+†+Yesus Kristus azu+†+

« Il n’est pour l’âme aliment plus suave que la connaissance de la vérité » (Lactance)

L’Église primitive et la Transsubstantiation

Dossier sur la Présence Réelle : ici

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Les théories anticatholiques affirment avec aplomb que l’Eglise catholique romaine aurait inventé la croyance en la Trassubstantiassion en 1215. Rien n’est plus faux

L’Église chrétienne des premiers temps croyait à l’unanimité que l’Eucharistie est le corps et le sang du Christ

En plus des preuves bibliques évidentes que nous exposons dans notre dossier, le témoignage de l’Eglise primitive soutient unanimement la doctrine catholique sur l’Eucharistie. Quiconque prend le temps de consulter les Pères de l’Eglise sur ce point , découvrira que tous croyaient que l’Eucharistie est le corps et le sang de Jésus-Christ. Les pères de l’Eglise sont les écrivains chrétiens des premiers siècles. Ce sont ceux qui ont reçu la tradition des Apôtres.

Note. Avant de produire les témoignages de Pères de l’Eglise, il me paraît important de rappeler que les premiers pères de l’Eglise n’ont pas traité ex professo, mais en passant de la Présence Réelle du Christ dans l’eucharistie, parce que hérétiques des premiers siècles n’avaient pas pour habitude de nier cette vérité.

La Didachè (entre 50 et 95)

La plus haute antique chrétienne nous en livre déjà des témoignage. Le plus ancien document chrétien extra-biblique, la Didachè (entre 50 et 95) évoque la « fraction du pain » comme un sacrifice. Cette dernière dit en son chapitre XIV :

« Rassemblez-vous le jour du Seigneur, rompez le pain et rendez grâces, après vous être mutuellement confessé vos transgressions, afin que votre sacrifice soit pur. Mais que quiconque a un dissentiment avec son prochain ne se joigne pas à vous jusqu’à ce qu’ils se soient réconciliés, afin que votre sacrifice ne soit pas profané. Car voici telle est la parole du Seigneur : « En tout temps et en tout lieu on me présentera une offrande pure, car je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon Nom est admirable parmi les nations. » ».

La deuxième phrase évoque clairement le sacrifice, mais cette vérité est encore plus explicite lorsqu’on connait la signification de la dernière phrase qui n’est autre que la citation du verset de Malachie I, 11. En effet, à l’époque de la rédaction du livre de Malachie, les juifs de l’Ancienne Alliance n’avaient qu’un seul et unique lieu pour offrir des offrandes: le Temple de Jérusalem où des sacrifices étaient offerts à Dieu. Or le prophète annonce une offrande (donc un sacrifice) qui lui sera offerte en tout lieu: c’est la messe de la Nouvelle Alliance, c’est comme ça que les tout premiers chrétiens comprirent la prophétie en la mettant en rapport avec la rupture du pain.

Saint Ignace d’Antioche (vers 35-107), disciple des saints Apôtres Pierre et Jean

Il déclara la chose suivante au sujet d’un groupe d’hérétiques qui niaient que l’Eucharistie soit la chair du Christ, il faisait allusion aux docètes, qui niaient aussi la réalité de l’Incarnation et de la Crucifixion :

« Ils s’abstiennent de l’eucharistie et de la prière, parce qu’ils ne confessent pas que l’eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, qui a souffert pour nos péchés, et que dans sa bonté le Père a ressuscitée. » (Lettre aux Smyrniotes, VII)

En clair: les hérétiques de l’époque refusaient de communier car ils niaient l’Incarnation, cela n’aurait aucun sens si les chrétiens d’alors ne croyaient pas réellement consommer la chair et le sang du Christ lors de l’Eucharistie…

« Je ne me plais plus à une nourriture de corruption ni aux plaisirs de cette vie ; c’est le pain de Dieu que je veux, qui est la chair de Jésus-Christ, de la race de David (Jn 7.42; Ro 1.3), et pour boisson je veux son sang, qui est l’amour incorruptible. » (Lettre aux Romains,VII, 3)

Ce témoignage est significatif à plus d’un titre. En effet, outre qu’il soit lui-même disciple des apôtres, ce sont surtout les facteurs externes qui plaident en sa faveur. Premièrement il écrit cela à l’Eglise de Magnésie en Asie mineure. Or comme cette région fut irradiée par l’enseignement de saint Jean, qui finit sa vie à Ephèse, jusqu’entre 98 et 106. Saint Ignace pour sa part écrivit ses lettres vers 107. Aussi il n’aurait jamais écrit une telle erreur à un lectorat qui aurait été enseigné jusque quelques années avant (et peut-être même l’année immédiatement précédente) par saint Jean, sous peine de n’avoir aucune crédibilité. Et la réception de ces lettres par les chrétiens d’Asie mineure fut archi-favorable. Saint Polycarpe de Smyrne (vers 69-155), disciple de saint Jean lui aussi témoigne de sa vénération, ainsi que celle de l’Eglise de Philippes (et donc sans doute de toute l’Asie mineure) pour ces lettres :

« Comme vous nous l’avez demandé, nous vous envoyons les lettres d’Ignace, celles qu’il nous a adressées et toutes les autres que nous avons chez nous ; elles sont jointes à cette lettre. De fait vous pourrez en tirer grand profit, car elles renferment foi, patience, et toute édification dues à notre Seigneur. Faites-nous savoir ce que vous aurez appris de sûr d’Ignace et de ses compagnons. » (Lettre aux Philippiens, XIII).

Et deuxièmement, saint Ignace était en déportation vers Rome pour y être mis à mort dans l’arène. Et lorsqu’il apprend que les chrétiens de Rome veulent obtenir sa grâce, il les exhorte à n’en rien faire pour qu’il puise offrir son martyre à Dieu (Lettre aux Romains, IV-VI). Il était condamné à mort et ne souhaitait pas être sauvé, il savait donc que ce n’était pas le moment de répandre des hérésies ! Or lui-même ayant été enseigné par les apôtres, il ne pouvait pas dire d’erreur. Au passage, dans ses lettres aux Eglises d’Asie mineure, il a encore enseigné la l’observation du Dimanche et non plus du Sabbat, le sacerdoce et l’épiscopat au sens catholique des termes (avec une force inégalée depuis), la confession à un prêtre, l’usage des deutérocanoniques ainsi que le salut pas la foi et les œuvres. Puis dans sa Lettre aux Romains il confessa aussi la Papauté.

La crypte de Lucine (milieu du IIè siècle)

Cette crypte, ainsi que celle des papes de Sainte Cécile, sont la partie la plus antique da la Catacombe de Saint Calixte. On y voit une peinture qui représente le Christ bénissant un pain et un poisson déposés sur un autel. Or il est connu que les chrétiens avaient l’habitude de désigner le Christ peint sous la forme d’un poisson (donc s’ils magnaient « le poisson », ça signifiait qu’ils croyaient réellement manger le Christ).

Saint Justin Martyr (vers 100 – 165)

Il fait la même interprétation de Malachie I, 11 que la Didachè :

« En Malachie [l, 10-12], Il parle de ces Gentils, c’est-à-dire de nous [les chrétiens issus des nations païennes], qui, en tout lieu, Lui offrent des sacrifices, c’est-à-dire, le pain eucharistique et aussi la coupe de l’Eucharistie, affirmant que nous glorifions son nom et que vous, vous le profanez. » (Dialogue avec Tryphon, 41)

Il enseigne par ailleurs clairement la Présence Réelle :

« Nous appelons cet aliment Eucharistie, et personne ne peut y prendre part, s’il ne croit la vérité de notre doctrine, s’il n’a reçu l’ablution pour la rémission de ses péchés et sa régénération, et s’il ne vit selon les enseignements du Christ. Car nous ne prenons pas cet aliment comme un pain ordinaire et une boisson commune. Mais de même que, par la parole de Dieu, Jésus-Christ, notre Sauveur, ayant été fait chair, a pris sang et chair pour notre salut; de même aussi cet aliment, qui par l’assimilation doit nourrir nos chairs et notre sang, est devenu, par la vertu de l’action de grâces, contenant les paroles de Jésus-Christ lui-même, le propre sang et la propre chair de Jésus incarné: telle est notre foi. Les apôtres, dans leurs écrits, que l’on nomme Évangiles, nous ont appris que Jésus-Christ leur avait recommandé d’en agir de la sorte, lorsque ayant pris du pain, il dit: « Faites ceci en mémoire de moi: ceci est mon corps; » et semblablement ayant pris le calice, et ayant rendu grâces: « Ceci est mon sang » ajouta-t-il; et il le leur distribua à eux seuls. Les démons n’ont pas manqué d’imiter cette institution dans les mystères de Mithra; car on apporte à l’initié du pain et du vin, sur lesquels on prononce certaines paroles que vous savez, ou que vous êtes à même de savoir. » (Première Apologie, 66 [151])

Saint Irénée de Lyon (vers 125 – entre 202 et 208), disciple de saint Polycarpe, lui-même disciple de l’Apôtre saint Jean

image« D’ailleurs, comment le pain qui est offert en actions de grâces dans le sacrifice serait-il pour eux le corps de notre Seigneur ainsi que son sang, puisqu’ils ne le reconnaissent pas pour le fils de Dieu, c’est-à-dire pour son Verbe, par qui tout est fécondé dans la nature, qui fait croître les plantes, qui fait jaillir les fontaines, qui fait germer le blé et fait mûrir la moisson ?

Ne prétendent-ils pas encore que l’âme est incapable de résurrection, et que le corps et le sang, en s’unissant à elle, la privent de la vie éternelle ? Qu’ils changent donc de pensées, ou qu’ils s’abstiennent entièrement d’offrir le sacrifice. Quant à nous, notre foi est conforme à la nature de l’Eucharistie, et l’Eucharistie elle-même est conforme à notre foi. Nous reconnaissons, en faisant notre oblation, que les dons que nous offrons à Dieu nous les tenons de sa bonté, et nous avons foi dans la double résurrection de la chair et de l’esprit, que nous attendons du mérite de l’oblation. Car, de même que le pain qui sert au sacrifice est un fruit de la terre, lequel par la toute-puissance de Dieu, il cesse d’être un pain ordinaire et devient l’Eucharistie, ayant en elle deux substances, la substance spirituelle et la substance matérielle, ainsi nos corps, en recevant l’Eucharistie, participent de la nature céleste, deviennent impérissables, et sont marqués du sceau de la résurrection. » (Contre les Hérésies, IV, 18, 4)

« Il se demandera encore comment il se pourrait faire que notre Seigneur eût pu dire avec vérité que le pain qu’il tenait à la main fût véritablement son corps, et le vin qui était dans le calice, véritablement son sang, s’il n’était pas réellement le fils de Dieu ; et comment il aurait pu se proclamer le Fils de l’homme, s’il n’eût pas revêtu notre humanité toute entière ? Et, s’il n’était pas Dieu, comment aurait-il pu nous remettre la dette que nous avons contractée envers Dieu, notre créateur, par le péché ? Et comment, s’il n’était pas réellement chair, et s’il n’en avait que l’apparence, a-t-il pu être réellement crucifié ? Et comment a-t-il pu sortir de son côté percé, à la fois du sang et de l’eau ? Qu’était-ce donc que ce corps qui a été réellement enseveli, et qu’était ce qui est réellement ressuscité d’entre les morts ? » (Contre les Hérésies, IV, 33)

