pères du concile. On peut se reporter sur ce point à la Lettre 104 adressée par ce pape à l’empereur Marcien, à la Lettre 105 adressée à l’impératrice Pulchérie, à la Lettre 106 adressée à l’évêque Anatolius de Constantinople. Le pape savait en effet quel danger pouvait venir de Constantinople et c’est pourquoi, comme dans une vue prophétique, persuadé qu’il lui fallait remédier aux tout premiers germes de la corruption, il avait donné cette instruction à ses légats qui partaient pour Constantinople :

« Si les membres du concile, confiants dans le prestige de leurs villes, tentaient quelque usurpation, repoussez-les avec la constance nécessaire. »

Saint Félix III (vers 440-492)

« Le bienheureux Pierre dans ses successeurs a livré ce qu’il a reçu. Qui serait disposé à se séparer de la doctrine dont le Maître lui-même a instruit le premier parmi les apôtres? » (Lettre VI à Jean d’Antioche)

« Car il [Pape Sixte III] a écrit ce qu’il était en accord avec le saint synode [le Concile d’Ephèse], et a confirmé tous ses actes, et est en accord avec nous » (Saint Cyrille d’Alexandrie, Lettre 40 à Acace de Meletine)

« « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (Matthieu XVI, 18) : à cette parole, les trois cent dix-huit Pères, réunis à Nicée, demandèrent à la sainte Eglise Romaine de confirmer et de sanctionner par son autorité ce qui avait été fait. » (Lettre IV, année 483 ; in : Dion. Exig.. In praefat. conc. Nic)

Saint Simplice (vers 420-483)

Ce Pape parle de « la doctrine de ses prédécesseurs de sainte mémoire, contre laquelle il n’est pas permis de disputer », ce qui signifie que l’Eglise la regarde comme infaillible de droit :

« Puisque la doctrine de nos prédécesseurs de sainte mémoire, contre laquelle il n’est pas permis de disputer, existe, et que quiconque pense de façon juste n’a donc pas besoin d’être enseigné par de nouvelles explications, mais que tout est clair et parfait par quoi quelqu’un qui a été séduit par des hérétiques pourra être instruit, ou par quoi quelqu’un qui doit être planté dans la vigne du Seigneur pourra être enseigné, implore la foi du prince très clément et fais qu’il rejette le propos de tenir un synode. » (Lettre V Quantum presbyterorum à l’évêque Acace de Constantinople, Partie 3, Chapitre 2 ; PL tome 58, colonnes 41B-42B)

Dans une lettre à l’Empereur Basilisque, le Pape saint Simplice lui ordonnait de chasser le parricide Elure qui usurpait le siège de Constantinople, et à marcher sur les traces de ses prédécesseurs Marcien et Léon, en maintenant comme eux le Concile de Chalcédoine et les lettres de saint Léon, où le mystère de l’Incarnation est si nettement expliqué qu’on ne peut s’en écarter sans cesser d’être chrétien. Il lui envoie une copie de ces lettres afin qu’il puisse facilement s’instruire de la vraie foi :

« car la règle de la doctrine apostolique demeure toujours invariable chez les successeurs de celui à qui le Seigneur a confié tout le bercail et promis sa perpétuelle assistance jusqu’à la fin des siècles, contre qui il a promis que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais [Matthieu XVI, 18], et à la sentence duquel il a déclaré que ce qui était lié sur la terre ne pouvait être délié dans le ciel même. » (MANSI, t. VII, Lettres de Simplice. 4, 5, 6 et 7, col. 974 et suiv)

Lettre synodale du concile de Rome au clergé de Constantinople (485)

En 485, sous le Pape saint Félix III, un concile se tint à Rome. Il envoya une lettre synodale au clergé de Constantinople, dans lequel on lit les mots suivants :

« Le prélat du Siège apostolique exerce sa sollicitude sur toutes les Eglises, étant le chef de toutes, en vertu de la parole que le Seigneur a dite Pierre « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » [Matthieu XVI, 18]. C’est en conformité avec cette parole que les trois cent dix-huit Pères rassemblés Nicée déférèrent à la sainte Eglise romaine la confirmation de leurs actes. » (Lettre synodale du concile de Rome au clergé de Constantinople, année 485, LABBE, IV, 1126 ; MANSI, tome VII, colonne 1140 ; HARDOUIN, tome II, colonne 856)

Saint Gélase (mort en 496)

« Si nous venions à les perdre [la vraie foi et la communion de l’Eglise], ce qu’à Dieu ne plaise, comment quoi que ce soit pourrait-être restauré, surtout si, à son sommet, le Siège apostolique, était devenu teinté d’hérésie, ce que Dieu ne permettrait jamais. […] Si, à Dieu ne plaise, je devenais complice de l’hérésie perverse, j’aurai moi-même besoin d’un remède, plutôt que de pouvoir d’offrir un remède à d’autres ; et le siège du  bienheureux Pierre chercherait un remède ailleurs, plutôt que d’offrir lui-même un remède à autrui, ce que Dieu ne permettrait jamais. […] Par conséquent, les Orientaux restent fermes dans la foi catholique, car ils me voient la défendre et sont encouragés par moi. » (Lettre I, aux Evêques d’Orient)

« Pierre brilla dans cette capitale [Rome] par la sublime puissance de sa doctrine, et il eut l’honneur d’y répandre glorieusement son sang. C’est là qu’il repose pour toujours, et qu’il assure à ce Siège béni [le siège de Rome] par lui de n’être jamais vaincu par les portes de l’enfer » (Décrétale 14 intitulée De responsione ad Graecos)

« Et s’il est normal que le coeur des fidèles se soumette à tous les prêtres en général qui s’acquittent convenablement de leurs divines fonctions, combien plus l’unanimité doit-elle se faire autour du préposé à ce siège, à qui la divinité suprême a voulu donner la prééminence sur tous les prêtres et que la piété universelle de l’Eglise a dans la suite constamment célébré ? » (Lettre Famuli vestrae pietatis, à l’empereur Anastase 1er 494)

Décret gélasien (496)

« Après (toutes ces) Ecritures prophétiques, évangéliques et apostoliques (que nous avons mentionnées plus haut) et sur lesquelles l’Eglise catholique, par la grâce de Dieu, est fondée, nous avons estimé devoir souligner également ceci, à savoir que si c’est bien à l’Eglise catholique répandue par tout l’univers que revient l’unique chambre nuptiale du Christ, pour autant la sainte Eglise romaine n’est pas placée devant les autres Eglises par des édits de synodes, mais elle a reçu la primauté de par la parole évangélique du Seigneur et Sauveur disant : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle [Matthieu XVI, 18], et je te donnerai les clés du Royaume des cieux, et tout ce que tu auras lié sur terre sera lié aussi au ciel, et tout ce que tu auras délié sur terre sera délié aussi au ciel [Matthieu XVI, 19]. A cela s’est ajouté également la compagnie du très bienheureux Apôtre Paul, le vase d’élection : ce n’est pas à un autre moment, comme le disent sottement les hérétiques, mais au même moment, le même jour, par une mort glorieuse avec Pierre, qu’il a été couronné en combattant, dans la ville de Rome, sous l’empereur Néron : et de la même manière ils ont consacré au Christ l’Eglise romaine susdite, et par leur présence et leur triomphe vénérable ils l’ont placée avant toutes les autres villes dans le monde entier. Le premier siège de l’apôtre Pierre est donc l’Eglise romaine qui n’a ni tache, ni ride, ni rien de semblable Ep 5,27. Le deuxième siège cependant fut consacré à Alexandrie au nom du bienheureux Pierre par le disciple et évangéliste Marc… Comme troisième est tenu en honneur le siège du bienheureux apôtre Pierre à Antioche, puisqu’il y a habité avant de venir à Rome, et que là est apparu pour la première fois le nom de  » chrétiens  » pour la race nouvelle voir Ac 11,26). Et bien que personne ne puisse poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est Jésus Christ (voir 1Co 3,11), l’Eglise sainte, c’est-à-dire l’Eglise romaine, n’interdit pas que pour son édification, outre les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament que nous recevons selon la règle, soient reçus également ces autres écrits, à savoir : le saint synode de Nicée… ; (le saint synode de Constantinople… lors duquel l’hérétique Macedonius a reçu la condamnation méritée ) ; le saint synode d’Ephèse… ; le saint synode de Chalcédoine… (Mais également d’autres synodes, s’il en est, qui ont été tenus par les saints pères jusqu’à aujourd’hui et dont nous avons décrété qu’ils doivent être observés et reçus outre l’autorité de ces quatre.) » (Lettre décrétale sur les livres à recevoir ou à ne pas recevoir, aussi nommée Décret de Gélase ou Décret gélasien, III et IV, DS 350, 351 et 352)

Ce document est appelé Décret Gélasien traditionnellement daté de 496, mais dont la date doit peut-être être repoussée jusqu’en 523, année de la mort du Pape saint Hormisdas. Nous ne connaissons pas son auteur. Toutefois, on consultera avec fruits l’étude du Albert DUFOURCQ intitulée Vues nouvelles sur le décret gélasien et sur le pape Damase (Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1909, 53-11, pp. 820-825) en cliquant ici. Ce document anonyme n’a donc sans doute pas l’autorité du Pape saint Gélase, toutefois il doit quand même refléter la doctrine générale de l’époque de sa rédaction. Dans le cas contraire son auteur n’aurait jamais pu songer à l’écrire et encore moins à le mettre sous le nom de Gélase. Et quand même l’aurait-il fait, jamais il n’aurait obtenu aussi vite une autorité aussi grande, surtout en lui reconnaissant une origine papale.

Saint Hormisdas Ier (450-523)

Dans la lettre d’instruction que le Pape saint Hormisdas remit aux légats qu’il envoyait à l’empereur byzantin Anastase, le Pape indique :

« [Vous direz à l’empereur] Les lettres du Pape Symmaque ne font que répéter la formule : Je suis les décrets de Chalcédoine ; j’admets la doctrine du Pape Léon ; ces lettres ne contiennent rien d’autre sinon l’exhortation à les observer. […]

Si [l’empereur] vous demande de quelle manière il conviendrait de rétablir l’ordre, répondez-lui en toute humilité : Votre Père [le Pape] a écrit une encyclique adressée à tous les évêques en général. Joignez-y vos lettres sacrées déclarant que vous souscrivez à l’enseignement du Siège Apostolique. Alors on reconnaîtra les orthodoxes, ceux qui n’ont jamais été séparés de l’unité du Siège Apostolique, et ceux qui leur sont contraire […]

Si l’on vous présente des requêtes contre des évêques catholiques, principalement contre ceux qui osent anathématiser  le concile de Chalcédoine et rejeter les lettres du Pape saint Léon, recevez ces requêtes, mais réservez la cause au jugement du Siège Apostolique, afin qu’ils aient l’espérance d’être entendus, et que vous nous réserviez l’autorité qui nous est due. » (Lettre IV à l’empereur Anastase, 8 juillet 515, PL 63, colonnes 376 à 378)

Ce Pape envoya à la cour impériale de Constantinople – qui l’avait sollicité pour mettre fin aux schismes qui déchiraient l’Orient – le 11 août 515, un document intitulé Libellus Fidei, ou encore Regula Fidei, ce qui peut se traduire par Programme de la foi, Opuscule de la foi, Règle de la foi ou encore Profession de foi, mais plus connu sous le nom de Formulaire d’Hormisdas. Tous les évêques d’Orient devaient y souscrire, et y souscrivirent, preuve qu’ils adhéraient à son contenu. Une des vérités impératives exprimées dans ce texte était que l’orthodoxie s’est toujours maintenue à Rome. D’après des rapports, 2500 Evêques ont souscrit à ce formulaire. En voici le texte :

« La condition première du salut est de garder la règle de la foi juste et de ne s’écarter d’aucune façon des décrets des pères. Et parce qu’il n’est pas possible de négliger la parole de notre Seigneur Jésus Christ qui dit :  « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise » [Matthieu XVI ,18], ce qui a été dit est prouvé par les faits ; car la religion catholique a toujours été gardée sans tache auprès du Siège apostolique [autre version du texte : c’est seulement dans la chaire de Rome que les faits postérieurs ont correspondu à la parole du Christ]. Ne voulant donc nous séparer d’aucune façon de cette espérance et de cette foi, et suivant en toutes choses ce qu’ont décrété les pères, nous anathématisons tous les hérétiques, et principalement l’hérétique Nestorius qui fut jadis évêque de la ville de Constantinople, condamné au concile d’Ephèse par Célestin, le pape de la ville de Rome, et par saint (l’homme vénérable) Cyrille, l’évêque de la ville d’Alexandrie ; avec celui-ci (de même) nous anathématisons Eutychès et Dioscore d’Alexandrie, condamnés au saint synode de Chalcédoine que nous suivons et embrassons (qui, suivant le saint concile de Nicée, a proclamé la foi apostolique). Nous y ajoutons (nous exécrons également) le criminel Timothée, surnommé Aelure, ainsi que son disciple et partisan en toutes choses Pierre d’Alexandrie ; et de même nous condamnons (également) et nous anathématisons Acace, jadis évêque de Constantinople, condamné par le Siège apostolique, leur complice et partisan, et ceux qui sont restés en communion avec eux ; car (Acace), s’étant joint à leur communion, a mérité la même sentence de condamnation. De même nous condamnons Pierre d’Antioche avec tous ceux qui l’ont suivi et les partisans de ceux qui ont été mentionnés plus haut. (Mais) c’est pourquoi nous recevons et approuvons toutes les lettres du bienheureux pape Léon, qu’il a écrites touchant la religion chrétienne. Comme nous le disions plus haut, suivant en toutes choses le Siège apostolique et prêchant tout ce qu’il a décrété, j’espère (donc) mériter de rentrer dans la communion avec vous que prêche le Siège apostolique, communion dans laquelle réside, entière et vraie (et parfaite) la solidité de la religion chrétienne. Nous promettons (je promets) aussi que (à l’avenir) les noms de ceux qui sont séparés de la communion de l’Eglise catholique, c’est-à-dire qui ne sont pas en accord avec le Siège apostolique, ne seront pas lus durant les saints mystères. (Mais si je tentais de dévier en quoi que ce soit de ma profession de foi, je confesse que, selon mon propre jugement, je serais un complice de ceux que j’ai condamnés.) Cette profession de foi je l’ai souscrite de ma propre main, et je l’ai transmise (envoyée) à toi, Hormisdas, le saint et vénérable pape de la ville de Rome. » (Règle de la Foi, dans Lettre IX à Jean Evêque de Népomucène, 11 août 515 ; PL 63, colonnes 393 et 394 et MANSI tome VIII, colonnes 407-408)

Enfin, le Pape saint Hormisdas nous donne une exemple de l’identification formelle entre « l’Eglise Romaine » au sens de l’Eglise locale de Rome avec l’Eglise « catholique », c’est-à-dire universelle, signifiant que cette seconde est en tout soumise à l’Evêque de cette première comme à son chef unique et universel. En effet, il écrit :

« Ce que l’Eglise Romaine, c’est-à-dire catholique […] » (Lettre 70 Sicut rationi, à l’évêque africain Possessor, 13 août 520, Chapitre 5, PL 63, colonne 493)

Empereur Justinien Ier (vers 482-565)

« Nous décrétons, conformément à l’enseignement des conciles, que le Pape de Rome est le premier de tous les évêques. » (Novelles, 131, chapitre 2)

Des anti-romains pourraient être tentés de dire que cette déclaration prouve que la primauté romaine découle du droit ecclésiastique tel qu’énoncé par les conciles, et non du droit divin. Mais c’est inconsistant. Premièrement tout ce qui vient d’être rapporté de l’enseignement des Pères prouve le contraire. Deuxièmement ce que nous avons rapporté des conciles eux-mêmes, spécialement ceux d’Ephèse (431) et de Chalcédoine (451) de même, ce n’est donc pas ce que les anti-romains affirment pensent qui a pu guider Justinien. Troisièmement la Profession de foi de Justinien, approuvée par le Pape Jean II témoigne de la doctrine de la Papauté, spécialement lorsqu’il appelle à répétition le siège de Rome « siège apostolique », prouve définitivement le contraire. Voyons cela immédiatement :

La Profession de foi de l’Empereur Justinien Ier (vers 482-565) et son approbation par le Pape Jean II (470-533)

L’Empereur Justinien envoya une Profession de foi au Pape Jean II. Celui-ci lui répondit dans une lettre qu’il l’approuvait entièrement. Ces deux documents témoignent abondamment de la foi de l’Eglise universelle en la Papauté. Dans le Code Justinien (Livre I, titre premier, point n°8), la Profession de foi de l’Empereur qui est antérieure à l’approbation du Pape, ne se trouve qu’au travers de la réponse du Pape Jean II qui l’approuve. En effet, Jean II commence par une introduction et une approbation de cette Profession de foi, puis la cite dans son intégralité, et reprend parole pour conclure. En revanche dans la Patrologie latine, la Profession de foi de l’Empereur est entièrement extraite de la lettre de Jean II et placée avant elle, et la reproduction de la lettre du Pape renvoie au texte précédent à l’endroit où Jean II citait l’Empereur. Aussi bien l’introduction, que la Profession de foi copiée, que la conclusion, témoignent de la Papauté. En voici les textes concernant cette doctrine :

Introduction de la lettre du Pape Jean II (470-533)

« Jean, Évêque de Rome, à notre très-illustre et très-clément fils Auguste Justinien.

Outre les éloges mérités qu’on peut donner à votre sagesse et à votre douceur, le plus chrétien des princes, vous êtes distingué encore comme un astre radieux, par l’amour de la foi et de la charité ; et instruit, sur ce qui concerne la discipline ecclésiastique, vous avez conservé la doctrine de la prééminence du siège de Rome ; vous lui avez soumis toutes choses, et vous avez ramené l’unité dans l’Eglise. Le Seigneur a dit au premier de nos prédécesseurs, qui est aussi le premier des apôtres : « Gardez mes brebis » [Jean XXI, 15-17] ; siège que les institutions dès princes, les maximes des pères, et le témoignage de votre piété , déclarent le chef de toutes les églises. […] Nous avons reçu avec le respect accoutumé les lettres de votre majesté, par nos frères et collègues, les très-saints évêques Hipatius et Démétrius ; nous avons appris d’eux que vous avez publié un édit adressé à vos fidèles peuples, dicté par l’amour de la foi, et tendant à détruire les hérétiques ; lequel est selon la doctrine apostolique, et a été confirmé par nos collègues et nos frères les évêques ; nous le confirmons de notre autorité, parce qu’il est conforme à la doctrine apostolique. » (Pape Jean II, Lettre à l’Empereur Justinien ; PL, tome 66, colonnes 17-18Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8)

Puis prend place la Profession de foi de l’Empereur.

Profession de foi de l’Empereur Justinien Ier (vers 482-565)

« Justinien, victorieux, pieux, heureux, illustre, triomphant, toujours auguste ; à Jean, Patriarche et très-saint Archevêque de la ville de Rome.

Honorant le siège apostolique et votre sainteté, pour laquelle nous n’avons jamais cessé de faire des vœux, que nous regardons comme notre père, nous nous sommes hâtés de lui donner connaissance de toutes les affaires qui concernent l’état ecclésiastique. Comme nous nous sommes toujours efforcés de maintenir l’unité de votre siège apostolique, et de maintenir les saintes églises de Dieu dans l’état où elles sont aujourd’hui, c’est-à-dire , dans la paix , et exemptes de toutes contrariétés , nous avons engagé tous les prêtres de l’Orient à s’unir et se soumettre à votre sainteté : mais à présent que de nouveaux doutes se sont élevés, quoique sur des choses claires et certaines, et conformes à la doctrine de votre siège apostolique, fermement gardée et professée par tous les prêtres, nous avons cependant cru nécessaire d’en instruire votre sainteté ; car nous ne souffrons pas que les affaires qui naissent au sujet de la religion, quoique simples et non douteuses, soient agitées sans que votre sainteté en soit instruite, elle qui est le chef de l’église, car nous nous efforcerons toujours, comme nous avons dit, d’accroître l’honneur et l’autorité de votre siège. […]

§. 2. Tous les prêtres de la sainte église catholique et apostolique et les révérends abbés des saints monastères avant reconnu votre sainteté, approuvant l’état et l’unité des saintes églises qui dérivent de votre siège apostolique […]

§. 3. Nous admettons, ainsi que votre siège apostolique l’enseigne et prêche, quatre saints conciles; 1°. celui des 318 saints pères qui s’assemblèrent dans la ville de Nicée ; 2°. celui tenu dans cette ville par les saints pères, au nombre de 150 ; 3°. celui tenu à Ephèse ; 4°. et enfin , celui de Chalcédoine. Tous les prêtres qui suivent la doctrine de votre siège apostolique croient, confessent et prêchent ces choses. […]

§. 5. Nous demandons donc votre affection paternelle, afin que vous nous fassiez connaître par vos lettres, ainsi qu’aux évêques de cette ville et au patriarche votre frère (qui a écrit lui-même à votre sainteté, par les mêmes députés, qu’il suivait en toutes choses le siège apostolique de votre béatitude), que votre sainteté approuve tous ceux qui croient à ce que nous avons exposé ci-dessus, et qu’elle condamne la perfidie de ceux qui ont osé judaïquement nier la foi légitime. Ainsi l’autorité de votre siège et l’amour de tous pour vous augmenteront ; l’unité et la tranquillité des saintes églises seront assurées, quand les évêques apprendront des députés qui vous ont été envoyés, quelle est la vraie doctrine de votre sainteté. Nous demandons de votre sainteté qu’elle prie Dieu pour nous, et qu’elle nous obtienne sa bienveillance.

La souscription était ainsi : Que la divinité, ô saint et très-religieux père, vous donne une longue vie ! » (Lettre de l’empereur Justinien au Pape Jean II ; PL, tome 66, colonnes 14-17 ; Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8)

Aussi Justinien n’osait rien décider sans en référer au Pape, pas même au sujet de « choses claires et certaines » ou d’ « affaires qui naissent au sujet de la religion, quoique simples et non douteuses« , et ce alors même qu’il avait le Patriarche de Constantinople à sa proximité immédiate. C’est une manifestation de la foi orientale en la Papauté.

