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Le Pape saint Grégoire VII a-t-il dit du bien de l’islam ?

Dossier sur les accusations portées contre les Papes dans l’Histoire : ici

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On dit que le Pape saint Grégoire VII a dit du bien de l’islam, en citant une phrase de sa lettre au prince musulman En-Naçir ou Anazir. Nous allons ici décortiquer cette phrase dans sa signification réelle et son contexte. Puis nous verrons quelle fut l’attitude générale de ce saint Pape envers l’islam.

Voici le plan de notre étude :

I) La signification de la phrase

A) Le texte de la phrase

B) Une erreur de traduction

C) Sa réelle signification

II) Le contexte et l’intention de saint Grégoire VII

III) L’attitude de saint Grégoire VII face à l’islam

I) La signification de la phrase

A) Le texte de la phrase

Voici les mots incriminés du Pape :

« Nous croyons et nous confessons un seul Dieu, même si nous le faisons de manières diverses, chaque jour le louant et le vénérant comme créateur des siècles et souverain de ce monde » (Lettre III, à Anazir, roi de Mauritanie, 21, PL 148, 451)

B) Une erreur de traduction

Voici l’original latin de cette phrase :

« Nos et vos […] qui unum Deum, licet diverso modo, credimur et confitemur, qui eum creatorem huius mundi quotidie laudamus et veneramur »

Les latinistes se rendront compte que la différence entre ce que le texte original dit et ce que veulent lui faire dire les anticatholiques ou les « catholiques » libéraux est de taille ! En effet, il ne s’agit pas du même Dieu, reconnu comme identique, autrement il aurait été question de « eumdem Deus ». Or il est question de « unum Deus », ce qui signifie « un seul Dieu » et non pas « le même Dieu ». Ainsi les chrétiens et les musulmans se rejoignent certes dans l’adoration d’un seul Dieu, car les musulmans sont monothéistes, mais il n’est nullement question chez saint Grégoire VII d’insinuer que les chrétiens et les musulmans honoreraient le même Dieu. Par ailleurs, le « sous une forme différente » (diverso modo) distingue bien, affirme bien l’absence d’identité.

C) Sa réelle signification

« Cette phrase du pape saint Grégoire VII signifie ceci : Chrétiens et musulmans croient, confessent, louent et vénèrent un seul Dieu, mais, dans le cas des chrétiens, cette foi et cet amour sont des vertus surnaturelles qui les font adhérer à Dieu, tandis que, pour les musulmans, il s’agit d’une vertu de religion naturelle qui les laisse comme Dieu [A moins qu’ils n’aient reçu le baptême de désir, auquel cas ils n’agissent plus en tant que musulmans mais en tant que chrétiens]. On peut donc dire en un sens que seuls les chrétiens ont ou atteignent le vrai Dieu, et que seuls l’honorent vraiment, car seuls ils sont en relation intime avec lui. » (Abbé Matthias GAUDRON, Catéchisme catholique de la crise dans l’Eglise, 6ème édition, Éditions du Sel, pp. 143-144, note de bas de page)

II) Le contexte et l’intention de saint Grégoire VII

On peut toutefois s’interroger sur cette étrange bienveillance que le Pape semble manifester envers les convictions de son interlocuteur. Pour savoir ce qu’il en est réellement, voici d’abord le texte intégral de la Lettre :

« Grégoire, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à Anazir, roi de la province de Maurétanie sitifienne, en Afrique.

Ta Noblesse nous a cette année envoyé une lettre pour que nous ordonnions évêque, selon les dispositions de la loi chrétienne, le prêtre Servandus. Ce que nous avons eu à cœur de faire, parce que ta requête nous apparaissait juste et excellente. Tu nous as aussi envoyé des présents et, par déférence envers le bienheureux Pierre, prince des Apôtres, et pour l’amour de nous, tu as renvoyé les chrétiens qui étaient retenus captifs parmi vous ; tu as également promis de renvoyer les autres captifs. C’est Dieu, créateur de toutes choses, sans qui nous ne pouvons rien faire ni même penser de bon, qui a inspiré à ton cœur cette bonne action, c’est lui, qui éclaire tout homme venant en ce monde, qui a éclairé ton esprit en cette intention. Car le Dieu tout-puissant qui veut sauver tous les hommes et n’en perdre aucun, n’apprécie en nous rien tant que l’amour du prochain après l’amour de lui et le soin de ne pas faire à autrui ce que l’on ne veut pas qui nous soit fait. Cette charité, à l’évidence, vous et nous, nous nous la devons plus expressément qu’aux autres nations, puisque nous reconnaissons et confessons, de façon il est vrai différente, le Dieu unique, que chaque jour nous louons et vénérons comme créateur des siècles et maître de ce monde. Car, ainsi que le dit l’Apôtre, “c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a fait qu’un peuple”.

Depuis qu’ils connaissent par nous cette grâce que Dieu t’a accordée, plusieurs nobles romains admirent sans réserve et célèbrent ta bonté et tes vertus. Parmi eux, deux de nos familiers, Albericus et Censius, élevés avec nous presque dès l’adolescence dans le palais romain, désirent beaucoup parvenir à ton amitié et à ton affection, et te rendre cordialement service pour ce qui te plaira de notre côté. Ils t’envoient des hommes à eux par qui tu sauras combien ils t’estiment sage et noble et combien ils veulent et peuvent te rendre service. Nous recommandons ces hommes à ta Magnificence, afin que tu apportes tout ton soin à faire preuve, à leur égard, pour l’amour de nous et pour récompenser de leur confiance ceux que nous avons nommé plus haut, de cette même charité que nous désirons toujours manifester à l’égard de toi et des tiens.