« Elle est donc chimérique de tous points l’opinion de ceux qui dédaignent ainsi de reconnaître tous les desseins de Dieu sur nous, qui refusent le salut à l’homme, et nient la régénération de la chair, disant que la chair n’est pas capable de devenir incorruptible. Or, si cette régénération de la chair ne pouvait pas avoir lieu /alors il serait faux que notre Seigneur nous eût rachetés de son sang ; il ne serait pas vrai que le vin fût changé en son sang dans l’Eucharistie, et que le pain qui nous y est donné fût son corps. Car, le sang suppose les veines et les chairs, et tout ce qui fait partie de la conformation de l’homme, que le verbe de Dieu a bien voulu prendre pour notre salut. Il nous a donc réellement rachetés par son sang, selon ces paroles de l’apôtre, « par le sang duquel nous avons été rachetés, et nous avons reçu le pardon de nos péchés. » Et c’est parce que nous sommes ses membres, qu’il nous nourrit au moyen des choses créées par lui ; c’est pour nous qu’il fait luire son soleil et tomber la pluie quand il veut ; il fait servir à notre usage ce calice, qui est un objet créé, et qui contient son sang, que nous buvons, et qui fortifie notre sang ; et ce pain, créature aussi, qui contient son corps, que vous mangeons, et qui nourrit notre corps. » (Contre les Hérésies, V, 2, 2)

« Il faut donc reconnaître que le vin et le pain de l’Eucharistie deviennent, par le pouvoir de la parole de Dieu, le corps et le sang de Jésus-Christ, et servent ensuite à nourrir et à entretenir la vie dans notre corps ; mais alors, comment peut-on ne pas reconnaître que la chair, ou que notre corps ne puisse également recevoir de Dieu le don de la vie éternelle, dès que ce corps se nourrit du corps et du sang du Christ, et devient un de ses membres, et comme le dit l’apôtre saint Paul dans l’épître aux Éphésiens : « Parce que nous sommes les membres de « son corps, formés de sa chair et de ses os ? » Or, ces paroles ne peuvent s’appliquer à quelque chose de purement incorporel et d’invisible, (car un esprit n’a ni chair ni os) ; mais elles s’appliquent évidemment à une chose conformée comme l’homme, et qui contient de la chair, des nerfs et des os, pour qui le vin qui est dans le calice, et qui est le sang du Christ, et le pain qui est son corps, deviennent une nourriture. De même que le ceps de la vigne, caché d’abord dans le sein de la terre, pousse et fructifie quand le temps est venu ; de même encore que le grain de blé, confié à la terre, se décompose, reparaît ensuite et se multiplie au centuple, par la vertu de l’esprit de Dieu qui contient tout ; que ces choses servent ensuite aux besoins de l’homme, lorsqu’il les reçoit dans l’Eucharistie, devenues le corps et le sang de Jésus-Christ, sous la forme du pain et du vin ; ainsi, nos corps, après avoir été nourris de cette divine nourriture, après avoir été déposés dans la terre, et s’y être dissous, ressusciteront, quand le temps sera venu, par l’effet de la puissante parole du Verbe, et pour la gloire de Dieu. Car Dieu donne gratuitement l’immortalité à ce qui est mortel, et l’incorruptibilité à ce qui est corruptible, parce que sa puissance éclate d’autant plus qu’il met la perfection dans ce qui était plus imparfait ; ce qui doit nous avertir de ne pas tirer vanité d’un tel bienfait, puisque nous ne pouvons rien par nous-mêmes ; car notre orgueil se tournerait en ingratitude. Ces bienfaits de Dieu doivent donc nous apprendre que cette immortalité, qu’il veut bien nous conférer, et le bonheur que nous aurons à le contempler dans toute sa gloire, sont un pur effet de sa miséricorde infinie envers nous ; et nous devons nous rendre de plus en plus justice sur notre faiblesse, et apprécier combien la puissance et la bonté de Dieu sont infinies. » (Contre les Hérésies, V, 2, 3)

« Comment ne voient-ils [les gnostiques] que le pain sur lequel est prononcée l’action de grâce est le corps le corps du Seigneur et le calice son sang, s’ils ne le reconnaissent pas comme le Fils du créateur du monde, c’est-à-dire, le Verbe par lequel le bois de la Croix produit du fruit ? » (Contre les hérésies, V, 2)

L’Inscription d’Abercius (190)

Saint Abercius, évêque d’Hiérapolis en Asie mineure et appelé « Égal aux Apôtres », fit rédigée cette inscription de son vivant pour qu’elle fut dressée sur sa tombe. Elle est surnommée « Reine des inscriptions chrétiennes ». Elle nous parle en image de la Présence Réelle :

« Moi, je suivais Paul ; la foi m’a précédé partout et partout m’a présenté en nourriture un poisson de source, très grand, très pur, qu’une Vierge sans tache a péché, et ce poisson, [la foi] le donnait en partage sans cesse comme nourriture à ses amis, avec du vin délectable, mêlé au froment. »

N’oublions pas que les premiers chrétiens représentaient le Christ sous forme d’un poisson et la Vierge fait évidemment référence à Marie; ainsi, Marie nous donne un poisson – c’est-à-dire son fils – à manger: cela signifie que les chrétiens de ce temps croyaient manger réellement me corps du Christ (de plus, cela confirme la doctrine catholique du rôle de Marie dans l’Eucharistie).

Clément d’Alexandrie (vers 150-vers 215)

« Mange ma chair, [Jésus], et boit mon sang. Le Seigneur nous donne ces intime nutriments, il livre sa chair et il verse son sang, et rien ne manque à la croissance de ses enfants « (L’instructeur des enfants I, VI, 43, 3)

Plusieurs protestants, comprenant mal ce chapitre de Clément, tirent de certains de ses passages la conclusions que Clément ne croyait précisément pas à la Présence Réelle. Cette thèse est réfutées avec d’autres sur d’autres Pères dans cet article en anglais.

« Plus tard, la sainte vigne produisit la grappe prophétique, c’est-à-dire la Verbe, dont le sang mêlé avec l’eau, suivant sa volonté, est le signe de ceux qui de l’erreur sont entrés dans le repos. Le sang entre en mélange avec le salut. Le sang du Seigneur est, de deux natures, l’un charnel qui nous rachète de la mort, l’autre spirituel, qui nous purifie. Boire le sang de Jésus, c’est participer à l’incorruptibilité du Seigneur. L’esprit est la force du Verbe, comme le sang est la force de la chair. Comme le vin se mêle à l’eau, l’esprit est mêlé avec l’homme. Ce mélange de l’un et de l’autre, je veux dire du Verbe et de la boisson, s’appelle Eucharistie, qui signifie de grâces; et ce sacrement sanctifie l’âme et le corps 95 de ceux qui y participent avec foi, lorsque la Volonté divine a mystiquement mélangé, par l’Esprit et le Verbe, ce divin breuvage qui représente l’homme. L’esprit, en effet, s’y mêle à l’âme, et le Verbe à la chair. » (L’instructeur des enfants, II, II)

Tertullien (vers 155-vers 230)

« Certes, il suffirait à la chair que nulle âme ne pût absolument obtenir le salut à moins de croire, pendant qu’elle est dans la chair: tant il est vrai que la chair est la base du salut. Enfin, quand l’âme est enrôlée au service de Dieu, c’est la chair qui la met à même de recevoir cet honneur. C’est la chair en effet qui est lavée pour que l’âme soit purifiée; la chair sur laquelle on fait les onctions pour que l’âme soit consacrée; la chair qui est marquée du signe sacré pour que l’âme soit fortifiée; la chair qui est couverte par l’imposition des mains pour que l’âme soit illuminée par l’esprit; la chair [du chrétien] enfin qui se nourrit du corps et du sang de Jésus-Christ, pour que l’âme s’engraisse de la substance de son Dieu. Elles ne peuvent donc être séparées dans la récompense, puisqu’elles sont associées dans le travail.

Voilà ce que j’avais à dire pour réhabiliter la chair considérée dans l’aspect général de la nature humaine. Voyons maintenant par les dons qui lui appartiennent en propre, combien de prérogatives le nom de chrétien communique devant Dieu à cette frôle et abjecte substance. Certes, il suffirait à la chair que nulle âme ne pût absolument obtenir le salut à moins de croire, pendant qu’elle est dans la chair: tant il est vrai que la chair est la base du salut. Enfin, quand l’âme est enrôlée au service de Dieu, c’est la chair qui la met à même de recevoir cet honneur. C’est la chair en effet qui est lavée pour que l’âme soit purifiée; la chair sur laquelle on fait les onctions pour que l’âme soit consacrée; la chair qui est marquée du signe sacré pour que l’âme soit fortifiée; la chair qui est couverte par l’imposition des mains pour que l’âme soit illuminée par l’esprit; la chair enfin qui se nourrit du corps et du sang de Jésus-Christ, pour que l’âme s’engraisse de la substance de son Dieu. Elles ne peuvent donc être séparées dans la récompense, puisqu’elles sont associées dans le travail. » (De la Résurrection de la chair, VIII)

Et il dit ailleurs contre les chrétiens indignes :

« C’est un crime déplorable quand un chrétien vient des idoles à l’église, quand il touche le corps du Seigneur, avec les mêmes mains qui construisent des corps aux démons…Crime abominable ! Les juifs ont porté une seule fois les mains sur le christ ; ceux ci outragent quotidiennement son corps. O mains à couper !

TertullianLes ennemis de la foi catholique objecte souvent que Tertullien écrivant contre Marcion disait : « Ce bois [de la Croix] et Jérémie prêchant aux juifs qui allaient dire Venez, jetons le bois sur son pain, c’est-à-dire son corps, te donnent un enseignement. En effet, c’est là ce que Dieu, même dans notre Evangile, a révélé, en appelant pain son propre corps, afin que par là, tu comprennes qu’il a donné au pain la figure de son corps, lui dont le prophète a auparavant figuré le corps par la pain : ce mystère devait être interprété ensuite par la Seigneur. » Par conséquent Tertullien n’admettait pas la présence réelle du Christ, la présence de la figure du Christ dans l’eucharistie.

Réponse : Tertullien disputait contre Marcion qui ne voulait pas admettre que le Christ ait eu un véritable corps. Afin de prouver contre lui la vérité et la réalité du corps du Christ, il prouve que l’eucharistie, symbolisée dans l’Ancien Testament sous la figure du pain, est un sacrement et, comme tel, le signe du corps du Christ ; signe qui n’est pas vide et fantasmatique, mais contenant vraiment ce qu’il signifie. Ainsi l’argumentation de Tertullien est la suivante : l’Eucharistie sous le nom du pain fut la figure du corps du Christ, « or il ne saurait y avoir de figure, s’il n’y avait de corps réel. Une chose vide, une apparence ne peut avoir de figure ». Par conséquent le Christ a eu un vrai corps. Tertullien ne voulait donc pas dire que l’eucharistie était un pure figure et un signe vide, mais le signe et la figure de corps réel qu’elle contenait.