Conclusion de la réponse de Jean II

« Les seuls qui soient opposés à votre profession de foi sont ceux dont l’Ecriture dit : « Ils ont mis leur espérance dans le mensonge, et ils ont espéré dans le mensonge » [citation libre de Isaïe XXVIII, 15-17] ; ou ceux qui, d’après le prophète, ont dit au Seigneur : « Eloigne-toi de nous, nous ne voulons pas suivre tes voies » [Job XXI, 14] ; ceux dont parle Salomon : « Ils ont erré dans leurs propres voies y et ils amassent avec leurs mains des choses infructueuses » [Proverbes IV]. C’est donc là votre vraie foi et votre vraie religion, que tous les pères, d’heureuse mémoire, comme nous avons dit, ainsi que tous les chefs de l’Eglise romaine, que nous suivons en toutes choses, ont décidé ; ce que le Siège apostolique a jusqu’à présent prêché et gardé fermement ; et s’il existe quelqu’un qui soit opposé à cette confession et à cette Foi du chrétien, il les jugera lui-même hors de la sainte communion et de l’Eglise catholique. […] Observant ce que S. Pierre a établi à ce sujet, nous ne les recevons point dans notre communion, et nous ordonnons qu’ils soient exclus de toute église catholique, à moins que, condamnant leur erreur, ils ne suivent notre doctrine, et déclarent en faire profession ; car il est juste que ceux qui ne s’y soumettent point, soient déclarés exclus des églises. Mais comme l’église ne ferme jamais son sein à ceux qui veulent retourner à elle, c’est pourquoi, s’ils abandonnaient leurs erreurs et leurs mauvaises intentions, je supplie votre clémence, afin que vous les receviez dans votre communion, que vous oubliiez les injures qui ont excité votre indignation, et que, par notre intercession, vous leur pardonniez et leur accordiez votre bienveillance. Nous prions Dieu qu’il daigne vous conserver longtemps dans la vraie religion, l’unité du siège apostolique et le respect que vous avez pour lui, et qu’il vous conserve le commandement, en toutes choses, de l’empire le plus chrétien et le plus pieux. […]

Fait à Rome, le 8 des calendes d’avril, sous le consulat de l’empereur Justinien, consul pour la quatrième fois, et de Paulinus. » (Pape Jean II, Lettre à l’Empereur Justinien ; PL, tome 66, colonnes 19-20 ; Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8)

Saint Césaire d’Arles (vers 470-542)

« De même que l’épiscopat tire son origine de la personne du bienheureux Pierre, de même aussi est-il nécessaire que Votre Sainteté recoure à des prescriptions convenables, pour indiquer clairement à chaque église ce qu’elle doit observer. » (Exemplaire du livre offert par saint Césaire au pape Symmaque, PL, 62/53)

Saint Pélage Ier (vers 500-561)

Saint Pélage Ier déclara la compétence exclusive en dernier ressort des Papes pour toute question doctrinale, y compris interpréter les conciles généraux :

« S’il s’élève quelque doute sur ce qu’ont prescrit les Conciles universels, ou quelques chose qu’on ne comprend pas, c’est au Siège Apostolique qu’on doit en demander l’explication ; il est nécessaire au salut de se laisser guider par le Siège Apostolique. » (Lettre IV [alias V] au Patrice Narcès, PL 69, colonne 397)

Voici d’autres témoignages :

« Avez-vous pu oublier les prérogatives du Siège Apostolique au point de me croire capable d’autoriser moi-même un schisme dans l’Eglise ? A Dieu ne plaise que la Siège de Pierre, établi pour garder le dépôt de la Foi, se laisse entraîner par le mouvement populaire selon les caprices de l’opinion ! […] Le très bienheureux Augustin d’illustre mémoire, s’appuyant sur les paroles de Notre-Seigneur, place le fondement de l’Eglise dans le Siège Apostolique. Il déclare schismatiques ceux qui repoussent l’autorité ou se séparent de la communion du Pontife Romain. Il ne connaît d’autre Eglise que celle qui a ses racines dans la pierre fondamentale. Comment donc pouvez-vous croire que vous n’être pas séparés de la communion d’avec le monde entier sans faire mémoire de mon nom dans la célébration des Saints Mystères, alors que quoiqu’indigne, c’est en mon humble personne que s’est transmise l’hérédité du Siège Apostolique par la succession de l’épiscopat et que se concentre à l’heure actuelle son immutabilité.

Cessez donc, vous et les fidèles confiés à votre direction, de soupçonner la foi que je professe. […] S’il vous reste sur ce point quelques difficultés à éclaircir, venez sans crainte me les exposer ; car, suivant la parole de l’Apôtre, nous sommes toujours prêt à rendre compte de notre Foi [I Pierre III, 16]. » (Lettre V [alias VI] aux Evêques de Tuscie, PL 69, colonnes 397 à 399)

« S’agissant des quatre saints conciles, c’est-à-dire celui de Nicée des trois cent dix-huit (pères), celui de Constantinople des cent cinquante, le premier d’Ephèse des deux cents, mais aussi (au sujet de) celui de Chalcédoine des six cent trente, je professe avoir conduit mes pensées sous la protection de la miséricorde divine et de faire ainsi jusqu’à la fin de ma vie, de tout coeur et de toute ma force, en sorte de les préserver avec une pleine dévotion dans la défense de la sainte foi et les condamnations des hérésies et des hérétiques, puisque ces pensées ont été confirmées par le Saint-Esprit ; je professe que leur solidité, parce qu’elle est la solidité de toute l’Eglise, je la protégerai et la défendrai comme il n’est pas douteux que mes prédécesseurs l’ont fait. En cela je désire suivre et imiter surtout celui dont nous savons qu’il fut l’auteur du concile de Chalcédoine (le pape Léon 1er), qui conformément à son nom s’est montré clairement, par son zèle très ardent pour la foi, un membre de ce lion qui a surgi de la tribu de Juda (Apocalypse V, 5). De même je suis donc convaincu de ce que je manifesterai toujours la même révérence pour les synodes susmentionnés, que tous ceux qui ont été absous par ces quatre conciles, je les tiendrai pour orthodoxes, et que jamais dans ma vie […] je n’ôterai quoi que ce soit à l’autorité de leur prédication sainte et vraie.

Mais je suis et je vénère également les canons que le Siège apostolique accepte […] Je professe que je garde également les lettres du pape Célestin de bienheureuse mémoire…et d’Agapet, pour la défense de la foi catholique, pour la solidité des quatre synodes susdits et contre les hérétiques, et tous ceux qu’ils ont condamnés, je les tiens pour condamnés, et tous ceux qu’ils ont reçus, en particulier les vénérables évêques Théodoret et Ibas, je les vénère parmi les orthodoxes. » (Lettre circulaire VI [alias VII] Vas electionis à tout le peuple de Dieu, vers 557, PL 69, colonnes 399 et 400)

Pélage II (520-579)

Ce Pape cassa les actes d’un synode tenu par et pour le patriarche de Constantinople. Son successeur saint Grégoire le Grand rapporte :

« Il y a huit ans, lorsque vivait encore notre prédécesseur Pelage, de sainte mémoire, notre confrère et coévêque Jean, prenant occasion d’une autre affaire, assembla un synode dans la ville de Constantinople, et s’efforça de prendre le titre d’universel ; dès que mon prédécesseur en eut connaissance, il envoya des lettres par lesquelles, en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre, il cassa les actes de ce synode. » (Lettres, livre V, lettre 43 à Euloge, évêque d’Alexandrie, et à Anastase, évêque d’Antioche)

Des anti-romains veulent écarter ce témoignage en disant qu’à cette occasion saint Grégoire n’a agit qu’en vertu d’un pouvoir d’appel qui lui aurait été confié par le droit ecclésiastique et non pas par droit divin. Mais cette interprétation est rendue impossible par le texte de la lettre elle-même : il y est écrit que Pélage II a agit « en vertu de l’autorité de l’apôtre saint Pierre« .

Saint Grégoire le Grand (vers 540-604)

« Votre Très Douce Sainteté m’a bien souvent parlé dans ses lettres de la chaire de saint Pierre, le chef des apôtres, disant que c’est saint Pierre qui siège encore aujourd’hui dans ses successeurs. […] Mais j’ai été particulièrement sensible à toutes ces réflexions, parce qu’elles venaient de vous, qui tout en ma parlant de la chaire de saint Pierre, lui demeurez attaché. […] C’est pourquoi, bien que les apôtres se partagent leur titre, seul le siège du prince des apôtres, possédant le pouvoir suprême, l’emporte sur tous les autres en autorité, et celle-ci reste la même pour s’exercer en trois endroits différents. Car saint Pierre a ennobli le siège de Rome, parce qu’il a daigné s’y établir et y finir ses jours. C’est encore lui qui a rehaussé l’éclat du siège d’Alexandrie, en y envoyant son disciple, l’évangéliste. C’est enfin toujours saint Pierre qui a renforcé le prestige du siège d’Antioche, où il demeura quand même sept ans, avant de le quitter. » (Lettres, Livre 7, lettre 40, au patriarche Euloge d’Alexandrie, dans PL, 77/898/899)

Saint Isidore de Séville (560 et 570-)

« Nous savons que nous sommes évêques dans l’Église du Christ, et en cette qualité nous nous confessons plus spécialement obligés que les autres prélats de l’Église à rendre au Pontife romain avec révérence, humilité et dévotion, l’obéissance qui lui est due en toutes choses comme au Vicaire de Dieu. Celui qui lui résiste opiniâtrement, nous le déclarons entièrement exclu de la communion des fidèles, comme un hérétique. Et ceci, nous ne le disons pas de notre propre choix ; mais c’est bien plutôt par l’autorité du Saint-Esprit que nous le tenons et le croyons comme ferme et décisif » (Lettre VI au dux Claude, 2 ; Opp. tom. VI, page 567)

Honorius (585-638)

Lorsque le Pape saint Léon II signifia aux Evêque d’Espagne le blâme du IIIè concile de Constantinople (681) pour négligence à l’endroit d’Honorius, il manifesta l’autorité apostolique dont il était investi :

« On y condamna les hérétiques Théodore de Pharan, Cyrus d’Alexandrie, les quatre évêques de Constantinople, Scrgius, Pyrrhus, Paul et Pierre, avec Honorius, lequel n’a pas éteint à sa naissance, comme il convenait à l’autorité apostolique, la flamme de l’hérésie, mais, en négligeant ce soin, l’a laissée grandir. » (Lettre VI aux Evêques d’Espagne, PL, 96, 414).

Eteindre l’hérésie « convenait à l’autorité apostolique » dont était revêtue Honorius, faisant ainsi témoignage de l’autorité universelle, apostolique et infaillible des Evêques de Rome.

Le Pape Honorius envoya des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite.

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

VIè concile de Tolède (638) et saint Braulion de Saragosse (mort en 646 ou 651)

Le VIè concile de Tolède, composé de cinquante-trois Evêques d’Espagne et de Gaule narbonnaise, dont saint Braulion de Saragosse, ami et disciple de saint Isidore de Séville, dont il acheva le Traité des Étymologies ou Origines, adressa au Pape une réponse témoignant de la doctrine de la Papauté, ainsi qu’une profession de Foi. Cet épisode est un exemple du zèle que Pape Honorius eut pour la pureté de la foi. En effet dans ce pays s’était introduit un certain relâchement, précurseur certain de plus grandes catastrophes. En fidèle gardien du troupeau catholique, le Pape Honorius s’éleva contre ce désordre et, par une décrétale énergique, s’éleva contre la négligence des pasteurs. Dans cet acte de vigueur apostolique, le Pontife blâmait l’excessive attention des évêques pour les affaires temporelles, les rappelait à la défense de la foi, à la lutte contre les hérésies, et leur appliquait le mot des Ecritures : « ce sont tous des chiens muets, qui ne peuvent pas aboyer » (Isaïe 56, 10). Aussi, l’Archevêque de Saragosse saint Braulion, parlant au nom des évêques réunis au VIe concile de Tolède (638), essaya de se justifier Nous détachons de la réponse, émanée de la plume de saint Braulion, les passages suivants :

« Au seigneur révérendissime en qui brillent les mérites et la gloire apostoliques, à l’honorable pape Honorius, tous les évêques constitués à la tête des Eglises d’Espagne. Vous accomplissez excellemment le devoir attaché à la Chaire qui vous a été confiée par Dieu, lorsque, dans une sainte sollicitude pour toutes les Eglises, avec, l’éclat rayonnant de la doctrine, comme le veilleur en sentinelle, vous prenez toutes les mesures dignes de votre prévoyance pour sauvegarder la défense de l’Eglise du Christ. Armé du glaive de la parole divine et des traits d’un zèle souverain, vous frappez les misérables qui voudraient, déchirer encore la tunique du Seigneur ; nouveau Néhémie, avec la même ardeur et la même vigilance vous purifiez du contact souillé des prévaricateurs et des apostats la sainte maison de Dieu, l’Eglise notre mère. Tels étaient déjà, par l’inspiration du Très-Haut, la préoccupation de votre très-glorieux fils notre roi Suintilla, et l’objet habituel de ses pieuses pensées. Les exhortations que vous lui avez directement adressées, et qui, grâces à Dieu, lui sont heureusement parvenues, l’ont trouvé sur le point de réaliser des vœux qui lui sont chers. Déjà, venus de toute l’Espagne et de la Gaule narbonnaise, nous étions réunis en synode, lorsque le diacre Turninus nous a remis de votre part le décret qui nous invite à redoubler de fermeté pour le maintien de la foi, d’activité contre les perfides manœuvres de l’hérésie. Ô le plus excellent des Pontifes, seigneur très-bienheureux, aucun conseil humain, nulle prudence mortelle n’aurait pu créer une pareille coïncidence ; nous y reconnaissons l’œuvre de cette Providence partout étendue et nulle part défaillante du Créateur tout puissant. Aux deux extrémités du monde, à travers l’immensité des mers, le souverain Maître, le bien qui gouverne les âmes, inspire au cœur du roi les mêmes pensées, les mêmes vues pour la religion, qui sont dans votre propre cœur. Qu’est-ce que cela ? Sinon la preuve que ce grand Dieu dirige ceux auxquels il confie le pouvoir d’après les inspirations que, dans la sagesse de son éternité, il a prévues comme les plus utiles à son Eglise sainte et catholique. » (Saint Braulion, Lettre XXI, Patrologie latine, tome 80, colonnes 667-678 ; Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 3, pages 372 à 374, cite ce passage de saint Braulion mais se trompe dans la référence : il indique la colonne 667 du tome 87 (LXXXVII) au lieu de 80 ; aussi trouvable sous la référence : Lettre 129, in : Georg KREUZER, Die Honoriusfrage im Mittelalter und in der Neuzeit (coll. « Papste und Papsttum », tome VIII), thèse de doctorat, Stutt­gart 1975, page 19)

Après avoir répond aux reproches du Pape, le concile continue par des compliments :

« Mais vous, ô le plus révéré des hommes et le plus saint des pères, insistez avec la force et la vertu que vous tenez de Dieu, avec l’éloquence qui vous distingue, avec la pieuse industrie de votre zèle, continuez votre lutte contre les ennemis de la croix du Seigneur, contre les suppôts de Satan, les sectateurs de l’antéchrist, et ramenez-les tous au sein de notre mère la sainte Eglise. Les deux moitiés du monde, l’Orient et l’Occident, ont entendu votre voix. Puissent-elles comprendre que c’est Dieu qui parle par votre bouche, puissent-elles s’unir avec nous pour conjurer la perfidie des méchants ! Comme un autre Elie, quand vous frappez les faux prophètes de Baal, et qu’enflammé du même zèle vous vous plaignez d’être seul dans ce combat, vous méritez d’entendre une voix du ciel vous répondre qu’il eu est encore un grand nombre qui n’ont pas fléchi le genou devant l’idole. Ce n’est ni un sentiment de jactance ni un transport d’orgueil qui nous dicte ces réflexions, que nous soumettons à votre béatitude : l’amour de la vérité nous inspire uniquement. En toute humilité, nous vous disons la vérité sur nous-mêmes, afin que vous la connaissiez, afin qu’elle soit le lien commun entre vous et nous. Laissons aux infidèles la vanité qui les trompe. Il semblerait peut-être convenable d’entrer ici dans le détail et de répondre, article par article, aux divers points de votre lettre ; mais nous craindrions de fatiguer votre oreille en prolongeant nos explications. Nous croyons cette réponse suffisante : votre sagesse n’a pas besoin de longs discours. Et maintenant il nous reste à conjurer instamment Votre Sainteté de daigner, dans sa piété éminente, se souvenir de nos humbles et pauvres personnes, lorsqu’à la confession des bienheureux apôtres et de tous les saints de Rome, vous offrez à Dieu vos prières pour l’Eglise universelle. Le parfum de vos supplications, myrrhe et encens d’agréable odeur, couvrira les traces de nos fautes, et dans ce monde ou dans l’autre, nous n’aurons point à en porter la peine. Car nous savons que nul en ce corps mortel ne traverse sans péril la grande mer du monde. Donc, ô le plus illustre et le plus excellent des Pontifes, ne refusez le secours de votre intercession, qui d’ailleurs rejaillira pour Votre Sainteté dans la gloire éternelle, ni à votre fils notre roi sérénissime, ni à nous, ni aux peuples dont le Seigneur nous a confié le soin. De notre côté, nous sommes fidèles à ce devoir de la prière, conjurant le tout-puissant Seigneur d’accorder à son Eglise, dans sa traversée temporelle, un cours tranquille et paisible, dans la dignité d’une vie religieuse et sainte, afin que, ballotté entre les écueils de la tentation, le rocher de Charybde du faux plaisir et les îlots de la persécution, les aboiements du Scylla de la gentilité, le navire de la foi, dirigé par la main du divin pilote, arrive en paix au port du salut : afin que la voix qui commande à la mer et aux vents fasse régner le calme sur les flots et la prospérité spirituelle dans les Âmes. » (Saint Braulion, Lettre XXI, Patrologie latine, tome 80, colonnes 669-670 ; Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 3, pages 372 à 374, cite ce passage de saint Braulion mais se trompe dans la référence : il indique la bonne colonne du tome 87 (LXXXVII) au lieu de 80 ; aussi trouvable sous la référence : Lettre 129, in : Georg KREUZER, Die Honoriusfrage im Mittelalter und in der Neuzeit (coll. « Papste und Papsttum », tome VIII), thèse de doctorat, Stutt­gart 1975, page 19)

Ce témoignage de la Papauté est aussi le plus ancien témoignage, de la part d’un saint et d’Evêques ayant la vraie foi, en garantie de la perfection doctrinale du Pape Honorius. En effet celui-ci avait envoyé des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite. Ces lettres datent de 634, soit seulement quatre ans avant cette déclaration du VIè concile de Tolède. Aussi le témoignage du concile Tolède est particulièrement pertinent à deux titres.

Premièrement il s’est déroulé après la rédaction de ces lettres, et donc le témoignage en faveur d’Honorius les englobe, d’ailleurs il y fait allusion en parlant de ce que Honorius a déclaré à l’Orient et de la « perfidie des méchants » qu’il a « conjuré » : « Les deux moitiés du monde, l’Orient et l’Occident, ont entendu votre voix. Puissent-elles comprendre que c’est Dieu qui parle par votre bouche, puissent-elles s’unir avec nous pour conjurer la perfidie des méchants !« .

Et deuxièmement ce concile est insoupçonnable d’erreur ou de complaisance avec l’erreur, puisqu’il fit une profession de foi christologique parfaite, en condamnant absolument le monothélisme. On trouvera cette profession de foi en latin dans LABBE, tome V, colonne 1741, et en français dans l’Histoire apologétique de la Papauté (tome 3, pages 375 à 377) de Mgr Justin FEVRE.

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Une épitaphe d’Honorius (638)

L’inscription funéraire qui marque sa tombe pour la postérité témoigne, outre de sa perfection doctrinale, de la foi de l’Eglise de l’époque en la Papauté ;

« Nous décernons de pieux éloges au grand Pasteur qui a rempli les fonctions de Pierre, et qui est monté au comble des honneurs.

Sous ce tombeau brille le pontife Honorius, dont l’auguste nom et la gloire sont stables.

Gouvernant dignement en vertu du pouvoir attaché au Siége apostolique, il a rappelé ceux qui étaient dispersés, il a enrichi l’Eglise de dépouilles opimes.

L’Esprit de Dieu semblait l’animer quand il composait des vers. Il a su, en bon pasteur, conduire son troupeau à la vie.

Les Eglises de l’Istrie gémissant depuis longtemps sous un schisme cruel, tes avertissements les ont ramenées au giron de l’Eglise.

Tu découvres et réprimes les perfidies de la nation juive, et c’est ainsi que tu établis l’unité dans le bercail du Sauveur.

Rien n’échappait à son active surveillance, qui fit régner partout une paix désirée.

Il a pris une place glorieuse parmi les Pontifes, par sa doctrine puissante aussi bien que par la sainte régularité de sa vie.

Les doctrines du Maître éloquent, ranimées sous ta main, ont toujours brillé en toi.

En suivant avec ardeur les traces du grand et pieux Grégoire, tu as hérité de ses mérites.

Possède à jamais, par la grâce du Christ, la lumière éternelle dans le séjour des Saints. » (Inscript., vet. Append. – Voy. aussi Canisius, Antiq. Lect. VI, 411. – Epigr., lib. V, apud Gruter, III, 1175 ; – Duchène, Hist. des Papes)

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Saint Martin Ier (vers 600-655) lors du concile du Latran (649)

Saint Martin témoigne que c’est aux Evêques de Rome qu’on se plaignit de l’hérésie de l’Evêque de Constantinople, et qu’ils firent leur possible pour y mettre fin, mais sans succès :

« Les catholiques ont porté leurs plaintes de divers lieux au Siège apostolique, et lui ont dénoncé, par écrit et de vive voix, la conduite des patriarches de Constantinople. Nos prédécesseurs d’apostolique mémoire n’ont point cessé d’écrire en divers temps à ces évêques ; ils les ont priés, admonestés, menacés, ils les ont fait avertir par des légats expressément envoyés à cette fin. Tout a été inutile. » (Labbe, VI, 82 et suivants ; Acta conc., IV, 702)

Ce témoignage de la Papauté est aussi une garantie de la perfection doctrinale du Pape Honorius. En effet celui-ci avait envoyé des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite. Lors du même concile, le même saint Martin déclara la parfaite orthodoxie de tous ses prédécesseurs, sans excepter Honorius. Il le fit dans ses lettres aux Eglises d’Antioche et de Jérusalem, où il oppose à la conduite des patriarches de Constantinople, tous hérétiques, celle des Pontifes romains, tous défenseurs vigilants des trésors de l’Eglise :

« Je dois vous informer, vénérables frères, de ce qui s’est passé ; nous avons vu, de notre temps, s’élever contre la foi orthodoxe les personnages que nous devons qualifier de ravisseurs : c’est Théodore évêque de Pharan, Cyrus évêque d’Alexandrie, Sergius évêque de Constantinople, et ses, successeurs Pyrrhus et Paul. Les hérétiques ont essayé d’enlever à l’Eglise les trésors de sa foi ; mais nous, je veux dire les Pontifes du Siège apostolique, nous les avons empêchés de nous dépouiller ainsi de nos richesses. »

Ce témoignage est d’autant plus significatif que lors de ce concile, le Pape saint Martin Ier, reconnaît que les intentions de l’empereur Héraclius, dans son Ecthèse, ou profession de foi, ont pu être droites :

« Encore, bien qu’il semble que cette Exposition a été pour un bon motif, cependant on peut dire que la doctrine qui y est enseignée produit en effet tout-à-fait contraire et opposé à l’intention qu’où avait en la faisant. Assurément, tous ceux qui craignaient véritablement Dieu doivent s’efforcer d’éloigner les occasions de dispute dans les questions de foi ; mais il n’est ni utile ni avantageux de détruire un bien en voulant prévenir un mal, et de supprimer les paroles et les sentiments des Pères, sous prétexte de vouloir s’opposer aux sentiments des hérétiques. » (Session IV)

Les intentions d’Héraclius, eu publiant l’Ecthèse. étaient peut-être bonnes, le concile le reconnaît, mais la mesure était fausse et de nature à favoriser l’hérésie : écrit et auteur sont appelés impies, hérétiques. C’est un style à connaître. Et comme elle était de nature à favoriser, en quelque manière, l’hérésie monothélite, on fit condamnation et sur l’écrit et sur l’auteur, et le concile les appelle impies et hérétiques :

« Si quelqu’un, conformément aux saintes Ecritures et à ce que nous avons enseigné, ne dit pas anathème de cœur et de bouche à tous les hérétiques et à tous leurs écrits, savoir : Sabellius, Arius, etc, à quoi il faut ajouter l’Exposition impie que l’empereur Héraclius a faite, à la persuasion de Sergius, pour maintenir cette hérésie d’une seule et unique volonté ou opération en Jésus-Christ, et tous les actes et écrits qui ont été faits pour les défendre, de même que ceux qui les reçoivent et les approuvent : que celui-là, dis-je, qui ne condamne pas tous ces hérétiques, soit anathème. » (Session V, canon 18)

En supposant la prévarication d’Honorius, un tel langage eut-il été possible ?