Car Dieu sait bien que nous te chérissons sincèrement pour Sa gloire et que nous désirons ton salut et ta gloire dans la vie présente et future, et de cœur et de bouche nous lui demandons qu’après un long séjour en cette vie il te conduise lui-même dans le sein de la béatitude du très saint patriarche Abraham ».

L’intégralité de la lettre nous renseigne sur les agissements du roi Anazir : il a libéré des esclaves chrétiens, a promis d’en libérer d’autres, et a même demandé au Pape de donner un Évêque aux chrétiens de son territoire.

« Ce prince berbère (En Nacir Ibn Alennas) régna sur l’ancienne province romaine de Mauritanie sitifienne de 1062 à 1088. Grégoire VII pouvait le considérer comme influencé par le christianisme de ses ancêtres, et même secrètement chrétien, car il avait envoyé des présents au pape, lui avait demandé de consacrer un évêque et avait délivré des prisonniers chrétiens, comme l’explique le début de la lettre. La lettre du Pape Grégoire VII pouvait donc avoir pour but de sonder davantage la pensée du roi, ce qui expliquerait sa tournure inhabituelle. » (Abbé Matthias GAUDRON, Catéchisme catholique de la crise dans l’Eglise, 6ème édition, Éditions du Sel, page 143, note de bas de page)

III) L’attitude de saint Grégoire VII face à l’islam

On terminera de se convaincre de l’hostilité du saint Pape envers l’islam en considérant ses autres actes la concernant.

Alain DEMURGER, médiéviste français, spécialiste de l’histoire des croisades, et des ordres religieux militaires au Moyen Âge, agrégé d’histoire, maître de conférences et maître de conférences honoraire à la Sorbonne, membre de la Société d’histoire de France, écrit :

« Dans une lettre du 7 décembre 1074 le pape se dit prêt à prendre la tête d’une armée au secours de Constantinople. Il a lancé un appel en ce sens et beaucoup ont répondu : « déjà plus de 50 000 hommes font leurs préparatifs », dit-il, désireux, si le pape les conduit, d’aller « en armes contre les ennemis de Dieu et de parvenir jusqu’au tombeau du Seigneur » (La papauté entre croisade et guerre sainte (fin XIe – début XIIIe siècle))

Jean FLORI (1936-2018), historien médiéviste, Docteur d’État ès lettres et sciences humaines, titulaire du prix Eugène Colas, récompensant l’auteur d’un ouvrage d’histoire et directeur de recherches au CNRS du Centre d’études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers, et spécialiste des XIe et XIIe siècles et des idéologies guerrières, nous en apprend beaucoup sur le sujet dans son livre Guerre sainte, jihad, croisade (Paris, Editions du Seuil,

« Dès la moitié du XIe siècle, une pensée grégorienne de reconquête chrétienne et de libération de l’Église catholique se structure. Saint Grégoire VII avait dès 1074 conçu un projet de croisade, celui-ci s’articulant comme une réponse à l’expansion de l’islam. En effet, suite à la déroute des troupes byzantines à Mantzikert en 1071, vaincues par les Turcs Seldjoukides, l’Empire byzantin perd de larges portions de la Syrie, et laisse à ces nouveaux convertis à l’Islam une porte ouverte sur l’Anatolie » (p. 231)

« Face a cette situation, saint Grégoire VII voit dans ce progrès des Turcs au détriment de la « chrétienté d’Orient » la marque de l’action du diable. Un diable acharné à la perte du camp de Dieu, le dévastant de l’intérieur par l’hérésie et la corruption des ecclésiastiques » (p. 232)

« En réaction à ces faits, la pape Grégoire va jusqu’à envisager de conduire en personne jusqu’à Jérusalem une armée de secours aux chrétiens d’Orient. Dans cette perspective, saint Grégoire VII écrit le 2 février 1074 à plusieurs princes pour leur réclamer « en service de saint Pierre » l’assistance militaire qu’ils lui doivent et qu’ils lui ont promis. Le 1er mars 1074, il revient sur ce projet dans une lettre circulaire destinée a « tous ceux qui veulent défendre la Foi chrétienne ». Le 7 décembre 1074, Grégoire réitère ses intentions dans une lettre à Henri IV du Saint-Empire, dans laquelle il évoque les souffrances des chrétiens, et informe l’empereur qu’il est prêt à marcher en personne jusqu’au Tombeau du Christ à Jérusalem, à la tête d’une armée de 50 000 hommes déjà disponible. Une semaine plus tard, saint Grégoire VII s’adresse à nouveau à tous ses fidèles pour les exhorter à venir en aide à l’Empire d’Orient et repousser les infidèles » (pp. 233-234)

Ce projet de croisade ne s’est cependant jamais réalisé sous saint Grégoire VII.

4 commentaires sur “Le Pape saint Grégoire VII a-t-il dit du bien de l’islam ?

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  2. Carlito
    11 février 2019

    Merci mes amis pour ce bel article !
    Grâce à vous je m’enrichie en histoire chrétienne !

    Bonne et sainte année ! Dieu vous bénisse !

    Carlito

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Cette entrée a été publiée le 3 février 2019 par dans Foi Catholique, Islam, Papauté.