Voici le texte complet :

« Ayant donc déclaré « qu’il désirait d’un grand désir manger la Pâque, » sa Pâque (il serait indigne d’un Dieu de convoiter le bien d’autrui), Jésus prend le pain, le distribue à ses disciples, et en l’ait son propre corps, en disant: « Ceci est mon corps, » c’est-à-dire, est la figure de mon corps. Il n’y aurait pas eu figure, s’il n’y avait pas eu corps véritable. D’ailleurs, une chose vaine et sans réalité, telle qu’un fantôme, ne serait pas susceptible de figure. Ou s’il se donna pour corps un pain, parce qu’il n’avait pas un corps véritable, c’est donc du pain qu’il a dû livrer pour nous. Il appuyait les rêves de Marcion en crucifiant un pain. Mais pourquoi « appeler son corps du nom de pain, » plutôt que du melon que Marcion avait en place de cœur, puisqu’il ne reconnaît pas dans ce pain l’antique figure du corps de Jésus-Christ, lorsqu’il dit par Jérémie: « Ils ont tramé des complots contre moi? « Venez; jetons le bois sur son pain, » c’est-à-dire la croix sur son corps. Aussi le Dieu qui éclaircit les symboles a-t-il déclaré suffisamment ce qu’il a voulu entendre par pain en donnant ce nom à son corps. De même, dans le souvenir du calice, lorsqu’il établit le testament qu’il scella de son sang, il confirma de nouveau la réalité de son corps. Point de sang dans un corps, à moins que ce corps ne soit de chair. Vainement on nous oppose des corps qui ne sont pas de chair, toujours est-il qu’aucun corps n’aura de sang, s’il n’est de chair. La réalité du corps se fortifie donc par le témoignage du sang. Isaïe va t’aider aussi à reconnaître dans le vin l’antique symbole du sang. « Quel est, dit-il, celui qui vient d’Edom et de Bosra avec des habits teints de sang? Quel est cet homme beau dans sa parure et qui marche avec tant de majesté? Pourquoi votre robe est-elle rouge et pareille aux vêtements de ceux qui foulent la vendange? » C’est qu’en effet l’esprit prophétique, contemplant déjà le Seigneur qui marchait au-devant de sa Passion avec les vêtements de sa chair mortelle, dans laquelle il allait souffrir, désigne sous la pourpre éclatante des habits cette chair mutilée et broyée sous le pressoir de la tribulation, parce que les vendangeurs descendent du pressoir comme ensanglantés par le vin. La Genèse, dans la bénédiction de Juda, de la tribu duquel devait sortir le Christ fait homme, signalait déjà plus clairement encore la personne du Christ: « Il lavera sa robe dans le vin, et son manteau dans le sang de la vigne, » nous montrant ainsi sa chair dans cette robe et ce manteau, de même que son sang dans ce vin mystérieux. Voilà pourquoi celui qui représentait alors son sang par le vin, consacre aujourd’hui son sang sous les apparences du vin. » (Contre Marcion, IV, 40)

Origène (vers 185-vers 254)

« Autrefois le baptême était “ en énigme ” dans la nuée et la mer ; maintenant la régénération s’opère “ en réalité ” “ dans l’eau et dans l’Esprit Saint ”. Autrefois la manne était une nourriture “ en énigme ”, maintenant la chair du verbe de Dieu est la vraie nourriture “ en réalité ”, comme le prouve Sa parole : “ Ma chair est vraiment une nourriture et Mon sang est vraiment un breuvage ”. (Jn 6, 56) » (Homélies sur Nombres 7, 2 [248]) Ce même auteur dit encore: « j’aimerais vous admonester avec des exemples de votre religion. Vous êtes habitués à prendre part aux divins mystères, donc vous savez comment, quand vous recevez le corps du Christ, vous usez avec révérence de tous les soins afin qu’aucune parcelle ne tombe et que rien du don consacré ne périsse. Vous vous reconnaissez coupable, et vous avez raison de le croire, lorsque cela est moindrement perdu par négligence. » (Homélies sur l’Exode, XIII, 3)

« Pour nous dont le dessein est de plaire au Créateur de l’univers, nous observons, lorsque nous mangeons le pain qu’on met devant nous, d’adresser nos vœux et de rendre nos actions de grâces à celui qui nous le donne, et ce pain devient, par le moyen de la prière, un corps qui non seulement est saint, mais qui a même la vertu de sanctifier ceux qui en usent avec un esprit bien disposé. » (Contre Celse, VIII, 33)

Saint Hippolyte de Rome (vers 165-235)

« ‘Elle a immolé ses victimes, mêlé son vin, et dressé sa table’ [Proverbes IX, 2]… Cela se réfère à Son Corps et à Son Sang [du Christ] honorés et sans souillure, qui jour après jour est administré et offert sacrificiellement à la table spirituelle divine, comme un mémorial de cette première et toujours mémorable Table du souper divin et spirituel [la Dernière Cène] » (Fragment du Commentaire sur les Proverbes)

Il demande par ailleurs de faire preuve d’une vénération particulière pour le Sacrement [de l’Eucharistie]. La croyance en la Transsubtantiation était partagée par plusieurs apôtres des premiers siècles de la chrétienté.

Saint Cyprien de Carthage (vers 200-258)

« En effet, comme le Christ nous portait tous, qu’il portait nos péchés, nous voyons que l’eau figure le peuple, le vin le Sang du Christ. Quand donc dans le calice l’eau se mêle au vin, c’est le peuple qui se mêle avec le Christ, et la foule des croyants qui se joint et s’unit à celui en qui elle croit. Ce mélange, cette union du vin et de l’eau dans le calice du Seigneur est indissoluble. De même l’Église, c’est-à-dire le peuple qui est dans l’Église et qui fidèlement, fermement, persévère dans la foi, ne pourra jamais être séparée du Christ, mais Lui restera attachée par un amour qui des deux ne fera plus qu’un. Mais quand on consacre le calice du Seigneur on ne peut offrir l’eau seule, pas plus qu’on ne peut offrir le vin seul. Car si l’on offre le vin seul, le Sang du Christ est présent sans nous; si l’eau est seule, voilà le peuple sans le Christ. Au contraire quand l’un est mêlé à l’autre et que, se confondant, ils ne font plus qu’un, alors le mystère spirituel et céleste est accompli. Le calice du Seigneur n’est donc pas plus la seule eau ou le vin seul, sans mélange des deux, que le Corps du Seigneur ne peut être la farine seule ou l’eau seule sans le mélange des deux et sans leur union pour composer du pain. Par là encore se trouve figurée l’unité du peuple chrétien : de même que des grains multiples réunis, moulus et mêlés ensemble, font un seul pain, ainsi dans le Christ qui est le pain du ciel, il n’y a, sachons-le bien, qu’un seul corps, avec lequel notre pluralité est unie et confondue. » (Lettre 62 (63), XIII à Caeilius)

Il disait contre ceux qui communient indignement :

« Ils font violence à son corps et à son sang et ils sont coupables maintenant envers le Seigneur avec leur main et leur bouche d’une manière plus grave que s’ils l’ont renié. » (Traité des Laps)

A l’époque de ce même saint Cyprien, la consécration de moniales à Jésus-Eucharistie atteste l’antiquité de cette doctrine.

L’Inscription de Pectorius (IVème siècle)

« Race divine du poisson céleste, reçois avec un cœur respectueux la vie immortelle parmi les mortels, dans les eaux divines. Ami, refais ton âme aux flots éternels de la sagesse qui donne les trésors. Reçois l’aliment doux comme le miel du Sauveur des saints. Mange à ta faim. Tu tiens le poisson dans tes mains. »

La liturgie jérusalémite de Saint Jacob (IVè siècle)

« Envoie ton Esprit Saint pour que sa venue transforme ce pain dans le corps de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur… Et ce breuvage, qui est dans le calice, qu’il le transforme dans le sang de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur. »

La liturgie de Saint Basile

« Fais que pain devienne le corps précieux de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur. Quant à ce calice qu’il devienne par ton action le sang de notre Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur, qui a offert sa vie pour le salut du monde. »

Saint Basile le Grand (vers 329-379)

« Il est bon et bénéfique de communier chaque jour, et de prendre part au corps et au sang saints du Christ. Car il dit clairement : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ». Et qui douterait que partager fréquemment la vie, c’est la même chose que d’avoir une vie multiple. En effet, je communie quatre fois par semaine, le jour du Seigneur, le mercredi, le vendredi, le sabbat (samedi), et les autres jours s’il y a une commémoration d’un saint. » (Lettre 93 au Patricien César)

Saint Hilaire de Poitiers (vers 315-367)

« Je demanderai à ceux qui n’admettent qu’une unité de volonté entre le Père et le Fils, si Jésus-Christ est maintenant en nous quant à sa nature véritable ou bien simplement par l’accord des volontés. Car si le Verbe s’est vraiment fait chair, et si c’est vraiment le Verbe fait chair que nous prenons en aliment dans le sacrement qu’il a institué, comment ferions-nous difficulté de croire qu’il demeure en nous quant à sa nature même, lui qui en se faisant homme s’est uni indissolublement notre nature même corporelle, et a uni sa nature corporelle à sa nature divine dans le sacrement où il nous donne sa chair à manger ? C’est ainsi que nous devenons tous une même chose, le Père étant en Jésus-Christ et Jésus-Christ étant en nous. Que celui donc qui voudra nier que le Père soit réellement en Jésus-Christ, commence par nier qu’il soit lui-même réellement en Jésus-Christ au que Jésus-Christ soit réellement en lui, attendu que comme le Père est en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous, ils font que nous sommes une même chose en eux. Si donc le Christ s’est uni réellement notre nature corporelle, et si cet homme qui est né de Marie est réellement le Christ, si c’est en réalité que nous recevons son corps dans nos saints mystères et que par là nous devenions une même chose, parce que le Père est en lui et lui en nous, comment peut-on soutenir qu’il n’y ait entre le Père et lui qu’unité de volonté lorsque le sacrement lui-même a pour effet naturel de produire une unité parfaite ? » (De Trinitate, VIII)

Saint Cyrille de Jérusalem (315-386)

« Car, le pain et le vin de l’Eucharistie, avant l’invocation de la sainte et adorable Trinité n’étaient que du pain et du vin ; tandis qu’après l’invocation, le pain devient le Corps du Christ, et le vin devient le Sang du Christ … » (Les Catéchèses, I, 19, 7)

« ainsi donc, ne regardez pas le pain et le vin comme uniquement cela, car ils sont, selon la déclaration du Maître (Jésus), le corps et le sang du Christ. Même si vos sens vous suggèrent le contraire, laissez la foi vous affermir. Ne jugez pas de cette question selon votre goût mais soyez pleinement assurés par la foi, ne doutant pas que vous avez été jugés dignes du corps et du sang du Christ. » (Les Catéchèses, IV, 22, 9)

« Le Christ lui-même ayant donc déclaré et dit du pain : ceci est mon corps, qui désormais osera hésiter ? et quand lui-même a déclaré et dit : ceci est mon sang qui osera douter que ce soit son sang ? Donc avec une entière conviction, participons au corps et au sang du Christ. Car sous la figure du pain, on te donne son corps, et sous la figure du vin, on te donne son sang, afin qu’ayant reçu le corps et le sang du Christ, tu lui deviennes concorporel et consanguin. Ainsi nous sommes devenus Christophores, le corps du Christ et son sang se distribuant dans nos membres » (Les Catéchèses, XXII)

Il dit ailleurs dans ses écrits:

« Le Christ a changé l’eau en vin qui ressemble au sang à Cana en Galilée et nous ne le croirions pas quand il change le vin en son sang? »

Le pape saint Damase (vers 300-384) 

Ce pape fit réaliser une inscription pour saint Tarcisius, cette inscription dit :

« Saint Tarcisius portait le sacrement du Christ quand un groupe de scélérats l’attaqua pour profaner l’Eucharistie, il préféra se laisser frapper et perdre la vie, plutôt que de laisser le corps céleste aux mains de ces chiens enragés. »

Nous pouvons de plus noter que le fait saint Tarcisius ait sacrifier sa vie pour sauver les espèces consacrées appui le fait qu’on ait cru en la Présence Réelle déjà à ce moment-là : s’il n’avait pas cru que c’était réellement le Corps et le Sang du Christ, il ne serait pas mort pour ça (on ne se sacrifie pas pour un bout de pain…).