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Saint Sophrone de Jérusalem (vers 550-638) par la voix de son diacre Etienne de Dor, lors du concile du Latran (649)

« Sophrone avait le courage du lion, l’intrépidité du juste. Animé d’un zèle ardent pour la foi, plein de confiance en Dieu, il me conduisit, moi indigne, sur la montagne du Calvaire, au lieu où Jésus-Christ, si au-dessus de nous par sa nature divine, daigna se laisser crucifier pour nous selon la chair. D’un ton irrésistible, il me tint ce langage : C’est à Dieu qui souffrit ici selon la chair que vous aurez à répondre le jour de son avènement terrible, quand il paraîtra dans sa gloire pour juger les vivants et les morts, si vous refusez de me prêter votre concours dans ce péril de la foi. Je ne puis quitter Jérusalem, vous le savez, en présence d’une invasion des Sarrazins, déchaînés sans doute par la justice de Dieu contre nos péchés. Partez donc le plus promptement possible, traversez l’immensité de la terre et des mers, allez au Siège apostolique, là où reposent les fondements des dogmes orthodoxes. Allez-y une première fois, retournez-y une seconde et plus encore s’il est nécessaire. Faites connaître aux personnages sacrés qui y président ou y présideront, la vérité tout entière sur les faits qui se passent en Orient. Redoublez vos instances et vos supplications jusqu’à ce que, dans l’apostolique prudence qui est leur privilège divin, ils rendent un jugement solennel et foudroient canoniquement les erreurs nouvellement introduites. Telles furent ses paroles. J’étais en proie à une vive émotion, à une anxiété terrible. Le lieu sacré où nous nous trouvions, l’adjuration formidable du patriarche me faisaient trembler. Je songeais aussi aux devoirs de mon ministère épiscopal, qui m’attachaient à l’Eglise de Dor. Mais les instances de Sophrone, celles des évêques et des fidèles de la Palestine, me déterminèrent à partir. Depuis lors, pour me servir de l’expression de l’Ecriture, « Mes yeux n’ont pas connu le sommeil, mes paupières ne se sont point closes, je n’ai pas goûté de repos », jusqu’à ce qu’il me fut donné d’accomplir ma mission près du Siège apostolique. C’est la première fois que j’y reviens. Les sectaires n’épargnèrent rien pour empêcher mon voyage ; ils obtinrent que des édits impériaux fussent adressés à toutes les provinces d’Orient que je devais parcourir, avec ordre de me charger de fers et de m’envoyer à Constantinople. Mais le Seigneur a été mon auxiliaire, il m’a délivré de toutes les embûches, ma course rapide ne fut point interrompue, et je parvins au terme de mon voyage. » (Labbe, VI, 104)

Ce témoignage de la Papauté est aussi une garantie de la perfection doctrinale du Pape Honorius. En effet celui-ci avait envoyé des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite. Ce témoignage est d’autant plus important que si Etienne de Dor fut envoyé à Rome par saint Sophrone, c’était précisément pour combattre l’hérésie monothélite, étant donné que Sophrone craignait que Honorius ne soit tenté de prendre une position neutre et dangereuse pour la doctrine catholique : ainsi nous lisons que malgré la crainte d’une position ambigüe, il ne serait jamais venu à l’esprit des saints que l’Evêque de Rome put enseigner l’erreur.

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Serge de Chypre

Cet appel de saint Sophrone ne fut pas isolé. Peu de temps après, Serge, métropolite de Chypre, écrivait au pape Théodore, et le suppliait de sévir contre l’hérésie. Voici comment il débutait :

« Ο chef sacré ! le Christ notre Dieu a établi votre Siège apostolique comme un appui inébranlable fixé par Dieu même, et comme une colonne où la foi est inscrite en caractères lumineux. Vous êtes, en effet, comme la voix infaillible du Verbe divin l’a proclamé, Pierre, et sur votre fondement les colonnes de l’Eglise ont été plantées [Matthieu XVI, 18] ; c’est entre vos mains qu’il a mis les clés du royaume des cieux [Matthieu XVI, 19] ; c’est à vous qu’il a ordonné de lier et de délier avec puissance sur la terre et dans le ciel. Vous avez été établi destructeur des profanes hérésies et docteur de la foi orthodoxe et immaculée. Ne négligez pas, ô père, la foi de nos pères en péril et agitée par les flots. Dissipez la puissance des insensés par la lumière de votre science divine, ô très saint, et détruisez les blasphèmes et l’arrogance de ces docteurs récemment apparus, qui prêchent des nouveautés. » (MANSI, t. X, col. 913)

Les plaintes de Serge visaient surtout Paul, patriarche de Constantinople. Théodore le condamna, ainsi que Pyrrhus, dans un Concile romain, en 648 (Théophane le Confesseur, P. G., t. CVIII, col. 681).

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Saint Maxime le Confesseur (580-662)

Saint Maxime applique la vertu de pierre de fondement à l’Eglise de Rome sans même mentionner saint Pierre, tellement la chose devait être évidente pour tous ses contemporains :

« Toutes les parties de l’univers et tous ceux qui reconnaissent partout le Seigneur avec une foi véritable et authentique se tournent comme vers le soleil vers la sainte Eglise de Rome, et considèrent sa profession de foi, dont Ils attendent l’éclat de sa lumière. […] C’est dès le commencement, lorsque le Verbe de Dieu descendit jusqu’à nous en assumant notre chair, tous les chrétiens ont toujours regardé et regardent encore comme l’unique base solide, l’unique fondement de l’Eglise le siège suprême qui se trouve en cette église de Rome, celui que, d’après la promesse du Sauveur, les portes de l’enfer ne sauraient vaincre et qui possède les clefs de la vraie foi et de l’authentique confession, celui chez qui tous ceux qui s’approchent avec une piété sincère se voient ouvrir l’accès à l’unique religion, celui qui rend les hérétiques muets et ôte la parole de la bouche de ceux qui profèrent l’iniquité en présence du Tout-Puissant. » (Lettre à Marin de Chypre, PG, 91/138-139)

Dans sa Lettre à Pierre l’Illustre, saint Maxime enseigne que la marque de la vraie foi et de la vraie communion c’est d’être soumis au Pontife romain :

« Je vous prie donc, seigneur, de défendre à tout le monde d’appeler Pyrrhus très saint, caria règle de l’Eglise ne le permet pas. Il est déchu de toute sainteté celui qui est sorti volontairement de l’Eglise catholique. Il n’est permis de louer en aucune façon celui qui, pour ses sentiments hérétiques, a été condamné et rejeté par le Siège apostolique de Rome, tant qu’il n’est pas revenu à ce siège et n’en a pas été reçu. Si quelqu’un veut n’être point hérétique et ne point passer pour tel, qu’il ne cherche pas à satisfaire celui-ci ou celui-là, ce serait chose inutile et déraisonnable mais qu’il se hâte de satisfaire en tout le siège de Rome. Le siège de Rome satisfait, tous partout et d’une seule voix le proclameront pieux et orthodoxe. Car si l’on veut persuader ceux qui me ressemblent, c’est en vain qu’on se contenterait de parler, si l’on ne satisfait et si l’on n’implore le bienheureux Pape de la très sainte Eglise des Romains, c’est-à-dire le Siège Apostolique, qui a reçu du Verbe de Dieu Incarné Lui-même, et, d’après les saints Conciles, selon les saints canons et les définitions, elle possède, sur l’universalité des saintes Eglises de Dieu qui existent sur toute la surface de la terre, l’empire et l’autorité en tout et pour tout, et le pouvoir de lier et de délier. Car lorsqu’elle lie et délie, le Verbe, qui commande aux vertus célestes, lie ou délie aussi dans le ciel. […] Si donc il croit devoir satisfaire aux autres et n’implore pas le bienheureux Pape de Rome, il agit comme un accusé d’homicide qui s’efforcerait de prouver son innocence, non pas au juge, mais à des particuliers qui n’ont aucun pouvoir pour l’absoudre. » (Lettre à Pierre l’illustre, PG, tome 91, colonne 144)

C’est la raison pour laquelle, plus tôt dans sa lettre, il fait l’application suivante au cas du Pape Honorius, qui fut tant et tant injurié par ceux qui l’accusaient d’être tombé dans l’hérésie monothélite, en disant non seulement qu’il n’en fut pas ainsi, mais encore que cela était impossible car il était l’Evêque du Siège Apostolique :

« Quel est l’interprète le plus digne de foi de la lettre pontificale ? Celui qui l’a écrite au nom d’Honorius, l’illustre abbé Jean qui vit encore, et qui, outre tant d’autres mérites, a répandu sur l’Occident l’éclat de sa doctrine et de sa piété ; ou bien les Orientaux qui n’ont jamais quitté Constantinople, et qui parlent d’après leurs sympathies, leurs opinions particulières et personnelles ? N’est-ce pas le comble du ridicule, ou plutôt n’est-ce pas un spectacle lamentable ? Dans leur audace, ils n’ont pas craint de mentir contre le Siège apostolique lui-même. Comme s’ils avaient été de son conseil, ou qu’ils eussent reçu de lui un décret dogmatique, ils ont osé revendiquer pour leur cause le grand Honorius, faisant parade à l’appui de leur folle opinion de la suréminente piété de ce pontife. Et cependant, que n’a pas fait la sainte Église pour les arrêter dans leur voie funeste ? Quel pontife pieux et orthodoxe ne les a conjurés par ses appels et ses supplications de renoncer à leur hérésie ? Que n’a point fait le divin Honorius et après lui le vieillard Severinus, et son successeur le vénérable pape Jean ? […]

En tout cela, ces malheureux (les monothélites) n’ont pas suivi la doctrine du Siège Apostolique ; et ce qui est le comble du ridicule, ou pour mieux dire ce qu’il y a de plus lamentable (car c’est la preuve de leur audace), ils n’ont pas craint de mentir témérairement contre le Siège Apostolique lui-même ; et comme s’ils avaient été de son conseil, et qu’ils eussent reçu de lui un décret, ils ont osé mettre de leur côté le grand Honorius dans leurs écrits en faveur de l’impie Ecthèse, faisant parade aux yeux des autres, à l’appui de leur folle opinion, du mérite éminent de cet homme pour la cause de l’orthodoxie. » (Lettre à Pierre l’illustre, PG, tome 91, colonnes 142 et 143)

Ce témoignage de la Papauté est aussi une garantie de la perfection doctrinale du Pape Honorius. En effet celui-ci avait envoyé des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite. Ce témoignage est d’autant plus important que saint Maxime le Confesseur est un héro de la lutte anti-monothélite, il refusa de faire la moindre concession à cette hérésie que sur la cour de Constantinople, gagnée au parti monothélite, on le tortura, on lui arracha la langue, on lui coupa la main droite, pour s’assurer de son silence, puis on l’exila en Lazica.

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Saint Agathon (574-681) et le IIIè concile de Constantinople (680-681)

Si je vous demande quand fut proclamé le dogme de l’infaillibilité papale, vous me répondrez sans doute : « En 1870 au concile Vatican I ! » Et vous auriez entièrement raison car c’est à cette occasion que l’infaillibilité du Pape qui trouve ses racines dans l’Ecriture Sainte et qui est attesté par toute l’antiquité chrétienne fut solennellement défini comme un dogme. Seulement voilà, un épisode méconnu de l’histoire de l’Eglise nous montre que cette infaillibilité personnelle de l’Evêque de Rome, successeur de saint Pierre, avait déjà été matériellement proclamée des 681 lors du IIIè concile de Constantinople (680-681). Cela se passa en deux temps. Tout d’abord le Pape saint Agathon (574-681) écrivit deux Lettres explicites sur le sujet, puis elles furent approuvées par le concile.

Le déroulé des événements est décrit dans cet article.

Nous pouvons et devons souligner à l’attention des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes, qui liraient notre article, que cette décision conciliaire confirmant la doctrine de la Papauté est non seulement un témoignage parmi les autres de la Tradition, mais encore une sentence infaillible selon les normes théologiques de leurs propres églises. Aussi, après avoir lu cela, ils sont obligés, en conscience, d’accepter la doctrine de la Papauté exprimée dans ces lettres, approuvées par le concile, ainsi que l’intégralité de ce qu’ont enseigné les Papes sur la Papauté (aussi bien son existence en tant que dogme apostolique que la réponse à l’argument que les anti-romains pensent pouvoir tirer de ce même concile contre la Papauté, à travers le cas d’Honorius), le Filioque, le célibat sacerdotal et le baptême des hérétiques, puisque ces lettres affirment aussi la perfection de la doctrine de tous les Papes précédents.

Empereur Constantin IV Pogonat (vers 650-)

Dans la XVIIIe et dernière session, les pères du IIIè Concile de Constantinople avaient fait dresser devant eux, séance tenante, cinq exemplaires du décret de foi, les avaient revêtus de leurs signatures, les avaient présentés eux-mêmes à la souscription de l’empereur, et avaient officiellement déclaré que chacun de ces exemplaires serait transmis au siège de Rome et aux quatre églises patriarcales d’Orient. Les mêmes pères avaient rédigé et adopté, séance tenante, la lettre synodique qui devait accompagner l’exem­plaire destiné au pape. Charge était laissé à l’empereur d’effectuer cette transmission à Rome.

Le même jour, l’Empereur fit afficher, dans le troisième narthex de Sainte-Sophie, ce qui, des travaux du concile, devait être connu du public. L’édit impérial rappelait que c’était presque toujours par les gens d’Église que le diable avait trouvé le moyen de répandre le venin de l’erreur (en voulant sans doute donner le change sur les agissements d’Héraclius et de Constant), témoin les anciens hérétiques, Apollinaire, Thémistius, Eutychès, Dioscore ; témoin, à une époque plus récente, Théodore de Pharan, Sergius et aussi Honorius, jadis pape de l’ancienne Rome, lequel a contribué à affermir l’hérésie et qui s’est contredit lui-même (MANSI, XI, 700). Suivait la profession de foi dyothélite, avec preuves à l’appui, et enfin l’anathème à toutes les hérésies qui, depuis Simon le Magicien jusqu’à maintenant, se sont insinuées dans l’Église. L’édit continuait :

« Avec elles, nous anathématisons les nouveaux hérésiarques et leurs soutiens, nous voulons dire, Théodore de Pharan, et Sergius qui a partagé ses idées et son impiété, et encore Honorius qui s’est montré en tout leur compagnon d’hérésie, et qui a affermi l’hérésie. » (MANSI, XI, 709)

On pourrait ainsi croire que l’Empereur Constantin IV considérait réellement Honorius comme un hérétique. Mais là encore, de même que pour les déclarations de l’assemblée conciliaire que nous exposons dans l’article ci-dessus, que pour les déclarations du Pape saint Léon II que nous exposons ci-dessous, il n’en est rien ! Il s’agit d’une déclaration d’hérésie et d’anathème au sens impropre, comme il était courant à l’époque, pour dire qu’Honorius avait été négligent dans la lutte contre l’hérésie. Cela est confirmé par les deux lettres qu’il écrivit au nouveau Pape saint Léon II, dans lesquelles il professe la foi en l’infaillibilité romaine, et en la perfection doctrinale de tous les Papes passés, spécialement Honorius, car il fait siennes les lettres romaines du 27 mars 680.

Dans la première lettre, on lit la manifestation de sa foi en l’infaillibilité romaine du fait de la promesse faite à saint Pierre :

« Des yeux de l’âme, nous avons contemplé, pour ainsi dire, Pierre, le Prince du chœur apostolique, l’Evêque du premier siège, parlant divinement de l’économie de tout le mystère et redisant au Christ par ces lettres : Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant ! Car ces lettres sacrées, dans leurs développements nous exprimaient le Christ tout entier. Tous nous les avons reçues avec un cœur joyeux et sincère, et nous les avons accueillies comme Pierre lui-même, dans l’embrassement de nos âmes. » (Lettre I Coelorum aeternum, dans la correspondance de saint Léon II ; PL 96, 389-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102)

Puis, il évoque le cas des quelques hérétiques refusant de se soumettre, commettant ainsi une folie. Or les lettres de saint Agathon, comme nous l’avons largement exposé, enseignent largement la doctrine de la Papauté, spécialement l’infaillibilité pontificale ! Voici les mots de l’empereur :

« Or seul avec ceux-là, avec qui il partit brusquement, Macaire, pas satisfait de son propre nom – lui qui fut pourtant évêque de la ville d’Antioche -, et du moins s’opposant [à nous], il se soustrait au joug du Christ et quitta pour de bon l’assemblée épiscopale ; il refusa en tout, en effet, d’assentir aux lettres du très saint Agathon, agissant ainsi en fou à l’égard de Pierre, prince et coryphée [de l’Eglise]. Il ne fut pourtant pas absent aux avertissements, et fréquemment lui furent adressés des encouragements, tous en effet, lui montrions les voies de la conversion ; que n’avons-nous pas dit ? Que n’avons-nous pas tenté ni entrepris ? A ceux-là en particulier qui se séparent du collège sacerdotal. Nous nous affligeons à son sujet, comment pas ne le ferions-nous pas ? A cause de notre compassion se déchirent nos entrailles. Avec lui se délite le troupeau de Seigneur. Mais sa face s’est faite semblable à celle de la courtisane, et il a revêtu sa personne de l’effronterie, et rejetant du même coup l’exhortation et la piété, il entendait pour ne point comprendre, et repoussa avec horreur la parole sainte. Mais pourquoi sommes-nous plus longs dans cette narration, alors que celle-ci se peut expliquer en des termes plus simples et plus soignés ? » (Lettre I Coelorum aeternum, dans la correspondance de saint Léon II ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102).

Plus loin, parlant à nouveau de Macaire, le décrit comme un hérétique « car » il refuse la doctrine venue de la montagne apostolique (Rome), qui occupe dans l’Eglise de Dieu le rôle de la montagne de Sion (Jérusalem) dans l’Ancienne Alliance :

« Car vraiment c’est ainsi qu’il s’endurcit et qu’il raidit sa nuque comme le fer et sa face comme l’airain. C’est ainsi qu’il appesantit ses oreilles de sortent qu’elle n’écoutent pas, et qu’il dressa son cœur obstiné pour qu’il n’entende la loi ; car la loi est sortie de Sion, et la doctrine du faite de la montagne apostolique [la colline du Vatican, à Rome] : et c’est pourquoi le saint et universel Concile a dépouillé ce même insensé de Macaire avec les hérésies ses compagnes de l’habit pontifical. » (Lettre I Coelorum aeternum ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102)

Immédiatement après avoir dit cela, il annonce au Pape que sur la demande du Concile, il lui envoie tous ceux qui ont refusé de se soumettre, afin qu’il statue lui-même sur leur sort

« Tous, véritablement, par des prières écrites, supplièrent d’une seule voix notre sérénité pour que nous les envoyions à votre béatitude. Ainsi nous fîmes, et nous les envoyâmes à vous, remettant toute leur cause à votre paternel jugement. » (Lettre I Coelorum aeternum ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 715-716 ; LABBE, VI, 1101-1102)

Ce qu’il faut retenir de ce fait c’est que malgré l’évidence de l’hérésie des récalcitrants, le Concile lui-même s’interdit de les juger, et les renvoie à tribunal du Pape. On retrouve l’attitude du Pape Saint Hormisdas Ier (450-523) qui exigeait de l’Empereur Anastase :

« Si l’on vous présente des requêtes contre des évêques catholiques, principalement contre ceux qui osent anathématiser  le concile de Chalcédoine et rejeter les lettres du Pape saint Léon, recevez ces requêtes, mais réservez la cause au jugement du Siège Apostolique, afin qu’ils aient l’espérance d’être entendus, et que vous nous réserviez l’autorité qui nous est due. » (Lettre IV à l’empereur Anastase, 8 juillet 515, PL 63, colonnes 376 à 378)

Ou encore celle de l’Empereur Justinien qui déclarait qu’il n’osait rien décider sans en référer au Pape, pas même au sujet de « choses claires et certaines » ou d’ « affaires qui naissent au sujet de la religion, quoique simples et non douteuses » (Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8 ; PL, 66, 14-17), ce pourquoi il reçut l’approbation du Pape Jean II (Code Justinien, Livre I, titre premier, point n°8 ; PL, 66, 17-20).

Il écrit plus bas :

« Mais il [saint Agathon] fit connaître la sainte et vénérée décision du saint Concile, à laquelle nous souscrivîmes, et que nous sanctionnâmes par nos pieux édits, encourageant tout notre peuple amant du Christ afin qu’ici fut obéi aux prescriptions de foi et pour que strictement aucune secte hérétique ne fut inventée. Gloire à Dieu, qui a fait de grandes choses et qui a conservé chez nous [ndlr : grâce aux lettres de Rome] la foi dans son intégrité ! Comment, en effet ne l’aurait-il pas fait pour cette pierre, sur laquelle il a fondé lui-même son Eglise, en prédisant que jamais les portes de l’enfer, c’est-à-dire les attaques de l’hérésie, ne prévaudraient contre elle ! C’est d’elle, comme de la voûte des Cieux, qu’est venue avec éclat la parole de la vraie confession ; elle a illuminé l’âme de ceux qui aiment le Christ et elle a ranimé l’orthodoxie prête à s’éteindre ! » (Lettre I Coelorum aeternum, dans la correspondance de saint Léon II ; PL 96, 391-392 ; MANSI, XI, 717-718 ; LABBE, VI, 1103-1104)

Et dans la seconde lettre, l’empereur dit à saint Léon II, en tant que titulaire de la personne morale qu’est l’épiscopat romain, raison pour laquelle il s’adresse à lui en lui disant « vous », alors même que ce n’est pas lui qui envoya les légats romains mais son prédécesseurs saint Agathon, et que c’est du vivant de ce dernier que ce tint le Concile :

« Car vous étiez bel et bien présent au milieu de nous, accompagné du prince universel des Pasteurs, et parlant divinement de concert avec lui, tant par esprit que par lettre. » (Lettre II Clarus et speciosus, dans la correspondance de saint Léon II ; PL, 96, 397-398 ; MANSI, XI, 721-722, LABBE, VI, 1107-1108)

Plus bas, il évoque à nouveau les lettres de saint Agathon et donc leur doctrine :

« Nous sommes frappés d’admiration par la relation d’Agathon, qui est la voix même de Pierre. » (Lettre II Clarus et speciosus, dans la correspondance de saint Léon II ; PL, 96, 397-398 ; MANSI, XI, 721-722, LABBE, VI, 1107-1108)

Ce témoignage de la Papauté est aussi une garantie de la perfection doctrinale du Pape Honorius. En effet celui-ci avait envoyé des lettres au patriarche Serge de Constantinople dans lesquelles certains croient lire l’hérésie monothélite. Ce témoignage est d’autant plus important que c’est à la proximité immédiate et sous la surveillance de cet Empereur que ce tint le IIIè Concile de Constantinople, celui à qui fut adressé la lettre synodale des Pères du Concile et en ayant transmis les conclusions au Pape.

L’affaire du Pape Honorius a fait couler beaucoup d’encre. Ce témoignage en sa faveur est loin d’être un exemple isolé. Nous en dressons la liste dans l’article suivant :

Les témoins de la rectitude doctrinale du Pape Honorius

Saint Léon II (611-683)

C’est le Pape saint Léon II qui ratifia les décret du IIIè concile de Constantinople et qui lui donna sa forme de concile général, lui donnant force obligatoire pour l’Eglise universelle. Voici ses mots :

« Nous avons donc parcouru d’abord avec un extrême empressement les lettres synodiques, dont le langage plein d’élévation nous a frappés. Puis, avec une minutieuse attention, examinant chacune des pièces écrites, les conférant avec les récits des légats apostoliques, nous avons reconnu que le saint, grand et œcuménique concile sixième, réuni avec la grâce de Dieu par décret impérial à Constantinople, s’est conformé dans sa profession de foi dogmatique aux décisions rendues dans le synode œcuménique précédemment tenu à Rome [le concile romain de 680], sous la présidence directe du trône apostolique sur lequel nous sommes maintenant assis. [Saint Léon II expose ensuite en détail la doctrine apostolique proclamée par le concile sur les deux volontés du Christ]. Telle fut en effet la règle de la tradition apostolique et vraie, tracée dans son concile par mon prédécesseur Agathon, d’apostolique mémoire. Cette règle, il la fixa dans la lettre que ses légats remirent de sa part à votre piété, en l’appuyant par les témoignages conformes des Pères et des Docteurs de l’Eglise ; cette règle, le concile général de Constantinople l’a reçue comme un oracle émané du bienheureux Pierre, prince des apôtres ; il y a reconnu la doctrine pure et les marques d’une foi immaculée. Ainsi ce grand, saint et œcuménique concile que votre clémence a réuni, et auquel, pour le service de Dieu, elle a voulu présider, ayant embrassé en tout la doctrine des apôtres et des Pères, ayant reçu avec révérence la définition dogmatique promulguée par le Siège du bienheureux apôtre Pierre, dont, malgré notre indignité, nous tenons la place, à notre tour, nous et par notre ministère le vénérable Siège apostolique lui-même, nous approuvons le décret du concile ; par l’autorité du bienheureux Pierre nous le confirmons comme sur la solidité immuable de la pierre posée par Jésus-Christ pour fondement à l’Eglise. La vénération qui s’attache aux précédents conciles généraux de Nicée, Constantinople, Ephèse, Chalcédoine et Constantinople (deuxième), nous voulons qu’elle soit rendue à cette récente assemblée œcuménique, où le Saint-Esprit vient encore de se manifester pour le salut des âmes et dont toute la gloire dans le Seigneur sera jusqu’à la fin des siècles attribuée à votre piété impériale. » (Lettre III Regi regum, à l’empereur Constantin IV, vers août 682 ; MANSI, XI, 730 et suivants ; PL 96, 404 et 405 ; Mgr Justin FEVRE dans Histoire apologétique de la Papauté, tome 3, page 487, cite ce passage de saint Léon II mais se trompe dans la référence : il indique la colonne 464 au lieu de 404)

Nous avons ici plusieurs éléments. Le premier est que c’est en vertu de l’autorité de l’apôtre Pierre qu’il confirme le concile. Preuve qu’il était clair non seulement pour lui mais aussi pour ses destinataires qu’il était le chef visible et infaillible de droit divin de l’Eglise de Jésus-Christ, et que rien ne pouvait avoir cours sans son approbation expresse ou tacite. Le deuxième est qu’il appelle « oeucuménique » le concile de Rome de 680, réunissant 125 Evêques autour du Pape saint Agathon qui, comme nous l’avons vu, affirme l’infaillibilité des Papes (Saint Agathon, Lettre III Omnium bonorum spes aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682), et en conséquence, d’une part qu’il y croit aussi et ne saurait donc pas condamner Honorius comme hérétique au sens strict, et d’autre part que la confirmation du concile de Constantinople que porte la lettre ne saurait faire de même. Le troisième est le constat que le IIIè concile de Constantinople « pense de même » que ce concile de Rome qui affirme l’infaillibilité des Papes, et qu’il a reçu « comme un oracle émané de la bouche même de Pierre, prince des apôtres », la règle de foi promulguée par saint Agathon, et l’approuve par ce seul motif qu’il a reçu avec révérence cette règle, ce type de la vraie foi, de la tradition apostolique. Pour mieux accentuer encore sa pensée, saint Léon II déclare œcuménique le synode romain tenu par saint Agathon comme nous l’avons dit. Enfin le quatrième, prenant le contrepied du décret conciliaire qui avait mêlé à la définition de la foi les anathématismes, le Pontife donne à la définition de la foi son approbation absolue, quant aux anathématismes, il en détache soigneusement Honorius en spécifiant bien un motif de blâme différent et grandement inférieur à celui des autres, interprétant ainsi de manière authentique l’intention de l’assemblée conciliaire, conformément à ce que ses légats n’auront pas manqué de lui rapporter. Nous démontrons cela dans notre article précité :

L’Infaillibilité du Pape proclamée en 681 ?

Nous pouvons et devons souligner à l’attention des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes, qui liraient notre article, que cette décision conciliaire confirmant la doctrine de la Papauté est non seulement un témoignage parmi les autres de la Tradition, mais encore une sentence infaillible selon les normes théologiques de leurs propres églises. Aussi, après avoir lu cela, ils sont obligés, en conscience, d’accepter la doctrine de la Papauté exprimée dans ces lettres, approuvées par le concile, ainsi que l’intégralité de ce qu’ont enseigné les Papes sur la Papauté (aussi bien son existence en tant que dogme apostolique que la réponse à l’argument que les anti-romains pensent pouvoir tirer de ce même concile contre la Papauté, à travers le cas d’Honorius), le Filioque, le célibat sacerdotal, et le baptême des hérétiques, puisque ces lettres affirment aussi la perfection de la doctrine de tous les Papes précédents.

Saint Grégoire II (669-731)

Les lettres du Pape saint Grégoire II expliquent mieux et mettent mieux en relief le but et l’importance du mandat qu’il confia d’évangéliser les Germains à saint Boniface de Mayence que ne le font les écrivains de cette époque, mentionnant cette mission « du Siège apostolique » ou « du Pontife apostolique » (Lettre Exigit manifestata, inter Bonif. ep. XII al. 2)

Les termes qu’il emploie sont empreints d’une telle gravité et d’une si haute autorité qu’on en trouve difficilement de plus expressifs :

« Le but que se propose et que Nous a manifesté votre ardent amour du Christ, et votre foi très pure qni s’est révélée à Nous, exigent que Nous Nous servions de vous comme d’un auxiliaire pour répandre la parole divine que la grâce de Dieu Nous a confiée. » (Lettre Exigit manifestata, inter Bonif. ep. XII al. 2)

Puis il loue sa science, son caractère, son projet, et, de par la suprême autorité du Siège apostolique invoquée par Boniface lui-même, il conclut solennellement :

« C’est pourquoi, au nom de l’indivisible Trinité, par l’inébranlable autorité du bienheureux Pierre, prince des apôtres, dont Nous avons reçu le magistère de doctrine et dont Nous occupons la place au Saint-Siège, Nous affirmons la pureté de votre foi et ordonnons que, par la grâce et sous la garde de Dieu…, vous vous hâtiez vers ces peuples qui sont dans l’erreur, pour leur enseigner la vérité et leur faire connaître l’avènement du règne de Dieu et le nom du Christ Notre-Seigneur. » (Lettre Exigit manifestata, inter Bonif. ep. XII al. 2)

Il l’avertit enfin d’avoir à observer dans l’administration des sacrements « la forme rituelle du Siège apostolique », et de recourir au Pontife romain dès qu’il en aurait besoin pour son ministère.

D’après cette lettre solennelle, qui ne comprendrait la bienveillance de ce saint Pontife et son affectueuse vénération envers Boniface, et sa sollicitude paternelle envers les Germains à qui il envoyait ce pieux prédicateur de l’Evangile, qui lui était si cher ? Intéressons-nous justement à saint Boniface de Mayence !

Saint Boniface de Mayence (vers 672-754)

Moine d’origine anglaise, il reçut d’abord le prénom de Wynfrith. D’abord professeur à Nurstling, il partit en 716 évangéliser la Frise. Le Pape saint Grégoire II le sacra évêque et lui donna le nom de Boniface. Il se rendit ensuite en Bavière et en Thuringe. Il organisa l’Eglise germanique et fonda le monastère de Fulda, avec l’appui de Charles Martel. Il tint plusieurs synodes afin de réformer l’Eglise franque et sacra Pépin le Bref. Il mourut en Frise massacré par les païens.

Sa vie et ses écrit manifestent sa foi en la Papauté.

La conscience de sa mission, jointe à son amour pour le Christ, poussait continuellement cet apôtre à l’action ; elle le consolait dans ses afflictions, le relevait dans ses découragements, lui inspirait confiance quand il désespérait de ses forces. On le vit bien dès son arrivée en Frise et en Thuringe, quand, d’après un écrivain de cette époque.Saint Willibald d’Eichstätt (vers 700-787), biographe de saint Boniface écrit :

« selon le mandat du Siège apostolique, il parla de la religion aux sénateurs, aux chefs du peuple, et leur montra le vrai chemin de la connaissance de Dieu et de la foi en lui. » (Vita S. Bonifacii. c. VI. 16)

Cette conscience de sa mission le détournait de l’oisiveté, l’empêchait même de désirer le repos et de se fixer jamais en un lieu comme en un port tranquille ; elle le fit aller toujours au-devant des difficultés et des humbles travaux, uniquement pour procurer ou accroître la gloire de Dieu et le salut des âmes.

Ce respect et cette piété qui le rendaient soumis à la volonté du Siège apostolique auquel il rapportait les bienfaits de sa mission lui faisaient aussi envoyer à Rome des lettres et des messagers, de telle sorte que, dès le commencement de sa mission : « il fit connaître au vénérable Père apostolique tout ce que la grâce de Dieu avait opéré par son intermédiaire », et « demanda conseil au Siège apostolique en ce qui concernait les besoins journaliers de l’Eglise de Dieu et le bien du peuple » (Vita S. Bonifacii. c. CVII. 19).

C’était un sentiment tout particulier de vénération qui le guidait en cela, comme il l’avouait ingénument dans sa vieillesse, au Pape saint Zacharie :

« Avec le consentement et sur l’ordre de Grégoire Ier, de vénérable mémoire, je me suis lié par un vœu, il y a près de trente ans, à vivre dans l’amitié et au service du Siège apostolique. J’avais coutume de faire connaître mes joies et mes tristesses au Pontife romain pour louer Dieu ensemble dans le bonheur et pour recevoir la force de sou conseil dans la peine. » (Lettre 59, alias 57)

On trouve çà et là de précieux documents qui attestent un échange ininterrompu de lettres et un remarquable accord de volonlés entre ce vaillant prédicateur de l’Evangile et le Siège apostolique, accord, continué et favorisé par quatre Pontifes successifs de glorieuse mémoire.

Les Pontifes romains n’omettaient aucune occasion ni aucun soin pour aider et favoriser cet actif légat, et Boniface, de son côté, ne négligeait rien, ne se relâchait ni de son zèle ni de son application pour remplir saintement et surabondamment la mission reçue de Pontifes qu’il vénérait et aimait comme un fils.

Le pontife Grégoire, considérant le développement du champ évangélique confié à Boniface et voyant blanchir la belle moisson des peuples qui avaient été reçus par lui dans la Sainte Eglise, décida de conférer à Boniface le couronnement du sacerdoce et de lui imposer l’épiscopat sur toute la province de Germanie. Boniface, qui avait pourtant résisté à son ami intime Wiilibald, « accepta et obéit parce qu’il n’osait pas s’opposer au désir d’un si grand Pontife » (Vita S. Bonifacii. c. VII. 21). Le Pontife romain ajouta à cet honneur insigne une autre faveur loute particu-lière et digne d’être signalée à la postérité parmi les Allemands, car» il accorda l’amitié du Siège apostolique à lui et à tous ses sujets, et cela pour toujours. Grégoire avait déjà donné des preuves et des indices de cette amitié quand il écrivait aux rois, aux princes, aux évêques, aux abbés et à tout le clergé, aux peuples barbares ou nouvellement appelés à la foi, pour les inviter « à donner leur appui et leur concours à ce grand serviteur de Dieu, envoyé par l’Eglise catholique et apostolique pour porter la lumière aux nations » (Ep. Solliciludinem nimiam, inter Bonif. ep, XVII, al. 6).

Cette amitié particulière entre Boniface et le Siège apostolique fut confirmée par le pontife suivant, saint Grégoire III, lorsque Boniface lui envoya des messagers pour le féliciter de son élection : « Ils lui firent connaître le pacte d’amitié que son prédécesseur avait charitahlement conclu avec Boniface et les siens » et « ils l’assurèrent de l’entière dépendance de son humble serviteur pour l’avenir » et enfin, selon leur mandat, ils demandèrent que « le missionnaire dévoué bénéficiât encore, à l’avenir, de l’amitié et de l’union avec le saint Pontife et le Siège apostolique ». Le Pontife accueillit les messagers avec bienveillance et, après leur avoir remis pour Boniface de nouvelles dignités, entre autres « le pallium de l’archiépiscopal, il les renvoya dans leur patrie comblés de présents et de plusieurs reliques de saints » (Vita S. Bonifacii. c. VIII. 25 et suivants).

On peut à peine narrer :

« la reconnaissance de cet apôtre pour ces signes d’affection et exprimer le réconfort que lui apporta cette bienveillance du Siège apostolique à son égard ; touché par la miséricorde divine, il reçut des forces nouvelles pour entreprendre de plus grandes et difficiles choses : édifier de nouveaux temples, des hôpitaux, des monastères, des villages; parcourir des régions nouvelles en prêchant l’Evangile ; établir de nouveaux diocèses et réformer les anciens, en extirper les vices, les schismes et les erreurs ; jeter partout les germes de la foi et de la vie chrétienne ; enseigner les vrais dogmes et les vertus et même amener à la civilisation des nations barbares souvent effrayantes de cruauté, en se servant de disciples qu’il avait formés à la piété et de quelques compatriotes venus d’Angleterre. » (Vita S. Bonifacii. c. IX. 27 et suivants)

Au milieu de tous ces travaux immenses, ennobli déjà par des œuvres remarquables et saintes, parmi les attaques, les malheurs, les inquiétudes journalières, malgré son âge qui l’incitait à se reposer après de si longs travaux, il ne donnait aucune prise à l’orgueil ni à l’amour du repos ; il avait toujours devan lies yeux la tâche à accom plir et les ordres du Pontife C’est pourquoi, « à cause de son intime union avec le Pontife apostolique et tout le clergé, il vint à Rome, une troisième fois en compagnie de ses disciples pour s’entretenir avec le Père apostolique et se recommander aux prières des saints parce qu’il était déjà d’un âge avancé ». Cette fois encore, il fut aimablement accueilli par le Pontife, « comblé de nouveaux présents et de reliques des saints » et doté de précieuses et importantes lettres de recommandation, comme le prouvent celles qui sont parvenues jusqu’à nous (Vita S. Bonifacii. c. IX. 27 et suivants).

Les deux Grégoire eurent pour successeur Zacharie héritier de leur pontificat et de leur sollicitude envers les Germains et leur apôtre. Non content de renouveler l’ancienne union, il l’accrut en témoignant encore plus de confiance peut-être et de bienveillance à Boniface. Celui-ci se comporta de même avec Zacharie, comme en témoigne le nombre des messagers et des lettres amicales qui furent échangés. Entre autres choses qu’il serait trop long de rappeler, le Pontife s’adresse à sou légat en ces aimables termes :

« Très cher Frère, que votre sainte fraternité sache que Nous vous chérissons au point de désirer vous voir chaque jour auprès de Nous, pour être Notre associé, le ministre de Dieu et le dispensateur des Eglises du Christ. » (Ep. Susceptis, inter Bonif. ep. 51, al. 50)

C’est donc à bon droit que l’apôtre de la Germanie écrivait, quelques années avant sa mort, au pontife Etienne, successeur de Zacharie :

« Le disciple de l’Eglise romaine demande instamment et du plus profond de son cœur l’amitié et l’union avec le Siège apostolique. » (Lettre 78)

Mû par une foi robuste, enflammé de piété et de charité, Boniface garda toujours intacte, et il ne cessa jamais de recommander à ceux qu’il avait engendrés par la parole évangélique, avec une telle assi-duité qu’il semblait vouloir la leur laisser comme testament, cette fidélité et cette rare union au Siège apostolique, fidélité qu’il semble avoir d’abord puisée dans sa patrie, dans le secret de la vie monastique, fidélité qu’il avait ensuite promise à Rome, par un serment, sur le corps du bienheureux Pierre, chef des apôtres, avant d’aborder les difficultés de la vie apostolique ; fidélité qu’il avait enfin montrée au milieu des périls et des luttes, comme la marque de son apostolat et la régie de sa mission.

C’est ainsi que, épuisé par l’âge et les labeurs, il se disait, bien humblement, « le dernier et le plus mauvais des légats que l’Eglise catholique, apostolique et romaine ait envoyés prêcher l’Evangile »; mais il tenait bien haut cette mission romaine, et il se glorifiait en Dieu de celte légation et il aimait à s’appeler « le légat de la Sainte Eglise Romaine pour la Germanie » (Lettre 67, alias 22), voulant être le dévot serviteur des Pontifes romains, successeurs de saint Pierre, et leur disciple soumis et obéissant.

Saint Boniface ne s’est pas limitée à la Germanie, mais qu’elle a embrassé tous les peuples ; c’est ainsi que, selon l’ordre de la charité, l’apôtre de la Germanie affectionna particulièrement la nation voisine des Francs, dont il fut le prudent réformateur, et ses compatriotes « issus de la race anglaise », auxquels, « lui, leur frère de race, le légat de l’Eglise universelle et le serviteur du Siège apostolique », confia la propagation de la foi catholique, qui leur avait été annoncée par les légats de saint Grégoire le Grand, pour l’établir chez les Saxons et les peuples de môme race, eu leur recommandant de garder précieusement « l’unité et la communion dans la charité » (Lettre 39, alias 36).

Concluons par ces paroles de saint Boniface :

« Tous ceux que Dieu m’a donnés, pendant ma mission, comme auditeurs ou comme disciples, je ne cesse de les inviter et de les pousser à l’obéissance au Siège apostolique. » (Lettre 50, alias 49)

Saint Théodore Studite (759-826)

Sur ce point, notre Studite n’a pas l’ombre d’un doute. Il s’adressait au Pape saint Léon III comme :

« Au très saint et souverain Père des Pères, à mon Seigneur Léon, Pape apostolique, Théodore, très humble prêtre et higoumène de Stoudion. Puisque c’est à Pierre le grand que le Christ notre Dieu, après lui avoir donné les clés du royaume des cieux, a conféré la dignité de chef du troupeau, c’est à Pierre, c’est-à-dire à son successeur, qu’il faut soumettre toutes les nouveautés hérétiques introduites dans l’Église universelle par ceux qui s’écartent de la vérité. » (Lettres, livre Ier, 33 ; P. G., t. XCIX, col. 1017 Β : Έπειδήπερ Πέτρω τώ μεγάλω δέδωκε Χρίστος ό Θεός μετά τας κλείς της βασιλείας τών ουρανών και το της ποιμνιαρχίας αξίωμα’ προς Πέτρον ήτοι τον αύτοΰ διάδοχον ότιοΰν καινοτομούμενον έν τη Καθολίκί) ‘Εκκλησία παρά τών άποσφαλλομένων της αληθείας άναγκαϊον άναφέρεσθαι)

En 821, il écrit à l’empereur Michel II le Bègue :

« Ordonnez que l’on reçoive la profession de foi envoyée de l’ancienne Rome Car cette Église, ô empereur imitateur du Christ, est la première de toutes les Églises de Dieu, Pierre en a le premier occupé le siège. » (Lettres, Livre II, 86 ; col. 1332 Β : ης Πέτρος πρωτόθρονος)

C’est dans cette conviction aussi que déjà, en 818, il saluait dans la personne du pape saint Pascal Ier le successeur manifeste du prince des apôtres :

« En vérité nous, humbles moines, nous avons reconnu par votre conduite à notre égard que c’est bien un successeur manifeste du chef des apôtres qui préside à l’Église de Rome. » (Lettres, Livre II, 13 ; col. 1155 Α : ΚαΙ ό’ντως εγνωμεν οί ταπεινοί ώς εναργής διάδοχος τοΰ των ‘Αποστόλων κορυφαίου προέστη της Ρωμαϊκής ‘Εκκλησίας)

C’est cette conviction qui, en 817, lui faisait adresser au même Pontife cette courte mais éloquente apostrophe :

« Vous êtes Pierre, vous qui gouvernez le siège de Rome et qui en êtes l’ornement. » (Lettres, Livre II, 12 ; col. 1152 C : Πέτρος γαρ συ, τον Πέτρου θρ<5νον κόσμων και διέπων)

Aussi sa vision complète de la Papauté nous est exposée dans l’article La primauté de saint Pierre et du Pape d’après saint Théodore Studite (759-826) par le Père Sévérien SALAVILLE (dans Revue d’Etudes Byzantines, 1914, Numéro 104,  pp. 23-42). Voici le plan de cet article :

I. – La primauté de saint Pierre.

II. – La primauté du Pape.

1° L’épiscopat de saint Pierre à Rome.

2° La primauté du Pape est de droit divin.

3° Universalité de juridiction sur le monde entier.

4° Le pouvoir du Pape est sans appel.

5° Droit de convocation et d’approbation des conciles.

6° L’infaillibilité du Pape.

7° La Papauté centre de l’unité de la foi et de la communion.

Il faut noter que les Orthodoxes, célébrant ce saint le 11 novembre, le chantent comme :

« L’intrépide défenseur de la vérité, la colonne et le soutien de la foi orthodoxe, le guide inspiré de l’orthodoxie, le docteur de la piété, le flambeau de l’univers qui, par ses enseignements, a éclairé tous les fidèles, la lyre du Saint-Esprit, etc. » (Τής αληθείας σφόδρον συνήγογον, στύλον, έδραί’ωμα ορθοδόξου πίστεως. — ‘Ορθοδοξίας οδηγέ, Οεόπνευστε, εύσεβείας διδάσκαλε, της οΐκουμε’νης ό φωστήρ, ταΐς διδαχαΐς σου πάντας έφώτισας, λύροΕ του Πνεύματος. Voir dans les Menées l’office des Vêpres et de l’aurore, au 11 novembre)

Ils épuisent en son honneur la magnificence des titres et des épithètes. Ou ce langage signifie quelque chose, ou ce n’est qu’une phraséologie rhétorique sans substance. Pour un esprit logique il n’est point d’autre alternative. Par les saints qu’elle célèbre, la liturgie grecque est la condamnation la plus expresse qui se puisse imaginer du schisme oriental. Quand on chante saint Jean Chrysostome, saint Léon de Rome, saint Grégoire le Grand, saint Maxime le Confesseur, saint Jean Damascene, saint Théodore Studite et tant d’autres, si l’on connaît leur doctrine et si l’on est conséquent, on ne peut qu’être catholique.

Théodore Abu Qurrah (vers 750-vers 820)

Théodore Abu Qurrah (en arabe ثاوذورس أبي قرة, Thaoudourous Abou Qourra) (v. 750-v. 820), évêque de Harran, est un théologien de langue arabe et de culture gréco-romaine qui vécut durant la première période de l’islam. Il est connu, dans les publications anciennes, sous le nom d’Aboucara ou Abou Kurra.

« Il faut noter que les Apôtres avaient pour chef saint Pierre à qui le Christ avait dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne triompheront point d’elle » (Matthieu XVI, 18). ; à qui il dit aussi trois fois, après sa résurrection, près la mer de Tibériade : « Simon, m’aimes-tu ? (Si tu m’aimes) Pais mes agneaux, mes béliers et mes brebis » (Jean XXI, 15-17). Simon, m’aimes-tu ? (Si tu m’aimes) Pais mes agneaux, mes béliers et mes brebis : « Simon, Satan a demandé de vous cribler comme on crible le blé, et j’ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi ; mais, à l’instant, tourne-toi vers tes frères et affermis-les. » (Luc XXII, 32).

Vous voyez bien que saint Pierre est le fondement de l’Église propre au troupeau (des fidèles), et celui qui a sa foi ne la perdra jamais ; c’est lui aussi qui est chargé de se tourner vers ses frères et de les affermir.

Les paroles du Seigneur : « J’ai prié pour toi afin que tu ne perdes pas ta foi ; mais tourne-toi à l’instant vers tes frères et affermis-les » (Luc XXII, 32), ne désignent pas la personne de Pierre ni les Apôtres eux-mêmes. Le Christ a voulu désigner par ces mots ceux qui tiendront la place de saint Pierre à Rome et les places des Apôtres. De même quand il dit aux Apôtres : « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des siècles »,(Matthieu XXVIII, 20) il n’a pas voulu désigner les personnes des Apôtres seuls, mais encore ceux qui tiennent leurs places et tout leur troupeau. Ainsi par ces mots qu’il adressa à saint Pierre : « Tourne-toi à l’instant et affermis tes frères, et que ta foi ne se perde pas », il a voulu désigner ses successeurs ; par la raison que saint Pierre seul parmi les Apôtres a perdu sa foi et nié le Christ, le Christ l’avait exprès abandonné pour nous montrer que ce n’est pas sa personne qu’il a voulu désigner, et nous n’avons vu aucun Apôtre tomber afin que saint Pierre l’affermisse.