Saint Ambroise de Milan (340-397)

« Il est donc prouvé que les sacrements de l’Église sont plus anciens. Apprends maintenant qu’ils sont supérieurs. En vérité il est admirable que Dieu ait fait pleuvoir la manne pour nos pères et qu’ils aient été rassasiés chaque jour du pain du ciel. C’est pourquoi il est dit : « L’homme a mangé le pain des anges. » Pourtant ceux qui ont mangé ce pain au désert sont tous morts. Cette nourriture, au contraire, que tu reçois, ce pain vivant qui est descendu du ciel, fournit le soutien de la vie éternelle, et quiconque le mange ne mourra jamais. C’est le corps du Christ.

Examine maintenant ce qui est supérieur, le pain des anges ou la chair du Christ, qui est certes le corps qui donne la vie. Cette manne-là était du ciel, celle-ci au-dessus du ciel ; celle-là appartenait au ciel, celleci au maître du ciel ; celle-là était sujette à la corruption si on la gardait jusqu’au lendemain, celle-ci est étrangère à toute corruption : quiconque en goûte avec respect ne peut éprouver la corruption. Pour ceux-là l’eau coula du rocher, pour toi le sang coule du Christ. L’eau les désaltéra pour un moment, toi le sang te lave à jamais. Le Juif boit et a soif. Toi, une fois que tu auras bu, tu ne pourras plus avoir soif. Cela se passait en figure, ceci en vérité.

Si ce que tu admires n’est que l’ombre, combien grand est ce dont tu admires l’ombre même. Ecoute, c’est l’ombre qui s’est manifestée aux pères : « Ils buvaient, dit-on, du rocher qui suivait ; or le rocher c’était le Christ. Mais en un bon nombre d’entre eux Dieu ne s’est pas complu, car ils furent anéantis au désert. Or cela s’est fait en figure à notre intention. » Tu as compris ce qui vaut mieux, car la lumière est préférable aux ténèbres, la vérité à la figure, le corps du créateur à la manne du ciel.

Peut-être pourrais-tu dire : « Je vois autre chose. Comment affirmes-tu que je reçois le corps du Christ ? » C’est ce qui nous reste encore à prouver. Comme ils sont donc grands les exemples dont nous nous servons ! Prouvons qu’il ne s’agit pas de ce que la nature a produit, mais de ce que la bénédiction a consacré, que la puissance de la bénédiction est plus grande que celle de la nature, puisque la bénédiction change la nature elle-même. […]

Nous constatons donc que la grâce a une plus grande puissance que la nature, et cependant nous mesurons encore la grâce de la bénédiction prophé-tique. Si la bénédiction d’un homme a eu une puissance assez grande pour changer la nature, que dirons-nous de la consécration faite par Dieu même, alors que ce sont les paroles mêmes du Sauveur qui agissent ? Car ce sacrement que tu reçois est produit par la parole du Christ. Si la parole d’Elie a eu tant de puissance qu’elle a fait descendre le feu du ciel, la parole du Christ n’aura-t-elle pas la puissance de changer la nature des éléments ? Tu as lu, à propos des oeuvres de l’univers entier : « Il a dit et ce fut fait, il a ordonné et cela fut créé. » La parole du Christ, qui a pu faire de rien ce qui n’était pas, ne peut-elle donc pas changer les choses qui sont en ce qu’elles n’étaient pas ? Car il n’est pas moins difficile de donner aux choses une nouvelle nature que de changer cette nature.

Mais pourquoi nous servir d’arguments ? Servons-nous de ses exemples et établissons la vérité du mystère de l’incarnation. Est-ce que le cours ordinaire de la nature précéda la naissance du Seigneur Jésus de Marie ? Si nous cherchons l’ordre de la nature, la femme a l’habitude d’enfanter après des relations avec un homme. Il est donc évident que la Vierge a enfanté hors du cours de la nature. Eh bien, ce que nous produisons, c’est le corps né de la Vierge. Pourquoi chercher ici l’ordre de la nature dans le corps du Christ, alors que le Seigneur Jésus lui-même a été enfanté par une Vierge en dehors du cours de la nature ? C’est la vraie chair du Christ qui a été crucifiée, qui a été ensevelie. C’est donc vraiment le sacrement de sa chair.

Le Seigneur Jésus lui-même le proclame : « Ceci est mon corps. » Avant la bénédiction par les paroles célestes, on l’appelle d’un autre nom ; après la consécration, c’est le corps qui est désigné. Lui-même dit que c’est son sang. Avant la consécration, on l’appelle autrement ; après la consécration, on l’appelle le sang. Et tu dis : « Amen », c’est-à-dire : « C’est vrai. » Ce que prononce la bouche, que l’esprit le reconnaisse. Ce qu’exprimé la parole, que notre coeur le ressente. […]

Aussi l’Église, à son tour, voyant une telle grâce, exhorte ses fils, exhorte ses proches à accourir ensemble aux sacrements, en disant : « Mangez, mes amis, buvez et enivrez-vous, mes frères. » Ce que nous avons à manger, ce que nous avons à boire, l’Esprit l’a exprimé ailleurs par les prophètes en disant : « Goûtez et voyez que le Seigneur est bon. Bienheureux l’homme qui espère en lui . » Le Christ est dans ce sacrement, parce que c’est le corps du Christ. Ce n’est donc pas une nourriture corporelle, mais spirituelle. Aussi l’apôtre a-t-il dit de son image : « Nos pères ont mangé une nourriture spirituelle, ils ont bu une boisson spirituelle. » Car le corps de Dieu est un corps spirituel, le corps du Christ est le corps de l’Esprit divin, parce que le Christ est Esprit, comme nous le lisons : « Le Christ Seigneur est Esprit en face de nous. » Et dans l’épître de Pierre nous trouvons : « Le Christ est mort pour nous. » Enfin, cette nourriture affermit notre coeur et cette boisson réjouit le coeur de l’homme, comme l’a rappelé le prophète. » (Des Mystères, Chapitre VIII, n°47 à 49 et Chapitre IX, n° 50, 52 à 54 et 58)

Saint Athanase (vers 295-373)

« Tant que les prières et les invocations ne sont pas commencées, il n’y a rien d’autre que du pain et du vin. Mais une fois que les grandes et admirables prières ont été prononcées, alors le pain et le vin deviennent le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ. » (Sermon aux nouveaux baptisés, PG 26,1325)

Saint Damase (vers 305-384) ou Saint Sirice (vers 320-399)

La décrétale Dominus inter (PL 13, 1181a-1194c), en réponse à des questions posées pas des évêques des Gaules enseigne le célibat des prêtres. La critique est hésitante quant au fait d’attribuer cette dernière à saint Sirice ou à son prédécesseur, saint Damase. Le Pape annonce d’abord qu’il va reprendre dans l’ordre les questions posées « en faisant connaître les traditions » (singulis itaque propositionibus suo ordine reddendae sunt traditiones), et en vient dans ce contexte à parler des évêques, des prêtres et des diacres, au sujet desquels, dit-il expressément, « les divines Ecritures, et pas seulement nous-même, font une obligation d’être très chastes ». Voici le texte :

« Voici ce qui a été décidé au sujet des évêques en premier lieu, mais aussi au sujet des presbytres et des diacres, qui doivent prendre part au divin sacrifice, et dont les mains confèrent la grâce du baptême et rendent présent le corps du Christ. Ce n’est pas nous seulement, mais aussi la divine Écriture, qui les contraint à être parfaitement chastes ; et les Pères également, leur ont prescrit de garder la continence corporelle. C’est pourquoi, loin de nous taire, nous en dirons aussi la raison. Avec quel sentiment de honte l’évêque ou le presbytre oserait-il prêcher la veuve ou à la vierge l’intégrité ou la continence, ou bien recommander à quelqu’un de garder chaste sa couche si lui-même s’attache engendrer des enfants pour le monde, plutôt que pour Dieu ? Adam, qui n’a pas observé le commandement, a été chassé du paradis et s’est vu priver du Royaume, et tu crois qu’un prévaricateur pourrait entrer dans le Royaume des cieux ? pourquoi Paul dit-il : « Vous n’êtes plus dans la chair, mais dans l’esprit » [Romains VIII, 9]. Et de même : « Que ceux qui ont des femmes, soient comme s’ils n’en avaient pas. » [I Corinthiens VII, 29] Serait-ce le peuple qu’il exhorte, et, faisant preuve de complaisance l’endroit des lévites et des prêtres, leur permettrait-il de faire l’œuvre de la chair, alors qu’il dit lui-même : « Ne vous souciez pas de la chair, pour en satisfaire les convoitises. » [Romains XIII, 14] Et ailleurs : « Je voudrais que tous soient comme moi-même« . [I Corinthiens VII, 7] Celui qui au service du Christ, celui qui est assis dans la chaire du maître, celui-là pourrait ne pas observer la règle du service ? A propos de ces trois degrés que nous trouvons mentionnés dans les Écritures, il est prescrit que la pureté soit gardée par les ministres de Dieu, qui peuvent, à tout moment trouver dans l’obligation, soit de conférer le baptême, soit d’offrir le sacrifice. Quelqu’un qui est impur, osera-t-il souiller ce qui est saint, alors que les choses saintes sont pour les saints ? Du reste, ceux qui offraient les sacrifices dans le temple, demeuraient toute l’année [l’auteur pensait à tort que sous l’Ancienne Alliance, les différentes classes sacerdotales officiaient dans le Temple année par année, alors qu’ils le faisaient semaine par semaine] dans l’enceinte du temple, pour être purs, conformément la règle, et ils ignoraient complètement leurs maisons. Il est certain que les idolâtres, pour célébrer leur culte impie et immoler aux démons, s’imposent la continence à l’égard de la femme et s’abstiennent également de certains aliments, afin de rester purs. Et tu me demandes si le prêtre du Dieu véritable, qui doit offrir des sacrifices spirituels, doit demeurer perpétuellement en état de pureté, ou si, tout entier dans la chair, il doit « faire ce dont se soucie la chair. » [cf. Romains XIII, 14] Si le commerce charnel est une souillure, il va de soi que le prêtre doit se tenir prêt en vue de sa fonction céleste, afin de ne pas être trouvé lui-même indigne, alors qu’il doit supplier pour les fautes d’autrui. Car s’il est dit aux laïcs : « Abstenez-vous pour un temps, afin de vaquer la prière » [I Corinthiens VII, 5] et que ceux-là se mettent au service de la créature en faisant l’œuvre de la génération, ils peuvent bien porter le nom de prêtre, mais ils n’en peuvent avoir la dignité. S’il en va ainsi, et que cette impudence persiste, il faut [ici le texte est manquant]. C’est pourquoi, mes très chers, le mystère de Dieu ne doit pas être confié à des hommes de cette sorte, « souillés et sans foi » [cf. Tite I, 15] chez qui la sainteté du corps apparaît polluée par l’impureté et l’incontinence. Je vous en avertis, poussé par le respect dû à la religion ; en effet, la saine raison également les exclut. Ils entendent, sans aucun doute, que « la chair et le sang ne posséderont pas le Royaume de Dieu, ni la corruption l’incorruptibilité » [I Corinthiens XV, 50]. » (Décrétales aux Evêques de Gaule, II, 5-6, PL 13, 1181a-1194c)