Dire que le Christ a voulu désigner saint Pierre et les Apôtres en personne, ce serait priver l’Église de ce qui doit l’affermir après la mort de saint Pierre. Comment cela pourrait-il être ? En voyant, après la mort des Apôtres, Satan passer l’Église au crible, il est évident que ce ne sont pas eux que le Christ a voulu désigner par ces mots. Nous savons tous, en effet, que c’est après la mort des Apôtres que les hérésiarques ont agité l’Église, savoir : Paul de Samosate, Arius, Macédonius, Eunomius, Sabellius, Apollinaire, Origène et les autres. Si ces mots du texte sacré ne désignent que les personnes de saint Pierre et des Apôtres, l’Église aurait donc été privée de consolation et n’aurait eu personne qui la sauvât de ces hérésiarques et de leurs doctrines qui sont les portes de l’enfer dont le Christ a dit qu’elles ne triompheront jamais de l’Église. Il est donc de toute évidence que ces mots désignent les successeurs de saint Pierre, qui ne cessent en effet d’affermir leurs frères et ne cesseront jamais jusqu’à la fin des siècles.

Vous savez bien que lorsque Arius se révolta, une assemblée fut réunie contre lui par l’ordre de l’évêque de Rome. Le saint Concile l’a condamné et a fait cesser son hérésie ; et l’Église a accepté la décision de ce concile et a repoussé Arius comme l’Église d’Antioche avait accepté la lettre des Apôtres et avait rejeté ces sectateurs qui lui enseignaient la circoncision et la pratique de la loi. Ainsi lorsque Macédonius se révolta au sujet du Saint-Esprit, une assemblée fut réunie contre lui à Constantinople par l’ordre de l’évêque de Rome ; ce concile rejeta l’hérésiarque et l’Église accepta sa décision comme elle avait accepté celle du premier. Elle excommunia Macédonius comme elle avait déjà excommunié Arius. […]

Lorsque Nestorius se révolta en disant du Christ ce qu’il en a dit, l’Église rejeta sa doctrine et la porta, selon sa coutume, au saint concile, qui fut réuni à Éphèse par ordre de l’évêque de Rome. Le saint concile l’excommunia et fit cesser son hérésie. La sainte Église accepta ce concile et excommunia Nestorius en repoussant sa doctrine, persuadée qu’elle n’avait pas le droit de prendre part dans la décision de ce concile, mais qu’elle avait l’ordre du Saint-Esprit de s’y soumettre, comme nous l’avons déjà démontré. […]

Lorsqu’Eutychès et Dioscore se révoltèrent en disant du Christ ce qu’ils en avaient dit, l’Église a repoussé leur hérésie et les Saints Pères se sont levés contre eux. Mais l’Église n’a pas accepté leur doctrine ni celle de ceux qui les contredisaient, elle les a fait traduire au jugement du saint concile, selon sa coutume. Le quatrième concile a été réuni alors à Chalcédoine par l’ordre de l’évêque de Rome ; il les a excommuniés et a fait cesser leur hérésie. L’Église accepta alors la décision de ce concile, comme elle avait accepté celles des trois premiers conciles ; elle excommunia Eutychès et Dioscore et rejeta leur hérésie, sachant bien qu’elle n’a pas le droit d’intervenir avec ce concile et persuadée que sa décision était celle du Saint-Esprit. […]

Mais, nous, orthodoxes et enfants de la sainte Église, nous rendons gloire et action de grâces au Christ, notre Dieu, qui nous a accordé la bonne volonté et l’obéissance aux saints conciles que le Saint-Esprit a fait parler. Nous sommes dans sa maison et dans le bercail de ses troupeaux. Par sa protection, nous sommes sauvés de Satan qui, comme un loup dévorant, rôde autour de nos âmes pour surprendre celui qui se hasarde à sortir de l’Église et en faire sa proie. Nous supplions notre Seigneur et notre Dieu Jésus-Christ de nous affermir pour toujours sur le roc de son Église sainte et de nous faire boire la liqueur de sa douce doctrine. Nous serons ainsi enivrés de son amour qui remplit nos âmes et nos cœurs de joie et de bonheur en nous portant à lui obéir par l’observation de ses commandements, pour vivre éternellement et hériter son royaume céleste préparé pour tout ce qui a été édifié sur le fondement de saint Pierre par le Saint-Esprit. Ô Esprit-Saint, faites-nous connaître le Christ, le Fils éternel de Dieu, qui s’est incarné de la Vierge Marie par le Saint-Esprit pour notre salut. À lui soit la gloire, la puissance, la majesté et l’adoration, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. » (Démonstration de la sainte Loi de Moïse et des Prophètes qui ont annoncé le Messie. — Du saint Évangile prêché aux Gentils par les Apôtres du Christ né de la Vierge Marie. — De l’orthodoxie attribuée par tous les hommes aux Chalcédoniens. — Réfutation des doctrines de toutes les sectes qui se nomment chrétiennes par le magister-philosophe, notre saint P. Théodore, évêque de Haran, traduit par le Père Constantin BACHA, publiée sous le titre de Un traité des oeuvres arabes de Théodore Abou-Kurra; trouvable en anglais in : Theodore Abu Qurrah, Librairy of the Christian East, volume 1, Brigham Young University Press, Provo, 2005, pp. 68-69)

IVème concile de Constantinople (870)

Lors du IVème concile de Constantinople (870), le Pape Adrien II fit souscrire au Formulaire d’Hormisdas mentionné plus haut, tous les Pères grecs et latins lors du IVème concile de Constantinople (10e session du 28 février 870) :

« La condition première du salut est de garder la règle de la foi orthodoxe […] On ne peut, en effet, négliger la parole de notre Seigneur Jésus-Christ qui dit : ‘Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église’ [Mt 16, 18]. Cette affirmation se vérifie dans les faits, car la religion catholique a toujours été gardée sans tache dans le Siège apostolique. Désireux de ne nous séparer en rien de sa foi et de sa doctrine […] nous espérons mériter de demeurer unis en cette communion que prêche le Siège apostolique, en qui réside, entière et vraie, la solidité de la religion chrétienne » (Ier Session)

Les Pères du Concile Vatican I – qui défini le dogme de l’infaillibilité pontificale – commentèrent ce texte comme il suit. Ils dirent de l’affirmation selon laquelle la promesse du Christ « s’est vérifié dans les faits » dans le siège de Rome :

« Ceci doit être entendu non seulement comme un simple fait (facto) mais aussi comme un droit (jure) constant et immuable, en [vertu] des paroles du Christ [« Tu es Pierre etc.»], qui demeurent immuables. Aussi longtemps que durera la pierre sur laquelle le Christ fonda l’Église, aussi longtemps la religion catholique et la doctrine sainte seront gardées immaculées dans le Siège apostolique, et ce de par le droit divin. […][L’infaillibilité pontificale] est parfaitement contenue dans le Formulaire d’Hormisdas (avec l’ajout d’Adrien II), qui dit: en vertu des paroles du Christ «Tu es Pierre etc.,», dans le Siège apostolique, c’est-à-dire par Pierre et par ceux qui lui succèdent en cette chaire, la religion et la doctrine ont toujours été gardées immaculées, et comme cela a été montré plus haut), de droit divin, elles seront toujours gardées [à l’avenir]. Ceci équivaut certainement à la proposition qui dit: les évêques romains qui occupent le Siège de Pierre sont, par rapport à la religion et à la doctrine, immunisés contre l’erreur » (Relatio de observationibus Reverendissimorum concilii Patrum in schema de romani pontificis primatu, in : Gerardus SCHNEEMANN, Acta et decreta sacrosancti oecumenici concilii Vaticani cum permultis aliis documentis concilium ejusque historiam spectantibus, Freiburg 1892, col. 281 – 284).

Finalement, Vatican I intégra une citation abrégée du Formulaire au chapitre 4 de Pastor aeternus, contenant la définition du dogme de l’Infaillibilite pontificale.

De plus, lors du même concile Adrien II, afin de montrer que nul n’a le droit de juger un pape, évoqua ensuite le cas du pape Symmaque, qui avait été accusé (calomnieusement) de plusieurs crimes. « Le roi d’Italie Théodoric, voulant attaquer le pape Symmaque jusqu’à ob­tenir sa condamnation en justice » convoqua de nombreux clercs de son royaume et leur dit que plusieurs crimes horribles avaient été commis par Symmaque. Il leur enjoignit de se réunir en synode et de « constater cela par un jugement ». Les prélats se réunirent par défé­rence pour le roi. Mais ils savaient que la « primauté » du pape ne permettait pas qu’il rut « soumis au jugement de ses inférieurs ». Que faire ? Juger un pape en violation du droit, ou bien encourir la colère du roi en refusant de s’ériger en juge ?

« À la fin, ces prélats vraiment vénérables, quand ils virent qu’ils ne pouvaient pas, sans autorisa­tion pontificale, porter leur main contre la tête [le pape] – et ce quels que fussent les actes du pape Symmaque dénoncés -, ils réservèrent tout au jugement de Dieu » (Mansi, t. XVI, col. 126)

Toujours en vue de montrer qu’il est illicite d’accuser et de juger un pape, Adrien II cita en exemple l’attitude de Jean, évêque d’Antioche. Ce prélat avait anathématisé un évêque, mais avait interdit de s’attaquer au pape. Jean n’avait pas hésité à ana­thématiser l’hérétique Cyrille, évêque d’Alexandrie ; et pourtant, ce même Jean écrivit dans une lettre au pape St. Célestin 1er, approuvée par le concile d’Éphèse (3e session), qu’il était illicite de juger le Siège de Rome, vénérable par l’ancienneté de son autorité.

« Si l’on donnait la licence à ceux qui veulent de maltraiter par des injures les Sièges plus anciens [majores = « plus anciens » ou « plus grands »] et de porter des sentences (contrairement aux lois et canons) contre eux, alors qu’ils n’ont aucun pouvoir contre ces Sièges, les affaires de l’Église iront jusqu’à la confusion extrême » (Mansi, t. XVI, col. 126)

Le discours d’Adrien II fit son effet. Les Pères du concile rédigèrent, en effet, un canon exprès contre certains Grecs qui prétendaient critiquer, voire juger des papes. L’Église catholique n’a jamais accepté une telle insolence :

« La parole de Dieu, que le Christ a dite aux saints apôtres et à ses disciples (« Qui vous reçoit me reçoit » [Matthieu X, 40] et « qui vous méprise me méprise » [Luc X, 16]), nous croyons qu’elle a été adressée aussi à tous ceux qui, après eux et à leur exemple, sont devenus souverains pontifes. […] Que personne ne rédige ni ne compose des écrits et des discours contre le très saint pape de l’ancienne Rome, sous prétexte de quelque prévarication dont il se serait rendu coupable [ou : sous prétexte de prétendues fautes qu’il aurait commises] ; ce qu’a fait récem­ment Photius, et Dioscore bien avant lui. Quiconque aura l’audace d’injurier par écrit ou sans écrit le Siège du prince des apôtres, Pierre, sera condamné comme eux. […] Si un concile universel est assemblé et qu’il s’élève quelque incertitude et controverse au sujet de la Sainte Église de Rome, il faut avec respect, en toute conve­nance, s’instruire sur la question émise, accepter la solution, en profiter ou y servir, sans avoir l’audace de prononcer contre les pontifes de l’ancienne Rome » (Xè session, Canon 21)

2) Le IIIè concile de Constantinople : une preuve définitive pour les Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes

A l’occasion du IIIè concile de Constantinople (680-681), le Pape saint Agathon envoya deux lettres aux empereurs. Dans chacune de ces deux lettres, il affirme que saint Pierre fut le premier Evêque de Rome. Pour s’en convaincre, il suffira de lire notre article sur ces lettre : L’infaillibilité du Pape proclamée en 681 ? Mais il y a plus : ces lettres déclarent que tous les Evêques de Rome ont prêché une doctrine parfaite. Nous lisons, entre autres, dans la première lettre :

« Que Votre Clémence considère donc cet avertissement de Notre-Seigneur et Sauveur, l’auteur de notre foi : en promettant à saint Pierre que sa foi ne défaillirait pas, il l’engagea à confirmer ses frères. Tout le monde sait bien que les pontifes du siège apostolique, ceux qui ont précédé mon humble personne, ont réalisé cette tache sans douter de cette parole. […] Aucun autre motif plus approprié ne saurait recommander à la divine majesté votre force absolument invincible : combattez ceux qui se sont écartés de la règle de la vérité, faites connaître et proclamez partout l’intégrité de notre foi évangélique et apostolique. » (Lettre I Consideranti mihi aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169 et 1212 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivantes)

Puis :

« Saint Pierre a reçu du Rédempteur lui-même par une triple recommandation qui lui en a été faite, la charge de paître les brebis spirituelles qui composent son Eglise ; et c’est grâce à l’appui qu’il continue de lui prêter, que cette Eglise apostolique n’a jamais déviée par une erreur quelconque de la voie de la vérité ; aussi, de tout temps, toute l’Eglise catholique et les conciles généraux ont-ils fidèlement adhéré à son autorité comme à celle du prince de tous les apôtres, s’attachant à la suivre en tout, et tous les saints Père en ont embrassé et soutenu avec zèle la doctrine comme venant des apôtres […] Que votre auguste clémence veuille donc bien considérer que le maître et le Sauveur de tous, qui est l’auteur de la foi, et qui a promis que la foi de Pierre ne défaillira jamais, l’a averti d’affermir ses frères : charge dont se sont acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait, les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs ; et quoique bien inférieur à leurs mérites je veux, puisque la grâce divine m’a appelé à leur succéder, m’acquitter à leur exemple de ce même ministère. » (Lettre 1 aux empereurs, 27 mars 680, PL, 87/1168-1169 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 635 et 636 et MANSI, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XI, col. 234 et suivants)

Et dans la seconde, signée des cent-vingt-cinq Évêques d’un concile tenu à Rome :

« Nous croyons que Dieu fera à votre trône, qu’il a élevé lui-même, la faveur si rare, et qui est le privilège du très-petit nombre, d’être le moyen dont il se servira pour faire briller aux yeux de tous la lumière de la foi catholique et apostolique, qui, ayant pour principe la source même de la vraie lumière dont elle est comme le rayon, nous a été transmise par le ministère des princes des apôtres saint Pierre et saint Paul, et par les hommes apostoliques leurs disciples et leurs successeurs, et est parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à notre médiocrité, sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer, et Dieu veuille bénir les efforts que fait votre autorité providentielle pour la conserver toujours inaltérable ! Tel a été aussi l’objet constant de la sollicitude du siège apostolique, et de tant de pontifes auxquels nous succédons malgré notre indignité. » (Lettre 3 aux empereurs, PL, 87, 1217 et 1220 ; LABBE, Sacrosancta concilia, t. VI, col. 679-682)

Le pape évoque « les pontifes apostoliques mes glorieux prédécesseurs » comme s’étant « acquittés en toute circonstance avec courage, comme tout le monde le sait » à affermir leurs frères selon les paroles du Sauveur. Il est enfin question de la saine doctrine « parvenue ainsi intacte, grâce au secours divin, jusqu’à [saint Agathon], sans que les ténèbres des hérésies aient pu l’obscurcir, sans qu’aucune erreur ait pu l’altérer ». Aussi si tous se sont acquittés de cette tache, cela signifie qu’aucun n’a failli.

Cela signifie que les propos de saint Damase, saint Sirice, saint Innocent Ier, saint Zosime, saint Boniface Ier, saint Sixte III, saint Léon le Grand, saint Gélase, saint Hormisdas, Jean II et saint Grégoire le Grand que nous avons cité, se trouvent ainsi « validés » en tant que tels par ces lettres.

Par la suite, le 15 novembre 680, lors de la 4è session du IIIè concile de Constantinople (680-681) réunissant surtout des évêques Orientaux, une lecture fut donnée de la première lettre (PL, 87/1168-1169 et MANSI, 11/239-254). Puis, lors de la 18è session, le 16 septembre 681, ce fut au tour de la seconde lettre lue en public et les Pères du concile l’approuvèrent et l’insérèrent dans les actes du concile. Leur discours prosphonétique aux empereurs est riche en informations. Ils y témoignent de l’autorité du Pape saint Sylvestre sur le Concile de Nicée :

« Arius veut diviser et séparer les personnes adorables de la sainte Trinité ; et aussitôt l’empereur Constantin et l’honorable Sylvestre s’empressent de convoquer le grand et célèbre Concile de Nicée. » (MANSI, XI, colonnes 661 A ; LABBE, VI, 1049-1050)

Ainsi que de la place de premier plan que le Pape saint Damase occupa dans la lutte contre l’hérésie de Macédonius :

« Lorsque Macédonius répandit ses erreurs sur le Saint-Esprit, Théodose et Damase se dressèrent aussitôt contre lui, et Grégoire et Nectaire [ndlr : saint Nectaire de Constantinople fut le successeur de saint Grégoire de Nazianze comme évêque de cette ville] rassemblèrent un synode dans cette ville royale. » (MANSI, XI, colonnes 661 B ; LABBE, VI, 1049-1050)

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce passage ne signifie pas qu’il présida le Ier Concile de Constantinople via ses légats, ni même qu’il y prit part via une représentation. Nous développons cela dans cet article : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/16/la-papaute-au-ier-concile-de-constantinople-381/

Un peu plus tard ils affirment la vérité de la doctrine contenue dans les lettres de Rome :

« Tous unis sous l’inspiration du Saint Esprit, tous d’accord et tous du même avis, acquiesçant tous aux lettres que Notre Très Saint Père et Souverain pontife le pape Agathon a envoyées à Votre Puissance [ndlr : les empereurs], reconnaissant la sainte décision du concile qui dépend de lui et qui rassemble cent-vingt-cinq prélats. […] C’est le souverain prince des apôtres qui a agi de concert avec nous. Nous avons eu, pour nous aider, le pape dont la conduite est conforme à la sienne et qui lui succède sur son siège, le pape qui dans ses lettres déclare le mystère de la vérité divine et sacrée. Rome, cette ville antique, nous a transmis la profession de foi que Dieu avait dictée à saint Pierre. La feuille sur laquelle fut inscrit le dogme a honoré la fin de ce jour ; sur cette feuille on voyait de l’encre, mais c’est réalité c’est saint Pierre qui parlait au travers de l’écriture du pape Agathon. » (MANSI, XI, 663-666 ; LABBE, VI, 1051-1054)

Et dans la lettre qu’ils adressèrent au Pape saint Agathon, mais qui fut reçu par le Pape saint Léon II en raison du décès de ce premier :

« Ainsi que tu le sais, bienheureux Père, aux grandes maladies il faut de grands secours ! Aussi le Christ, notre vrai Dieu, qui est puissance créatrice de toutes choses et qui les gouverne toutes, nous a donné un sage médecin dans la personne honorée par Dieu de Ta Sainteté. A la contagion de la peste hérétique, elle a opposé, avec force, les remèdes de l’orthodoxie, et elle a rendu la vigueur de la santé aux membres de l’Eglise. Aussi, après avoir lu avec joie les lettres de vraie confession que ta paternelle Béatitude a envoyés au très-pieux Empereur, nous te laissons à faire ce qui reste, à toi, évêque du premier siège de l’Eglise universelle, que nous nous abandonnons pour savoir ce que nous devons faire, puisque tu es établi sur le ferme rocher de la foi. Nous reconnaissons que tes lettres ont été divinement écrites par le grand Prince des Apôtres : c’est par elles que nous avons vaincu la secte hérétique, aux erreurs multiples, qui avait surgi dernièrement. […] Nous renvoyons à ta Béatitude ce qui a été traité sur chaque affaire et qui est relaté dans les notes et les présents écrits. […] C’est ainsi qu’illuminés par le Saint-Esprit et instruits par ta doctrine, nous avons détruit les dogmes funestes de l’impiété et aplani la voie très-droite de l’orthodoxie. Notre très-pieux et sérénissime empereur Constantin nous a sagement et divinement assistés et protégés. Ensuite l’un de nous, l’Evêque de cette ville de Constantinople, a été des premiers à donner son adhésion à l’écrit d’orthodoxie que tu as envoyé au très-pieux Empereur. […] Avec toi, nous avons enseigné clairement la splendide lumière de la foi orthodoxe. Nous prions ta paternelle Sainteté de la confirmer de nouveau par tes honorables rescrits. » (MANSI, XI, 683-688 ; LABBE, VI, 1073-1076)

Le déroulé des événements est décrit dans cet article.

Le concile donc, fait non seulement sienne la doctrine de l’infaillibilité Papale de droit et de la perfection de fait de l’enseignement des Papes précédents, ce qui implique l’approbation de ce que nous avons cité des Papes, mais en plus, dans son approbation, le concile identifie lui-même la promesse faite par le Christ a saint Pierre d’être le rocher de l’Église, à l’exercice de l’épiscopat romain : « C’est à toi, évêque du premier siège de l’Eglise universelle, que nous nous abandonnons pour savoir ce que nous devons faire, puisque tu es établi sur le ferme rocher de la foi ».

Nous pouvons et devons souligner à l’attention des Orthodoxes, gallicans, vieux-catholiques et tous ceux qui reconnaissent l’autorité des conciles sans reconnaître celle des Papes, qui liraient notre article, que cette décision conciliaire confirmant la doctrine de la Papauté est non seulement un témoignage parmi les autres de la Tradition, mais encore une sentence infaillible selon les normes théologiques de leurs propres églises. Aussi, après avoir lu cela, ils sont obligés, en conscience, d’accepter la doctrine de la Papauté exprimée dans ces lettres et approuvées par le concile, ainsi que l’intégralité de ce qu’ont enseigné les Papes précédents sur la Papauté, le Filioque et le célibat sacerdotal, puisque ces lettres affirment aussi la perfection de la doctrine de tous les Papes antérieurs.

B) Un épiscopat de 25 ans

La Tradition catholique fait de saint Pierre l’évêque de Rome pour une durée de 25 ans. Il va sans dire que cette durée de 25 ans est contestée. Il est vrai que Pierre n’a pas stationné 25 ans à Rome.

Pour démontrer la thèse, il nous suffit de rappeler des faits historiques avérés que nous avons déjà exposés, puis de faire appel au témoignage de l’Eglise ancienne. Comme nous l’avons vu au tout début de cet article, saint Pierre arriva à Rome au début de la décennie 40 et y fit rédiger par Marc son Evangile. Il en fut chassé avec tous les juifs en 49, il participa au concile de Jérusalem en 49-50 (Actes XV). Il  évangélisa une grande partie de l’Occident, ce qui explique qu’il ne fut pas physiquement présent à Rome pendant 25 ans, et que saint Paul ne le salue pas dans son Epître aux Romains (XVI, 2-16). Saint Paul qui rédige son Epître aux Romains entre 53 et 58 et y dit : « je rends grâce à mon Dieu, par Jésus-Christ, au sujet de vous tous, de ce que votre foi est renommée dans le monde entier. » (Romains I, 8). Paul arrive donc dans une ville déjà évangélisée et tellement bien évangélisée que la foi de ses habitants est réputée dans le monde entier ! Ce qui indique d’ailleurs que Pierre est passé avant lui car seul un apôtre aurait pu arriver à un tel résultat. Enfin, l’archéologie moderne a prouvé que la récit catholique traditionnel de la mort et de la sépulture de saint Pierre à Rome vers 65 était intégralement vrai.