Saint Grégoire de Nysse (329-394)

« …si quelqu’un voit du pain, il voit aussi, d’une certaine manière, un corps humain, car le pain étant en lui, il le devient ; de même, dans cet autre cas, le corps dans lequel Dieu est entré, en prenant part à la nourriture du pain, était, dans une certaine mesure, le même que lui ; cette nourriture, comme nous l’avons dit, se changeant elle-même en la nature du corps. En effet, ce qui est propre à toute chair est également reconnu dans le cas de cette chair, à savoir que ce corps aussi a été entretenu par le pain ; ce corps aussi, par le séjour de Dieu le Verbe, a été transmué à la dignité de la divinité. C’est donc à juste titre que nous croyons que maintenant aussi le pain consacré par le Verbe de Dieu est changé en Corps de Dieu le Verbe. Car ce Corps était autrefois, implicitement, du pain, mais il a été consacré par l’habitation du Verbe qui a habité dans la chair. C’est pourquoi, par la même cause que celle par laquelle le pain transformé dans ce Corps a été changé en une puissance divine, un résultat semblable se produit maintenant. En effet, de même qu’en ce cas la grâce du Verbe sanctifiait le Corps, dont la substance provenait du pain et était en quelque sorte elle-même du pain, de même ici le pain, comme le dit l’Apôtre,  » est sanctifié par la Parole de Dieu et par la prière  » ; non pas qu’il progresse par le processus de la consommation jusqu’à passer dans le corps du Verbe, mais il est aussitôt changé en corps par le Verbe, comme le Verbe lui-même l’a dit :  » Ceci est mon corps « . » (Le Grand Catéchisme, XXXVII)

« Puisque toute chair se nourrit de ce qui est humide (car sans cette combinaison, notre partie terrestre ne vivrait pas), de même que nous soutenons la partie solide de notre corps par des aliments fermes et solides, de même nous complétons la partie humide par l’élément analogue ; et celui-ci, lorsqu’il est en nous, par sa faculté de se transmettre, se change en sang, et surtout si, par le vin, il reçoit la faculté de se transformer en chaleur. Puisque donc cette chair contenant Dieu a eu pour substance et pour support cette nourriture particulière aussi, et puisque le Dieu manifesté s’est infusé à cette fin dans l’humanité périssable, c’est-à-dire que, par cette communion avec la Déité, le sang a été transformé en sang. pour que, par cette communion avec la Déité, l’humanité soit en même temps déifiée, c’est dans ce but que, par la dispensation de sa grâce, il se répand dans chaque croyant par cette chair, dont la substance provient du pain et du vin, en se mêlant au corps des croyants, afin que, par cette union avec l’immortel, l’homme participe lui aussi à l’incorporation. Il donne ces dons en vertu de la bénédiction par laquelle il transforme la qualité naturelle de ces choses visibles en cette chose immortelle. » (Le Grand Catéchisme, XXXVII)

Saint Jean Chrysostome (vers 344 – 407)

« Réglons-nous donc en tout par la sagesse, et la pauvreté, loin de nous causer aucun préjudice, nous procurera les plus grands avantages, elle nous comblera de biens et de gloire. Je vous le demande: Qu’y avait-il de plus pauvre qu’Elie? mais il l’emportait sur tous les riches par cela même qu’il était pauvre, et que les vertus dont son âme était enrichie lui avaient fait embrasser par choix la pauvreté. Ce grand prophète regardait toutes les richesses de ce monde comme au-dessous de lui, comme peu dignes de la noblesse de sa nature et de la grandeur de son âme. S’il n’eût pas été dans ces principes, il ne se serait pas réduit à un seul manteau; mais comme il ne faisait aucun cas de tous les avantages frivoles de ce siècle, comme tous les monceaux d’or n’étaient à ses yeux que des amas de boue, il se contentait du plus simple vêtement. Aussi le roi d’Israël recourait-il à ce pauvre; et celui qui possédait une immense quantité d’or était jaloux de converser avec celui qui ne possédait qu’un manteau; tant ce manteau était plus éclatant que la pourpre des rois, tant la caverne du juste était plus magnifique que les palais des princes ! Aussi, lorsqu’il fut transporté dans le ciel, le Prophète ne laissa-t-il à son disciple que son manteau. Avec ce manteau, lui dit-il, j’ai combattu le prince des démons; prenez-le, et couvrez-vous-en comme d’une armure: car la pauvreté est une arme puissante, un refuge assuré, une tour inébranlable. Elisée reçut le manteau comme un riche héritage; et c’était en effet un riche héritage, plus précieux que tous les trésors ensemble. Elie dès lors exista, pour ainsi dire, doublement: il était à la fois dans le ciel et sur la terre.

Je sais que vous enviez le bonheur du juste Elisée, et que vous voudriez jouir de l’avantage dont il a hérité de son maître. Mais est-il difficile de prouver que nous tous qui participons aux mystères (1) nous avons reçu de Jésus-Christ un bien infiniment plus estimable ? Elie a laissé son manteau à son disciple; le Fils de Dieu, en montant au ciel, nous a laissé sa propre chair. Elie s’est dépouillé; Jésus-Christ a emporté avec lui ce qu’il nous laissait (2). Ainsi ne perdons pas courage, ne nous lamentons pas, ne craignons pas le malheur des ,temps; le Dieu qui, après être mort sur la croix pour nous tous, a bien voulu encore nous communiquer sa chair et son sang; que ne fera-t-il pas aujourd’hui pour notre salut? » (Homélie II au peuple d’Antioche (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. II, pag. 34, édition de Montfaucon ; col. 40 édit. de Gaume ; Les Homélies de saint Jean Chrysostome au peuple d’Antioche, trad. par Maucroix, chanoine de la cathédrale de Reims, pag. 48-49))

« Mais puisqu’il est question du corps du Seigneur, parlons aussi de celui qui fut mis en croix, cloué, de la victime du sacrifice. Si tu es corps du Christ, porte la croix, car il l’a portée ; supporte les crachats , supporte les soufflets, supporte les clous ! Tel était ce corps. Ce corps était sans péché. « Il ne fit pas de péché », est-il écrit, « et la ruse. ne fut pas trouvée dans sa bouche ». (Isaïe, LIII, 9.) Ses mains faisaient tout pour obliger ceux qui avaient besoin ; sa bouche ne proféra jamais aucune parole déplacée. On lui dit : « Tu as un démon » (Jean, VII, 28); et il ne répondit rien. Puisque nous parlons du corps , nous qui participons au corps, nous qui goûtons à ce sang, songeons que nous participons, que nous goûtons à celui qui ne diffère en rien de celui-là, à celui qui siège là-haut, qui est adoré par les anges, qui est auprès de l’incorruptible Vertu. Hélas! que de routes nous sont ouvertes pour le salut ! Il a fait de nous son corps, il nous a communiqué son corps, et rien de tout cela ne nous détourne du mal ! O ténèbres et abîme ! ô stupidité ! « Songez », est-il écrit, « aux choses du ciel, où est le Christ assis à la droite de Dieu ». (Col. III, 1, 2.) Et après cela on trouve encore des hommes qui songent à l’argent, d’autres qui se laissent séduire par les passions ! » (Homélie III sur le l’Epître aux Ephésiens, n°3 (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. XI, pag. 21, édit. de Montfaucon ; col 24, édit. de Gaume), et LXI au peuple d’Antioche)

« Déférons à Dieu en toutes choses, et gardons-nous de le contredire, quand même ce qu’on nous annoncerait de sa part nous semblerait contraire au témoignage de notre raison et de nos sens : que l’autorité de sa parole prévale en nous sur ce que notre raison ou nos sens peuvent nous rapporter. Observons aussi cette règle à l’égard des mystères, en ne nous arrêtant pas aux apparences, mais en nous attachant surtout à sa doctrine. Car sa parole ne saurait nous tromper, au lieu que nos sens sont sujets à l’erreur. Sa parole n’a jamais manqué son effet ; trop souvent au contraire nos sens se trompent. Puis donc qu’il a dit : Ceci est mon corps, obéissons et croyons, et voyons-le des yeux de notre intelligence. Car les dons que Jésus-Christ nous à apportés ne sont rien de ce qui tombe sous nos sens ; mais sous des formes sensibles, tout y est intellectuel. Ainsi, même dans le baptême, sous l’action sensible qui nous confère la grâce attachée à l’eau, se cache un effet tout spirituel, qui est notre renaissance ou le renouvellement de notre âme. Si vous étiez un pur esprit, Dieu vous eût accordé ses dons sous une forme purement spirituelle ; mais comme votre âme est unie à un corps, il vous donne les biens spirituels sous des formes sensibles. Oh combien n’y en a-t-il pas qui disent en ce moment : Je voudrais bien voir son visage, son attitude, ses vêtements, sa chaussure ! Eh bien, vous pouvez le voir, le toucher, le manger même. Vous voudriez voir ses vêtements, et voici qu’il se donne lui-même à vous, non-seulement pour que vous le voyiez, mais pour que vous le touchiez, que vous le mangiez, que vous le receviez en vous-même. . . Considérez quel honneur vous est fait, à quelle table vous êtes admis. Celui que les anges n’envisagent qu’en tremblant, qu’ils n’osent contempler en face à cause des éclairs qui s’échappent de ses regards, c’est celui-là même dont nous sommes invités à nous nourrir, à la substance duquel nous mêlons la nôtre au point de devenir un même corps et une même chair avec lui. Qui racontera les ouvres de la puissance du Seigneur, et qui pourra jamais dire toutes les louanges qui lui sont dues ? Quel est le berger qui ait jamais nourri ses brebis de sa propre substance ? Et qu’est-il besoin de parler de berger ? Il y a bien des mères qui, ayant une fois mis au monde leurs enfants, les abandonnent à des nourrices ; mais lui, bien loin de consentir à rien de semblable, il nous nourrit de son propre sang, et il n’omet aucun moyen de nous unir à lui. Voyez, il a été engendré de notre substance. Mais cela, direz-vous, ne fait rien à la généralité des hommes. Vous êtes dans l’erreur, cela touche de prés tous les hommes sans exception. Car s’il s’est unit à notre nature, il est évident q e cela nous intéresse tous ; et si cela nous intéresse tous, cela intéresse chacun de nous en particulier. Mais, répliquerez-vous, s’il en est ainsi, comment se fait-il que tous n’ont pas retiré du profit de sa venue ? La faute en est, vous répondrai-je, non à lui-même qui se proposait en cela le salut de nous tous, mais à ceux d’entre nous qui contrarient ses vues bienveillantes. Car par les sacrements, dont il est l’auteur, il s’unit à chaque fidèle ; il nourrit ainsi par lui-même ceux qu’il a engendrés, au lieu de les abandonner à d’autres, et il vous donne cette preuve de plus, que c’est votre chair même qu’il a adoptée. Ne négligeons donc rien pour répondre à tant de prévenance et d’amour. Ne voyez-vous pas avec quelle impétuosité les enfants s’approchent des mamelles de leurs mères ? avec quelle ardeur ils collent leurs lèvres sur leur sein ? Que ce ne soit pas avec moins d’empressement que nous nous approchions de cette table sacrée, que nous appliquions nos lèvre à la coupe qui contient ce breuvage céleste ; ou plutôt, que ce soit avec encore bien plus d’avidité que, comme des enfants à la mamelle, nous aspirions à ce bienfait divin ; et n’ayons pas d’autre regret, que celui de nous voir privé quelquefois de cet aliment (Cf. Homélies ou sermons de saint Jean Chrysost., trad. par P.-A de Marsilly, t. III, p557-561). » (Homélie LV au peuple d’Antioche, et LXXXIII, al. LXXXII, sur l’Evangile de saint Matthieu (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. VII, page 787-788, édit. de Montfaucon ; col 889-890, édit. de Gaume)

« Unissons donc sa chair à la nôtre dans ce festin sacré pour devenir un même corps avec lui, non pas seulement par l’affection de nos cours, mais dans la réalité même. Car telle est l’union qui s’opère en nous au moyen de l’aliment qu’il nous donne, en témoignage de son amour pour nous. C’est pour cela qu’il s’unit à nous en substance, qu’il nous rend participants de son propre corps, pour n’être qu’un avec lui, comme un corps uni à son chef. C’est à quoi Job faisait allusion, en parlant de ses serviteurs, qui lui étaient si passionnément attachés, qu’ils auraient voulu ne faire qu’une même chair avec lui : Qui nous donnera de sa chair, disaient-ils (JOB, XXXI, 31), afin que nous en soyons rassasiés ? Voilà ce qu’a fait Jésus-Christ lui-même ; pour captiver davantage notre affection, en même temps que pour nous montrer l’amour qu’il a lui-même pour nous, il nous à permis non-seulement de le voir, mais de le toucher, de nous repaître de sa substance, d’appliquer nos dents contre sa chair, de satisfaire ainsi toute l’ardeur de nos désirs… Il arrive souvent que des parents donnent leurs enfants à nourrir des étrangers ; mais moi, nous dit-il, je ne me conduis pas ainsi ; bien loin de là, je vous nourris de ma propre chair, je me mets tout entier à votre merci ; je veux vous élever tous jusqu’à moi, vous donner à tous la garantie de votre gloire future. Car celui qui se donne lui-même à nous dès ici-bas, le fera bien davantage encore dans l’autre vie. J’ai voulu me faire votre frère c’est à cause de vous que je me suis uni la chair et le sang ; je vous abandonne de nouveau cette chair et ce sang, par lesquels je me suis approprié votre nature. Ce sang nous donne de vifs traits de ressemblance avec notre divin roi, communique à nos âmes une beauté sans égale, leur imprime un éclat que rien ne peut flétrir, et les revêt d’une éternelle jeunesse. Bien différent de celui qui provient des éléments ordinaires, et qui n’arrive à cet état qu’après avoir passé par divers changements, ce sang qui nous est offert répand immédiatement la vie dans nos âmes, et les remplit de sa vertu. Reçu avec les dispositions convenables, ce sang chasse les démons et les éloigne de nous, en même temps qu’il nous concilie les anges et leur maître souverain. Car à peine ce sang divin s’est-il produit, que les démons s’enfuient et que les anges au contraire accourent. C’est ce sang qui, versé sur la croix, a lavé le monde entier de ses souillures. Voyez tout ce qu’en a dit Paul dans son épître aux Hébreux. C’est ce sang qui a purifié le sanctuaire et le Saint des saints. Si ce sang simplement figuré chez les Hébreux a eu tant de vertu, soit dans leur temple de Jérusalem, soit en Egypte aux portes de leurs maisons, combien plus ne doit-il pas en avoir dans sa vérité ! » (Homil. XLV (al. XLVI) in Joannem (Cf. Opera S. Joannis Chrysostomi, t. VIII, page 272) et LXI au peuple d’Antioche)

« Le Sacerdoce s’exerce sur la terre, mais il a son rang dans l’ordre des choses célestes: et c’est à bon droit. Car ce n’est pas un homme, ni un ange, ni un archange, ni aucune autre puissance créée, mais le divin Paraclet lui-même qui lui a marqué ce rang: c’est lui qui donne à des hommes la sublime confiance d’exercer, quoique revêtus de chair, le ministère des purs esprits. Il faut donc que le prêtre soit pur, comme s’il était dans le ciel parmi les esprits bienheureux. Quel majestueux appareil même avant la loi de grâce! Comme tout inspirait une sainte terreur! Les sonnettes, les grenades, les pierres précieuses qui brillaient sur la poitrine et sur l’éphod du Grand-Prêtre; le diadème, la tiare, la robe traînante, la lame d’or, le saint des saints, et son impénétrable solitude! Mais si l’on considère les mystères de la loi de grâce, que l’on trouvera vaine la pompe extérieure de l’ancienne loi, que l’on comprendra bien, dans ce cas particulier, la vérité de ce qui a été dit de toute cette loi en général : que ce qu’il a eu d’éclatant dans le premier ministère n’est même pas gloire, comparé à la gloire suréminente du second. (II Cor. III, 10). Quand tu vois le Seigneur immolé et étendu sur l’autel, le prêtre qui se penche sur la victime et qui prie, et tous les fidèles empourprés de ce sang précieux, crois-tu encore être parmi l,es hommes, et même sur la terre? N’es-tu pas plutôt transporté dans les cieux, et, toute pensée charnelle bannie, comme j si tu étais un pur esprit, dépouillé de la chair, ne contemples-tu pas les merveilles d’un monde supérieur? O prodige! ô bonté de Dieu! Celui qui est assis là-haut, à la droite du Père, en ce moment même se laisse prendre par les mains de tous, il se donne à qui veut le recevoir et le presser sur son coeur; voilà ce qui se passe aux regards de la foi. Ces choses le paraissent-elles mériter le mépris? Sont-elles de nature à ce que l’on puisse les regarder comme au-dessous de soi?

Veux-tu juger de l’excellence de nos saints mystères par un autre prodige. Représente-toi Elie, une foule immense debout autour de lui, et la victime étendue sur les pierres; tous les assistants dans l’attente et dans le plus profond silence, le prophète seul priant à haute voix; puis tout à coup la flamme se précipitant du ciel sur l’holocauste.

Tout cela est merveilleux, et bien propre à pénétrer l’âme de frayeur. Mais de ce spectacle passe à la célébration de nos mystères, tu y verras des choses qui excitent, qui surpassent toute admiration. Le prêtre est debout, il fait descendre non le feu, mais l’Esprit-Saint sa prière est longue : elle s’élève non pour qu’une flamme vienne d’en haut dévorer les offrandes qui sont préparées, mais pour que la grâce, descendant sur l’hostie, embrase par elle toutes les âmes, et les rende plus brillantes que l’argent épuré par le feu. Ne faudrait-il pas être privé de raison et de sens pour mépriser un mystère si redoutable? Ignores-tu que jamais une âme humaine ne supporterait le feu de ce sacrifice, mais que nous serions tous promptement anéantis sans un secours puissant de la grâce de Dieu. » (Du sacerdoce, III, 4)

« Ce qui est dans le calice c’est cela même qui a coulé de son côté sur la croix et nous y avons part… ce corps qui t’est présenté, c’est le corps même qui a été ensanglanté, qui a été percé par la lance et a laissé couler des sources salutaires, les unes de sang, les autres d’eau. Ce corps qu’il nous a donné à prendre et à manger, c’est ce corps d’un intense amour. » et ailleurs:« Le Christ est présent, le même Christ qui jadis fit dresser la table de la cène, a dressé celle-ci pour vous ; car ce n’est pas un homme qui fait que les oblats deviennent le corps et le sang du Christ, mais bien le Christ lui-même, crucifié pour nous. L’évêque est là qui le représente et prononce les paroles que vous savez, mais c’est la puissance et la grâce de Dieu qui agit. Ceci est mon corps, dit-il : cette parole transforme les oblats (touto to rhma metaruqmizei ta prokeimena) »

De plus, les liturgies de saint Jean Chrysostome, des églises arméniennes, d’Alexandrie etc. nous livrent en abondance aussi bien des formules de consécration qui signifient et produisent la conversion du pain et du vin dans le corps et le sang de Jésus-Christ ainsi que des oraisons et des prières qui demandent à Dieu que cette conversion se produise.