Les témoignages de l’Eglise ancienne confirment également cette vérité. Comme nous l’exposons plus haut, Eusèbe de Césarée disait :

« L’apôtre saint Pierre […] ayant commencé par fonder une église à Antioche, partit ensuite pour Rome. Il prêcha l’Évangile et demeura évêque dans cette ville pendant vingt-cinq ans. » (Chronique, Livre 2 dans PG 19/739-740)

Nous ajoutons ici le témoignage de saint Jérôme, connaisseur des Traditions Grecque et Latine et ayant à sa disposition un très grand nombre de documents des premiers chrétiens :

« Simon Pierre […] prince des apôtres, après avoir été évêque de l’église d’Antioche […] vint à Rome la seconde année de l’empereur Claude pour y combattre Simon le magicien et y occupa le siège épiscopal durant vingt-cinq ans, jusqu’à la dernière année du règne de Néron. […] Ce dernier le fit crucifier, et saint Pierre gagna ainsi la couronne du martyre. […] Enseveli à Rome, dans le Vatican, à côté de la voie triomphale, il jouit de la vénération du monde entier. » (Des hommes illustres, chapitre 1 dans PL, 23/607-609)

Une Tradition de listes des évêques de Rome solidement établie avant le VIè siècle nous donne la durée de l’épiscopat de saint Pierre sur Rome : 25 ans. Les différentes sources ne faisant que diverger sur le nombre exact de mois et de jours en plus. C’est un indice de fiabilité car une fable inventée a posteriori ne se serait d’une part pas imposée de manière universelle et sans contestation et n’aurait d’autre part pas de variations dans ses différentes expressions, les autorités novatrices veillant à ce que leur nouveauté soit crue.

« Une ancienne peinture, trouvée dans l’église de Saint-Paul, sur la voie d’Ostie porte : Petrus sed. ann. xxv. N. II. D. VII. (Pierre siégea 25 ans 2 mois 7 jours.)

Le catalogue de Libère, manuscrit du IVè siècle, édité par Bucher et Schelestrate, dit que le pontificat de saint Pierre dura 25 ans 1 mois 9 jours.

Le catalogue de Félix IV, manuscrit du VIè siècle, 25 ans 2 mois 9 jours.

La catalogue de Bergame, décrit cous Pie II, 25 ans 2 mois 8 jours.

Le catalogue de Farta, transcrit au siècle d’un manuscrit très ancien, 25 ans 2 mois 7 jours.

Le catalogue de Lucques, composé au siècle sur de vieux manuscrits du Vatican, 25 ans 2 mois 7 jours.

Le manuscrit dit da Papebrock, reproduit au siècle d’an plus ancien et se terminant au pape Vigile, 25 ans 2 mois 7 jours.

Les sept manuscrits de la bibliothèque de Colbert indiquent tous 25 ans, seuls les mois désignés varient de 1 à 5, et seules les jours de 3 à 8.

En résumé, quatorze manuscrits ont été examinés jusqu’ici ; tous fixent le nombre d’années du pontificat de saint Pierre 25 ans, huit le nombre de mois deux, six le nombre de jours sept, nombre indiqué par les anciennes peintures de la basilique de Saint-Paul. (V. Patrologia, t. CXXVII, c. 282.) » (Abbé Benjamin-Marcellin CONSTANT, L’histoire et l’infaillibilité des Papes, 1859, tome 1, page 100)

III) Réponses aux objections

A) Le silence des Actes des Apôtres

Objection : si la venue de saint Pierre à Rome est si importante, pourquoi saint Luc dans les Actes des Apôtres n’en dit-il pas un mot ?

Réponse :

« l’argument tiré du silence n’a de valeur que si le point passé sous silence rentrait dans le sujet traité par l’historien et aurait dû être mentionné par lui. Or pour ce qui concerne saint Luc, l’objection est sans fondement pour la bonne raison que les Actes des Apôtres ne décrivent que les débuts de l’Église chrétienne dans les douze premiers chapitres et qu’à partir du chapitre XIII, il n’est plus question que des Actes de saint Paul. Que les Actes soient par ailleurs loin d’être complets, c’est ce qui est bien évident ; ainsi, ils ne parlent pas non plus du conflit d’Antioche. » (Abbé Augustin BOULENGER, Manuel d’apologétique, tome 3, 1920, n° 326)

« Quant aux Actes des Apôtres, il est vrai qu’ils ne font point mention de ce voyage ; mais on sait que saint Luc, en les composant, avait pour but principal de faire connaître la vie et les actions de saint Paul dont il fut le disciple fidèle, et non de saint Pierre ni des autres Apôtres avec qui il a eu peu de relations. D’ailleurs, tout ce qu’ont dit et fait Jésus-Christ et ses disciples n’a pas été écrit : Le monde entier, dit saint Jean, n’eût pas contenu la quantité de parchemins que cette entreprise aurait exigée. Saint Luc lui-même n’a pas raconté tout ce que nous savons sur saint Paul; il ne dit pas même qu’il soit mort. Les Actes des Apôtres doivent donc être complétés par les données de l’histoire. » (Abbé Benjamin-Marcellin CONSTANT, L’histoire et l’infaillibilité des Papes, 1859, tome 1, pp. 92-93)

B) Le silence de l’Epître aux Romains et de la IInde Epître à Timothée

Objection : si saint Pierre était l’évêque de Rome, pourquoi saint Paul ne le mentionne-t-il pas à la fin de son Epître aux Romains (XVI, 2-16) alors même qu’il s’agit des plus longues salutations de toutes les Epîtres ? Et pourquoi ce dernier écrit-il dans sa IInde Epître à Timothée que « seulement Luc » est avec lui (II Timothée IV, 11) alors qu’il se trouve alors à Rome ?

Réponse :

« Il n’y a pas lieu de s’étonner davantage que saint Paul ne mentionne pas saint Pierre dans son Épître aux Romains : ses autres Épîtres nous montrent qu’il n’avait pas l’habitude de saluer les évêques de la ville. Lorsqu’il écrit aux Éphésiens, il ne parle pas non plus de Timothée, leur évêque. » (Abbé Augustin BOULENGER, Manuel d’apologétique, tome 3, 1920, n° 326).

Il faut aussi rappeler que Pierre ne resta pas constamment à Rome pendant toute la durée de son épiscopat, il était souvent en voyages apostoliques à travers l’Occident, lorsque Paul écrivit ces deux Epîtres, Pierre n’était probablement pas à Rome. Nous pouvons ajouter le souci de discrétion. En effet, si la présence de Pierre à Rome venait à être trop connu des païens persécuteurs, ce dernier, surtout en tant que chef de l’Eglise, aurait sans doute été inquiété. C’est donc sans doute la même crainte qui motiva le silence de Paul ainsi que le langage métaphorique de Pierre disant qu’il était à « Babylone » pour signifier qu’il était à Rome. Enfin, souvenons-nous de la seconde partie du verset II Timothée IV, 11 : « Prends Marc et amène-le avec toi, car il m’est d’un grand secours pour le ministère. », comme nous le disions dans notre article sur la rédaction de l’Evangile selon saint Marc à Rome sous la direction de Pierre. Pourquoi Marc plus qu’un autre lui aurait-il été « d’un grand secours pour le ministère » ? Surtout lorsqu’on sait que ce même Paul refusa la proposition de Barnabé de prendre Marc avec lui lors d’un de ses voyages et que ce dissentiment causa leur séparation (Actes XV, 37-39). Son lien historique avec l’Eglise de Rome pourrait être une explication de cette demande surprenante.

C) Saint Paul qui alla à Rome ne s’interdisait-il pas de prêcher l’Evangile là où le Christ avait déjà été nommé, « afin de ne pas bâtir sur le fondement qu’un autre aurait posé » (Romains XV, 20) ?

La réponse à cette objection se trouve plus haut dans la section :

I) Preuves tirées de l’Ecriture Sainte

D) Les propos de saint Paul

D) N’y avait-il pas des chrétiens à Rome dès après la Pentecôte (Actes II, 1-10) ?

Objection : Les Actes des Apôtres nous apprennent qu’ils y avait des Romains qui écoutaient la prédication des apôtres après la Pentecôte :

« Comme le jour de la Pentecôte était arrivé, ils étaient tous ensemble au même (lieu). Tout à coup, il vint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu ; et il s’en posa (une) sur chacun d’eux. Et tous furent remplis d’Esprit-Saint, et ils se mirent à parler en d’autres langues, selon ce que l’Esprit leur donnait de proférer. Or il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs, hommes pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel. Ce bruit s’étant produit, la foule s’assembla et fut bouleversée, parce que chacun les entendait parler en sa propre langue. Ils étaient stupéfaits et s’étonnaient, disant : « Tous ces gens qui parlent, ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment donc les entendons-nous chacun dans notre propre langue maternelle ? Partes, Mèdes, Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et des contrées de la Lybie Cyrénaïque, Romains résidant (ici), tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons dire dans nos langues les merveilles de Dieu. » » (Actes II, 5-10)

Ces Romains en rentrant chez eux n’auront-ils pas emporté avec eux la prédication de l’Evangile ?

Réponse : Il faut répondre en deux points. Premièrement il est explicitement question de « Romains résidant (ici) [en Palestine] », ainsi rien n’indique qu’ils soient rentrés à Rome car ils étaient durablement établis en Palestine. Deuxièmement il a très bien pu se trouver des chrétiens à Rome avant la venue de saint Pierre sans que cela ne remette en cause la foi catholique en quoi que ce soit. En effet, la foi catholique veut que l’Eglise de Rome fut fondée par saint Pierre, et cela n’empêche pas qu’il y ait eut des chrétiens en cette ville car « fonder l’Eglise » signifie l’organiser en société et pourvoir à ses structures d’enseignement, de culte et de gouvernement. C’est ainsi que c’est saint Pierre et saint Jean qui ont fondé l’Eglise de Samarie en donnant l’Esprit Saint à ceux qui y avait déjà été baptisés :

« Philippe, étant descendu dans la ville de la Samarie, y prêcha le Christ. Les foules étaient attentives à ce que disait Philippe, écoutant d’un seul cœur et voyant les miracles qu’il faisait. […] Tous, du petit au grand, étaient attachés à lui : « Cet (homme), disaient-ils, est la puissance de Dieu, celle qu’on appelle la Grande. » Ils étaient donc attachés à lui, parce que, depuis pas mal de temps, il les avait émerveillés par ses pratiques de magie. Mais, quand ils eurent cru à Philippe, qui leur annonçait le royaume de Dieu et le nom de Jésus-Christ, hommes et femmes se firent baptiser. Simon lui-même crut aussi et, baptisé, il s’attacha à Philippe ; et à la vue des miracles et des grands prodiges accomplis il était frappé de stupeur. Les apôtres, qui étaient à Jérusalem, ayant appris que la Samarie avait reçu la parole de Dieu, y envoyèrent Pierre et Jean, qui, étant descendus (chez les Samaritains), prièrent pour eux afin qu’ils reçussent l’Esprit-Saint. En effet, il n’était encore venu sur aucun d’eux ; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors ils leur imposaient les mains, et ils recevaient l’Esprit-Saint. » (Actes VIII, 5-6 ; 10-17)

E) Le silence de Flavius Josèphe

Objection : l’historien juif du Ier siècle Flavius Josèphe ne parle pas du martyre de Pierre à Rome.

Réponse :

« Josèphe déclare qu’il a voulu passer sous silence la plupart des crimes de Néron ; s’il omet la crucifixion de Pierre, il ne parle pas davantage de l’incendie de Rome et du meurtre de Sénèque. » (Abbé Augustin BOULENGER, Manuel d’apologétique, tome 3, 1920, n° 326).

Certains disent que l’incendie de Rome n’est pas le fait de Néron. C’est possible, mais ce qui compte ici n’est pas ce qui est mais ce que Flavius Josèphe croyait être. En effet, de deux choses l’une : soit Flavius Josèphe pensait à tort ou à raison que l’incendie fut de Néron et cela explique qu’il n’en parle pas car c’est un crime de Néron dont il dit ne pas vouloir parler ; et cela explique donc qu’il ne parle pas non plus de la persécution des chrétiens et du martyre de saint Pierre qui ne furent que des conséquences de cet incendie. Soit il pensait que l’incendie n’était pas de Néron, et alors son silence sur cet incendie et sur le meurtre de Sénèque, pourtant susceptibles d’intéresser tout l’empire, explique qu’il ne jugea pas utile non plus de parler de la mort de saint Pierre qui était un non-événement pour qui n’était pas chrétien.

F) A-t-on des preuves de la venue et du séjour de saint Pierre à Rome ?

Objection : la venue et le séjour de saint Pierre à Rome n’est soutenue par aucune preuve biblique ou archéologique, et aucun chrétiens des trois premiers siècles n’en ont jamais parlé.

Réponse : vous ne rêvez pas : ce sont bel et bien de vrais objections que d’ignobles menteurs ont osé répandre à travers les siècles. Pour ridicules que soient ces thèses, nous allons quand même y répondre. Et nous signalons au passage à ceux qui croient pour l’instant à ces fadaises que nous les considérons pas comme « d’ignobles menteurs », car eux ne font sans doute rien d’autre que reprendre honnêtement des erreurs qu’ils ont entendu, et comme le disait fort bien Joseph de MAISTRE :

« Les fausses opinions ressemblent à la fausse monnaie qui est frappée d’abord par de grands coupables, et dépensée ensuite par d’honnêtes gens qui perpétuent le crime sans savoir ce qu’ils font ». (Les soirées de Saint-Pétersbourg, 1821).

Voici donc notre réponse :

I Pierre V, 13: preuve biblique que saint Pierre est allé à Rome

L’Évangile selon saint Marc est la mise par écrit de la prédication de saint Pierre à Rome

Preuves du martyre et de la sépulture de saint Pierre à Rome

Témoignage de l’Eglise primitive sur le venue de saint Pierre à Rome

Les voyages apostoliques de saint Pierre qui expliquent ses longues absences de Rome bien qu’il en fut l’évêque

Réfutation des thèses de l’Ecole de Tübingen

Aveux des auteurs anti-catholiques que saint Pierre est venu à Rome

G) Saint Pierre et saint Paul, premiers évêques de Rome tous les deux ?

Objection : deux Pères de l’Eglises ont dit que le saint Pierre ne fut pas le premier évêque de Rome mais que saint Paul et lui le furent tous les deux en même temps. Il s’agit des deux Pères suivants :

Saint Irénée de Lyon (vers 125-vers 202) :

« Mais, comme il serait trop long de rappeler ici les noms de tous ceux qui ont successivement dirigé chacune des Églises, il suffira de rappeler les noms de ceux qui se sont succédé dans la direction de celle de ces Églises qui est la plus ancienne, la plus célèbre, celle qui fut fondée à Rome par les glorieux apôtres saint Pierre et saint Paul, qui a reçu d’eux-mêmes le précieux dépôt de la tradition et de la foi prêchée chez toutes les nations ; et nous laisserons en dehors de la communion des fidèles tous ceux qui, soit pour satisfaire leurs passions ou une vaine gloire, soit par aveuglement, soit par perversité, ont quitté les sentiers de la vérité. Car c’est à cette Église de Rome, à cause de sa primauté, que doivent se rattacher toutes les autres Églises et tous les fidèles répandus sur la terre, la considérant comme le principal dépôt de la tradition transmise par les apôtres. […] Les apôtres, après avoir fondé cette Église de Rome, en remirent l’administration à Linus, qu’ils en instituèrent évêque. Saint Paul, dans ses lettres à Timothée, fait mention de cet évêque Linus. » (Contre les hérésies, III, 3, 2-3)

Saint Épiphane de Salamine (vers 315-403) que nous avons déjà cité :

« Car les évêques de Rome étaient, d’abord Pierre et Paul, les apôtres eux-mêmes et aussi les évêques, puis Lin, puis Clet, alors Clément, contemporain de Pierre et Paul, que Paul mentionne dans l’Épître aux Romains.» (Panarion, ou Pharmacie contre toutes les hérésies, XXVII, 6, 2 P. G., t. XLI, col. 373)

« En tout cas, la succession des évêques à Rome est dans cet ordre : Pierre et Paul, Linus et Clet, Clément, Evariste, Alexandre, Xystus, Telesphore, Hygin, Pie et Anicet, dont j’ai parlé plus haut, sur la liste » (Panarion, ou Pharmacie contre toutes les hérésies, XXVII, 6, 7)

Réponse : avant d’expliquer cette formulation, nous pouvons déjà établir péremptoirement que saint Epiphane considérait saint Pierre comme le seul évêque de Rome. En effet, la première de ses deux citations complète donne ceci :

« Car les évêques de Rome étaient, d’abord Pierre et Paul, les apôtres eux-mêmes et aussi les évêques, puis Lin, puis Clet, alors Clément, contemporain de Pierre et Paul, que Paul mentionne dans l’Épître aux Romains. Et personne n’a besoin de se demander pourquoi les autres avant lui ont succédé aux apôtres dans l’épiscopat, même s’il était contemporain de Pierre et Paul — car lui aussi est le contemporain des apôtres. Je ne suis pas tout à fait au clair sur le fait qu’il ait reçu la nomination épiscopale de Pierre alors qu’ils étaient encore en vie, et qu’il refusa et n’exerça pas cet office—car dans une de ses épîtres il dit, donnant ce conseil à quelqu’un, “c’est moi qui apporte ici la sédition, la discorde, le schisme, je vais m’en aller où vous voudrez et je ferai ce que décidera l’assemblée ; seulement que le troupeau du Christ demeure dans la paix avec ses presbytres constitués,” [Lettre aux Corinthiens, 54, 2] (j’ai trouve cela dans certains travaux historiques) — ou s’il a été nommé par l’évêque Clet après la mort des apôtres. » (Panarion, ou Pharmacie contre toutes les hérésies, XXVII, 6, 2-4)

Nous ne pouvons pas savoir si cette thèse de la nomination de Clément par Pierre et de la renonciation de Clément est vraie. Toutefois tel n’est pas notre sujet. Tout ce qui nous intéresse dans notre cas est le fait que saint Epiphane désigne saint Pierre seul comme nominateur du premier des évêques post-apostoliques de Rome. Il le considérait donc lui aussi comme le seul évêque de la ville. Rien ne permet, dans ce qui nous est parvenu de lui, de dire la même chose de saint Irénée. Toutefois d’une part le raz-de-marée des autres Pères que nous avons déjà cité et qui parlent de saint Pierre seul comme du premier évêque de Rome, et d’autre part l’interprétation indiscutable du seul et unique autre témoignage parlant de Pierre et Paul, doivent au moins créer une présomption en faveur de l’épiscopat de Pierre seul à Rome dans la pensée d’Irénée. Mais voici une explication donnée par le Cardinal Louis BILLOT, SJ :

« Il arrive parfois que l’on associe saint Paul saint Pierre dans l’épiscopat de Rome, comme le font saint Irénée et saint Épiphane. Mais on doit entendre cela au sens où il est licite de désigner en même temps que l’évêque d’un siège son coadjuteur, surtout si cet évêque a été le premier occupant du siège et si son coadjuteur l’a aidé à établir ce siège ou s’il a apporté une contribution importante à la célébrité de ce siège. Il en va ainsi avec le siège de Rome, car la chaire de Rome devait se signaler non seulement par son autorité mais encore par l’éclat et la noblesse de ses origines. Or, Rome se signale par la noblesse de ses origines du fait qu’à ses débuts elle fut consacrée dans la sueur et dans le sang de ces deux apôtres, dont l’un fut l’apôtre des juifs et l’autre celui des gentils. À eux deux, ils résument parfaitement le charisme de l’apostolat, dont l’objet était de contribuer à la toute première fondation de l’Église, comme nous l’avons dit plus haut Cependant, le pouvoir du primat n’a été donné en héritage qu’à saint Pierre. » (L’Église, tome 2, n° 926, pages 441)

Nous disposons par ailleurs de deux témoignages qui donnent l’interprétation de la pensée patristique à ce sujet.

Saint Léon le Grand :

« Ce sont là, ô Rome, les deux hérauts qui ont fait resplendir tes yeux l’Évangile du Christ. Ce sont là tes pères et tes vrais pasteurs qui, pour t’introduire dans le royaume céleste, ont su te fonder, beaucoup mieux et avec bien plus de bonheur que ceux qui se donnèrent la peine de poser les premiers fondements de tes murailles. […l Ce sont ces deux apôtres qui t’ont élevée à un tel degré de gloire, que tu es devenue la nation sainte, le peuple choisi, la cité sacerdotale et royale, et, par le siège sacré du bienheureux Pierre, la capitale du monde ; en sorte que la suprématie qui te vient de la religion divine, s’étend plus loin que jamais ne s’est portée ta domination terrestre » (Premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul, chapitre 1, PL 54/422-423)

Dans ce passage, on voit bien que, même si saint Léon commence par dire que saint Pierre et saint Paul sont tous les deux les pères et les pasteurs de la ville de Rome, il réserve cependant à saint Pierre le siège épiscopal, en disant que c’est avec ce siège que Rome est devenue la capitale du monde. car c’est avec cc siège que Rome gouverne l’univers avec l’autorité du primat.

Et nous pouvons faire la même réflexion en lisant le Décret gélasien :

« Après (toutes ces) Ecritures prophétiques, évangéliques et apostoliques (que nous avons mentionnées plus haut) et sur lesquelles l’Eglise catholique, par la grâce de Dieu, est fondée, nous avons estimé devoir souligner également ceci, à savoir que si c’est bien à l’Eglise catholique répandue par tout l’univers que revient l’unique chambre nuptiale du Christ, pour autant la sainte Eglise romaine n’est pas placée devant les autres Eglises par des édits de synodes, mais elle a reçu la primauté de par la parole évangélique du Seigneur et Sauveur disant : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle [Matthieu XVI, 18], et je te donnerai les clés du Royaume des cieux, et tout ce que tu auras lié sur terre sera lié aussi au ciel, et tout ce que tu auras délié sur terre sera délié aussi au ciel [Matthieu XVI, 19]. A cela s’est ajouté également la compagnie du très bienheureux Apôtre Paul, le vase d’élection : ce n’est pas à un autre moment, comme le disent sottement les hérétiques, mais au même moment, le même jour, par une mort glorieuse avec Pierre, qu’il a été couronné en combattant, dans la ville de Rome, sous l’empereur Néron : et de la même manière ils ont consacré au Christ l’Eglise romaine susdite, et par leur présence et leur triomphe vénérable ils l’ont placée avant toutes les autres villes dans le monde entier. Le premier siège de l’apôtre Pierre est donc l’Eglise romaine qui n’a ni tache, ni ride, ni rien de semblable Ep 5,27. Le deuxième siège cependant fut consacré à Alexandrie au nom du bienheureux Pierre par le disciple et évangéliste Marc… Comme troisième est tenu en honneur le siège du bienheureux apôtre Pierre à Antioche, puisqu’il y a habité avant de venir à Rome, et que là est apparu pour la première fois le nom de  » chrétiens  » pour la race nouvelle voir Ac 11,26). Et bien que personne ne puisse poser d’autre fondement que celui qui a été posé et qui est Jésus Christ (voir 1Co 3,11), l’Eglise sainte, c’est-à-dire l’Eglise romaine, n’interdit pas que pour son édification, outre les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament que nous recevons selon la règle, soient reçus également ces autres écrits, à savoir : le saint synode de Nicée… ; (le saint synode de Constantinople… lors duquel l’hérétique Macedonius a reçu la condamnation méritée ) ; le saint synode d’Ephèse… ; le saint synode de Chalcédoine… (Mais également d’autres synodes, s’il en est, qui ont été tenus par les saints pères jusqu’à aujourd’hui et dont nous avons décrété qu’ils doivent être observés et reçus outre l’autorité de ces quatre.) » (Lettre décrétale sur les livres à recevoir ou à ne pas recevoir, aussi nommée Décret de Gélase ou Décret gélasien, III et IV, DS 350, 351 et 352)

H) Saint Lin évêque de Rome pendant la vie de saint Pierre selon le Liber pontificalis ?

Objection : le Liber pontificalis est un catalogue des évêques de Rome, accompagné d’une brève notice au sujet de chacun d’eux; or, alors qu’il est universellement admis que Pierre est mort entre 64 et 67, le Liber dit que :

« [Lin] était évêque au temps de Néron, depuis le consulat de Saturninus et Scipio (an 56) jusqu’à celui de Capito et Rufus (an 67) ».

Réponse : nous répondons à cette objection dans cet article.