Théodore de Mopsueste (vers 353-428)

Il semble parler aux Évangélistes et Fondamentalistes d’aujourd’hui : « Quand Christ tendit le pain, il n’a pas dit : « ceci est le symbole de mon corps, mais « ceci est mon corps ». De même, lorsqu’il donna la coupe de son sang, il n’a pas dit : « ceci est le symbole de mon sang » mais « ceci est mon sang » car il voulait que nous regardions les [éléments eucharistiques], après la réception de la grâce et la venue du Saint-Esprit, non pas en fonction de leur état naturel, mais pour les recevoir comme ils sont : le corps et le sang de notre Seigneur. » (Homélie de Catéchèses 5 ;1)

Saint Augustin d’Hippone (354-430)

Voir notre article :

L’enseignement de saint Augustin sur la Présence Réelle

Saint Cyrille d’Alexandrie (376-444)

« La manne dont se nourrissaient les Hébreux ne leur procurait pas la vie éternelle, mais tout au plus un rassasiement momentané. Ce n’était donc pas là le pain véritable, le vrai pain venu du ciel. Au lieu que le corps sacré de Jésus-Christ nous alimente pour l’immortalité et la vie éternelle : ainsi ce divin Sauveur l’a-t-il déclaré lui-même. Mais les Hébreux ont bu de l’eau qui coulait du rocher. Eh ! quel avantage en ont-ils retirés puisqu’ils sont morts ? Cette eau n’était donc pas non plus le véritable breuvage ; mais le véritable breuvage, c’est le sang de Jésus-Christ, par la vertu duquel est ruiné dans ses fondements l’empire de la mort. Car ce sang n’est pas simplement du sang humain, mais le sang de celui qui, uni à la vie substantielle, est devenu notre vie. Ainsi donc nous sommes le corps et les membres de Jésus-Christ, parce que nous recevons le Fils de Dieu lui-même en participant à ce mystère. » (Commentaire sur Jean, IV, 16)

« Comme c’est une chose de difficile intelligence, et que nous ne pouvons guère atteindre que par la foi, il a recours à plusieurs moyens pour nous en faire sentir l’utilité, en donnant toujours la foi pour base de son enseignement. Celui, dit-il, qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et je demeure en lui. De même en effet qu’un morceau de cire fondu avec un autre se confond et s’identifie avec lui, de même celui qui reçoit le corps et le sang de Notre-Seigneur s’unit tellement à lui par une suite nécessaire de cette action, que Jésus-Christ est en lui, et que lui-même est en Jésus-Christ. Vous trouverez quelque chose de semblable dans l’Evangile de saint Matthieu : Le royaume des cieux, y a dit Notre-Seigneur (MATTH., XIII, 33), est semblable à du levain qu’une femme mêle dans trois mesures de farine. Nous dirons en son lieu ce que représente cette femme avec ses trois mesures de farine, et même ce que peut signifier cette mesure ; aujourd’hui bornons-nous à parler du levain. De même qu’un peu de levain, comme le dit saint Paul, fait lever toute une masse de pâte, ainsi ce sur quoi ont été prononcées quelques paroles de bénédiction attire à soi l’homme entier et le remplit de sa grâce ; et c’est ainsi que Jésus-Christ demeure en nous, comme nous en lui. Tant il est vrai que le levain tout entier pénètre la masse entière. » (Commentaire sur Jean, IV, 17)

« Nous ne nions pas cependant que nous ne soyons spirituellement unis à Jésus-Christ par une foi vive et une charité sincère. Mais nous nions que nous n’ayons aucun moyen de nous unir à Jésus-Christ selon la chair, et nous disons que penser ainsi ce serait contredire les divines Ecritures. Car qui oserait nier que Jésus-Christ ne soit la vraie vigne même dans ce sens, et que nous ne soyons dans ce sens aussi les branches qui reçoivent de lui la sève et la vie (JEAN, XV, 5) ? Entendez Paul vous dire que nous sommes tous un même corps en Jésus-Christ (I Cor., X, 17) ; quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes qu’une même chose en lui ; car nous participons tous à un même pain. Notre adversaire pense-t-il que nous ignorions la vertu de la bénédiction mystique ? Cette bénédiction se consommant en nous, n’est-ce pas corporellement qu’elle fait habiter Jésus-Christ en nous par le don qu’il nous fait de son propre corps ? Eh ! pourquoi les membres des fidèles sont-ils les membres de Jésus-Christ ? Ne savez-vous pas, dit encore le même apôtre (I Cor., VI, 15), que vos membres sont les membres de Jésus-Christ ? Et de ces membres de Jésus-Christ je ferais les membres d’une prostituée ? A Dieu ne plaise. Le Sauveur a dit aussi (JEAN., VI, 77) : Celui-là qui mange ma chair, et qui boit mon sang, demeure en moi, et je demeure en lui. D’où il faut conclure que Jésus-Christ n’est pas seulement en nous par la charité, mais aussi par la présence réelle de sa substance. Car de même que de la cire fondue avec d’autre cire fait un même tout avec elle, ainsi par la communication qu’il nous fait de son corps et de son sang, Jésus-Christ est en nous, et nous sommes en lui. Car notre corps, corruptible qu’il est de sa nature, ne pouvait autrement passer à l’état d’incorruptibilité, que par son union avec un corps d’une nature incorruptible. Si vous refusez de croire à ma parole, croyez du moins à celle de Jésus-Christ. En vérité, dit-il, en vérité je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’Homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour. L’entendez-vous nous dire hautement que nous n’aurons pas la vie, si nous ne buvons son sang et ne mangeons sa chair ? Il dit que sans cela nous n’aurons pas la vie en nous, c’est-à-dire en notre corps. Et par cette vie, on peut entendre à bon droit la vie corporelle : car c’est de ce genre de vie que nous ressusciterons au dernier jour. Et comment cela se fera-t-il ? C’est ce que je ne serai pas en peine d’expliquer. La chair du Fils de Dieu devenue incorruptible a des-lors la vertu de communiquer la vie ; elle ne peut donc être subjuguée par la mort. C’est pourquoi une fois identifié avec nous, elle bannit la mort de tout notre être. Car c’est toujours la chair du Fils unique de Dieu. C’est comme ne faisant qu’un avec sa chair qu’il a dit cette parole : Je le ressusciterai. Pourquoi donc notre adversaire soutient-il que ce n’est pas selon la chair que nous sommes les branches dont Jésus-Christ est le cep ? Ne peut-on pas dire avec raison que le cep c’est son humanité, et que nous sommes les branches de ce cep par communauté de nature ? Car les branches doivent être de la même nature que le cep. Ainsi est-il vrai de dire que Jésus-Christ est le cep, et que nous sommes ses branches, et quant au corps, et quant à l’âme. » (Commentaire sur Jean, X, 13)

« Considérons qu’outre l’union de consentement et de volonté, il peut y avoir union même de substances entre nous et nos frères, entre nous tous et Dieu : car quoique chacun de nous ait son individualité propre, il peut y avoir cependant entre nous cette union même corporelle. Quoique Pierre et Paul soient une même chose en Jésus-Christ, Pierre n’est pas Paul cependant. Cela posé comme les trois personnes en Dieu ont une nature commune, examinons comment il se peut faire aussi que nous soyons une même chose corporellement entre nous, et une même chose spirituellement avec Dieu. Le Fils unique de Dieu qui est engendré de la substance de son Père et qui possède la même nature avec lui, s’est fait chair suivant le langage de 1’Ecrivain sacré et s’est uni à notre nature d’une manière aussi étroite qu’elle est ineffable. Car celui qui est Dieu par nature s’est fait véritablement homme, non pas qu’il soit simplement théophore, ou possédant Dieu en lui-même par participation de ses grâces, comme le prétendent ceux qui méconnaissent la vertu de ce mystère mais aussi véritablement Dieu qu’il est véritablement homme. Ainsi a-t-il uni en lui-même deux natures si disparates ; ainsi nous a-t-il rendus participants de la nature divine. La communication, et pour parler ainsi, la cohabitation de l’esprit divin s’est consommé premièrement dans le Christ, et de lui elle a passé à nous, lorsque s’étant fait homme, il a consacré son temple par l’onction de cet esprit divin. Le principe donc de notre participation à l’esprit de Dieu, et de notre union avec Dieu, est dans le mystère (de l’incarnation) du Christ. Car c’est en lui que nous sommes tous sanctifiés. Afin donc de nous unir entre nous et avec Dieu, quelque séparés que nous soyons de corps et d’âme, il a trouvé un moyen conforme aux desseins de son Père et de sa sagesse : ce moyen c’est son corps, qui nous étant communiqué à tous à la table mystique, fait de nous tous un même corps entre nous et avec lui. Car comment croire étranger à cette union substantielle, ceux qui sont unis en un même Jésus-Christ par la communion à son même corps individuel ? En effet, si nous mangeons tous un même pain, nous devenons tous un même corps : le corps de Jésus-Christ n’admet pas de division. C’est pourquoi l’Eglise aussi est devenue le corps de Jésus-Christ en même temps que nous sommes tous ses membres, comme le dit saint Paul. Unis tous ensemble au même Jésus-Christ au moyen de son corps, en le recevant invisiblement en nous, nos membres s’adaptent à lui plus encore qu’à nous-mêmes. Or, que l’Eglise soit un corps composé de tous les fidèles comme de ses membres, et que ce corps ait le Sauveur pour chef, c’est ce que saint Paul nous fait voir par ces paroles (Eph., IV, 15-16) : Afin que pratiquant la vérité par la charité, nous croissions en toutes choses dans Jésus-Christ qui est notre chef ou notre tête ; et c’est de lui que tout le corps, dont les parties sont jointes et unies ensemble avec une si juste proportion, refait par tous les vaisseaux qui portent l’esprit et la vie, l’accroissement qu’il lui communique par la vertu de son influence, selon la mesure qui est propre à chacun des membres, afin qu’il se forme ainsi et se perfectionne par la charité. Ensuite, que cette union corporelle avec Jésus-Christ s’opère par la participation qui nous est faite de sa chair, c’est ce qu’atteste encore le même apôtre, lorsqu’il dit en parlant du mystère de la piété (Eph., III, 5-6) : (Ce mystère du Christ) qui n’a point été découvert aux enfants des hommes dans les autres temps, comme il est révélé maintenant par le Saint-Esprit à ses saints apôtres et aux prophètes, savoir, que les Gentils sont appelés au même héritage que les Juifs, qu’ils sont membres du même corps, et qu’ils ont part à la même promesse de Dieu en Jésus-Christ. Mais si nous sommes tous en Jésus-Christ un même corps entre nous, et non-seulement entre nous, mais aussi avec celui qui par sa chair vient habiter en nous, comment ne serions-nous pas tous ensemble une même chose, et entre nous, et en Jésus-Christ ? Car c’est Jésus-Christ qui est le lien de cette union, étant comme il l’est Dieu et homme tout ensemble. Mais c’est nous être assez expliqués sur l’union corporelle. » (Commentaire sur Jean, XI, 26)

« En vertu de la bénédiction mystique, le Fils de Dieu s’unit à nous corporellement comme homme, et spirituellement comme Dieu, en communiquant à notre esprit, par l’influence du sien, le principe d’une nouvelle vie et d’une sorte de participation à la nature divine. Jésus-Christ est donc le lien de notre union avec Dieu le Père puisque, en même temps qu’il nous est uni comme homme, il est uni par nature à son Père comme Dieu. Car il n’était pas possible que la nature humaine, sujette comme elle l’est à la corruption, s’élevât à un état d’immortalité, à moins qu’une nature immortelle et incorruptible ne s’abaissât jusqu’à elle, et ne la fit entrer, par son union avec elle, en participation de ses propres privilèges. Ainsi avons-nous été renouvelés et rappelés pour ainsi dire à notre union avec Dieu le Père par la médiation du Sauveur, qui est Jésus-Christ. Recevant en effet corporellement et substantiellement, comme il a été dit, le Fils de Dieu, uni par nature au Père, nous entrons en participation de sa gloire en participant ainsi à sa nature. » Commentaire sur Jean, XI, 27)

Saint Léon le Grand (vers 395-461)

« Bien-aimés, proférez cette confession de tout votre cœur et rejetez les méchants mensonges des hérétiques, afin que votre jeûne et votre aumône ne soient pas pollués par la contagion de l’erreur : car alors l’offrande du sacrifice est pure et les dons de la miséricorde sont saints, lorsque ceux qui les accomplissent comprennent ce qu’ils font. En effet, lorsque le Seigneur dit : « Si vous n’avez pas mangé la chair du Fils de l’homme et bu son sang, vous n’aurez pas la vie en vous », vous devez participer à la Sainte Table de manière à n’avoir aucun doute sur la réalité du Corps et du Sang du Christ. Car ce qui est pris dans la bouche est cru dans la Foi, et il est vain pour eux de répondre Amend qui contestent ce qui est pris. » (Sermon 91, 3)

– au début du Vème siècle : saint Macaire, écrivant en Grèce affirme :

« De même prenant le pain et le vin, il dit : Ceci est mon corps et ceci est mon sangCeci en effet n’est pas le symbole du corps, ni le symbole du sang, comme l’ont affabulé certains esprits aveugles, mais bel et bien le corps et le sang du Christ. »

Cet auteur, déjà au Ve siècle, rejette la doctrine des calvinistes.