I) Une surinterprétation d’un passage d’Eusèbe de Césarée

Objection : Eusèbe de Césarée (vers 260-vers 340) écrit :

« Pierre paraît avoir prêché dans le Pont, en Galatie, en Bithynie, en Cappadoce et en Asie aux juifs de la dispersion. Venu lui aussi à Rome en dernier lieu, il y fut crucifié la tête en bas, ayant demandé de souffrir ainsi. » (Histoire ecclésiastique, III, 1, 2)

Eusèbe en disant que saint Pierre se rendit à Rome « en dernier lieu » veut dire qu’il ne s’y rendit qu’à la fin de sa vie, soit après saint Paul et qu’il n’en fut pas le premier Evêque.

Réponse : c’est une surinterprétation grossière ! Il est malhonnête de prétendre faire dire à Eusèbe que ce voyage final à Rome eut lieu à la fin de sa vie et qu’il n’y resta que peu de temps, rien ne permet de l’affirmer !

Au contraire, nous avons démontré au début du présent article que saint Pierre était déjà présent à Rome entre 40 et 50, date à laquelle il avait déjà fait ses voyages en Asie mineure dont parle Eusèbe. Or il est incontesté que saint Pierre est mort entre 65 et 68 !

De plus, comme nous l’avons vu plus haut, Eusèbe lui-même a témoigné de l’épiscopat de saint Pierre à Rome, et encore, pas pour la seule fin de sa vie, mais bel et bien pendant 25 ans !

« L’apôtre saint Pierre […] ayant commencé par fonder une église à Antioche, partit ensuite pour Rome. Il prêcha l’Évangile et demeura évêque dans cette ville pendant vingt-cinq ans. » (Eusèbe, Chronique, Livre 2 dans PG 19/739-740)

Il évoque également l’épiscopat de saint Pierre à Rome dans son Histoire ecclésiastique. Certains le nie. Nous allons immédiatement démontrer que c’est bien le cas en réfutant cette dénégation.

J) Saint Lin « premier évêque de Romains » selon saint Irénée et Eusèbe de Césarée ?

Comme annoncé plus haut, après avoir établit que ces deux Pères faisaient de saint Pierre le premier Evêque de Rome, voici l’explication de certains de leurs propos équiviques. En effet, un doute pourrait surgir à la lecture de certains passage de saint Irénée et d’Eusèbe de Césarée : celui que le premier évêque de Rome fut non pas saint Pierre mais saint Lin.

Voici le passage de saint Irénée :

« Les apôtres, après avoir fondé cette Église de Rome, en remirent l’administration à Linus, qu’ils en instituèrent évêque. Saint Paul, dans ses lettres à Timothée, fait mention de cet évêque Linus. » (Contre les hérésies, III, 3, 3)

Eusèbe quant à lui, dans un chapitre intitulé « Qui fut le premier chef de l’Eglise des Romains », il écrit :

« Après le martyre de Paul et de Pierre, Lin le premier obtint la charge épiscopale de l’église des Romains. Paul fait mention de lui, lorsqu’il écrit de Rome à Timothée, dans la salutation à la fin de l’épitre. » (Histoire ecclésiastique, III, 2)

Dans un autre intitulé « Anaclet est le second évêque des Romains » :

« Vespasien ayant régné dix ans, l’empereur Titus, son fils, lui succède : la seconde année de son règne [80-81], Lin, depuis douze ans évêque de l’église des Romains, laisse sa charge à Anaclet. Titus a pour successeur son frère Domitien après deux ans et autant de mois de règne [13 septembre 81]. » (Histoire ecclésiastique, III, 13)

Et enfin dans un autre chapitre du titre de « Après lui, Clément est le troisième » :

 » La douzième année du même règne [92-93], Anaclet, ayant été évêque de l’église des Romains douze ans, a pour successeur Clément, que l’apôtre, dans sa lettre aux Philippiens, désigne comme le compagnon de son labeur par ces mots : « Avec Clément et mes autres collaborateurs, dont les noms sont au livre de vie. » » (Histoire ecclésiastique, III, 15)

1) Réfutation péremptoire

Nous commencerons par rappeler ce que nous avons déjà axposé plus haut avant de passer à une explication plus poussée.

Saint Irénée tout d’abord, déclara :

« Cerdon, l’un des adeptes de Simon, vint à Rome, sous Iginus, le neuvième évêque dans la succession apostolique ; il enseigna que le Dieu révélé par les prophètes n’était pas le père de notre Seigneur Jésus-Christ. L’un s’était révélé, l’autre restait ignoré ; l’un était juste, et l’autre bon. » (Contre les hérésies, I, 27, 1)

Or, pour que saint Hygin soit le neuvième évêque de Rome, il faut que saint Pierre soit le premier. Quant à Eusèbe, avant même de rédiger son Histoire ecclésiastique, savait déjà que l’épiscopat de saint Pierre dura 25 ans, ce qui exclut que pour lui saint Lin fut le premièr évêque de Rome :

« L’apôtre saint Pierre […] ayant commencé par fonder une église à Antioche, partit ensuite pour Rome. Il prêcha l’Évangile et demeura évêque dans cette ville pendant vingt-cinq ans. » (Chronique, Livre 2 dans PG 19/739-740)

« Lin, dont il mentionne la présence à Rome avec lui dans la seconde épître à Timothée, reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de l’église des Romains ainsi que nous l’avons déjà dit auparavant. » (Histoire ecclésiastique, III, 4, 8)

On notera qu’Eusèbe affirme que « Lin […] reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de l’église des Romains ainsi que nous l’avons déjà dit auparavant« . Cela signifie que l’occurrence précédente de l’épiscopat de saint Lin à Rome qu’il fit, était dans son esprit équivalente à celle qu’il vient de faire. Or la précédente occurrence est précisément une des citations qui sont censées fonder l’objection :

« Après le martyre de Paul et de Pierre, Lin le premier obtint la charge épiscopale de l’église des Romains. Paul fait mention de lui, lorsqu’il écrit de Rome à Timothée, dans la salutation à la fin de l’épitre. » (Histoire ecclésiastique, III, 2)

Pour Eusèbe, il est donc équivalent de dire que « Après le martyre de Paul et de Pierre, Lin le premier obtint la charge épiscopale de l’église des Romains » et que « Lin reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de l’église des Romains« . C’est un fait que nous ne pouvons pas ne pas constater.

2) Quelques explications

Voyons maintenant le fond de l’affaire. Les formulations alléguées contre l’épiscopat de Pierre sont en fait mal comprises. formulations sont en réalité mal comprises. Non seulement elles n’excluent pas que Pierre fut le premier évêque de Rome, mais elles l’expriment d’une autre manière.

a) Chez Eusèbe de Césarée

Il suffit de lire ce que dit Eusèbe un peu plus bas pour s’en rendre compte. Ce dernier, dans un chapitre intitulé « La première succession des apôtres », écrit :

« Lin, dont il [Paul] mentionne la présence à Rome avec lui dans la seconde épître à Timothée, reçut, comme premier successeur de Pierre, le gouvernement de l’église des Romains ainsi que nous l’avons déjà dit auparavant. Mais Clément, lui aussi leur troisième évêque, a été également, au témoignage de Paul, son auxiliaire et compagnon de ses combats. » (Histoire ecclésiastique, III, 4, 8-9)

C’est clair comme de l’eau de roche : Lin est successeur de Pierre dans le gouvernement de l’église des Romains et Clément, mentionné à tort comme le successeur direct de Lin, est explicitement désigné comme troisième évêque de Rome ! Pareillement, Eusèbe dit en un autre endroit :

« Nerva ayant régné un peu plus d’un an, Trajan lui succède : dans la première année de ce prince [98], Avilius ayant gouverné l’église d’Alexandrie pendant treize ans, fut remplacé par Cerdon. Celui-ci était le troisième des évêques de ce pays ; Annianus avait été le premier. En ce temps, Clément était encore chef de l’église des Romains et lui aussi venait au troisième rang après Paul et Pierre ; Lin avait été le premier évêque et Anaclet le second. » (Histoire ecclésiastique, III, 21)

Ce passage nous apprend deux choses. Premièrement Lin et les suivants ne se succédèrent sur le siège de Rome qu’après les apôtres Pierre et Paul. Deuxièmement, les mentions d’Avilius et Cedron comme les troisième et quatrième Evêques d’Alexandrie dans un décompte ne tenant pas compte de saint Marc comme premier Evêque nous apprennent que cette omission n’exclut pas, chez l’auteur, que le fondateur apostolique du siège ait été effectivement Evêque. Et de fait, Eusèbe est formel : Marc eut le gouvernement de l’Eglise d’Alexandrie :

« Néron en était à la huitième année de son règne [61-62], quand Annianus fut le premier qui, après Marc l’évangéliste, obtint le gouvernement de l’église d’Alexandrie. » (Histoire ecclésiastiques, II, 24)

L’évidence s’impose : Annianus obtint le premier le gouvernement de l’église d’Alexandrie après Marc, qui n’est pourtant pas désigné comme évêque alors que la phrase signifie bien qu’il en eut le gouvernement.

Il y a encore d’autres exemples chez Eusèbe. Nous pouvons mentionner la citation que fait Eusèbe de la réfutation par des auteurs du début du IIIè siècle de l’hérésie d’Artémon :

« Victor, le treizième évêque de Rome à partir de Pierre » (Histoire ecclésiastique, V,  28, 3)

Ici, de deux choses l’une : soit les auteurs cités Eusèbe se trompent en pensant que Victor fut le treizième évêque de Rome (ce qui est plausible étant donné que plusieurs ont confondu Anaclet et Clément en une seule personne), alors nous avons affaire à une mention explicite de Pierre comme premier évêque de Rome ; soit ils savaient Victor en était le quatorzième évêque,  alors les mots « à partir de Pierre » signifient que le décompte commence après lui, ce qui implique qu’il était évêque auparavant. Sinon cette mention n’aurait pas de sens. D’autant plus qu’il est ici mentionné seul, sans Paul. Dans la même veine, nous pouvons citer Eusèbe lui-même qui dit qu’

« Evariste, après avoir occupé huit années entières le siège de Rome, le laissa à Alexandre qui eut le cinquième rang depuis Pierre et Paul. » (Histoire ecclésiastique, IV, 1)

Encore une fois, le rang est compté depuis les apôtre, donc après leur mort car c’est en cette ville qu’ils sont morts après plusieurs années d’apostolat. Cela est encore confirmé par ce qu’Eusèbe dit des premières successions sur le siège d’Antioche :

« Mais à Antioche, après Evodius qui en fut le premier évêque, en ce temps-là, Ignace en a été le second. Siméon fut pareillement le second qui, après le frère de notre Sauveur, eut à cette époque la charge de l’église de Jérusalem. » (Histoire ecclésiastique, III, 22)

Et pourtant, Eusèbe dit bien plus bas que saint Ignace fut Evêque d’Antioche dans la succession de saint Pierre :

« En ce temps, Papias, lui aussi évêque d’Hiérapolis, était en réputation, ainsi qu’Ignace, maintenant encore si connu. Celui-ci avait obtenu au second rang la succession de Pierre dans l’église d’Antioche. » (Histoire ecclésiastique, III, 36, 2)

Et en même temps nous pouvons par noter l’impossibilité matérielle qu’il n’y eut pas d’évêque de Rome avant Lin dans la pensée d’Eusèbe. En effet, dans le passage que nous avons cité de lui, il dit que Lin était évêque de Rome depuis douze ans en 80-81, ce qui signifie qu’il devint selon lui évêque en 68 (c’est la date extrême parfois donnée de la mort de Pierre). Or il nous dit que Pierre vint à Rome

« tout au début du même règne de Claude » (Histoire ecclésiastique, II, 14, 6)

Or, Claude régna à partir de 41. Inutile de dire qu’en dehors de toute considération partisane catholique ou anti-catholique, il est impensable qu’une ville de l’importance de Rome fut ainsi laissée sans évêque pendant près de 30 ans ! Surtout lorsqu’on se rappelle les mots de saint Paul cités plus haut, qui rendent grâce de la « foi [des Romains qui] est renommée dans le monde entier. » (Romains I, 8). Si leur foi est renommée dans le monde entier, cela implique d’une part que les chrétiens y sont nombreux (cf. les salutations finales de l’Epître aux Romains qui sont les plus longues de toutes les Epîtres), ce qui veut dire fatalement qu’ils avaient un évêque, car on ne laisse pas une si importante communauté sans chef, et d’autre part que leur foi était pure de toute erreur, ce qui est inenvisageable sans un évêque pour veiller au grain de l’orthodoxie, car des croyants sans autorité livrés à eux-mêmes dérivent vite en une foule d’opinions contraires et fausses, il y avait donc un évêque qui assurait hiérarchiquement la pureté de la foi des chrétiens de la ville.

Mais pourquoi cette différence de formulation ? La réponse est que le terme d' »évêque » et de « gouverneur d’église locale » ne se superposent pas exactement. Effet, un « gouverneur d’église locale » est a fortiori évêque, mais un évêque, et ce fut le cas des apôtres, n’est pas forcément que « gouverneur d’église locale ». En effet, Pierre à Rome et Marc à Alexandrie avaient la charge d’évêque pour ces villes, mais ils devaient aussi vaquer à des travaux apostoliques en d’autres contrées. Aussi, nous voyons chez Eusèbe d’un côté Pierre et Marc décrit comme les premiers gouverneurs des Eglises de Rome et Alexandrie sans en être appelé « évêques », et d’un autre côté, nous voyons saint Jacques décrit comme « évêque » de Jérusalem (Histoire ecclésiastique, II, 23 et VII, 19) ; quelle différence entre ces deux premiers et ce dernier ? Tout simplement parce que selon la Tradition, Pierre et Marc se consacrèrent à des voyages apostoliques en plus de leurs épiscopats respectifs, alors que Jacques stationna toujours à Jérusalem pour être l’évêque des juifs de Palestine devenus chrétiens. C’est ainsi que Pierre par exemple, au témoignage de saint Innocent Ier (mort en 417), de la Tradition constante, des anciens auteurs ecclésiastiques, ainsi que des historiens, partit depuis son siège de Rome pour évangéliser le reste de l’Italie, ainsi que les Gaules, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Afrique latine, la Numidie, la Lybie, la Cyrénaïque, dans l’Egypte, la Thébaïde, dans l’Ethiopie. La description et les preuves ses voyages apostoliques sont consultables dans cet article. Ce n’est qu’après leur mort que le gouvernement de leurs églises particulières ne passa à un évêque qui n’avait pas d’autre charge que d’exercer ce gouvernement et qui n’avaient alors que la charge d' »évêque », à savoir de « surveillant », de « superviseur », selon la racine grecque « épiscopoï ».

b) Chez saint Irénée de Lyon

Qu’en est-il de saint Irénée ? Il faut savoir qu’il écrivit son magistral traité Contre les hérésies, en grec et qu’il fut par la suite traduit en latin. L’original grec ayant été perdu, c’est à partir la version latine que les traductions vernaculaires furent établies. Aussi pouvons-nous penser qu’une erreur, un oubli plus précisément, s’est glissée lors de la traduction du grec. En effet, Eusèbe de Césarée, lui-même de langue grecque, disposait du texte grec de Contre les hérésies, et il est fort probable que ce soit ce dernier qu’il cite sans toutefois en mentionner la source, dans le passage que nous avons mentionné au début de cette section :

« Après le martyre de Paul et de Pierre, Lin le premier obtint la charge épiscopale de l’église des Romains. Paul fait mention de lui, lorsqu’il écrit de Rome à Timothée, dans la salutation à la fin de l’épitre. » (Histoire ecclésiastique, III, 2)

Tout le monde conviendra de la ressemblance frappante avec le texte actuel d’Irénée :

« Les apôtres, après avoir fondé cette Église de Rome, en remirent l’administration à Linus, qu’ils en instituèrent évêque. Saint Paul, dans ses lettres à Timothée, fait mention de cet évêque Linus. » (Contre les hérésies, III, 3, 3)

Cela prouve tout simplement qu’Irénée avait la même manière d’évoquer les successions épiscoplales qu’Eusèbe, ou plutôt qu’Eusèbe avait la même manière de s’exprimer que saint Irénée : chez eux, l’omission du fondateur apostolique d’un siège comme premier Evêque n’exclut pas que ce fondateur apostolique ait été effectivement Evêque.

Cela semble dire que Lin ne devint évêque qu’après le mort de Pierre : le texte latin actuel de saint Irénée ne le mentionne plus, mais c’est sans doute un oubli d’un copiste car dans ce qui est visiblement une citation chez Eusèbe, il est bien dit : « Après le martyre de Paul et de Pierre ». Et pourquoi cela sinon parce que Pierre était évêque lui-même ? Cela semble assez évident. Mais même dans le cas contraire, même si le texte originel de saint Irénée ne contenait pas la mention du martyre de Pierre et Paul, cela ne signifierait nullement que qu’Irénée niait que Pierre fut évêque de Rome, cela voudrait juste dire qu’il avait le même langage qu’Eusèbe dans les autres passages cités de lui.

Par ailleurs, il n’est pas possible que saint Irénée ait envisagé que Clément comme le « troisième » évêque de Rome à l’exclusion de saint Pierre. En effet, si tel était le cas, il l’aurait été juste après le martyre de Pierre et Paul, c’est du moins très souvent ce que disent les tenants de être théorie. Or, après avoir mentionné Lin, Irénée écrit :

« Son successeur fut Anaclet : après Anaclet ce fut Clément que l’on investit de l’épiscopat ; celui-ci avait connu les apôtres et conversé avec eux, il avait encore toutes vivantes dans son souvenir leurs prédications et les instructions relatives à la tradition ; et il n’était pas le seul, car il existait encore alors beaucoup d’autres personnages qui avaient reçu les enseignements de la foi de la bouche même des apôtres. » (Contre les hérésies, III, 3, 3)

Mais si Clément avait été évêque juste après la mort, Pierre et Paul, Irénée n’aurait jamais écrit qu' »il restait encore à cette époque beaucoup de gens qui avaient été instruits par les apôtres », car cela aurait été inutile étant donné que tous les chrétiens auraient été dans ce cas ! Si Irénée fait cette précision, c’est que Clément fut évêque bien longtemps après la morts des eux apôtres.

3) Un langage identique chez saint Jérôme (347-420)

Plus tard, ce grand érudit qui eut accès à toute la meilleure documentation qu’offrait son époque, écrivit dans son Livre des Hommes illustres qu’Hégésippe de Jérusalem :

« vint à Rome sous Anicet, dixième évêque depuis Pierre, et qu’il y resta jusqu’à l’épiscopat d’Eleuthère, jadis diacre d’Anicet. » (Chapitre XXII)

Or saint Anicet était le 11è évêque de Rome si on compte saint Pierre. Aussi est sans doute pour cela qu’il est dit qu’il fut le dixième évêque depuis Pierre, de la même manière que Eusèbe disait que Victor était treizième évêque de Rome à partir de Pierre (Histoire ecclésiastique, V,  28, 3)

Et il dit de l’Evêque de Rome saint Victor :

« Treizième évêque de Rome, écrivit quelques opuscules sur la célébration de la fête de Pâques et sur divers sujets. Il dirigea l’Eglise pendant dix ans sous le règne de Sévère. » (Chapitre XXXIII)

Or pour que saint Victor ait été le treizième Evêque de Rome, il faudrait normalement que saint Pierre ne le soit pas. Mais comme nous venons de le voir : Eusèbe en parlait certes comme du treizième évêque de Rome, mais « a partir de Pierre« .

Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, saint Jérôme affirma à plus d’une reprise qu’il croyait que saint Pierre fut Evêque de Rome ! Cela prouve que dans le langage de l’Eglise primitive, le fait de numéroter les Evêques de Rome comme si saint Pierre n’en faisait pas partie ne signifie nullement qu’il n’aurait pas été considéré comme tel. En effet, dans le premier chapitre consacré à saint Pierre il écrit :

« Fils de Jean, frère d’André apôtre, et prince des apôtres, naquit à Bethsaïdeen Galilée. Après avoir fondé l’Eglise d’Antioche, dont il fut l’évêque, et après avoir prêché l’Évangile aux Juifs convertis qui étaient dispersés dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie-Mineure et la Bithynie, il vint à Rome la deuxième année du règne de l’empereur Claude, pour confondre Simon-le Magicien. Il y occupa pendant vingt-cinq ans la chaire pontificale, jusqu’à la quatorzième et dernière année du règne de Néron, époque à laquelle il reçut la palme du martyre. » (Chapitre I)

Et au chapitre consacré à saint Clément, il écrit que ce dernier :

« fut après Pierre le quatrième évêque de Rome; Lin avait été le second et Anaclet le troisième. Toutefois, la plupart des Latins pensent que Clément succéda immédiatement à Pierre. » (Chapitre XV)

Nous avons vu plus haut la raison de cette erreur des Latins : il s’agit de l’influence du Roman pseudo-clémentin. Toutefois autant cette idée des Latins que la phrase qui précède prouve que la foi de l’Eglise universelle était que saint Pierre fut le premier Evêque de Rome.

Et pour saint Jérôme, l’épiscopat de saint Pierre sur Rome n’est pas qu’une opinion mais un fait dogmatique auquel il suspend la prédication authentique de la foi et la nécessité de la communion pour le salut. En effet, saint Jérôme est connu pour plusieurs lettres au Pape saint Damase, il évoque sans cesse et de manière tonitruante la primauté et l’infaillibilité romaine en l’associant au siège de saint Pierre, en voici des exemples :

« Comme l’orient, agité de ses anciennes furies, met en lambeaux la robe du Seigneur, robe sans couture et d’un seul tissu; que les renards dévastent la vigne du Christ , et que parmi tant de citernes entrouvertes qui ne sauraient garder l’eau, il est difficile de découvrir où est la fontaine scellée et le jardin fermé, j’ai cru devoir consulter la chaire de Pierre et cette foi louée par la bouche de l’Apôtre, et chercher la nourriture de mon âme, au lieu même où jadis je reçus les vêtements du Christ. La vaste étendue du liquide élément et ce long espace de terres ne m’ont pas empêché d’y aller chercher la perle précieuse. «Partant où sera le corps, là se rassembleront les aigles.» (Lc 17,37).

Pendant que des enfants pervers dissipent leur patrimoine, vous seuls conservez intact l’héritage de vos pères. Chez vous, le sol riche et fécond, rend au centuple la pure semence du Seigneur; chez nous le froment, étouffé dans les sillons, dégénère en ivraie et en chaume. Aujourd’hui dans l’Occident se lève le soleil de justice, tandis que dans l’Orient ce lucifer qui était tombé, a établi son trône au-dessus des astres. «Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre,» (Mt 5,13-14) vous êtes des vases d’or et d’argent; ici nous n’avons que des vases d’argile ou de bois qui attendent la verge de fer et les feux éternels.

Quoique votre grandeur m’effraie, votre humanité cependant me rassure. Victime, je demande au prêtre le salut; brebis, je réclame l’appui du pasteur. Loin donc l’envie calomnieuse; que la splendeur du siège romain disparaisse; je parle au successeur du pêcheur, et au disciple de la croix. Moi, qui ne veux suivre personne autre que le Christ, je communique avec votre béatitude, c’est-à-dire, avec la chaire de Pierre; je sais que l’Église est bâtie sur cette pierre. Quiconque mange l’agneau hors de cette maison est un profane. Quiconque ne se trouvera point dans cette arche de Noé périra lors du déluge.

Et comme, pour pleurer mes crimes, je me suis retiré dans cette solitude qui sépare la Syrie d’avec le pays des Barbares, et que je ne puis, vu mon grand éloignement, demander toujours de votre sainteté le saint du Seigneur, je communique ici avec les confesseurs égyptiens vos collègues, et je me cache, humble chaloupe, parmi ces vaisseaux de haut bord. Je ne connais pas Vitalis, je rejette Meletius, j’ignore ce que c’est que Paulin. Quiconque n’amasse pas avec vous dissipe, c’est-à-dire, celui qui n’appartient pas au Christ appartient à l’antichrist. » (Lettre 14, 15 ou 57, suivant les classifications, à Damase, n°1 et 2 ; PL, 22/355-356)

Après ce témoignage de sa foi en l’institution divine de la Papauté, il nous en montre un exemple pratique en affirmant qu’il est selon lui dangereux de parler de Dieu comme étant « trois hypostases », mais déclare d’avance se soumettre à une telle formulation si l’évêque de Rome lui en donne le commandement :

« Demandons-leur ce qu’ils pensent qu’on peut entendre par trois hypostases ? Ils disent que ce sont trois personnes subsistantes; répondrons-nous que c’est là notre croyance ? Le sens ne suffit pas; ils veulent les paroles elles-mêmes, parce qu’il y a je ne sais quel venin caché sous ces mots. Nous crions : Si quelqu’un ne confesse pas trois hypostases, c’est-à-dire, trois personnes subsistantes, qu’il soit anathème. Mais, parce que nous n’usons pas de leurs termes, nous passons pour hérétiques. Que si par le mot d’hypostase, on entend la substance, et qu’on ne dise pas qu’il n’y a qu’une hypostase en trois personnes, on est séparé de Jésus Christ; c’est sur cela qu’on me reproche d’être uni avec vous par la même confession de foi. Décidez, je vous en conjure; si vous le jugez à propos, je ne craindrai pas de dire qu’il y a trois hypostases; si vous l’ordonnez, que l’on fasse une nouvelle confession de foi, après celle de Nicée, et que nous autres orthodoxes, nous nous servions pour expliquer notre sentiment, des mêmes termes que les ariens. […]

Si néanmoins vous jugez à propos qu’il faille confesser trois hypostases, en expliquant ce que l’on entend par ces mots, nous ne nous y opposons pas. […]

C’est pourquoi je conjure votre béatitude, au Nom du Crucifié, qui a sauvé le monde, au Nom de la Trinité, qui n’a qu’une même substance, de me mander si je dois confesser ou ne confesser pas trois hypostases.  » (Lettre 14, 15 ou 57, suivant les classifications, à Damase, n°3 et 5 ; PL, 22/356-358)

Saint Jérôme témoigne encore de sa foi en la Papauté peu de temps après dans une autre lettre adressée au même Pape saint Damase :

« Poursuivi sans cesse par un implacable ennemi, je soutiens dans la solitude des guerres plus cruelles que jamais. D’un côté frémit la rage de l’hérésie arienne, appuyée sur les puissants du jour; de l’autre, une Église divisée en trois parties, s’efforce de m’attirer à elle. L’ancienne autorité des moines voisins s’élève contre moi. Cependant, je ne cesse de crier. Quiconque est uni à la chaire de saint Pierre se trouve de mon parti. Mélétius, Vitalis et Paulinus disent qu’ils sont dans votre communion; je pourrais le croire, s’il n’y en avait qu’un seul qui l’affirmât. Maintenant, ou deux d’entre eux ou eux tous disent un mensonge.

Je conjure donc votre béatitude, par la croix du Seigneur, par la gloire nécessaire de notre foi, la passion du Christ, d’imiter par votre zèle ceux dont vous occupez le rang. Puissiez-vous, assis sur le trône, juger avec les douze disciples; puisse un autre vous ceindre dans votre vieillesse, comme on le fit à Pierre; puissiez-vous obtenir, avec Paul, le droit de cité dans le ciel ! Faites-moi savoir par votre lettre avec qui je dois communiquer dans la Syrie. Ne méprisez pas une âme pour laquelle est mort Jésus Christ. » (Lettre 16, ou 58, suivant les classifications, à Damase ; PL, 22 / 358-359)

Et on doit remarquer que saint Jérôme ne fait pas de différence entre le Christ et le pape lorsqu’il s’agit de la foi ; car on peut voir clairement qu’il se place à ce dernier point de vue si on lit sa lettre quatre.

4) Les témoignages postérieurs à Eusèbe

Les témoignages postérieurs à Eusèbe sont quant à eux unanimes à faire de Pierre le premier évêque de Rome comme nous l’avons vu. Ce fait constatable exclut d’ailleurs que ce ne fut pas le sentiment commun des trois premiers siècles, car il aurait été impossible qu’une telle innovation s’impose de manière aussi brusque et universelle, alors même que la croyance orale et écrite établie en tout lieu aurait affirmé le contraire. Il est de plus impossible de prétendre que cette doctrine fut une nouveauté imposée par le siège romain ayant pris une importance politique et/ou par le pouvoir civil car les témoignages ultérieurs ne sont en substance rien d’autre que ce qu’écrivait saint Cyprien au temps des persécutions comme nous l’avons écrit plus haut.

K) Une ambigüité chez Tertullien

Objection : Tertullien (vers 160 – vers 230) dit que Clément fut le premier évêque de Rome :

« C’est ainsi que les Eglises vraiment apostoliques justifient qu’elles le sont. Ainsi l’Eglise de Smyrne montre Polycarpe, que Jean lui a donné pour évêque; et l’Eglise de Rome, Clément, ordonné par Pierre. Toutes nous montrent de même ceux que les Apôtres ont établi leurs évêques, et par le canal de qui elles ont reçu la doctrine apostolique. » (De la prescription contre les hérétiques, XXXII)

Réponses : on se rend aisément compte que cette objection n’en est pas une ! En effet, d’une part comme nous l’avons vu plus haut, ne pas désigner un apôtre ou un évangéliste comme Evêque d’une ville qu’il évangélisa ne signifie pas qu’il ne le fut pas, surtout dans les premiers siècles. Et d’autre part, lire que Tertullien a dans ces mots dit que saint Clément fut le premier Evêque de Rome est de toute façon inopérant pour prouver quoi que ce soit car si certains nient que saint Pierre le fut, personne ne prétend que ce fut Clément. Par ailleurs, cette formule peut aussi s’expliquer par la manière dont s’est transmis l’épiscopat romain après saint Pierre, nous l’expliquons entre autre dans cet article.

Rappelons-nous saint Cyprien que nous avons cité plus haut parlant de Rome comme de la « chaire de Pierre » tint constamment Tertullien en haute vénération. Saint Jérôme dit à ce sujet :

« J’ai connu un vieillard de Concordia en Italie, qui dans sa jeunesse avait été secrétaire du bienheureux Cyprien. Il me racontait que ce saint homme, déjà d’un âge avancé, ne pouvait. passer un seul jour sans lire Tertullien, et que quand il demandait ses ouvrages, il disait ; « Apportez-moi le maître. » » (Les hommes illustres, chapitre 53, consacré à Tertullien)

Saint Cyprien aurait-il parlé ainsi si Tertullien avait pensé autrement ? C’est peu probable !

La seule chose sur laquelle Tertullien veut attirer notre attention est la fondation apostolique de l’Eglise de Rome par Pierre, dont Clément ne fut qu’un des illustres de ces premiers évêques. En effet, il écrivit une célébrissime Lettre aux Corinthiens. Cette Lettre eut un retentissement phénoménal à travers les siècles ! D’abord, saint Polycarpe de Smyrne, disciple de l’apôtre saint Jean, écrit vers 110 sa Lettre aux Philippiens en copiant le plan de la Lettre de Clément. Quelques décennies plus tard, ces diocésains rédigent le récit de son Martyre, la prière finale est une copie de la prière finale de la Lettre de Clément. Vers 166, l’évêque saint Denys de Corinthe écrit que cette Lettre était encore lue dans lors des messes corinthiennes (Histoire ecclésiastique, IV, 23, 11). Hégésippe de Jérusalem, le plus ancien historien de l’Eglise fait mention de cette lettre (Histoire ecclésiastique, III, 16 et IV, 22, P. G., t. XX, col. 249, 377) ; saint Irénée de Lyon la mentionne en 185 dans la liste des évêques de Rome (Contre les hérésies, III, 3, 3), il s’y attarde longuement pour en décrire le contenu et ne fait de même pour aucun des autres évêques de la liste ; enfin, Eusèbe rapporte qu’à son époque encore (vers 260-vers 340), cette lettre est « en beaucoup d’églises » et « publiquement dans les réunions communes » et il dit d’elle qu’elle est « admirable » (Histoire ecclésiastique, III, 16). Clément d’Alexandrie (vers 155-vers 215) et Origène en citent de nombreux passages.

« Tel était dans l’Eglise primitive le prestige de saint Clément de Rome, que nombre d’écrits anonymes se sont comme à l’envi couverts de son nom. Il sera parlé des principaux, du roman ébionite des Pseudo-Clémentines, des lettres aux vierges et de décrétales de saint Clément, à l’article [l’article] CLEMENTINS (Apocryphes). Les Constitutions Apostoliques, au Ve siècle, sont censées rédigées par Clément, P. G., t. I, col. 557-1156. Voir [l’article] CONSTITUTIONS APOSTOLIQUES. Les 84 (85) canons grecs, dits des apôtres, étaient attribués à saint Clément, disciple des apôtres, voir t. II, col. 1605-1612, ainsi que les 127 canons coptes-arabes, qui ne sont qu’une partie de l’Octateuque de Clément. Voir, t. II, col. 1612-1618. Plus tard encore, une liturgie syriaque à l’usage des jacobites, distincte de la liturgie du VIIIe livre des Constitutions apostoliques, se présenta sous le nom du même pape. Une traduction latine, faite sur le ms. 3921 de Colbert (Bibliothèque nationale, syriaque 76), a été publié par Renaudot, Liturg. oriental. collectio, Paris, 1716, t. II, p. 186-201, et rééditée, P. G., t. II, col. 603-616. Cf. Villien, L’abbé Eusèbe Renaudot, Paris, 1904, p. 197. » (P. GODET, op. cit.)

« Tous les écrivains grecs, depuis la première partie du second siècle jusqu’à Photius, en ont fait les plus pompeux éloges. Denys de Corinthe nous apprend qu’on le lisait de son temps dans l’Eglise de Corinthe. Clément d’Alexandrie et Origène lui attribuent une autorité apostolique et le considèrent presque comme une partie de la sainte Ecriture. Eusèbe de Césarée atteste qu’on le lisait publiquement depuis les premiers temps dans les Eglises, mais il a soin cependant de ne pas le placer parmi les livres canoniques, comme semble le faire le canon LXXXV des Constitutions apostoliques. […] La célébrité de l’écrit de saint Clément a duré sans interruption, dans l’Eglise orientale, jusqu’à Photius, qui en a parlé avec grand éloge dans sa Bibliothèque (c. CXIII). Mais les progrès du schisme et sa funeste prédominance on effacèrent peu à peu le souvenir dans l’Eglise grecque, dont il condamnait manifestement la révolte contre l’autorité du Saint-Siège. » (Article du docte abbé DANIEL paru dans l’Univers, mai ou juin 1877)

Cette lettre eut un tel succès que l’original grec a connu des traductions en plusieurs langues. Une version latine remontant au IIe ou IIIe siècle, soit presque contemporaine de l’écriture du texte original en grec, se trouve dans un manuscrit du XIe siècle dans la bibliothèque du Grand Séminaire de Namur (http://www.cicweb.be/fr/manuscrit.php?id=62). Saint Ambroise de Milan (vers 340-397) semble d’ailleurs avoir connu cette lettre. Ont été publiées aussi des versions antiques syriaque (B. Sailors, Review of The Apostolic Fathers: Greek Texts and English Translations : in Bryn Mawr Classical Review, 2009.07.08) et copte (Clement of Rome: the Manuscripts of « 1 Clement »).

Aussi devons-nous quoi qu’il en soit présumer qu’il a tenu la même doctrine que tous les autres Pères, à savoir que saint Pierre fut le première Evêque de Rome, conformément au principe posé par les Pères de l’Eglise selon lequel ils doivent tous être interprétés dans le même sens, lorsque cela n’est pas rendu impossible :

« Il ne convient pas d’opposer les Pères les uns aux autres, car ils sont tous Pères ; il serait contraire à la piété de décréter que les uns ont bien parlé tandis que les autres se sont mal exprimés, car tous se sont endormis en Christ. […] Il n’est pas permis de mettre en cause les uns ou les autres, car tous ont pris le soin des enseignements de Christ, tous ont dépensé leur zèle pour confondre les hérétiques. » (Saint Athanase, Des conciles, n° 43 et 45, PG, XXVI, 767-775)

« Si un auteur pèche dans son expression, on doit vérifier qu’elle est la foi qu’il professe. […] Même si l’expression est équivoque, l’intention ne l’est pas et c’est elle qui couvre de son ombre la parole et l’empêche de tomber dans quelque faute. » (Saint Ambroise, Lettre 48 à Sabinius, n°6, PL, XVI, 1153)

Saint Augustin (354-430) dit que l’Occident et l’Orient ont la même foi parce que c’est la même Tradition qui leur a été enseignée depuis les apôtres :

« Ou bien, les jugez-vous dignes de mépris parce qu’ils appartiennent tous à l’Eglise d’Occident, et parce que je ne vous ai nommé aucun évêque d’Orient? Que faire donc, puisqu’ils sont Grecs et que nous sommes Latins? Je suppose que vous devez vous contenter de cette partie de l’univers, dans laquelle le Sauveur a voulu couronner de la palme du martyre le premier et le chef de ses Apôtres. Si vous aviez écouté la voix d’Innocent qui gouverne aujourd’hui cette Eglise, vous auriez échappé aux pièges nombreux que les Pélagiens tendaient sous les pas de votre ardente et périlleuse jeunesse. En effet, répondant aux conciles d’Afrique, que pouvait leur dire ce saint Pontife, sinon que le Siège apostolique et l’Eglise romaine conservent l’unité avec et dans toutes les autres églises ? Et cependant vous accusez de prévarication son successeur Zozime, parce qu’il a refusé de condamner la doctrine des Apôtres et de son prédécesseur. […]

C’est donc en vain que vous en appelleriez aux évêques de l’Eglise orientale ; ces évêques sont chrétiens, et dans les deux parties du monde il n’y a qu’une seule et même foi ; pour ce qui vous regarde, c’est la terre occidentale qui vous a engendré, comme c’est l’Eglise occidentale qui vous a régénéré. Que voulez-vous: donc jeter dans son sein, que vous n’y ayez pas trouvé, quand elle vous a reçu parmi ses membres ? Que cherchez-vous à lui ravir, que vous ne l’ayez vous-même reçu dans ses bras ? » (Contre Julien, Livre 1, chapitre 4, n°13 et 14, PL tome 44, colonnes 648-449)

Théodoret de Cyr (393-458) parle de :

« la grâce de l’Esprit qui instruit les fidèles pour que tous partagent la même croyance, par-delà les monts et les mers. » (Dialogue I « Immutabilis », PG, 83, 79)

Facundus d’Hermiame (mort en 571) fait lui aussi mention de cette règle, bien qu’il ait tort de vouloir en faire bénéficier Théodore de Mopsueste (Père Denys PÉTAU, SJ, 1583-1652, « Prolégomènes », chapitre 2, n°8 dans Théologie dogmatique, tome 1)

Et même dans l’hypothèse où Tertullien aurait voulu dire que Clément fut évêque du temps de Pierre, nous devons regarder son opinion comme fausse car nous préférons nous référer à Hégésippe, Irénée et Eusèbe et tous les autres que nous avons cité. Hégésippe qui vint à Rome pour y rédiger ses Mémoires (Histoire ecclésiastique, IV, 22) et qui savait donc de quoi il parlait. Irénée qui lui aussi vint à Rome (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 4 et 5) dont il estime beaucoup la Tradition et ses évêques, il nous l’apprend lorsqu’il dit que sa Tradition est parvenue :

« jusqu’à nous par des successions d’évêques […] car avec cette Église [de Rome], en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s’accorder toute Église, c’est-à-dire les fidèles de partout, — elle en qui toujours, au bénéfice de ces gens de partout, a été conservée la Tradition qui vient des apôtres. » (Contre les hérésies, III, 3, 2)

Or au paragraphe suivant, il place Clément après Lin et Anaclet. Eusèbe enfin qui avec la rigueur de l’historien, fait commencer l’épiscopat de Clément la douzième année du règne de Domitien, donc partir de 92-93 (Histoire ecclésiastique, III, 15).

L) Les affirmations des Constitutions apostoliques

Objection : Les Constitutions apostoliques, transmises par Clément de Rome et par conséquent de première qualité pour connaître l’enseignement des apôtres, affirment que Lin fut établi évêque de Rome par saint Paul et Clément comme son successeur par saint Pierre, ce dernier ne fut donc jamais évêque de Rome :

« Au sujet de ces évêques qui ont été ordonnés durant notre vie, nous allons vous dire qu’il s’agit des suivants : Jacques l’évêque de Jérusalem, le frère de notre Seigneur ; à sa mort le second fut Siméon le fils de Cleopas ; après cela le 3ème fut Judas fils de Jacques. De Césarée de Palestine, le premier fut Zacchée, qui avait autrefois été publicain ; ensuite ce fut Cornelius, et le 3ème Theophilus. D’Antioche, Evodius, ordonné par moi, Pierre ; puis Ignace, par Paul. D’Alexandrie, Annanie fut le premier, ordonné par Marc l’Évangéliste; le second Avilius, par Luc, qui était aussi Évangéliste. De l’Église de Rome, Lin le fils de Claudia fut le premier, ordonné par Paul ; et Clément, après la mort de Lin, le second, ordonné par moi, Pierre » (Constitutions apostoliques, VII, 46)

Réponse : Premièrement ces affirmations sont délirantes lorsqu’elles se réclament être de l’apôtre Pierre ! En effet, l’auteur décrit les successions d’Ignace à Evode sur le siège d’Antioche ainsi que celle Judas à Siméon sur celui de Jérusalem. Or, le vrai saint Pierre était mort lors de ces événements ! Ignace succéda à Evode en 69, alors que saint Pierre est mort au plus tard en 68, et Judas succéda à Siméon en 107-108 lorsque Pierre était mort depuis plus de 40 ans ! Cette identification de l’auteur maladroite est donc une usurpation, maladroite en plus !

Deuxièmement ce document, d’une grande valeur par ailleurs, n’a rien d’apostolique et ne nous vient absolument pas de Clément de Rome. En effet, rien que l’erreur que nous venons de mettre en évidence rend impossible qu’il ait été transmis par saint Clément de Rome comme il y est prétendu. En effet, il décrit un événement qui eut lieu en 107-108, or saint Clément de Rome est mort entre 97 et 99. Il est donc matériellement impossible que cette prétention soit vraie. De plus, les six premiers livres de ces Constitutions ne sont qu’une reformulation des Didascalie des apôtres, dont l’auteur en est de toute évidence un évêque, juif de naissance, du début du IIIè siècle en Syrie septentrionale. Il aurait peut-être composé sont œuvre pour une communauté chrétienne issue du paganisme. Il avait en tout cas consulté les Lettres de saint Ignace d’Antioche (entre 107 et 117), les Actes de Paul (apocryphe du IIè siècle), le Pasteur d’Hermas (vers 140) et les écrits de saint Irénée de Lyon (vers 125-vers 202). La valeur que lui aurait donnée son origine apostolique est donc à rejeter.

Ce document n’a donc aucune valeur historique pour les temps anciens et ne peut servir de témoins que pour les usages et articles de foi répandus à son époque, à savoir la fin du IVè siècle selon les spécialistes.

M) L’épiscopat de saint Pierre à Rome contredit par des propos de saint Innocent ?

Objection : selon la thèse catholique, saint Pierre aurait été Evêque de Rome environ de 42 à 67. Or on sait qu’il ne resta pas toujours à Rome pendant ce laps de temps. Cela signifierait qu’il déléga son épiscopat à un autre pendant ses voyages. Or un autre Pape, saint Innocent Ier écrit au sujet d’une telle pratique :

« Nous n’avons jamais eu connaissance que de telles choses auraient été osées par nos Pères, mais au contraire qu’ils les ont empêchées ; car nul n’avait le moindre droit qui lui soit confié d’ordonner quelqu’un à la place d’un autre encore vivant. » (Lettre à Sozomène, VIII, 26)

Réponse : la réalité est qu’il y a une différence entre un « simple » Evêque et un apôtre ! Aussi, un apôtre pouvait-il recourir à ce genre de procédé pour le bien de sa mission, tandis ce qu’un simple Evêque n’a pas le droit de se démettre lui-même de sa charge de pasteur de cette manière. Preuve en est que saint Innocent Ier a par ailleurs lui-même déclaré d’une part que saint Pierre avait été Evêque de Rome, et d’autre part qu’il avai bougé de son siège pour le bien de sa mission d’apôtre. Il ne dit pas formellement qu’il se donna à ces occasion des remplaçant pour gouverner l’Eglise locale, mais la chose n’en est pas moins évidente, car on ne laisse pas une Eglise de l’importance de Rome sans Evêque pendant des mois voir des années !

Ces affirmations de l’épiscopat de saint Pierre sur Rome, nous les avons déjà raporté plus haut. Ce sont ses lettres de réponses aux conciles Nord Africains qui l’avaient cosulté pour confirmation. Dans sa réponse au concile de Milève, il parle de son siège comme du siège apostolique, c’est-à-dire celui d’un apôtre, à savoir Pierre, et il affirme qu’en le consultant c’est Pierre lui-même qui a été consulté :

« Je loue la diligence que vous avez apportée à rendre hommage au siège apostolique, je veux dire au siège de celui qui, sans compter les embarras qui peuvent lui survenir d’ailleurs, est chargé du soin de toutes les Eglises, en nous consultant sur le parti que vous pouvez avoir à prendre dans vos doutes, vous conformant ainsi à l’antique règle que vous savez aussi bien que moi avoir toujours été observée par tout l’univers. Mais je me tais là-dessus, persuadé que vous en êtes d’avance parfaitement instruits, puisque vous l’avez reconnu par votre conduite même, sachant bien que le siège apostolique ne manque jamais de répondre aux consultations qui lui viennent de toutes les parties de l’univers. Mais surtout s’il s’agit de ce qui intéresse la foi, tous nos frères ou nos collègues dans l’épiscopat se font, comme je n’en doute pas, un devoir d’en référer à Pierre, ou à celui de qui il tient son nom et son privilège, ainsi que vous l’avez fait vous-mêmes pour obtenir une décision qui puisse, dans le monde entier, servir en commun à toutes les Eglises. Elles doivent en effet devenir plus prudentes, lorsqu’elles voient que, selon la relation du double synode, les inventeurs du mal sont séparés de la communion de par les déterminations de notre jugement. » (Lettre aux Pères du concile de Milève, Inter epistolas du 27 janvier 417, chapitre II (Dz 218), citée par saint Augustin, lettre 182 (alias 193), PL, 33 / 784 ; S. Augustini, Opera S. Augustini, t. II, col. 934, édit. de Gaume ; col. 638, édit. de Montfaucon)

Et dans sa réponse au concile de Carthage, il n’affirme pas directement l’épiscopat de saint Pierre à Rome, mais il assimile l’Église de la ville de Rome à une source pure de toute souillure hérétique, qui vivifie les églises locales, chose qui ne peut se produire que par une action directe de la Providence, et pourquoi cette dernière ne le ferait-elle que pour Rome, sinon parce qu’il s’agit du siège du prince des apôtres ?

« Voilà ce que vous avez estimé dans la vigilance de votre office sacerdotal, à savoir qu’on ne doit pas fouler aux pieds les ordonnances des Pères ; car ceux-ci, dans une pensée plus divine qu’humaine, avaient décrété que n’importe quelle affaire à traiter, fût-ce des provinces les plus éloignées et les plus retirées, ne serait pas considérée comme finie avant d’avoir été portée à la connaissance de ce Siège, pour qu’il confirmât de toute son autorité les justes sentences et que les autres églises – comme les eaux qui jaillissent de leur source originelle et qui s’écoulent dans toutes les régions du monde par de purs ruisseaux venus de la source non corrompue – reçoivent de lui ce qu’elles prescriront et sachent qui elles doivent purifier et qui, souillé d’une fange ineffaçable, ne recevra pas l’eau digne des corps purs » (Lettre In requirendis du 27 janvier 417 aux évêques du concile de Carthage, chapitre I (Dz. 217) ; citée dans la lettre 181 (alias 191) de SAINT AUGUSTIN – PL, 33 / 780).

Aussi il affirme les voyages de saint Pierre malgré son épiscopat comme une chose manifeste. Nous renvoyons à notre article Les voyages apostoliques de saint Pierre pour plus de précisions.