– 431 : schisme de l’église nestorienne qui croit en la Présence Réelle.

– 451 : schisme de l’église monophysite qui croit en la Présence Réelle.

– 470 : Saint Césaire, évêque d’Arles, Père de l’Eglise, justifie cette doctrine en disant : « Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que les choses que [Dieu] a pu créer par une parole, il puisse les convertir par une parole ? ». Saint Césaire : «  Qu’un, deux [pain ou vin consacré], ou plusieurs le reçoivent, ils le reçoivent tout entier [le Christ] »

– à partir du VIIème siècle : dans la liturgie mozarabe, le prêtre dit : « Seigneur, mon Dieu, donne-moi de consommer le corps et le sang de ton Fils, Notre Seigneur Jésus Christ, afin qu’ainsi je mérite d’obtenir la rémission de tous mes péchés. »

– 831 : Saint Paschase Radbert donne de claires explications sur la Présence Réelle.

– 1050 : Bérenger de Tours qui fut dénoncé comme hérétique par de nombreux synodes romains et français (entre autre au concile de Tours), est condamné par le Pape saint Léon IX, parce qu’il niait la «Présence Réelle». Il est par la suite à nouveau condamné par les conciles de Rome et de Verceil.

– 1054 : schisme de l’église grecque dite « orthodoxe » qui croit en la Présence Réelle.

– 1079 : ce même Bérenger de Tours est contraint par un autre concile tenu à Rome à professer une formule de foi eucharistique rédigée par Humbert de Moyenmoûtier, moine bénédictin et légat pontifical. A peine était proférée la première erreur niant la Présence Réelle du Christ dans l’Eucharistie: il fut obligé de souscrire à la formule suivante :

« Moi Bérenger, je crois de cœur et je confesse par la bouche que le pain après la consécration est le vrai corps du Christ, qui est né de la Vierge Marie, qui s’est offert sur la croix pour le salut du monde, qui est assis à la droite du Père ; et le vin, le vrai sang du Christ, qui a coulé de son côté, et cela non seulement en signe et par la vertu du sacrement, mais dans la propriété de la nature et la vérité de la substance. »

Il se conduisit de façon inconstante mais finit par réintégrer sous le pape saint Grégoire VII la communion de l’Eglise et mourut en 1088 dans le sein de l’Eglise. Le cas de Bérenger de Tours montre bien que l’Eglise exigeait la croyance en la Présence Réelle déjà avant 1215.

Dans cette affaire de Bérenger, Lanfranc (vers 1010-1089) condamne cette erreur comme hérétique de la manière suivante :

« Ainsi, vous sites : l’Évangile a été prêché dans le monde entier, le monde y a cru, l’Église s’est établie, elle s’est propagée, elle a porté ses fruits mais par la suite elle s’est trompée et elle a péri à cause de l’incompétence de ses pasteurs qui ont mal interprété la vérité ; c’est seulement chez nous et chez nos adeptes que l’Église est demeurée sainte isi- bas. Mais cette prétention vaine et sacrilège, voici que la vérité de l’Évangile, l’autorité incontestable des prophètes et des saints Pères la réduit à néant. Car dans l’Évangile, le Seigneur adresse à son Église sainte cette promesse : “Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle” [Matthieu XXVIII, 20]. ce que vous croyez et affirmez à propos du corps du Christ est donc faux. » (Du corps et du sang du Seigneur, chapitre XXIII, dans PL, 150, 442)

– vers 1079 : c’est Hildebert de Lavardin, évêque du Mans puis archevêque de Tours qui fait le premier usage connu du mot « transsubstantiation » (Sermon 93 ; ML 177, 776). Comme nous venons de le voir, il n’invente pas le concept, il ne fait que mettre un nom technique sur une croyance qui existe depuis le début du Christianisme.

– au XIIème siècle : Stéphane d’Autun, mort vers 1139-1140, priait Dieu :

« pour que la nourriture des hommes devienne la nourriture des anges, à savoir que l’offrande du pain et du vin se transsubstantiatie dans le corps et le sang de Jésus. »

– en 1140 ou 1141 : Roland Bandinelli, qui fut par la suite Pape sous le nom d’Alexandre III, traite expressément de la transsubstantiation dans ses Sentences.

– entre 1150 et 1152 : Pierre Lombard, évêque de Paris dit :

« Il y a deux choses en ce sacrement ; l’une est contenue et signifiée et l’autre est signifiée sans être contenue. La chose contenue et signifiée est la chair du Christ qui est né de la Vierge Marie et son sang qui a coulé pour nous. La chose signifiée sans être contenue est l’unité de l’Eglise dans les prédestinés, les élus, les justifiés et les glorifiés. Telle est la double signification de la chair et du sang du Christ. » (IV Sent, dist. 8, n° 4)

– au XIIème ou au tout début du XIIIème siècle : saint Guillaume de Paris († 1202 ou 1203), saint patron du Danemark écrit :

« Dans la transsubstantiation rien du pain ne reste du pain en dehors de quelque chose de très nouveau et d’ultime, qui est la variété ou la forme sensible des accidents sensibles du pain. Sous la forme matérielle et visible du pain, après la bénédiction sacerdotale accomplie par le rite, est déposé sur l’autel le pain de vie et sous la forme sensible du vin, le breuvage de vie. Et nous savons que ce pain et ce breuvage de vie ne sont pas seulement le Christ même en sa divinité, mais aussi son corps qui a souffert pour nous sur la croix et son sang. » (De sacramento eucharistiae, fol. 14, col. 3)

– 1215 : le IVème concile du Latran réuni autour du Pape Innocent III, défini le dogme de la transsubstantiation comme vérité de foi à croire de manière absolue. Mais contrairement à l’argumentaire anticatholique, le concile n’invente pas cette croyance, il ne fait que définir une croyance qui existait depuis toujours dans l’Eglise.

Ces mêmes chronologies (mensongères et) anticatholiques disent que le pape Innocent III aurait institué l’adoration de l’hostie en 1220. Cette affirmation est à la fois fausse et incohérente. D’abord fausse: comme nous l’avons vu, les chrétiens adorent les espèces consacrées depuis le premier siècle (puisque c’est vraiment Dieu); et incohérent ensuite: si on croit en la Transsubstantiation, de fait on adore les espèces consacrées, donc si la croyance en la Transsubstantiation avait été inventée en 1215 (ce qui est faux), alors l’adoration de l’hostie aurait été inventée en même temps.

12 commentaires sur “L’Église primitive et la Transsubstantiation

  1. promotorpietatis
    10 Mai 2014

    Les doctrines de la transsubstantiation et de la présence réelle sont prétexte à une abomination. Le point de vue païen :
    Transsubstantiation, présence réelle et culte du pain et du vin
    http://avocatdesdieux.wordpress.com/2014/05/09/transsubstantiation-presence-reelle-et-culte-du-pain-et-du-vin/

    • L'Apôtre des protestants
      11 Mai 2014

      Promotorpietatis, je voudrais vous poser certaines questions en privé, pourriez-vous me contacter à cette adresse: nicolas.catholique@gmail.com ?

      • promotorpietatis
        14 Mai 2014

        Quelles sont vos questions ?

      • L'Apôtre des protestants
        15 Mai 2014

        Je vous les poserai par courriel. J’avais créé un compte Twitter il y a longtemps mais je ne comprends rien à son fonctionnement.

      • L'Apôtre des protestants
        16 Mai 2014

        Quoi que je vais déjà poser une question ici: défendez-vous toutes les religions païennes ou seulement un d’entre elles? Votre site semble en indiquer plusieurs mais peut être par esprit de contradiction par rapport au Christianisme…

  2. promotorpietatis
    12 Mai 2014
  3. Pingback: Le Christ dans l’Eucharistie: au sujet de la Présence Réelle | +†+Yesus Kristus azu+†+

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  6. zamant
    24 novembre 2016

    Bonjour
    Tout d’abord merci pour cet article riche. Certains protestants évangéliques avec qui j’ai pu discuter dernièrement, ne sont pas opposé à la présence réel dans le pain et le vin puisque effectivement comme vous le faite de part ce très bon article, on voit que de part l’histoire du christianisme et part la bible on arrive à démontrer que le Christ est bien présence réel dans le Saint Sacrifice. Cependant la ou j’ai eu quelques difficultés c’est d’expliquer que le prêtre et le pasteur ne sont pas pareil.

    En effet dans cette église ils font la Cène chaque dimanche (ce qui d’ailleurs rassurent les anciens catholique peux instruit qui ce sont fait attirer par un tres bon accueil notamment). Ces protestants croient, d’après eux, que Jésus est présent dans le pain et le vin dans la cène qu’ils ce font passer les uns aux autres. Par contre, visiblement, ils croient seulement que le Christ reste de manière temporaire dans les deux espèces (je ne sais pas vraiment d’où ils tiennent cela). Pour eux à partir du moment ou deux ou 3 sont réunis, le pasteur de par ses bénédictions peux faire la cène, Jésus est « présent ». Ils remettent donc en question le pouvoir du Prêtre.

    Quelle réponse puis je leur donner pour être convainquant que n’importe qui ne peux pas Célébrer la messe et s’autoproclamer « pretre » ?

    Dans les actes des apôtres on remarque que ce les anciens et ou les apôtres eux même dirigent et rompent le pain. De notre point de vu (catholique) seul la succession apostolique permet de pouvoir célébrer la messe. Comment démontrer clairement ce point de vu ?

    Merci d’avance pour vos réponses

    En Christ par Marie

    • Ressources Catholiques
      25 novembre 2016

      Bonjour Zamant,

      En fait vous avez trouvé la réponse: seuls les apôtres et les anciens pouvaient offrir l’Eucharistie. Et cela seul suffit à prouver ma thèse catholique. Le Christ donne ce pouvoir aux apôtres sans l’eut donner de condition plus précise. Je vous incite à lire l’article suivant: https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2015/09/20/le-sacerdoce-catholique-est-biblique/. Il y est démontré que seuls les apôtres et leurs délégués pouvaient rompre le pain, imposer les mains et pardonner les péchés.

      In Christo.

  7. Pingback: La transsubstantiation date-t-elle du XIIIe siècle ? – Pro veritate

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Cette entrée a été publiée le 1 Mai 2014 par dans Foi Catholique.